Transcription

Cabris [-Mirabeau], Marie Louise Elisabeth, marquise de (1752-1807), Lettre à Frédéric de Sacconay, Cabris, 24 mars 1775

De Cabris ce 24 mars 1775

Combien je me reproche monsieur, d'avoir été si lontems sans vous avoir ecrit,
vos lettres sont une jouissance qui ma manqué, et je crain trop d'avoir acquit
auprès de vous la réputation de n'avoir recours à ceux qui ont bien voulu
prendre vis à vis de moy le titre damy, que dans les moments d'inquiétude, et
de crise, les négligeant ensuitte dans ceux de repos, et d'intervals, ce jugement
seroit injuste monsieur, car j'ay été plus tourmentée depuis votre derniere lettre
qu'auparavant, et peut être me suijetu auprès de vous parceque je n'osois vous
en ecrire les causes; j'attend de votre indulgence monsieur, l'oubli de mon silence,
et la continuation de votre amitié,

J'aurois été fort inquiètte de sur votre santée, ne recevant point de vos nouvelles,
si en me rendant justice je navoit pas reconu que je mérittoit bien ce silence,
j'ay relu votre derniere lettre souvent, et si je nay pas eu assé de force pour
suivre les sages avis que vous my donié, je my rassurois au moin par les
assurances de votre amitié dont elle est remplie, sur la crainte de la pe l'avoir
perdue,

j'ay fait inoculé ma fille qui s'est tiré à merveille de la petit verole et qui
depuis ce tems la, semble me doné des esperances encore mieux fondé sur son
organisation tant morale que phisique, cette opération ma tenu quelques tems à
Grasse, me voila de retour à la campagne, par le plus beau tems du monde,
et l'esprit plus calme que par le passé, enfin monsieur, je suis plus digne de
vos lettres, de vos conseils, et de votre amitié depuis quelques tems,

j'ay ecrit depuis mala derniere lettre que vous avé reçu de moy à ma soeur
trois fois, ses réponses sont amicales; mon pere me répond lontems après
avoir reçu mes lettres, et du ton le plus sévère, mon oncle ne ma point répondu
à ma lettre de compliment ecritte pour le jour de l'an, je ne sçait rien de
plus, sur les dispositions de ma famille à mon égard, je me contente de
remplir mes devoirs vis à vis deux, devoirs bien peut étendues dans ma position,

<1v> l'affaire de mr de Cabris, est pour ainsi dire finitte, et devient une affaire
d'argent, les deux prisoniers ont consenti de se dédire de tout ce qu'ils avoit
avancé, ils devienent faux témoin, et il semble qu'il ne doit plus y avoir que des
semies preuves bien légères contre mr de Cabris, aussi désiraije tout les jours que
cette affaire soit jugé, en trouvant les détails tres désagréable, et ne craignant
plus un jugement infamant, mr de Cabris paroit tranquil, a abandoné son projet
d'alé passé quelquetems en limousin, et ne s'arètte plus à d'autres qu'à vivre obscure=
ment icy toute sa vie je crois, mon parti est pris, s'il importe au bonheur et au
bien être de ma fille que je reste icy avec luy quelques années,j'y resteray lorsque cet
interest le plus prochain que j'aye deviendra muet, je me retireray dans
quelque couvent, où une vie uniforme et tranquile me dédomagera de celle
que j'auray mené dans la jeunesse et qui a été bien agitée, cest donc le tems
et les évènements qui me décideront, aujourduy je sauve le présent le mieu
que je peut, et tâche de netre tourment ny gêne pour personne,

je n'oze pas entré dans de plus grand détail monsieur, j'ignore si vous m'avé
conservé les sentiments qui mauthorisoit à me livrer à la confiance vis à
vis de vous, je désire de recevoir de vos nouvelles et vos lettres seront une
de mes plus chères jouissances et consolations dans ma solitude,

j'ay l'honeur dêtre avec le plus sincèr attachement monsieur, votre très
humble et tres obéissante servente

Mirabeau de Cabris


Enveloppe

à Monsieur
Monsieur de Saconay
à be du conseil souverain de berne
et ancien gouverneur P- LL: EE. de berne
à payerne par genève à Barsime
en Suisse Rolle
à Berne


Note

  Public

Louise de Cabris fait un grand usage des majuscules. Les éditeurs ont choisi de ne les conserver que pour les noms propres.

Etendue
intégrale
Citer comme
Cabris [-Mirabeau], Marie Louise Elisabeth, marquise de (1752-1807), Lettre à Frédéric de Sacconay, Cabris, 24 mars 1775, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/579/, version du 08.01.2025.
Remarque: nous vous recommandons pour l'impression d'utiliser le navigateur Safari.