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Lettre à Frédéric de Sacconay, Cabris, 08 novembre 1774
De Cabris ce 8 9bre 1774
Je ne puis vous dire monsieur, combien vos lettres me sont nécessaires et précieuses, je n'ose me
livrer au plaisir de vous ecrire plus souvent, j'aprehende toujours que la confiance d'une fole de vint
deux ans ne vous soit à charge, vous ne me conoissé qu'imparfaittement, cependant vos lettres me rassure,
je vous y vois, si bon, si franc, si indulgent que je suis déterminé à vous ouvrir mon coeur, vous auré
pitié de votre jeune amie, vous luy diré ce qu'elle doit faire pour vous paroitre toujours estimable, vous me
pardoneré sans doutte des foiblesses, me voyant prète à les vaincres, je comence par répondre à votre lettre
du vint quatre septembre,
Vous avé sçu sans doutte que mon frere est au chateau d'if, je respecte la main qui le punit d'une etourderie,
mais je voudrois qu'il fut vengé d'un calomniateur, cette scène fut l'effet d'un premier mouvement, ce qui
me désole, cest que mon pere a de nouveaux griefs contre moy, à qui il ne peut réproché cependant que
des confidences indiscrèttes sur mr de Villeneuve, à mon frere, confidence dont je ne pouvois pas prévoir les
suittes, il me reproche dit-on d'avoir ris, pendant cette scène, un temoin le dit il est vray, mais cest un faux
témoin qui étoit nécessaire pour me mettre en jeu, 1° je n'ay point ris, et je n'en avois nulle envie, 2° par la
position où jétois et et que les autres temoins raporte, je nétois point à porté de voir la rixe, ny mme de la
tour, avec laquelle il supose que je riois, mais cest bien assé de détail, je voudroit que mon pere voulut
me tracé ma conduitte dans ce moment, je luy ay demendé, la maison de la tour qui veut poursuivre
sa vengeance, et demendé des réparations à mr de Villeneuve pour ses calomnies, me solicitte d'agir de concert
avec eux, je ne sçait si les intentions, et les inter de mon pere et l'interest de mon frere s'acordent avec leurs
intentions, et je ne voudroit déplaire à personne, je n'ay eu d'autres resources en attendant la réponse de
mon pere, que d'alongé et retardé l'affaire le plus qu'il m'a eté possible, cette réponse n'arive point, et je
suis fort embarassé, je ne vous ay point, pour me diriger et me conseillé, je suis seule, et trop affecté pour
penser à des affaires, et être capable de choisir un partis;
depuis six mois l'affaire des affiches me causen cause de cruelles inquiétudes, quelques lueurs d'espoir mont
souvent trompé, enfin il n'y a plus d'espoir d'acomodement, à proposé, tout a eté rejetté, mr de C...
sera jugé, et ce jugement dit-on le condamnera à une absence, et à une amande, voila l'instant où
je me jetteray aux pieds de mon pere pour obtenir qu'il solicitte des lettres d'abolitions, je m'adresseray à
vous monsieur, pour joindre vos lettres aux mienes, et j'espereray tout de votre entremise,
On vous a mal dépeint le caractère de Mr de C... si l'on vous a dit que je fut maitresse de l'amener au
genre de vie qui nous conviendroit le mieux &... je n'ay pu être tranquile chez moy, qu'en semblant me
conformer à ses gouts, et je ny ay jamais dirigé même les plus petits détails, mr de C... aime à vivre
izolé et veut m'isolé de même, il a peut d'experience, un h3 caractères tacheleur, un flatteur le ruine, et il ne regrette
que les dépenses qui luy procureroit des aisances, des agréments, et une sorte de considération qu'il ne
peut point acquerir d'ailleur, etant tres égoiste, et nayant jamais conu aucunes relation dans la societé,
il est méfiant pour tout les gens francs et honête, vous senté bien que craignant les principes, et la
gêne, il doit tombé dans la mauvaise compagnie, quelque dures experiences qu'il ait faitte dans ce genre
il n'est point corigé, il voudroit contenté ce gout dans sa propre maison, je m'y opose, et j'aime mieux
vivre seule, voila nos querelles, ors cet articlece point nous somes très tranquils, je dois ajouté à cet article qu'une
<1v> phrase de votre lettre et ce qui doit suivre m'oblige détendre, que Mr de Cabr... est fort caché et s'en fait gloire,
qu'il est en même tems foible pour celuy qui sçait flatté ses gouts, indifferent sur tout principes, et sur les moeurs,
qu'il affiche cette indifference &... il a de l'esprit, et l'esprit assé juste quand il nest pas subjugué, entier
dans ses décisions, violent dans ses gouts, il nest ny méchant ny tracassié il est dans une ocasion honête
par instint capable de bons procédé même, mais tout cela est sans suitte, fort paresseux et incapable de
traitté des affaires, quil ne veut cependant confié à personne, sa malheureuse affaire a doné des droits à
tout ceux dont il a eu besoin, de la viens que je le vois entouré de mauvais sujet que ny luy ny moy
nous ne pouvons éloigné, ses affaires sont fort dérangé, il doit beaucoup, il ne se mange pas dans sa maison
deux mils sous, et vint cinq milles livres de rentes se dépense sans que je puisse sçavoir où, et sans qu'il le
sçache au bout de l'anée luy même, il m'est impossible de paré à ses inconvenients, il se cache avec soin de
moy, et tant qu'il restera dans ce païs cy, il se ruinera en enrageant, il le sent, et me le dit souvent, en
me proposant d'alé passé quelques années chez ma mere tandis qu'un préposé payera icy de ses revenues
ses dettes luy faisant tenir par an six mils francs, je sent bien que léloignement de ce païs cy est pour le
moment le seul moyen de s'arangé, vue son caractère, mais je ne veut point accepter la retraitte qu'il
me propose vu les raisons que j'ay de ménagé mon pere à cet egard, aussi ne répondaije point aux lettr
articles des lettres de ma mere concernant ce projet, et elle n'en parle plus qu'a mr de C... je ne sçait qu'y
substitué qui remplisse également ses vues et son interest réponse et conseil sur cet article s'il vous est possible
j'écrivois fort rarement à ma soeur, lorsque je luy avoit fait des questions sur ce qui nous intéressoit, elle
me répondoit avec un ton pédantesque qui m'affectoit d'autant plus, qu'il ne luy est pas naturel, et que
ce nest pas celuy qui doit reigner entre deux soeurs, vous me conseillé détablir entre nous, une corespondance
plus fréquente, je luy ay ecrit une lettre amicale, remplissant tout les objets que vous me prescrivé
j'attend sa réponse, et je la préviendray toujours dorénavant, heureuse si ma condescendance à votre premier
avis, peut m'en méritter d'autres de votre part, et si elle vous persuade de mon entiere confiance, sous vos
auspices si je pouvois regagné la tendresse de mon pere, je m'estimerois trop heureuse, ce sentiment est d'autant
moin suspect qu'il est bien désinteréssé, et que je ne recherche en sa tendresse qu'une consolation, mon sort
est décidé dans ce moment, je n'en attend plus rien; je ne profi jouiray même jamais de la douceur de
vivre avec luy, je suis éloigné de ma famille, et unie à un home qui cherche à m'en isolé, je n'ay
qu'un enfant dont la fortune sera brillante; je n'ay donc besoin de personne, mais plus je suis eloigné,
moin je suis heureuse, et plus j'ay besoin dêtre aimé et cherie de ce que je cheris le plus au monde,
j'avoue que mon coeur se révolte souvent contre l'injustice, mais le sentiment qui le domine est celuy du
respect et de la tendresse pour mon pere,
j'ay répondu à votre lettre monsieur, il me reste bien des choses à vous dire, bien des aveux à vous faire, et
j'ay besoin de votre indulgence, j'ay besoin de votre amitié, qu'elle me guide, qu'elle me conseille, qu'elle me console s'il se peut;
je feray ce que vous me prescriré je vous le promet, je vous confie mon bonheur, et celuy de ce qui mest bien cher;
unie à un home dont le caractère etoit incompatible avec le mien, qui ma regardé dès les comencements de notre
union come une gêne pour luy, et jamais come une compagne et une amie, n'ayant aucunes resources pour la
société et l'agrement de la vie dans le païs que j'habitois, sans guide, sans amy, sans adresse, sans coquetterie ny
manège, poursuivant une chimère que je n'atteignois jamais, je fus inquiètte et malheureuse trois ans et plus
par le seul besoin d'aimé et dêtre aimé, je crus au bout de ce tems avoir trouvé un amy, je me livray à
cet espoir, je fut trompé, il etoit lamy d'une feme de vint ans et point le mien, cette erreur me fit passé des
<2r> instants cruels, j'éprouvay un abandon qui me fut sensible; je tachois d'oublier ma chimère, dans le sein d'une société
douce, dans ma maison aupres de mon enfant, jétois presque tranquile, quand je rencontray un être malheureux
des suittes d'une passion qui l'avoit égaré, devenu misantrope par cette cruelle expérience cherchant a sizolé de tout
être, qu'il voyoitcroyoit tous insensibles et faux, cet home qui avoit sacrifié son état et sa reputationfortune à l'objet de sa passion,
ne songeoit plus à rien réparé, et vivoit dans une campagne, chez des parents pauvres, malheureux, que je voyois souvent.
un accident arivé à cette famille qui ne voyoit que moy m'apela chez eux plus souvent, me présenta à chaque instant
le tableau d'un jeune home sensible et soutien pour des personnes honêtes et malheureuses, ce jeune home remarquoit
en moy, la même sensibilité et les peines de nos amis calmé, il songea à me comuniqué les sienes, je lécouttay avec
la bone foy, l'interest l'indulgence ordinaire à mon age, je le consoloit, et je començois à trouvé du bonheur dans notre
liaison, quand l'affaire des affiches éclata, toutes mes sociétés, et mes amis séloignerent de moy dans ce moment, dans
la crainte de se compromettre, mon nouvel amy, et ses parents seuls avouerent leur attachement pour moy, le jeune
home sorti de la campagne où il etoit renfermé, ne quittoit point mr de C... etoit prêt à partir et à se démontré
dans toutes les ocasions, vous me conoissé monsieur, et vous pouvé jugé si les procédé sont perdues avec moy, je m'attachay
à cet être, de son coté il répondit à mes sentiments, dans une société intime et de huit mois, je l'ay trouvé dans
tout les cas toujours honête, il a des principes, il est franc, il est sensible, nous nous aimons, et il faut que nous nous
séparerions, je l'avoit retiré de ses ancienes erreurs, il songeoit à arangé ses affaires, à reprendre le service, j'esperois
que notre liaison feroit son bonheur, il est izolé, ayant perdu son pere, sa mere remarié, fait pour un sentiment
exclusif, auprès de moy il ut eté heureux et toujours honête, loin de moy je crain tout, voila mes aveux monsieur,
jusquicy vous me voyés heureuse, mais je ne le suit point, mon amy, a toutes les qualité du coeur, joint une
violence extrême, défaut de la jeunesse et d'un éducation négligé, dans notre liaison j'ay toujours sauvé les aparences,
cela ne métoit pas difficil, mon exterieur est assé froid, et l'objet le plus méprisable à mes yeux a toujours été
une feme sans moeurs; cependant j'ay eu des espions dans ma propre maison, on ne s'est pas contenté d'instruire
mr de C... de notre union, on a par des lettres anonimes averti ma belle mere, et son fils, qu'il y avoit un complot
formé dans sa propre maison pour se défaire de luy, me nomant et mon amy, à la tête, nous avons frémit à
la lecture de ses lettres, je les ay vues par ma belle mere, mr de C... les a renfermes en disant qu'il nétoit pas tems
déclatté, ce propos mas été raporté, luy me témoigne plus d'amitié et de confiance qu'auparavant, quel parti prendre
monsieur, celuy de nous séparé, de renoncer à l'amour, 1 mot biffureouy et je n'hésite pas, je suis coupable il est vray de n'avoir
pas sçu résister à un sentiment dominant que je devois redoutté, mais ce sentiment ne m'avoit jamais eloigné de
mes devoirs, je l'avois toujours sacrifié à l'interest de mr de C... quand il sétoit trouvé le contrarié, je n'ay eu pour luy
que des bons procédé, cependant monsieur, il faut tout sacrifié aujourduy, et dieu m'est témoin que ce nest ny
mon bonheur, ny ma satisfaction qui me coutte à sacrifié, mais celuy de mon amy qui n'avoit que moy et
qui va tout perdre, quoique ses affaires dussent le retenir icy jusqu'au mois de may, tems de sa majorité, je
vais le faire partir tout de suitte, il partira mais dans l'espoir de revenir dans peut de tems, il faut que je le trompe,
je prévois que la bombe crevera un jour, que mr de C... s'expliquera, et je veut même l'y forcer, persuadé que
la franchise sera respecté par luy, d'ailleur que peut-il me réproché mais pour prendre ce partis, il me
faut éloigné mon amy, et d'ailleur pour luy même ce partis et est nécessaire, il est violent, irité, il conoit ses
enemis, tant qu'il sera auprès de moy nous serons sans force l'un et l'autre, séparé nous je seray plus maitresse de moy;
il doit partir pour lion, permettré vous monsieur, qu'il vous porte une lettre de ma part, daigneré vous le
protégé, le soutenir, le dirigé dans la cariere qu'il faut qu'il embrasse court à l'avenir, il a la tête active, il a
besoin dêtre ocupé, mais dêtre dirigé dans le choix de ses ocupations, combien vous luy inspireré de confiance, de
respect, vous seré content de luy je l'espere, je sent combien ce que je vous demende est indiscret, mais vous ête
bon, et ce jeune home est malheureux, et sans soutien, il est honête, il a des resources, et vous ête mon amy;
<2v> il a de la naissance, assé de bien pour vivre indépendant, mais je voudrois le sçavoir heureux, si je n'avois qu'une
intrigue à abandoné, qu'une inclination qu'un gout foible à vaincre, ah cela me seroit aisé mais je vous l'avoue,
cest une forte passion qu'il me faut dominé, ce sont des liens cheries qu'il faut rompre, cest un espoir de bonheur,
qu'il me faut sacrifier, et à qui? je le sent monsieur, si j'estimois moin mon amy, et si vous n'aviés pas accepté de
ma part ce titre, je céderois à l'amour, et je n'obéirois qu'à luy, mais je veux être digne de votre estime, et je
le seray, ouy quoiqu'il puisse arivé, j'attendray votre réponse avec la plus vive impatience, mon amy ne
partira que quand j'auray reçu votre avis, je le prévois, mais que je seray heureuse si je vous trouve toujours le
même, si en me conoissant votre amitié ne diminue point, et si je puis en quittant ce qui mest le plus cher
au monde je luy sçait luy sçavoir un soutien un amy, je vous avoue que jéprouve des inquiètudes cruelles, je suis
malheureuse, combattue, foible, je veux être honête, mais il m'en coutera beaucoup, je ne puis rien ajouté à
cette lettre mon coeur est content de sêtre ouvert à vous, mais sa playe est si nouvelle qu'il saigne de cette confidence,
je tremble sur votre réponse, et je ne sçait pourquoi, je tremble frémit du parti que je prend en l'aprouvant, adieu
monsieur, pardon de vous ocupé si lontems de moy, une autre fois que je seray plus libre, je vous témoigneray
toute ma reconoissance, et le sincèr attachement avec lequel j'ay l'honeur dêtre v. tr. h. e. t. o. s.
M. de C.
je reçois dans le moment une réponse de mon pere, le ton du mécontentement y reigne toujours,
mais il m'indique l'home auquel je doit m'adressé pour dirigé mes demarches dans l'affaire de
mon frere, je me conformeray à ses intentions, combien je souffre chaque fois que je reçois de ses
lettres, ce ton est cruel pour moy, et m'aflige