Transcription

Cabris [-Mirabeau], Marie Louise Elisabeth, marquise de (1752-1807), Lettre à Frédéric de Sacconay, Cabris, 13 septembre 1774

de Cabris ce 13 7bre 1774

Il y a bien du tems monsieur, que jaurois dû et désiré vous écrire, mais une affaire malheu=
reuse qui ma doné beaucoup de lettres à écrire, et depuis, un dérangement et déplacement mont
ocupé continuellement, et ce nest que depuis deux jours que je suis un peut tranquile, je profitte de
ses premiers instants pour vous témoigné ma reconoissance et mon sincèr attachement, est-il bien vray que
j'aye été asses heureuse pour vous inspiré quelqu'interest et quelque estime, coment se peut-il que dans
des moments de troubles, d'abandon, et ou mon esprit étoit dans un combat continuel avec mon coeur
j'ay pu vous paroitre digne de quelque sentiments, cest un bonheur que je ne pouvois point esperé
et huit jours de confiance m'auroit-ils doné le droit de vous regardé et de vous parlé come à un
amy, votre lettre me le persuade, la pitié vous a intéressé en ma faveur, combien cette pitié mest
chère, et je n'ay pas trop souffert, puisque mes peines devoit m'attirer ce sentiment de votre part,
il semble monsieur, que vous craigniés que votre franchise ne méloigne et me déplaise, je
respecte et chéri cette franchise, elle a des droits sûrs sur moy, et elle me captivera dans tout les
tems, et ma divinité, et mon plus grand malheur as été de trop étendre cette franchise, et de croire
que cette qualité étoit en tout les homes come en vous,

je devois à ma propre satisfaction, et aux bonté que vous m'avé témoigné, le récit de l'affaire
qui ma ocupé et qui surement cause dans ce moment bien des inquiétudes à mon pere, la premiere
raison de mon silence a cet égard, fut, que j'avois promi le secret sur une affaire qui sans l'indiscrétion
de l'interessé nu pu jamais nous causers des inquiétudes, cette raison ne subsistant plus, celle que
jay eu l'honeur de vous exposer au comencement de cette lettre luy ont succédé, j'aurois lieu de
craindre qu'on nu pu vous prévenir sur cette affaire, et je vous prie de permettre que pa un détail
abrégé je vous la fasse conoitre, mon frere au comencement d'aoust rompit son ban pour
venir terminer une affaire entre deux amis, affaire où il crut sa présence nécessaire, cet objet le
menoit chez mr le mis de Villeneuve tourrettes à quatre lieux de grasse où il faloit qu'il passa
pour se rendre chez son amy, une vélléité de souvenir pour moy qui cependant était brouillé
depuis deux ans avec luy, pour des raisons que vous n'ignoré point, le porta à m'envoyé son
<1v> domestique pour l'informé sans le nomé si je serois chez moy, seule, toute la semaine, ses questions me
parurent extraordinaire et dès lors suspectes, j'insistay pour conoitre le maitre, on me noma mr de
Mirabeau, cette course me parut imprudente, hazardé, je sçavoit son beau pere dans ce canton cy, je
me figuray que quelques nouvelles sottises causoit cette course. je crû voir sa perte, j'oubliay ses tords
envers moy et je volay dans l'espoir de gagner sur luy qu'il reparti tout de suitte, j'alois monté
à cheval au moment où le domestique ariva, au lieu de suivre mon proj premier projet, je dis au
domestique que son maitre me trouverois dans son chemin, et qu'il pouvoit partir tout de suitte, nous
nous menquâmes dans notre route, je revins chez moy avec les mêmes inquiétudes j'envoyay un
home sûr le lendemain pour m'informer des affaires qui l'avoit amené il me fit dire qu'il me veroit
le lendemain, je craignois qu'il ne fut conu icy, à grasse où il avoit passé quelques jours il y a deux ans je le
fis arivé de nuit, et son voyage étoit ignoré, il fut incomodé dans la nuit, et me demenda la
journée du lendemain, je la refusay dabord vu le danger que ce séjour luy feroit courir, il insista
je ne trouvay d'autres moyens, que de le faire partir le matin pour une campagne à une lieu de
grasse, campagne apartenante à des gens respectables et avec lesquels je vis en société depuis lontems,
ce parti fut accepté, à la campagne le  lendema etant avec luy et mes amis, nous parlames de l'affaire
des affiches, des partis qu'elle avoit causé, d'un gentil'home voisin parent de mr de Cabris qui avois eté
le boutefeu dans cette affaire, et sétoit déchainé personellement contre moy, quoiqu'il nu rien au jeu,
ce récit parut faire peut d'impression sur mde Mirabeau, avec lequel jétois dans ce moment fort
froidement et politiquement, d'ailleurs il ny avoit aucunes aparence que cet home dont l'habitation
est à demie lieu de là, du et pu sy trouver, au moment où nous partions de cette campagne
cet home parut, mon frere malgré tout nos efforts courut apres luy, et après luy avoir parlé de sens
froid quelques instants luy dona et reçu des coups de points de pieds &... le neveu de mon amie
que j'avois envoyé pour l'areter fut témoin de cette scène, sans sans s'en mêler, l'adversaire de mon frere
apela des païsants en témoins, mon frere nous rejoignit et je le fit partir, désolé de cette aventure,
notre espoir etoit cependant qu'il n'auroit point été conu, il ne létoit point en effet, mais il eut
l'imprudence de se nomé dans la routte, et son voyage fut prouvé, son adversaire a présenté requête
a suposé un complot pour l'assassiner entre mr de Mirabeau, mon amie (feme de cinquante ans), et
son neveu et moy, les témoins nont prouvé qu'une simple rixe de gentil'home à gentil'home, cepen=
dant un juge gagné a décrétté de prise de corp mon frere, dassigné mon amie et moy, qui n'avons
pu ny voir ny entendre ce qui s'est passé, et d'ajournement le neveu de mon amie, cette procédure
<2r> m'a afligé et etoné, j'ay averti mr de Mirabeau, envoyé les détails du tout à son beau pere, au
mis de Tourrette, et au bignon à mon pere, et à ma belle soeur, qui partit aussitot cette affaire pour
prendre les ordres de mon pere, je ne sçait point encore quelles seront les suittes de cette malheureuse
affaire, mr de Mirabeau sera sans doutte puni pour son étourderie, mais son adversaire est assurement
un lâche calomniateur, j'attends avec impatience les premieres lettres de mon pere, je luy ay fait
le détail le plus vray et le plus circonstancié, je n'ay d'autres tords dans cette affaire que d'avoir dit
vivement à mr de Mirabeau que j'avois à me pleindre d'un tel... mais pouvoije prévoir les suittes
de cette imprudence, j'espere que cela se calmera, d'autant plus aisément que l'honeur n'est nullement
compromi dans cette affaire, elle ne m'inquiètte que par les peines qu'elle va causer à mon pere car
quand à des soupçons la procédure elle même prouve que les imputations de l'adv du plaignant à
mon egard et à celuy de mon amie, est sont calomnieuse et atroce, voila ce qui ma beaucoup occupé
monsieur, actuellement je n'ay rien a faire, et je suis venue me retirer icy avec ma famille,
l'affaire de mr de Cabris s'acomodera j'espere, mes inquiétudes ne sont pas venue des craintes des suittes
quand à la punition, autant que du bruit qui se feroit à cette ocasion, et de l'opinion publique, je
comence à esperé qu'une faute comise a vint ans, se réparera par une bone conduitte soutenue, et je
suis beaucoup plus tranquile, je doit peut être a cet etat à votre lettre monsieur, mr de Cabris a eté
décretté d'ajournement, j'espere que cela n'ira pas plus loin, j'auray l'honeur de vous faire part de ce
qui se passera puisque vous avé la bonté de vous y intéressé,

je ne puis trop vous témoigner ma reconoissance pour les offres obligeante que vous me faitte, mon plus
grand plaisir sans contredit seroit d'avoir quelqu'ocasions de vous voir, mais je dois être icy, et je ne puis
vivre avec mes amis qu'en leur ecrivant, et pensant haut avec eux par lettres, ce qui est une liaison toujours
bien imparfaitte, mais la raison adoucit cette peine, et je me trouve fort bien de votre recette.

Ma fille se porte beaucoup mieux je suis bien sensible a l'interest que vous me témoigné à cet egard, les
liens qui m'unissent à elle sont ceux dont j'ay goutté jusqu'icy le plus vivement les douceurs sans quelles
fussent mêlé d'amertume, les devoirs que ses liens m'imposent sont ceux que je cheris le plus, ceux qui
seront les plus sûrs dans tout les tems, contre les sottises qu'une ou une tête vive et un coeur sensible pouroit
m'entrainer, indépendament donc du mouvement et sentiment machinal qui nous rend nos enfants précieus intéressan,
la raison, l'honêteté, tout me fait envisagé cette enfant come le bien le plus nécessaire et le plus précieux,
l'entousiasme qui est le déffaut de mon caractère, s'est presque toujours porté pour mon bonheur, sur
des sentiments doux et naturels, et sur des projets honête, sans cela combien jus été malheureuse, ma
fille présente une pâture à cet entousiasme

<2v> il me reste à vous répondre sur l'article de votre lettre concernant les deux êtres que j'aime et que je
respecte presqu'également, combien vous avé mis de clarté dans mes idés, combien vous avé détruit en
moy de sentiments pénible par cette phrase, ce nest pas par les règles ordinaires et les conjectures dont nous
jugeons ceux avec lesquels nous avons à vivre qu'il doit être jugé
je le crois, come vous monsieur,
et j'en conviens lêtre supérieur ne doit point être jugé par le vulgaire qui exagère d'autant plus ses
déffauts et ses et ses foibles, qu'il est incapable de reconoitre les qualites qui les separent, et de l'égaler dans ses
qualités, d'ailleur un home de genie peut-il être esclave des préjugé, et il faut lêtre pour réussir dans les
sociétes peut-il regarder avec la même conséquence les petits raports qui font toute l'existence de
l'home médiocre, je dit donc come vous monsieur, mon pere a des vertus des qualites qui le mettent au
dessus du jugement des homes ordinaire, il ne doit l'êtreêtre jugé que par un amy tel que vous, j'ay cheri mon pere
depuis que je respire, son nom a toujours fait naitre en moy ce sentiment démulation qui dans ces autre
position ut pu mener à tout, je me suis milles fois glorifié d'un tel peres, mais pourquoi le sort nous
at-il séparé il mut pu rendre digne dêtre sa fille, il ut pu me cherir et être heureux par moy, je
suis eloigné, je suis malheureuse, et isolé, toujours coupable à ses yeux, voila mes regrets et je les
emporteray au tombeau, ce nest pas que je m'exagère les désagréments de ma position, eloigné de mon pere
elle ne pouvoit pas être plus heureuse, mais je regrette et je regretteray toujours cet eloignement, il semble
que vous m'ayé soupçoné de traitter de dureté sa conduitte avec mon frere, helas je le sçait plus que
luy sans doutte combien ce jeune home avoit besoin dêtre retenu dans la jeunesse, et de nêtre point su
en vue jusqu'a l'instant où l'experience et l'esprit cacheront au public ce que la vivacité et l'inconséquence
de l'age dévoileroit à chaque instant aujourduy, je n'ajoute rien à ce que en réponse à ceque
vous me ditte à cet egard, vous avé la bonté de m'assuré que je n'ay point besoin d'apologiste
auprès de vous, je l'espere quand à ce point, et vous êtes trop bon juge pour ne pas apercevoir la bone
foy où elle est, permetté qu'apres avoir ramené mes idés au votres sur tout les points de votre lettre
je discutte un peut un de ses articles qui m'intéresse et que je doit discutter, il est vray que le respect
et l'attachement peuvent m'avoir aveuglé surdans le jugement que j'ay porté sur le second être dont
vous me parlé, cependant je l'ay examiné de bien pres et à par moy j'ay jugé autant qu'il dependait
aper apartenoit à mon peut de sens, j'ay trouvé tout les défauts de tête possible, déffaut qu'un
philosophe atribueroit peut être à un vice de l'organisation, et que pour moy jatribuois au
défaut d'habitude de refléchir et de se vaincre, une tête qui a toujours cédé à ses premiers mouvemens,
à ses premieres idées sans les aprofondir, est à cinquante ans une tête peut sûre, voila ce que
j'ay vu ou cru voir, mais ce que j'ay vu assurement cest un coeur noble genéreux et sensible,
susceptible de toutes impressions honête, et rejettant toujours ce qui ne l'est point des moeurs
simples, et la bone foy de ses moeurs, j'ay passé cinq mois avec cet être, je n'étois plus dans l'age
où on ne s'aperçoit encore de rien, jétois prévenue, j'osois examiné de pres, et je n'ay rien vû que
<3r> des sentiments honêtes pour des personnes honêtes, je doit rendre cette justice à une personne qu'on a je
crois jugé legerement, et condané de même, les aparences sont souvent contr'elle je l'avoue, c'est encore un
déffaut de la tête, mais qui la conoitra l'aimera, l'estimera, et elle intéressera ses enfants, voila mes
vrais sentiments monsieur, j'espere que rien ne les fera varié ma conduitte n'en sera pas moin, soumise,
respectueuse et tendre envers mon pere toute ma vie,

je dois à votre amitié un conte exact de ma conduitte, de mes projets, &... sans vous faire d'excuse
sur la longueur de ma lettre qui seroit fastidieux pour un home moins indulgent que vous, je me
livre au plaisir de vous comuniqué mes idées, de vous prié de les réformers, et de daigné me soutenir
par vos lettres, je n'ay dans ce païs que des amis dangereux le caractère générique du Provençal est la
fausseté, d'ailleur à vint an, on n'a point d'amis, et la recherche suivi de cet être de raison, égaré
souvent à cet age, que peut-il donc m'arivé de plus heureux que dêtre éveillé pour ainsie dire par des
lettres ou l'indulgence, la franchise, la raison, reigne, vos lettres monsieur, me font une impression fort
vive, elles font naitre des idées que j'aplique à ma position et qui me serve, elles force mon caractere
par et ma tête paresseuse à s'ocuper et à pensé, je m'examine sur votre lettre, je promets à votre lettre,
et l'amitié d'un protestant vaut bien mieux pour moy et est un sermon bien plus sûr que les plus beaux
discours des catholiques dont je suis entouré

depuis deux mois, je fut avertie par mr de Cabris qu'on cherchoit à me perdre dans son esprit, il m'en
avertissoit, semblant méprisé ses discours, mais y ajoutant foy souvent des conseils intéressés et qui ne pouvoit
pas me trompé aussi facilement que mon mari 1° parceque n'étant point intéressé je voyois sofin du mot dommage
2° parce que j'ay peut être le caractère moin facil que luy, cherchoit a méloigné, à me perdre 1 mot dommage
mon premier mouvement me portoit à cédé la place et à attendre quon me rapela, un bon corvefin du mot dommage
le tems m'a persuadé de ceder en aparence, et de me rassurer par ma conduitte sur les suittes, je suis
donc venu m'enfermer icy avec mr de Cabris, bien décidé a faire plier mon caractère, et a m'assuré son
estime pour l'avenir, j'espere que cette résolution tiendra, et que je réussiray, je ne vois personne icy, je
m'occupe auprès de ma fille, à la lecture, bien plus agréablement encore, à ecrire à un amy, à scavoir
ses lettres, ses avis, quel est cet home que j'ose apelé mon amy, il ne tiendra qu'a vous monsieur,
de multiplier ce dernier plaisir, autant que lécriture ne vous fatiguera pas daigné madresser vos
réflections, elles me consoleront, elles me fortifieront, &... je vous avoue que sans aucun gout pour
les plaisirs bruyants que je n'ay ny conu ny recherché sans aucuns des besoins qui puisse se satisfaire
seulement dans une société nombreuse, j'ay eu des sacrifices à faire, un cercle racourci dami métoit cher,
à la vile ils me venoit cherché, icy le gout de mr de Cabris pour la solitude les éloignes, souvent mon
coeur se révolte, j'eprouve des peines des combats, l'ocupation est mon arme déffensive, je ne peux encore
vous dire, mon parti est pris, mais je puis vous assuré que j'ay bonnes intentions et bone volonté, mils
pardon monsieur, pour le volume, et le stile de cette lettre j'abuse de votre bonté et de votre indulgence
mais coment pouroije résister au désir de me livrer à la confiance que vous m'inspiré jusqua ce que
vous me disié qu'elle vous est à charge, j'ay l'honeur dêtre monsieur avec les sentiments du plus vif attachement

vre tès he et tès obte ste

Mirabeau de Cabris


Enveloppe

à Monsieur
Monsieur Saconay
par genêve
A barsime  en Suisse


Note

  Public

Louise de Cabris fait un grand usage des majuscules. Les éditeurs ont choisi de ne les conserver que pour les noms propres.

Etendue
intégrale
Citer comme
Cabris [-Mirabeau], Marie Louise Elisabeth, marquise de (1752-1807), Lettre à Frédéric de Sacconay, Cabris, 13 septembre 1774, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/577/, version du 08.01.2025.
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