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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 20 mai 1738
de paris ce 20 may 1738
il y quelque temps mon cher fréderic que je te
dois une rèponce, et quoy que je ne sois que dans
le cas de represailles, je lme rcrois dans un cas acte
d'hostilité, mon affaire de naples sera recommande
par le prince corsiny, et je suis actuellement
dans des circonstances qui m'empéchent non
seulement dy aller mais mème de presser beaucoup
la négotiation, mais mon cher amy je croirois
avoir a me reprocher si vous étiès des derniers
a aprendre quelque chose qui me touche d'aussy
près, jépouse Melle de nesle, cest comme
vous scavès une des plus illustres maisons du
royaume, elle est alliée a toute la cour qui sen
fait honneur, cousine de Me de maurepas, et de
mr le comte de st florentin, cest une grande
fille bien faite, qui va auprès de ma mère, chose
rare dans les filles de ce paÿs cy, lon la dit du
<1v> meilleur caractére du monde, et je l'avois ouy dire
avant qu'on y pensat pour moy, ses soeurs ont eté
elevées a la cour mais elle n'a jamais voulu aller
ny chex Madame de mazarin ny chex Me de
lesdiguières, qui vouloient la prendre comme ses
soeurs, disant que la cour nest point la place
d'une fille, sa soeur Me de mailly qui est
maitresse du roy, laime uniquement, elle aura
deux cent mille francs, et a des espèrances
immenses, car si la petite de durfort enfant de
trois ans venoit a mourir, touts les biens de la
maison de mazarin sont substitués a son ainée
Me de mailly qui depuis quinze ans de mariage
n'a point d'enfants, et n'en peut avoir et ensuitte
a elle, et vous scavès ce que cest que ces biens la
indèpendammant d'autres choses qui seroient trop
longues a vous détailler, outre cela il a aparance
que dans la suitte elle sera dame du palais, mais
jusques la elle va demeurer auprès de ma mère
vous voyès mon cher amy que jay suivi vos leçons
et ay taché de me retourner du coté de la faveur
jay prèfère cela a de gros biens que jaurois pu
trouver dans ce paÿs cy qui mauroient dabort oblige
a lever très chèrement une maison icy, et qui dans
deux générations auroient eté partagés a des cadets
au lieu que dans nos biens les cadets n'emportent
rien, et puis dans le grand il ny a rien a
<2r> perdre, quoyque chex vous l'on soit plus peu
attentif a ce qui se passe icy, cepandant je vo
comme cest ce qu'il y a de plus en vue je vous prie
de n'en pas parler jusques a ce que je vous laye
mandé public adieu cher fredèric, je souhaite
avoir votre aprobation, nestimant rien tant que
votre amitié et scachant que l'un entraine l'autre
mes respects a tout ce qui t'appartient