Transcription

Société du comte de la Lippe, « Assemblée LIV. Lecture d'un extrait du "Spectateur" sur la nature de l'âme à l'occasion des rêves », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 23 mai 1744, vol. 2, p. 233-240

LIV Assemblée

Du 23e May 1744. Présens Messieurs De Bochat Lieute=
nant Ballival, Seigneux Bourguemaistre, Seigneux Boursier, Seigneux
/p. 234/ Assesseur, Baron De Caussade, DuLignon, De St Germain Conseiller, De Cheseaux
fils, Cuentz. Conseiller D’Etat de la République de St Gall, Garcin Docteur.

Messieurs, Vous vous entretintes dans la dernière SociétéDiscours de Monsieur le Comte.
de l’utilité des Voiages, et des précautions que l’on doit prendre pour en
tirer du profit.

Le Discours que vous lutes marque deux buts qu’on doit se propo=
ser dans les Voiages; Le 1er c’est d’examiner les mœurs et les coutu=
mes des autres Peuples, de les comparer avec les nôtres, d’adopter ce
qu’il a de bon et de laisser le mauvais; Pour cela il faut connoitre
les coutumes et les Loix de son propre Païs, avant que de chercher
à connoitre celles des autres.

Un autre but, c’est de comparer ce que les Anciens nous ont ra=
porté des différens Païs, avec ce que nous en voions, et de remarquer
le raport qu’il y a entre la Copie et l’original. C’est là un agréable
exercice pour l’esprit: Mais cela sert encor à nous faire faire ré=
flexion sur la fragilité des choses humaines, lorsque nous considérons
les ruines des Palais et des Villes, dont les Historiens nous ont fait
de si belles descriptions. Cela peut aussi nous remplir d’ardeur pour imi=
ter les grands Hommes dont l’Histoire nous parle, lorsque nous voions
les lieux ou ils ont fait quelque action fameuse, et ou ils ont signalé
leur Vertu.

De tout cela l’Auteur conclut que les Voiages doivent servir de
Cloture à l’éducation de la Jeunesse, et que commencer par là, c’est
Renverser l’ordre des choses.

Vous m’avez fait comprendre, Moniseur De Bochat, qu’on fait malà Mr le Lieutenant Ballival De Bochat.
de faire voiager les jeunes Gens, avant que d’avoir jetté dans leur esprit
de solides fondemens de toutes les Sciences auxquelles ils doivent s’appli=
quer dans la suite, parce-qu’alors aiant un but fixe, ils y raporteront
aisément tout ce qui pourra le perfectionner.

Un honnête homme, m’avez vous dit ensuite, doit raporter toutes
ses actions à l’utilité de sa Patrie; pour cela il doit en étudier les
mœurs, les Loix, et les coutumes, et dans tous ses voiages il doit les
comparer avec ce qu’il trouve établi dans les autres Païs, afin que
étant de retour chez lui il reforme les abus, et ce qu’il y a de mau=
vais dans tous ces établissemens.

Que pour cela il ne faut voiager que tard, lorsque l’Esprit a
aquis de la maturité, et qu’on a le jugement formé. Que si l’on
voiage jeune, on perd beaucoup de tems, on prend le gout de la
Dissipation, et on n’aimera à fréquenter que des jeunes gens, avec
qui il n’y a rien de bon à apprendre. Vous avez confirmé toutes
/p. 235/ ces réflexions par l’expérience que vous en avez fait. Tout le monde
serait heureux s’il voiageait dans les mêmes vues que vous, Monsieur,
et qu’il remportât de ses voiages autant de profit que vous en avez
remporté.

Vous m’avez dit, Monsieur D’Apples, qu’il est dangereux de voiagera Mr le professeur D’Apples.
trop tôt, parce qu’un jeune Homme dont l’esprit et le cœur ne sont pas
encore formés pourroit aisément se laisser corrompre et entrainer
par les compagnies qu’il verra; que pour éviter cet inconvénient, il faut
voiager avec un Gouverneur habile et voiager tard.

Vous m’avez averti, Monsieur DeCaussade, d’un défaut dans lequela Mr le baron DeCaussade.
tombent les personnes qui voiagent, et vous m’en avez bien fait sentir
le ridicule, c’est de fréquenter presque uniquement ceux de sa Nation
que l’on rencontre dans les Païs étrangers : parce que par là on perdra
beaucoup de tems, et qu’on ne s’instruit point de ce qu’il y a de curieux
dans les lieux ou l’on est.

Vous m’avez dit, Monsieur DeCheseaux, qu’en voiageant on courta Mr DeCheseaux fils.
de grands risques pour les mœurs; parcequ’on a beaucoup de liberté, qu’on
se lie avec des personnes, avantque de connoitre leur caractère dont la
malice nous corrompt, sans que nous nous en apercevions, qu’ainsi
quand on voiage il faut prendre de grandes précautions.

a Mr DuLignon.Monsieur DuLignon vous m’avez appris que quand on est en voi=
age, il faut se lier avec les personnes du Païs ou l’on est, et que par
leur commerce on apprendra bien des choses utiles, ou quelque usage, dont
l’ignorance pourroit avoir de facheuses suites pour nous.

Vous avez ajouté à toutes ces réflexions, Monsieur l’Assesseur, qu’ila Mr l’Assesseur Seigneux.
faut voiager tard si l’on a soin de sa réputation, et lorsque l’on a appris
tout ce que l’on peut apprendre; parce que si l’on manque de connoissan=
ces et que l’on soit peu formé, on donnera une idée désavantageuse
de soi dans les Païs ou l’on va, et on portera sa curiosité sur des objets
qui ne la méritent point. Au lieu qu’étant solidement éclairé, on aquer=
ra sans peine la politesse et les manières du Monde; on perfectionnera
son gout et ses connoissances, on ne s’attachera qu’à ce qui mérite de
nous occuper, et lorqu’on reviendra dans sa Patrie on previendra tout
le Monde en sa faveur, et on s’attirera une estime et une amitié
générale.

XXVIe Discours du Ve Tome du Spectateur, ou Réflexions sur la nature de l’Ame à l’occasion des Réves, sujet de la Conférence.On a lu le Discours XXVI Du Ve Tome du Spectateur pour fai=
re le sujet de la Conférence. Ce Discours a pour titre, Réflexions
sur la nature de l’Ame à l’occasion des Rèves
; On trouvera un
petit Abrégé de ce Discours dans la recapitulation que Monsieur le
Comte a fait de cette Conférence à la société suivante.
/p. 236/ La matière que le Spectateur traite dans ce Discours est difficile
Sentiment de Mr Cuentz Conseiller d’Etatje rapporte l’opinion de Monsieur le Conseiller Cuentz, et je ne m’atten=
dois pas à dire mon sentiment devant cette respectable Assemblée,
cependant puisque Monsieur le Comte me fait l’honneur de me de=
mander mon avis, je dirai ce que je pense. L’Ame a deux propriétés
l’une, le sentiment de soi même et de son existence: l’autre de compa=
rer le passé avec le présent, et les différens objets les uns avec les au=
tres, je ne puis concevoir que l’Ame ait ces deux proritétés, et qu’elle
les exerce dans les rèves. Mr Locke a remarqué que les mêmes opé=
rations de l’Ame qu’elle a exercé dans le jour, se rapellent dans les
songes, d’où il conclut que les rèves ne sont qu’une habitude et un
pur méchanisme; et je souscris à cette idée.

Sentiment de Mr le Bourgemaistre Seigneux.La matière est curieuse, a dit Monsieur le Bourguemaistre Sei=
gneux, mais il est difficile de donner des règles de la manière dont se for=
ment les Songes, cela ne peut être connu que par l’expérience de chacun
en particulier, et cette expérience peut être différente. Dans le Sommeil
profond on ne rève point; dans un sommeil léger, (il parle par expérien=
ce,) on a des idées vives; et une grande facilité à les exprimer, mais quel=
que facilité qu’on ait, il n’a jamais éprouvé qu’on parle des langues étran=
gères. Il croit au reste que les réflexions que l’Auteur fait là dessus, sa=
voir que les Songes prouvent la perfection de l’Ame, que ces réflexions, dis-je,
sont hasardées, et qu’on ne peut fonder aucun Systhème là dessus.

J’ai cherché ci-devant avec soin en étudiant le Droit Naturel, si l’onSentiment de Mr le Lieutenant Ballival DeBochat.
pouvoit imputer à quelcun les choses que l’on foit en songe; Pour décider
cette question, il faudroit savoir quelle part a la volonté dans ces actions.
Pour cela il faudrait il faudrait savoir quelle partie dort en nous, si c’est
le corps, ou si c’est l’Ame, il faudrait savoir ce que c’est que le sommeil.
Pour m’éclaircir sur cette question je m’adresse à un Medecin dont la
Profession est de connoitre l’oeconomie animale; il me parle d’esprits
animaux arrêtés, du cerveau qui est pressé etc, après toutes ces belles ex=
plications je n’ai pas plus de lumière qu’auparavant. Je vais ensuite
chez un Métaphysicien, gens qui savent tout, il me fait à la vérité de
beaux raisonnemens sur la nature de l’Ame, mais il ne m’éclairait point
en quoi consiste cette fine colle qui lie l’Ame avec le Corps, qui les
rend réciproquement dépendans l’un de l’autre: bref je n’appris rien
qui éclarcit ma question. Je consulte encore un Théologien, qui me
dit qu’il faut bien que l’Ame soit différente du Corps, puisque l’Ame
reçoit des impressions pendant le Sommeil, que par conséquent il n’y
a que le corps qui dorme. Mais avant que de m’expliquer quelle par=
tie de moi même dort, dites moi ce que c’est que dormir, après quoi je
/p. 237] pourrai savoir la part que j’ai aux actions que je fais durant le som=
meil; j’ai plus fait j’ai lu de gros volumes, et de toutes mes recherches je
n’ai rien appris.

Je compare ce qui arrive dans le sommeil à ce qui arrive dans
une fièvre chaude, la volonté n’y a aucune part. Les idées que l’on a
dans le sommeil sont passablement suivies, cependant il y a quelques
sauts, et au réveil il ne reste rien. Cela vient donc de l’agitation des
liqueurs et du mouvement des organes. Cette agitation passée on revient
à des idées plus saines, on compare le passé et le présent.

Pendant que je demeurois à Bâle j’eus une grande fièvre qui m’em=
pécha de dormir continuellement, il me paroissoit qu’il y avoit devant
moi une personne sur une escarpolette qui me passoit et repassoit sans
cesse devant les yeux, cette idée m’inquiétoit, il me sembloit qu’on me fai=
soit un affront, pendant 24 jours et 24 nuits cette idée ne me quitta
point, je conjurois ceux qui étoient auprès de moi de me délivrer de cette
persécution et d’obtenir de la personne qui étoit sur l’escarpolette de
s’arrêter et de ne me donner plus d’inquiétude, j’emploiois plusieurs langues
pour gagner ceux à qui je m’adressois, mais sans rien obtenir. Mr Ro=
ques, Pasteur de Bâle vint me trouver, et me parla en Théologien pour
m’oter cette idée de l’esprit, il n’obtint rien; enfin par les sueurs cela pas=
sa. Qui m’avoit mis cette idée dans l’esprit ? J’ai réfléchi souvent ou
était alors mon Ame?

Je ne revoque pas en doute les songes inspirés, mais je ne les crois
que parcequ’ils sont révélés, je ne crois pas que ces songes extraordinaires
et merveilleux qu’on trouve dans l’Histoire. Si l’on examinoit les songes de
prédiction dont parlent les Historiens, selon les régles d’une exacte Critique
on trouveroit que le plus grand nombre ont été faits après coup. On
peut encor faire une observation, c’est qu’ils ne sont point précis, et
qu’ils peuvent également convenir au pour et au contre. On ne peut
donc ni s’en réjouir, ni s’en attrister. Ils viennent donc du hazard
non qu’ils arrivent sans cause, car il faut une cause à tout; mais
j’ignore cette cause. Comme rien ne peut avoir plus d’influence dans ces
événemens que le corps, je les attribue au Corps.

L’Auteur croit a dit Monsieur De Cheseaux que l’Ame est plusSentiment de Mr DeCheseaux le fils.
dégagée du corps dans le sommeil que dans la veille, mais c’est ce
qu’il ne prouve pas. Dans le sommeil l’Ame ne forme que des Desirs
involontaires, jamais elle ne fait de raisonnement suivi, elle ne forme
point de desseins qui aient une suite. L’Auteur croit qu’on compose
dans le sommeil, mais on se trompe; au moins j’ai éprouvé que quand
j’ai cru avoir fait quelque chose de beau, j’ai trouvé à mon réveil que
/p. 238/ je m’étois fait illusion. Les Songes viennent des organes intérieurs qui
sont dans le cerveau, et qui sont en mouvement. Chaque passion peut avoir
le sien particulier, il peut y en avoir de la joie, de la tristesse etc: ils peu=
vent être mis en mouvement par des causes intérieures, par le mouvement
des esprits animaux; ils peuvent aussi être ébranlés par une suite de
sensations.

Je n’ai pas fait l’expérience de ce que le Spectateur dit dans sonSentiment de Mr le Boursier Seigneux.
Discours sur la nature et la qualité des Songes, c’est le sentiment de
Monsieur le Boursier Seigneux que je raporte; mais si une personne de
probité m’assuroit qu’il a eu des Songes suivis, ou tels que le dit le Spec=
tateur, je ne pourrois pas douter de la Spiritualité de l’Ame; au moins
j’en aurois une présomption des plus fortes. On ne peut juger de la
nature des Songes que par notre expérience, ou par la nature du som=
meil, ou par le raport des autres. Par son expérience, on éprouve que
les Songes ne sont pas suivis; on forme des projets, on fait des actions
contraires à son naturel, ou à ses principes, on n’en peut donc tirer au=
cune conséquence pour l’indépendance de l’Ame. Les Songes ne sont
donc pas des opérations de l’Ame indépendans du Corps, mais ils vien=
nent des alimens qu’on a pris, des circonstances ou l’on s’est rencontré,
du travail qu’on a fait. Tout cela fait voir que les Songes sont mécha=
niques. Ce qui prouveroit la spiritualité de l’Ame dans les songes ce se=
roit l’exercice de l’Imagination, mais pour que cette preuve fut demons=
trative, il faudroit connoitre comment l’Imagination est mise en jeu.

Pour le raisonnement on ne l’emploie point dans les rèves.
Par raport à la nature du Sommeil, nous ne la connoissons point,
ainsi elle ne peut point éclaircir ce qu’il faut penser des songes. Enfin
pour ce qui regarde l’experience des autres, j’avouerai franchement
que je regarde comme suspects les Songes dont nous parlent les Histo=
riens, de même que la plupart de ceux dont nous entendons faire le
récit.

Quoique Saumaise rapporte le Songe d’un Soldat qui avoit entenduSentiment de Mr le Conseiller De St Germain.
quelques mots Grecs qui l’exhortoient à fuir le lieu ou il étoit cou=
ché s’il voulait éviter la mort, ce Songe et d’autres, a dit Monsieur
le Conseiller De St Germain, ne confirment point ma foi aux songes.
Les Songes ne m’aprenent pas non plus quelle est la nature de mon
Ame; dans les rèves, l’Ame varie dans Ses principes, elle n’a point
d’idée de la mesure des tems, ni de la distance des lieux. Ses operations
pendant le Sommeil sont donc beaucoup plus imparfaites que pen=
dant la veille; ce qui prouve la dépendance du corps. Je n’ai pas com=
pris la preuve de l’immatérialité de l’Ame, que donne le Spectateur
/p. 239/ tirée des Songes; ils prouveroient plutot sa matérialité, puisqu’ils vari=
ent ensuite des alimens qu’on a pris, du travail qu’on a fait etc. L’Auteur
parle d’un homme qui pouvoit composer en songe des pieces de théatre, les jouer, en
sentir les beautés, etc quoiqu’il ne put rien faire de semblable pendant
la veille; ce trait est tiré du Livre intitulé Religio Medici: quelque ha=
bile que soit cet Auteur, je n’ajouterai pas aisément foi à ce qu’il récite
sur ce sujet. Au reste je trouve cette matière peu utile et peu intéres=
sante.

Monsieur le Baron De Caussade n’a rien voulu ajouter.Mr le Baron De Caussade.
Sentiment de Mr Le Docteur Garcin.Monsieur Garcin a dit que le Cerveau est un organe qui est com=
me un miroir destiné à représenter à l’Ame les objets. Suivant que
cet organe est affecté différemment, l’Ame aperçoit des idées ou des sensa=
tions différentes. Les rèves viennent des alimens qu’on a pris, de la circu=
lations différentes. Les rèves viennent des alimens qu’on a pris, de la circu=
lation plus violente du sang et des autres liqueurs, & d’une plus grande
quantité des esprits animaux, que celle que nous avons à l’ordinaire.
Ces esprits sont imperceptibles, fort vifs, ils agitent le cerveau, ils en é=
branlent les fibres, ils réveillent les impressions qui s’y sont formées,
et par là font renaitre dans l’Ame les idées qu’elle a déjà éprouvé, qu’el=
le a déjà eu dans la contemplation, car dans le rêve l’Ame ne fait que
sentir, elle est dans un état passif: les rèves ne sont donc qu’un pur
méchanisme. La mémoire vient de même de l’état du cerveau. J’ai
vu à Vevai Me Michel, qui aiant dans une maladie le cerveau fort
échauffé, avoit considérablement augmenté sa mémoire: et lorsque par
la cessation des accès de sa maladie, ou par sa guérison entiére, elle ve=
noit à prendre plus de tranquillité; sa mémoire se rallentissoit, et lors=
qu’elle fut guérie, elle n’eut qu’une mémoire très courte et très foible,
comme elle l’avoit eu avant sa maladie. L’Ame sent donc les repré=
sentations que lui fait le cerveau, car la matière n’a point de sentiment,
et c’est ainsi que se forment les idées.

Le Spectateur se propose, a dit Monsieur l’Assesseur Seigneux, deSentiment de Mr l’Assesseur Seigneux.
prouver l’excellence de l’Ame par la vue de ses fonctions dans le sommeil;
Je me souviens que j’ai fait beaucoup de belles choses dans le sommeil, vers,
pièces d’éloquence, si tout cela donne de grandes idées de l’Ame, il faut avou=
er aussi que les songes extravagans, qui sont les plus ordinaires en don=
nent une idée bien humiliante. Si l’idée de l’Auteur était vraie, il
s’ensuivrait que nous serions coupables de ce que nous faisons dans
le sommeil, puisque ce que nous faisons alors dépend moins du corps
au lieu que ce que nous laissons en veillant est souvent occasionné
par le corps. Cependant les Casuistes n’ont pas décidé qu’on dût ré=
pondre de ces actions. Tout cela bien examiné je crois que les songes
/p. 240/ ne sont, comme on l’a dit, qu’un pur méchanisme, causé par le mou=
vement des esprits animaux, qui présentent à l’Ame divers objets avec
rapidité; de sorte qu’il en est des opérations de l’Ame alors, comme d’un
tableau qu’on passeroit rapidement devant mes yeux, et dont par con=
séquent nous n’aurions qu’une idée confuse. Jamais l’Ame n’a des
idées métaphysiques dans les Songes. D’où je concluds que bien loin
de prouver par les songes l’immatérialité de l’Ame, on pourroit plu=
tôt prouver par là le contraire. L’Auteur prétend que le corps étant
endormi, l’Ame est plus libre, et que les opérations qu’elle produit
ne peuvent venir que d’elle même; mais tout le corps de dort pas,
le sang est encor en mouvement, et c’est ce mouvement qui pro=
duit les changemens dans le cerveau et les rèves.

Je pense; a dit Monsieur Du Lignon, comme ces Messieures quiSentiment de Mr Du Lignon.
ont déjà opiné, que les Songes sont un pur méchanisme; que l’Ame
dans les Songes dépend moins du corps, mais qu’elle en dépend pour=
tant, et qu’elle n’opère alors même que par son moien. Ainsi elle n’est
pas plus libre alors que dans la veille, qu’aucontraire elle l’est beau=
coup moins. Ainsi les Songes ne peuvent point nous découvrir la
nature, ni l’excellence de l’Ame, comme le prétend le Spectateur.

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Citer comme
Société du comte de la Lippe, « Assemblée LIV. Lecture d'un extrait du "Spectateur" sur la nature de l'âme à l'occasion des rêves », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 23 mai 1744, vol. 2, p. 233-240, cote BCUL 2S 1386/2. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/496/, version du 24.06.2013.
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