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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 19 avril 1738
de paris ce 19e avril 1738
les regiments sont donnès mon cher frédèric, et je nay
rien, et ce qu'il y a de plus dur pour moy, cest que je
ne dis qua toy et que je te prie de garder cest que
jay eté pendant plus de trois semaines sur la liste
pour un règiment d'infanterie, et que nous avons
etè effacés quatre pour en mettre quatre autres
dans le temps que le roy mettoit ses bons, me voila
plus reculé que jamais car aprèsent il n'en vaquera
que quelqu'un de temps en temps et les gens de
ce paÿs cy les emporteront dans le temps que je
serviray, tu juges bien que cecy m'attache encore
davantage a mes projets de dehors voicy lexplication
que tu me demande
il faut ne nommer personne et présenter cela sous
la figure que je te lay donné dans ma derniere
lettre, et surtout ne demander que la protection
les motifs pour lobtenir sont le bien de la
chretienneté, et qu'au moins cela ne scauroit
<1v> nuire, les motifs qui me font craindre pour la reussite
mais qu'il ne faut que connoitre et non pas citer
sont l'avidité des espagnols, celle des hommes en
genéral qui ne songeant pas a une chose l'ont touts
en vue dèsque quelqu'un y pense, que la lampedouse
isle dans les mèmes mers que malte a autrefois
dèpendu comm'elle des rois de sicile et qu'enfin il y
a un prince sicilien qui en porte le titre, voila les
difficultès, mais enfin comm'on fait son lit on se
couche, je ny veux dèpendre de personne, fais leur
toujours présenter la chose comme je tay dit qu'un
seigneur françois voulant courir sur les infidèles
avec des maltois a résolu de prendre lisle de la
lampedouse, isle déserte pres des cotes de barbarie
pour retraite, et qu'il de mande la protection du roy
de sicile comme du prince chretien le plus voisin, et d'un
prince connu par 2 caractères écriture, un compliment, sur cela nous
les verrons venir, il faut que cela soit secret comme
tu dois juger, quelqu'un me mande qu'il fera agir
le prince corsini, mais va toujours ton chemin
quand aux autres dètails ils ne sont pas nècessaires
pour ce paÿs la, je te les feray quand nous
<2r> aurons obtenu, ce sont des détails dexécution
tu es bien heureux de mener des dames a la comedie
pour moy avec un air de fermeté au dedans, je broye
du noir dans le fond, et je brule de désir de leur
faire voir un jour qu'ils ont perdu quelqu'un en
ne voulant pas de moy adieu cher frèderic
faites moy toujours rèponce, car celle que je viens
de recevoir ècrite a profit en sert a deux très
longues de moy
