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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 06 avril 1738
de paris ce 6e avril 1738
je reponds mon cher frèdèric a votre lettre du 31
du mois passé que je viens de recevoir, jay pour
vous une véritable amitié et il y a longtemps,
et vous devès m'avoir assès connu pour scavoir que
rien ne vient en moy plus difficilement que ce
sentiment, jay souvent estimé longtemps avant
d'avoir de l'amitié, quand aux preuves ou vous
prètendès étre en arriere, je nay rien a dire sinon
que je vous dois la vie, jen aurois fait autant
a votre place, mais ce sont de ces occasions qui
se rencontrent rarement, et qu'un bon coeur
noublie jamais
vous sçavès qu'alutrefois en amour je vous conseillois
du manège pour réussir et que je ne vous conseillois
pas mal, mais comme ce a quoy vous tendés
maintenant doit étre fondè sur de toutes autres
principes, je vous donneray un conseil différent,
qui est de vous laisser voir sans affectation
<1v> tel que vous etes, je vous connois assès pour scavoir
que cela ne peut vous nuire, et dailleurs cest que
l'affaire faite il y faut revenir a son caractère
qui paroit bien ètrange quand on l'a déguisé, dailleurs
si elle est raisonnable, elle sentira que la fable
du hèron est faite pour une fille qui attend trop
longtemps pour choisir, que si létat du mariage
nous est quelque fois nécéssaire il est indispensable
a son sexe, et qu'enfin elle ne scauroit mieux
trouver que vous par les qualités personnelles, si
dai enfin elle est capable de se prendre a quelque
clinquant, vous ne ferès pas grande perte
quand le roy sest livré a mr le cardinal, il a éte
persuadè qu'il ne vouloit que sa gloire et le bien
de létat en effet lon n'a jamais vu ministére
plus doux plus tranquille et moins fastueux, ce quil
peut avoir fait de mal cest par incapacité, et non
par malice, il va maintenant touts les jours chex
luy suçer ses principes et surement il luy dira de
gouverner par luy mème, cela change peu pour sa
peine, les ministres seulement en deviennent plus
puissants comme du temps des louvois et des seignelay
mais l'on a au moins cette ombre de liberté
<2r> que lo3 mots dommagendre a son maitre des tortjusqu'à la fin de la ligne dommage
vous fo2 mots dommageieu qu'un premier ministre ajusqu'à la fin de la ligne dommage
tout, si c3 caractères dommage venoit comm dans cet ordre je suis sjusqu'à la fin de la ligne dommage
bonne volonté du notre, quand a mes espérances elles sont
comme celles de bien d'autres fort minces mais eux
ne s'en vantent, ils me font des compliments et
ce sera tout, dans le fond ils voyent bien que je
vaux mieux que la pluspart de ceux qu'ils feront
mais ils ne peuvent resister a la sollicitation, qui est
ce dont je ne les accable pas, le ministre a voulu voir
des journaux de campagne et dautres ouvrages de
sur la theorie de notre mètier que jay fait, il les
a eu tels qu'ils etoient car je ne me suis pas donne
la peine de les copier et d'en oter ce qu'il pouvoit y
avoir de trop sincère, car je veux qu'ils me connoissent
tel que je suis n'ayant pas d'envie de me jamais
déguiser avec eux
mon projet de la lamped... me tient bien autrement
au coeur, les rèponces sont longues a avoir de provence
icy, si vous avés quelque chose a me mander au sujet
de naples vous me ferés plaisir
adieu mon cher frédèric un de mes chagrins est de
n'etre pas longtemps a portée de vous voir car le
régiment s'en va a bayonne cepandant je ne scay
si j'yray sitost dans ces quartiers la adieu mes
respects a toute la case et mes compliments a mr de chabot
lostende est toujours le meme il me garda un sac de cent
pistoles qui luy passa par les mains, a moy je n'en ay pu tirer
encore que quinze louis et je ne le puis voir, jay vu d'ovet a
versailles il cest un très aimable, nointel est toujours bon garçon