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Lettre à Frédéric de Sacconay, Mirabeau, 25 novembre 1737
de mirabeau ce 25e 9bre 1737
cest mon coeur qui parle avec vous moncher
saconay, je n'ay que cela de bon, mais il l'est
surement, ce nest pas assés pour la société.
je sens aussy que je manque de ce coté la
mais, dans lintime amitié, quand cette qualité
est parfaitement connue cela doit faire passer
bien des choses, pour moy, il y a longtemps
que je vous regarde, comme un parfait amy
et comme totalement séparé, de la clique
a qui nous donnons ordinairement ce nom
je les aime touts, mais je ne conte que sur
vous, je ferois tout pour la plupart, mais
je serois avec eux, moy meme l'objet de mon
propre bienfait, au lieu que je me mettrois
au feu pour vous, sans aucun retour vers
moy méme
ce que vous dites sur létat de geneve est
a merveille, cest la la façon de penser de
<1v> notre ministre, je conviens quelle est bien fondée
mais supposons le ambitieux, genève est une
place suffisamment fortifiée par l'art et par
la nature, qui vous met par un endroit tout
ouvert dans le plus beau paÿs de la suisse
et dans les etats de savoye. vous en etes le
maitre, par lsa foiblesse il est vray, mais enfin
cet etat peut, safermir que scait on il ne faut
qu'un homme, un avoyé de berne jeune, peut
semer de nouveau la zizanie, faire demander
par une troupe de mutins, qui trouveront leur
intérest particulier, au changement de maitres,
non pas de devenir un quatorzieme canton
comm'ils l'ont fait autrefois, mais de se
remettre sous la puissance du canton de berne
lon dore cela de privileges, quelques droits
de bourgoisie, quelqu'autre chose de cette
espèce enfin les voila bernois, nous n'avons
pas a craindre alors par ce coté la une
offensive, mais enfin cest un voisin, qui ne
recule plus, sans mettre en mouvement tout
un peuple immense, ce seroit bien pis si le
roy de sardaigne, prince dans la famille
duquel la plus fine politique est hereditaire
venoit a y mordre, pour celuy la il ny a pas
d'aparance, mais enfin, jen reviens la le morceau
<2r> est bon et excellent pour nous. les bienfaits a des
républiques, sont des sottises, apeine avons nous eu
affermis les hollandois, qu'ils les ont tournés, contre
nous, voyés vous je me suppose envoyé a la place
de mr de lautrec, qui en france est un petit saint,
hors que l'on ne m'eut bridé par des ordres absolus, je
mitonnerois les principaux, dans un grand etat
leur dirois je, eloignés du soleil les moindres charges
ont plus d'authorité et de considération, que n'en
ont dans votre chaumière, les principaux gens
d'affaire d'une populace inconstante, dailleurs un
grand roy a mille façons de recompenser, les
services d'une certaine importance, voyés les
glinglins en alsace et les boiseaus en franche
comté, ils sont et seront toujours, les premiers
dans leur province par leurs charges et les
bienfaits du roy, vous etes protestant continuerois
je, ainsy, lon ne scauroit recompenser votre famille
par des benéfices, mais le roy, vous fera, ou preteur
ou bourguemestre, ou autre, avec tant de pension
cela sera continué a votre famille, pourvu
dailleurs que vous soyiés totalement livré aux
vues de la couronne, et quelles sont elles après
tout la conservation d'un peuple qui devient son
sujet, lintérest particulier, marche toujours avant
le public mon cher saconay, et peu tiendroient a
pareille proposition, alors lon concerte une émotion,
la populace, instrument et victime, de cette
affaire, porte son insolence au point quelle oblige
<2v> les principaux, avec lesquels je déplore les
malheurs de l'anarchie, a entrer dans mes vues
lon négotie, liberté de conscience, ou mème inter=
diction de toute autre religion, la garnison, doit
entendre la messe sur un bastion, franchise
d'impots, majistrats, fumée, enfin tout ce qu'on
voudra, pourvu que jentre, et qu'il paroisse
que cest par un traité volontaire, me voila de
reste a l'abry, des reproches d'usurpations, et puis
quand jy suis le roy est le maitre, voila mon cher
ce que je ferois et ce que nous devrions faire, nous
ne le faisons, pas, si l'on remet les choses dans leur
premier etat ce ne sera qu'une paire platrée, mais
si vous m'en croyiés messieurs de berne, vous feries
ce que je viens de dire, mais me dirès vous peut
etre, geneve est fortifiée, et nous qui sommes les
plus grands amateurs de la liberté ne voulons
pas introduire dans notre paÿs l'usage des forteresses,
eh bien messieurs prenés les toujours, ces fortifications
nécessaires aux genevois contre un voisin ambitieux,
quand ils faisoient eux mémes leur propre force
vous deviendroient inutiles, quittes pour les faire
raser, enfin jen reviens la. si jetois bernois, et
avois des parents et des amis a genéve je le
proposerois a un avoyer, quand ce ne seroit
que pour me faire, remarquer de luy comm'un
jeune homme capable de quelque chose...
mais il est temps que je méveille jay assès, révé
politique, frillon me croira fou, mais il m'en a
<3r> depuis le début de la ligne dommageé bien d'autres
depuis le début de la ligne dommage vous etes mon cher, cest tampis pour peu 3 caractères dommageque
ne vous prendra pas au mot, je mets méme a par2 caractères dommage
les qualités personnelles, autant que jay compris
dans votre paÿs il peut y avoir de grands partis
pour vous, mais ils ne scauroient trouver mieux
la brigue fait tout dans ce paÿs cy a la cour, et surtout pour
ce que je demande. bien de plus hupés que moy du moins
en apparance, se detournent a droit ou a gauche dans la
gendarmerie, maison du roy et autres, pour moy jay
mon objet, je veux etre a la tette dun corps et jay le
temps d'attendre
il ne faut pas sept heures pour passer de provence
en corse par le bon vent mais le passage est absolument
impraticable maintenant, il est maintenant fixé au
mois de janvier, je ne scay si je gagneray
je parts, meine a besançon. mon dernier frére qui na
que treize ans et qui est dans le régiment du roy, et lautre
a paris, celuy la est bien un de ces hommes heureusement
tombé dans létat ou son talent le demandoit, il na que
vint ans, et a fait douze ou quinze campagne de mer
soit sur les vaisseaux de malte, soit sur les notres ou nos
galéres, enfin il passe pour un des bons marins de la
méditteranée, dont la navigation est sans contredit plus
difficile que celle de la grande mer, dailleurs d'une figure
trés avantageuse, mais dans ce temps cy il ny a nulle
fortune a faire, je pensay me casser le cou derniérement
un cheval sabatit sous moy me lança sur le pavé en voulant
se relever, me passa dessus et mécrasa tout le visage
j'en suis quitte maintenant, sans cela je serois deja a
Paris, je vous manderay mon adresse desque jy seray
mes compliments a d'ovet, et mes respects a qui de droit