Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Mirabeau, 04 août 1737

de mirabeau ce 4e aoust 1737

je reçois dans le moment mon tres cher fréderic
votre lettre du 30 du mois de juin qui m'a suivi
a la piste par tout le monde, et comme elle
etoit moins assurée de son chemin que moy elle
est arrivée plus tard

rien nest en méme temps si fou et si sage que
mon amitié pour vous fou par son excés, et
sage par son objet. je crois vous avoir écrit
aprés la mort de mon pére si je ne l'ay pas fait
cest que jay eté accablé de réponses a faire
mais en vérite un de mes premiers objets dans
ma douleur a eté vous, lon sent son coeur dans
ces occasions là et l'on y retrouve ceux qui l'occupent
Mon pere avoit toutes les qualités qui font un
héros de gloire et de probité, et pas une de celles
qu'il faut au citoyen que cette méme probité, un
fonds de gloire trop rude méme pour des anciens
romains luy a fait manquer trois occasion de
fortune indépendammant de celle ou son rang
<1v> et sa réputation a la guerre lauroient mené
sans qu'il s'en mélat, syl neut voulu des prédilections
qu'il suffit ordinairement de mériter pour navoir
pas. il etoit dans sa retraite, considéré de la cour
et respecté de la province, d'ailleurs ne vivant
que pour ses enfents, mais enfin nous ferons
touts le méme chemin, il me reste une mére
que tout le monde avoue etre lexemple de la femme
forte, et deux freres qui auront avec moy
ces exemples joints a ceux, d'une longue et
recommandable suite d'ayeux, qui ne se sont jamais
dementis cest adire touts des diables, mais d'une
probité et d'une union singuliere, au point que
jamais cadets nont légitimés dans la maison
lon ne regarde pas ces choses la pour en tirer
la plus piétre vanité du monde, mais des
exemples, vous etes a méme de scavoir par
expérience si cela est utile

quand au bien mon pere me laisse trente mille
livres de rante dont vint et un en fonds de
terres et deuxcent mille francs de bons contrats
sur cela jay a payer environ deux mille
francs a chacun de mes fréres et cinq mille
francs a ma mére si elle se séparoit de moy
mais comme il ny a pas d'aparance cela ne
doit pas se conter ma mére avoit l'usufruit
<2r> de mon bien jusques a vint et ci ce que jeusse
vint et cinq ans, mais comme les partisans
demandoient de gros droits pour cet usufruit
elle demandoit de g sen est départie en ma
faveur, vous comprenés bien que cela revient
au méme, l'ainé de mes fréres sert sur les galéres
service fort long, il est dune figure peu comune
et ne sera pas embarassé a se placer, je
mets le cadet qui na que treize ans dans le
régiment du roy. quand a moy l'on macable
de propositions de mariage et surtout de la cour
simaginant que puisque je m'atache au service
jachéteray de ma liberté une espérance
davancement je ne vous détailleray point mes
sentiments sur toutes ces choses, ils sont pour
ainsi dire dans la téte de ma mére dont je
suivray toujours les volontés persuadé que cest
la mon meilleur party, indépendammant
meme qde ce qu'on doit a la nature

vous ne scauries vous plaindre de ma confiance
mon cher, je voudrois bien que l'envie vous prit
de voir un paÿs aussi rare que la provence
vous seriés bien icy, notre sentime régiment
sera cet hyver an franche comté mais je serai
a paris

<2v> adieu encore un coup adieu mes respets trés
humbles a Me et Mesdemoiselles de saconay
et soyés persuadé que je ne changeray jamais
mes sentiments pour vous

mirabeau

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Mirabeau, 04 août 1737, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/36/, version du 21.05.2013.
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