Transcription

de paris le 20 janvier 1774

je réponds mon cher amy a votre lettre du 13 du courant. j'en ay
reçu précédemment une qui m'annonçoit votre départ de bursinel
mais comme elle ne disoit que votre inquiétude de n'avoir pas de vos mes
nouvelles, et que je scavois une lettre en chemin je ny ay pas repondu.

je m'etois absenté pour rendre les choses égales entre quelqu'un qui me
voulant faire un procès fort absurde qui peut le perdre se sert de ce prétexte
pour éluder un compromis volontaire et apuyé de l'authorité qui le tenoit
dans son canton, et moy; comme aussy pour mettre ma famille et mes
amis dans le cas de réclamer lexécution promise. on a réduit le tout en
négotiation et mes plus intimes m'ayant mandé que personne ny voyoit
aussy clair que moy mème, je suis revenu au lieu de fuir comme je l'avois
fortement résolu, pour n'etre pas témoin dextrémités grandes et néanmoins
nécessaires. il n'est encor rien résulté de lâ sinon que la déraison d'un
coté et la grande et absolue résignation de l'autre ont eté plus clairement
manifestés par les faits a ceux qui s'en meslent, et rien encor n'est plus
avancé.

dites moy maintenant si vous entendés plus a cette explication lâ qu'une
précédentes; non sans doute, cest néanmoins tout ce que je puis vous en
écrire. le fait principal mon cher amy est que dans touts les cas et
hypothèses, loin que votre voyage me puisse embarasser; il me fera au
contraire grande joye et consolation; mais si cecy tourne a procès, loin
d'etre libre de faire un voyage, je ne le seray mème d'aller a la campagne
que très passagèrement.

je n'ay point reçu encor les exemplaires de grasset et je vois par ce que
vous me marqués qu'il ny en a pas un seul en france, et guéres encore de
débités, car quoyque la toscane soux les yeux et par les soins du prince
dieu donné qui la gouverne, soit et devienne fort curieuse d'instruction, ce
paÿs est trop petit et trop oéconome pour en avoir beaucoup tiré; mais
cela viendra j'en suis sûr. j'ay reçu un remerciment de M^elle de saconay
<1v> qui m'a rapelé M^elle lolotte. avés vous donné son exemplaire
au c^te gorani? adieu mon très cher amy, je vous embrasse de tout
mon coeur

Mirabeau

a monsieur

Monsieur de Saconai a
Berne en Suisse
Par Pontarlié