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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 03 décembre 1773
de paris le 3e xbre 1773
mon cher amy, je suis debout et revenu fort vite, en un mois
dormant et au moyen de ce que j'observe encor bien du régi=
me et quelque petit ingrédient de médecine, je suis bien. cest
ce que je devois etre empressé de vous dire, et cest a peu près
tout ce que je vous diray, car dailleurs je suis dans un temps
de crise majeure qui n'est a peu près fait que pour moy. de temps
en temps la providence apesantit sur moy son bras de maniere
que je dois croire tout perdu, et jusques icy c'est de lâ mème
quelle a tiré la manifestation de ses plus puissants secours.
hélas je n'eus jamais besoin de ces surcharges pour sentir et
penser a toute heure qu'elle seule peut tout. je me vois au moment
de perdre, forcé par un amas de circonstances et de folies, le
peu d'équilibre que 30 ans de peines d'angoisses et de sacrifices
de toute espèce m'avoient acquis. convalescent encor et rési=
dent chez p moy, peutètre dans deux jours ne seray je plus
a paris. si tout cecy finit, peutètre en seray je plus libre, l'été
prochain; peutètre... mais tout est pour moy maintenant
dans le peutètre, tout dis je, jusques a mon existence et a vray
dire, je ne vois que précipices de toutes parts. au reste tant
que dieu me conserveray la tète, je la courberay toujours
avec résignation soux sa main providente, et je dis mème avec
<1v> consolation et confiance. ne vous enquérés de rien de tout cecy
écrivés moy, je vous tiendray au courant dans ce stile peu intel=
ligible, jusques a ce que nous puissions nous joindre. adieu
mon cher amy, je vous aime et embrasse de tout mon coeur
Mirabeau
Me de pailly vous remercie, vous ne l'incommoderés point et vous
nous accomoderés beaucoup touts. Mr de martine son cousin est
vrayment un homme de mérite.
a monsieur
Monsieur de Saconai en
son chateau de Bursinel près Rolle
en suisse
Par Pontarlier