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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 06 mars 1772
de paris le 6e mars 1772
revoyés les leçons oéconomiques mon cher amy, peutètre
les trouverés vous meilleures une seconde fois; du moins cest
le propre des bons ouvrages, et certainement je n'en scay
point faire si celuy lâ ne l'est. je crois que vous avoir dit
que je l'avois repris sur huit copies, moy qui ne revois jam=
ais rien, pas mème la page que je viens d'écrire. cette entrep=
rise m'a bien fait voir quel etoit le mérite sourd des méthodes;
au reste celle cy proprement n'est faite que pour indiquer
des textes de méthodes plus détaillées et par conséquent plus a la
propice de la 1ere instruction, a gens qui ayent plus le talent
de ce genre de travail ingrat et méritoire.
au reste vous vous croyés incapable de soumettre au calcul une
question politique par le tableau ou par sa formule; je vous jure
mon cher saconay que si cest un secret je ne l'ay point; mais il
me semble que le tableau ne présente qu'une méthode; a cela
près ses données sont hypothétiques et vous pouvés leur en subs=
tituer des réelles sitost que vous les aurés. suposés vous par
exemple formant un petit état vous et vos desservants quel=
quonques de bursinel; en votre qualité de proprietaire foncier
et du produit net a touts les titres, vous voila le recetteur et
le Distributeur naturel de tout votre petit cercle; ne vous seroit
il pas possible de faire un petit tableau de votre distribution
circulaire ? au pis aller sans vous casser la tète a ce calcul la
prenés le par hypothèse, mais assoyés vous bien sur votre ques=
tion, de maniere que vous voyies tout aller et parfaire le
cercle de perpetuité, cest a dire la rentree du cent de produit
net pour cent de mise en avances annuelles. il vous deviendra
<1v> notoire alors, toujours par l'addition au bas de la page, que ce
cercle ne peut aller, que par le moyen des versements et reversements
égaux et réciproques d'une classe a l'autre; si vous otés un écu,
livre, sol, maille &c de lun de ces crans, l'effet se fera sentir a
l'addition. intercallés maintenant un sol levé sur le prix de la
livre de sel, de c qui se consomme. prenés le dabord sur les avances
de la classe productive seulement et vous verrés ce que cela opérera
sur les 3 cases; prenés le sur la classe proprietaire; enfin sur la
classe sterile, et puis sur les troix, mettés cette consommation par
hypothèse et allés, et vous trouverés la réponce a l'addition. au
reste ce que je vous propose lâ, n'est qu'un jeu de loisir et seule=
ment pour vous oter de la tète que ce soit un secret, car dailleurs
au moyen des principes et des résultats vous résoudrés toujours
toute question politiques.
toutes les fois par exemple que vous rencontrerés des questions pareil=
les a celle que vous avés si heureusement 1 mot biffure servie entre berne
et fribourg, et de prohibitions quelquonques de territoire a territoire
priés les opinans de considerer si acheter n'est pas vendre, et si
vendre n'est pas acheter. si suposé qu'un état put toujours vendre
sans acheter, il ne faudroit pas qu'un autre état put toujours
acheter sans jamais vendre, hypothèse idéale. si l'acte utile et agré=
able a l'homme n'est pas d'acheter, et si ce n'est pas pour pouvoir
acheter qu'on desire de vendre. si donc les embargos sur le commerce
et tout ce qui nuit a sa liberté, ne sont pas également nuisibles
aux acheteurs vendeurs, qu'aux vendeurs acheteurs.
quand vos rentiers apuyent les bouchers privilégiés, vous ne pouvés
pas leur alléguer comme dans les grands états, qu'en alterant les
revenus des biens fonds ils ruinent leur hypothèque; mais demandés
leur si tout marchand ne desire pas souxacheter et survendre et
si ce n'est pas lâ lame du commerce; si ce desir peut ètre comprimé
dans le marchand de viande, par le privilège ou par la concurrence
si des gens qui tache taxent la viande dans leur ville ne se privent
pas de la plus forte des concurrences la liberté. si la liberté n'est
pas également répressive pour le proprietaire marchand de betail
de pre main, pour le toucheur marchand de viande en vie, pour
le boucher marchand de viande morte, et enfin pour le consommateur
marchand d'argent. si toute police qui veut se substituer a cette
arme universelle de la nature, n'est pas illusion ou friponnerie
qui dérange et détruit tout.
<2r> voila mon cher amy la maniere de traiter les questions poli=
tiques. au reste nous ne faisons que préparer la voye prospère aux
petits fils. en attendant le passage sera dur, surtout pour certains
etats, et dans iceux les instructeurs ne se sauvent qu'entre les
brouissailles.
le jeune diespack m'a paru avoir quelque chose d'étonné dans
l'esprit comme dans la figure, mais je suis fort lent a prononcer
sur les fruits des paÿs tardifs, en général ils sont plus de durée.
Me de pailly vous remercie et moy je vois embrasse de tout mon
coeur
Mirabeau
A Monsieur
Monsieur de Saconai en
son chateau de Bursinel
par A Berne en suisse