Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Mirabeau, 07 septembre 1771

de Mirabeau ce 7e 7bre 1771

mon cher amy, je reçois en ce moment votre lettre du 4 aoust et
je me hate d'y répondre quoyque le courrier me presse. faute d'avoir
mis au bas de l'adresse a aix en provence elle a été me 1 mot recouvrement chercher
a Mirabeaut en poitou a Mirambeau en saintonge et enfin je la
reçois au moment ou je vais commencer mes tournées en provence
qui se termineront par mon retour.

je réponds dabord a notre desir de nous embrasser; puisque la
plus rare espèce de contre temps m'a fait manquer a mon plus cher
desir, moy lhomme le plus exact possible et alors que je semblois uni=
quement maitre de ma marche, a plus forte raison ne voudrois je
pas m'y exposer a ma route future que je feray avec mon frère
et selon les aparences a petites journées attendu que sa santé n'est
pas forte actuellement. mon plan est bien de passer a lion du 10 au
15 8bre au plus tard, mais y passant de la sorte c'est avec des chevaux de
voiture que nous prendrons a aix a 27 lb par jour et ces gens lâ sont
durs a faire séjourner, outre que mon frère non préparé pour un séjour
de ville y patiroit. jugés mon cher amy si ce seroit le cas de vous dép=
lacer. prenés votre party venés a paris un jour ou l'autre Me de pailly
aura un apartement a vous donner et nous serons comme soux mème
toit, puisque en effet c'est dans le mème palais et porte a porte. vous y
verrés nos assemblées oéconomiques et du zèle et des lumieres et des frères
qui seront fort aises de voir a un magistrat de république, de telles
qualités.

je suis fort aise que vous ayiés été content de ce drole de catéchisme
mais est il possible que je ne puisse jamais scavoir si vous avés
reçu lu et connu le mien soux le titre de leçons oéconomiques ouvrage
dont celuy cy est quand a sa seconde partie mot po tiré mot pour mot
et dont vous ne m'avés jamais parlé.

<1v> je suis ravy que Mes vos soeurs ayent bien voulu suivre la lecture
de cet ouvrage; je n'oublie pas que le lendemain d'un jour ou Me de
pailly avoit dévelopé l'ensemble général de cette science avec cette élo=
quence qui luy est naturelle quand elle s'en donne la peine, Me de vatte=
ville
qui a bien un peu plus desprit que nous touts vint chez elle, la
remercier du bien qu'elle luy avoit fait. j'en ay vu en effet quelques uns
en effet et entrautres l'autheur masqué de ce petit catéchisme qui est
un lnt gal des armées du roy, qui mont dit, je cherchois et tatonnois
depuis longtemps pour mettre le pied sur le ferme et je l'ay trouvé.

au reste mon cher amy, non seulement laissés écrire, mais excités a
écrire, s'ils bronchent, nous les relèverons doucement; mais il faut surtout
qu'on écrive et qu'il en soit question; fut ce en détraction, la vérité ne craint
pas d'etre combattue mais oubliée; en tout le meilleur moyen d'aprendre
cest d'enseigner
, proverbe chinois. vous avés un vray zélanti dans votre
voisinage; c'est un comte gorani que je crois a nions avec smith, que je
soupçonne de chercher sa science et non la science, mais quand a l'italien
il m'en écrit en véritable enthousiaste de la chose, et il est bien bon d'en avoir
en italie.

au reste nos voisins de touts cotés se ravisent, d'autres semblent avoir comme
la fureur de s'écarter; mais la nature est bien soux lemblème d'un serpent
qui mord sa queue; les chemins les plus oposés sont précisément ceux qui se
rencontreront.

j'ay porté le bail de cette terre a 35000 lb, dans dix ans elle sera a 45, mais
jy mets tout, il faut en mème temps on nous prend tout; il faut avoir
une forte conscience pour s'acharner a travailler par un tel temps, et ne
cesser d'arranger sa chambre quand la maison va a bas. j'ay icy le bon
curé de neuville homme fort estimé a lion, qui m'est venu pour aviser
mon architecte de canal, ainsy ma grande patrone m'envoye les bonnes
gens. adieu mon très cher amy, mille tendres Respects a Mes vos soeurs.
je retrouvois l'autre jours l'original de nos hautes poésies sur l'aventure
de la sarra, la moitié est de votre main, je l'emporte et le choye comme
un enfant. nous promettions alors d'etre deux grands hommes. adieu
mon pauvre bursinel j'embrasse votre maitre de tout mon coeur

Mirabeau


Enveloppe

A Monsieur

Monsieur de Saconay En Son Chateau
de Bursinel chez Mr Le Capne
Martin

par VerssoixMorges En Suisse


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Mirabeau, 07 septembre 1771, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/311/, version du 26.03.2018.
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