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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 29 mai 1769
de paris le 29e may 1769
je viens mon cher amy de perdre ma vénérable mère
elle étoit depuis longtemps dans un état qui empirant chaque
jour soux mes yeux m'avoit livré a un tourment de détail
dont la diversion mème en tournant ma tète du coté suréro=
gatoire quand aux occupations, m'a a accru et consolidè
mon incapacité naturelle aux détails et me rend aussy
abatu que mécontent de moy mème. ce n'est pas que les mar=
ques d'estime et d'amitié que j'ay reçues en cette occasion
ne dussent relever mon courage mais elles ne font qu'augmen=
ter l'attendrissement. je ne parois que trop libre maintenant
de faire un voyage aux eaux; mais la nature sent en moy le
besoin de repos et la multitude de détails que me laisse la
perspective de mon affaire de cette annèe qui se terminera
au bignon terre abandonnèe quand a l'habitation depuis du
temps, dit quoyque d'une espèce a n'etre rien pour un autre au=
près du principal d'une telle affaire qui est arrangé, me tracas=
seroit néanmoins en idée. dailleurs je suis un peu obligé d'y
regarder cette annèe pour les dépenses qui se sont accumulèes
sur ma besogne par un nombre d'incidents et celuy cy seul
malgré la recomandation de simplicité de la part de cette
digne mère est encor un surcroit de 100 louis selon les us et coutu=
mes du paÿs. enfin tout est bien selon dieu et sa providence
qui m'a toujours secouru et cela sans doute parce que j'aime
bien les gens que j'aime et vous étes mon cher saconay et vous
devès étre, touts des premiers dans mon coeur Mirabeau
A Monsieur
Monsieur de Saconai
gouverneur de Payerne
a Payerne en Suisse