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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 06 septembre 1768
de paris le 6e 7bre 1768
et point du tout mon cher amy si vous m'en vous en croyiès
vous ne m'écririès pas touts les jours, parceque vous étes
et avès toujours été paresseux a écrire, et quand on est com=
me cela, on cherche a chacun son excuse et quand un homme
a écrit sur sa hutte au coin de la rue un tel écrit pour le
public on dit a celuy lâ qu'on croiroit faire tort au public
en luy prenant ses moments, quoyque j'écrive encore et
mème avec assès d'acharnement attendu que je sens que le
jour baisse et qu'il faut profiter du restant, toutefois je
réponds aux lettres attendu que c'est souvent ce quil fait
le plus de bien. au reste j'ay tant d'affaires éparpillèes et
souvent facheuses et toujours fatiguantes que mon temps
n'est point a moy, d'autant que je ne fais plus rien du tout
après le diner et c'est lâ le temps rude a passer; mais la
providence est bien bonne de nous déprendre de la vie au lieu
de nous en arracher.
j'enverray chex Mr de chandieu villars mon nouvelau
recoeuil sur la liberté des grains, cela seroit déja fait si je
scavois son adresse, mais de la campagne on ne peut rien
perquerir. nous gagnons du terrein dans les opinions, cest tout
ce que nous avons pu et dû espèrer, cest vous dire que les faux
sistèmes, la fausse politique et toutes les platitudes compliquèes
d'administration en perdent a mesure, car le vray est incompa=
tible avec le faux.
il vient de passer rapidement dans vos contrèes deux de nos
<1v> principaux élèves, du pont qui est le 1er et le jeune duc de
st mègrin fils du duc de la vauguyon, jeune homme de la
plus solide espérance et qui sera un jour un grand sujet
c'est de luy que sont les réponces aux doutes de l'abé de mably
que vous avès vues dans les drs vol. des éphémèrides. je n'ay
pu vous les annoncer, car ils m'ont caché ce crochet qui est
une maniere de tour de jeunesse, pour aller faire a une visite
de curiosité a un celèbre ennemy des hommes et qu'ils scavoient
bien que je n'aprouverois pas. ils m'ont mandé qu'ils alloient
voir le sage smith et j'ay scu par ailleurs leur détour, sur
lequel je me suis contenté de leur mander qu'alors qu'ils vou=
droient faire a mon inscu quelque chose, autant vaudroit
suprimer cette chose lâ. au reste ils vont laissant des modèles
d'inventaire de culture, semant des idées, il faut se servir de
tout, et tel n'entend pas un mot a la raison calculèe qui par
révérence pour le titre, croira que la science est de bon air, com=
me en effet elle ne l'est pas mal aujourd'huy.
mais mon amy vous qui aimès tant le bien, songès a mettre
en pratique le relevé des avis au peuple, relativement au
moulinage et a la boulangerie, j'en ay une icy ou le peuple
se bat et l'on y fait encor un grand profit, songès a établir
promouvoir et apuyer le commerce des farines; je ne finirois
pas si je voulois vous dire combien de branches de prospérité
dépendent de lâ et quel profit pour le peuple, relevès bien ces
articles au passé et au prèsent dans les éphémérides, et faites
que ceux qui d'entre vos confrères sont gens de bien, y fassent
l'attention qu'ilsque la chose méritent. adieu mon cher saconay je vous
embrasse de tout mon coeur.
a Monsieur
Monsieur de Saconai
gouverneur de Payerne
a Payerne en Suisse