Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 11 janvier 1766

de paris le 11e janvier 1766

je ne suis occupé qu'a végeter mon cher amy puisqu'on ne
me permet pas d'écrire ny en général presque aucune sorte
d'occupation, mais qu'elle que je pusse avoir, il n'en scauroit
etre aucune qui m'empèche de regarder un mot de mon ancien
et sage amy saconay comme le souvenir le plus doux a mon
coeur et le plus salutaire a mon esprit; jouissès de longues
et heureuses annèes, et de la douceur d'etre a portèe de faire quel=
que bien journalier; celle la n'est refusèe a personne et cest
la pratique ou selon moy gist la vertu, mais quand on gouver=
ne les hommes elle est plus difficile plus méritoire et plus
raportante aussy. si vous avès quelque crédit sur les instruc=
teurs de la jeunesse de votre baillage et en géneral sur touts
ceux qui sont chargès de rapeler aux hommes la connoissance
de leur devoir, obtenès qu'ils fassent tout porter sur le respect
filial, cest la base de toute la morale pratique, et sur la douceur
entre eux; quand a ce dernier point vous y pouvès quelque
chose et beaucoup. rien n'adoucit le peuple comme l'exacte
justice du magistrat, personne n'est tenté de se la faire quand
il est sur qu'il quon la luy fera. oh mon cher ne songès point a
vous, qu'on vous regrette qu'on vous aime, rien; mais si
vous les rendès un peu plus gens de bien que vous ne les
avès reçus cest lâ votre moisson qui sera réelle.
<1v> a ce propos j'ay demandé si l'on tiroit de berne des exemplaires
du journal d'agriculture commerce et finance on m'a répondu
qu'on ny en envoyoit point, contès mon cher amy qu'il est
très important en général pour l'instruction des peuples
qui seule peut produire et maintenir le bon gouvernement
et en particulier pour faire tomber toutes les fumèes d'innova=
tion de vos aristocrates, qu'il importe dis je que ce journal
soit fort connu et dans les mains de plusieurs chex vous, et ce
depuis le premier volume qui commence en juillet et n'oubliès
pas ce point par lequel vous ferès bien; adieu mon très cher,
personne ne vous souhaite plus de bonheur a vous et aux
votres que votre feal amy Mirabeau


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur de Saconai gouverneur
de Payerne
Par Berne en Suisse 


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 11 janvier 1766, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/278/, version du 26.05.2017.
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