Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 31 octobre 1765

de paris le 31 8bre 1765

j'ay vu hyer mon cher amy chex Mr de Nivernois
son ancien préfet nommé le père freslau qui revenoit
de suisse pour se retirer dans sa province, il me parla
de vous avec l'estime que vous mérités et de votre amitié
pour moy. il me dit qu'on avoit conté que j'irois dans
ce paÿs lâ, je le voudrois bien je vous assure et que
les eaux de spa au lieu d'etre en vesphalie fussent seu=
lement dans les vosges. je suis menacé d'etre obligé
d'aller a ces eaux ce printemps, elles passent pour
les plus stomacales et j'ay besoin enfin d'une réparation
a ma santé. je sors d'un de mes accidents d'étoufement
bien plus fort que les autres, heureusement j'avois un
médecin amy et très amy l'excellent docteur gatti
qui connoit assès les remèdes pour les craindre. j'ay
tenu 13 jours a la diette la plus austére coupant en
quatre une écuellèe de bouillon et ne prenant que cela dans
24 heures; ces étoufements viennent du foye ou je n'ay
pourtant nulle obstruction et des viscères affaiblis d'ou
dérive disent ils la foiblesse de l'estomac; tant y a que
<1v> je suis sorty de lâ avec la tète nullement affoiblie, j'ay
méme toujours écrit pendant le temps, et les jambes très
peu, difference grande des convalescences de maladie avec
celles des remèdes.

j'ay scu pendant ce temps que le meilleur livre qui ait
jamais été fait en médecine et tel que gatty le plus
scavant homme de son temps en science médicinale m'a
dit qu'il aimeroit mieux avoir fait ce livre lâ que tou=
tes les institutions de boerhave, que cet ouvrage dis je
intitulé avis au peuple et fait par un Mr dutillot 
si je ne me trompe et qui est de votre paÿs m'etoit
dédié; je ne me rapele toutes ces indications que de
mémoire n'ayant pas eu le temps de les vérifier; mais
cet honneur a moy advenu a mon inscu seroit une chose
bien particulière. quoyqu'il fut tout simple que je ne con=
nusse aucun livre de médecine, celuy lâ est dit on si fort
a la portee de tout le monde que je serois condamnable
de ne le pas connoitre si depuis mes étoufements de 1760
on n'avoit exigé de moy un exercice si perpétuel qu'a
peine ay je eu le temps de vaquer a mes nombreuses affa
affaires. mais qu'un autheur fasse un tel honneur a un
homme sans luy en rien dire c'est chose inouie, si cet
excellent homme est a votre portèe faites mon cher amy
mes excuses sur ce texte lâ.
<2r> autre chose vous veux je dire fort importante. il l'est
beaucoup mon cher amy que les vrais principes oéconom=
iques soient dilucidès et connus de tout le monde. le hazard
ou la providence a fait que le journal d'agriculture
commerce et finitance
fait icy soux la protection du gouverne=
ment et en effet pour le profit de quelques commis est tom=
bé dans les mains d'un jeune homme nommé du pont
mon plus zèlé et mon plus fort élève, au moyen de quoy
il devient excellent; vous y verrès le combat a mort des
anciens principes ou préjugès, avec les principes. ce jour=
nal n'a commencé qu'en juillet, les deux prs volumes
ne sont pas de du pont, ayès le tout pour 18 lb par an
et tachés de le faire prendre a touts vos curieux et
bien intentionès dans les diffèrentes villes; cest un vray
service a rendre a l'humanité et par conséquent une
oeuvre sainte. adieu mon cher amy, j'espère que vous
et les votres vous portès bien, et je vous embrasse de
tout mon coeur Mirabeau


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur de Sacconai en
son chateau de Bursinel
a Berne Payerne en Suisse 


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 31 octobre 1765, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/277/, version du 26.03.2018.
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