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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 04 janvier 1764
de paris le 4e janvier 1764
c'est dans un état d'incommodité qu'on apèle Maladie
que je reçois mon cher et ancien amy la triste nouvelle
de la perte que vous avès faite . mon coeur saigne de
la playe que ce malheur a fait au votre: partager les biens
et les maux est le propre de l'amitié et comme la mesure
de ces deux choses n'est pas égale icy bas, on feroit mal d'aimer
si la part que nos amis prennent a nos désastres n'en soulageoit
pas en quelque sorte le terrible poids. la raison dit qu'une dou=
leur trop profonde est une révolte contre le grand ordre
qui nous envelope et entraine touts; la vraye et grande pieté
regarde les maux personnels et qui semblent peu faits pour
etre prévus, comme des secrets du gouvernement paternel de
la providence; le temps dit mieux qu'il faut se résigner a ses
loix, et mon amitié vous dira sans cesse mon cher saconay
qu'elle voudroit vous etre bien prétieuse pour vous étre bien
utile. adieu mon cher et ancien amy les forces me man=
quent l'écriture m'est déffendue, songès que vous 1 mot biffure étes
homme et que l'objet qui mérite vos pleurs voudroit luy mème
les abréger. je vous serre contre ma poitrine Mirabeau
A Monsieur
Monsieur de Saconai en
son chateau de Bursinel Gouveur de Paierne
près Berne
Par Geneve A Paierne