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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 26 novembre 1760
a Paris le 26. 9bre 1760
Je ne me suis pas haté, mon cher Sacconai de répondre
a votre lettre du 29 du mois passé, parce que la
commission principale, sur les éclaircissemens de laquelle
vous avès été exact, ne peut avoir lieu. on a offert
4000 lb de rente de la compagnie en question au propriétaire
par conséquent les offres que vous avès en charge de
faire, n'allant qu'à la moitié, il est inutile d'en
discuter d'avantage.
j'ai d'ailleurs été malade ou du moins fort
incommodé l'automne passée, et il m'est en quelque
sorte deffendu d'écrire de ma main.
a l'égard de notre dispute sur la politique
oeconomique, je ne scaurois mieux dire que ce que j'ai
écrit. quand vous aurès reçu mon dernier ouvrage
que j'ai remis il y a longtems a l'adresse que vous
m'avès donnée, daignés le lire et relire plusieurs fois
et surtout le tableau oeconomique qui en fait la 3e
partie et qui n'est pas un morceau qui doive être lû
de suite, mais au contraire être profondemt étudié
et cela par les meilleures tetes. si après cela vous
trouvés que je ne suis pas methodique; et que les principes
<1v> tous neufs mais tous simples et naturels que j'ai authentiqués
ne sont pas établis sur une base permanente, j'en aurai
à répondre autre chose, sinon qu'il faut chercher un
autre raisonneur que moi. Comptés cependant, et je
puis en répondre, moi qui connois bien la trempe de
votre esprit, que vous serès tout étonné après cette étude
d'avoir pu croire un instant que la vérité fut deux, et
que l'on put partir de deux points différens pour raisonner
conséquemment en matieres de fait. ne vous donnès
point la peine de relire l'ami des hommes; c'etoit mon
essai par lequel j'ai taté le public et moi même. son
succès m'a déterminé à une étude plus profonde,
au lieu que ce n'étoit là que des premieres lueurs conçues
car jettées sans étude, sans objet et sans application. or
puisque j'ai dit dès lors que si j'eusse cru que cet
ouvrage dut être la base de ma réputation, je me
serois bien gardé de le donner aussi imparfait: jugés
ce que j'en pense aujourd'hui. En un mot je le récuse,
mais à cela près, quand on vous dira que je ne suis
pas méthodique, on contredit l'opinion générale, alors
que mon second ouvrage appellé traité de l'organisation
parut. Le morceau intitulé introduction pose des
bases de verité trés neuves et trés hardies qui sont
conduites bien avant en conséquences. Le memoire sur
les états provinciaux parut bien fait et bien concis, et
l'on dit alors, mr de M. fait tisser quand il veut.
mais les grands principes sont clairement posés et
tout autrement que partout ailleurs dans mon dernier
ouvrage, et le tableau oeconomique avec les explications surtout
<2r> est le digne précurseur de tout ce qui paroitra desormais
pour opérer le renversement de tous les plats systemes
enfans de la recherche et de la prèocupation de l'esprit
humain, dont l'intérêt et le monopole ont dans ces
derniers siecles enfariné tous les esprits.
je viens en ce moment de finir un nouvel ouvrage
qui attaque la principale branche de ce phantome, et
son résultat le plus désastreux. Ce morceau qui sera
d'une espece toute neuve a d'abord l'air de n'appartenir
qu'à nous comme en effet mon premier devoir est de
servir d'abord ma patrie; mais je le consigne plutôt
aux races futures et a la totalité des nations, bien instruit
par les détails que la notre n'a plus la force de 1 mot dommage
retourner. C'est là où vous verrés les grands principes
développés. je me connois et me juge sans prévention,
je sens bien qu'entre ce que je dois de secours a la verité
quant au fond, et à des hommes instruits quant aux
détails, il ne me reste du mérite de la chose que l'audace
de l'avoir entreprise et la force de l'avoir éxécutée
en un moment ou j'étois en meme tems pressé par les
circonstances d'une part et arrété de l'autre par la
maladie et la convalescence; mais je vous annonce que
c'est un morceau propre à faire, du moins à la longue,
revolution dans l'univers. j'en remettrai un èxemplaire
pour vous à la même adresse. Tachès d'avoir promptement
et le dernier et celui là; quand vous n'y trouverès pas
la demande et la réponse, daignés relire et comptés que
je ne viens point vous enseigner, mais vous avertir. adieu
mon très cher, mes respects a madame. je vous embrasse
de tout mon coeur. M.
a monsieur
Monsieur de Saconai en son
chateau de Bursinel
par Geneve a Bursinel en Suisse