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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 07 septembre 1760
de paris le 7e 7bre 1760
sauf le respect mon cher amy, je suis depuis près de trente ans acco=
utumé aux intercadences de votre correspondance; je scais que vous
etes un des hommes d'état de l'europe qui aime le moins a écrire
ma santé en iroit mieux si j'avois un peu de ce vice la. quoyqu'il en
soit, votre retardement a fait que l'exemplaire de mon ouvrage
destiné a la société est party par la voye du sr humblot libr=
aire son correspondant icy: j'en ay en mème temps fait l'annonce
par une lettre a Mr le président; je vais faire tenir le votre
chex le sr grand banquier que vous m'indiquès, et je lenverray
in douze pour qu'il soit plus commode a lire.
j'espère en effet que vous trouverès dans la totalité de ce volume
en le lisant et relisant avec attention, de quoy fixer votre opinion
sur toutes les matieres oéconomiques et politiques, et voir ensuitte
avec étonnement quel progrès vers la barbarie font les nations
policèes par le moyen de toutes les spéculations intéressèes
et des rubriques qui en résultent que l'esprit de recherche a fait
inventer ou imiter. on en est je vous le repète au plus épais de
la barbarie a cet égard; touts ces prestiges ne sont aucunement
les restes de l'ancienne enfance et des traces de l'ignorance, ce
sont au contraire de faux calculs, de plats et présomptueux
préjugès, et ce que vous en voyès dominer parmy vous, et qui
excite votre humeur vous est venu des grandes nations fiscales
ou commerçantes, et l'un et l'autre avec une avidité inséparable
<1v> de l'aveuglement. quoyque vous soyiès vous mème fort éclairé
en comparaison raison de ce que vous étes bon et honnète, contès que vous
ne mettrès plus alors en ligne avec des abus très escentiels cette
méprise cy: l'entrèe de danrèes dont nous regorgeons et que diable
voulès vous qu'elles y vinssent faire si vous en regorgiès?
mon cher amy je ne doute pas que je n'aprisse beaucoup si je voyois
l'intérieur de votre constitution, car elle est bien simple et par consé=
quent bien grande, or l'aspect des grandes choses donne les grandes
pensèes: mais après cela si vous me demandiès conseil sur les
loix de règlement, je vous dirois après cette inspection comme avant
peu de loix, beaucoup de moeurs: si vous me demandiès encor quelle
est la police qui soutient les moeurs, je vous répondrois point de
réglements moins d'inquisition, honnèteté et simplicité. interrogé
sur le comment, repondu aimès honorès l'agriculture elle renvoye
les hommes a la vie simple, a l'aide réciproque, au travail assidu
a la circonscription des desirs. quelque éloignès que vos compa=
triotes vous paroissent étre de cette voye, ne vous rebutès pas mon
cher amy, vous en étes de beaucoup encor les plus près: et que
feriès vous donc a ma place, sans aucune parcelle de ce talent
de cour par lequel seul on peut acquérir quelque authorité
dans les monarchies, au milieu d'une société caduque par touts
les bouts, et certain qu'en général les soins d'un citoyen auprès
de sa patrie en tel état, sont peutètre aussy méritoires mais
certainement aussy vains que ceux d'un bon fils autour d'un
père a bout de chemin. et bien loin de me décourager, je renferme
dans mon sein le plus grand plan de régénération, j'en authentique
les branches, et j'ay la consolation de voir que mille préjugès
<2r> d'autant plus apuyès qu'ils sont plus destructeurs de la chose
publique, s'ébranlent aujourd'huy de toutes parts.
vous trouverès cy joint mon cher une note qu'on m'a prié de
vous envoyer, elle me vient de la fille du titulaire, femme que
vous connoitrès peutètre cet hyver, mais pas assès si vous n'étiès
prévenu; je ne vous en diray qu'un mot c'est l'étre le plus vaste
que j'aye connu en ma vie et qui fait le plus d'honneur a l'hum=
anité; vous verrès par le contenu de la note que cette affaire
demande du secret adieu M.
Un Capitaine Commandant d'une Compagnie entiere au régiment suisse
de Jenner, se trouvant hors d'état de continuer le service, est sur le point de
se retirer. Le titulaire proprietaire de cette compagnie denieroit aquerir
pour remplir cette place un bon sujet du canton (il importe qu'il soit du
pays de vaud ou de Berne) qui ait les qualités requises pour étre admis.
Cette place est très bonne et vaut aux environs de 2400 lb par an. il faudroit
savoir les conditions que l'on seroit en état de faire, soit pour avoir le commandemt
de cette compagnie ou pour donner un tant par an de fixe autitulaire et se
charger du benefice, produit, et charges de la compagnie; purement et
simplement sans rendre compte. Cette compagnie est en bon état et n'est
pas endettée.
Il faudroit faire cette negociation le plus secretement qu'il seroit
possible, afin que l'on ne fut point traversé pour obtenir l'agrement, y
ayant déjà plusieurs personnes qui y aspirent et font des propositions.
a monsieur
Monsieur de Saconay en
son chateau de Bursinel
en Suisse par Geneve
a Bursinel