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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 04 juin 1760
de paris le 4e juin 1760
je réponds un peu promptement mon cher saconay a votre
lettre du 20 du mois passé; mais c'est que vous ne m'y marquès
pas précisèment l'objet de la question que je vous faisois sur
la manière de faire tenir en tribut a votre société la 5e partie
de l'amy des hommes qui va paroitre cette semaine. le discours
que j'envoyay a la société est a la tète de ce morceau recoeuil, mais
il y a deux autres morceaux qui quoyque roulant sur des
points très etrangers pour la suisse (heureusement pour elle)
ne laissent pas de contenir bien des notions premières sur la science
oéconomique et sur les principales parties du droit des gens. mais je
n'ay pas plus d'envie de vous prévenir sur cette partie lâ que sur les
autres, que vous n'avès mème scu étre de moy que par le bruit public,
ce que j'en dis icy, n'est que pour scavoir la voye de correspondance
pour offrir faire mon envoy a la société.
je ne suis pas faché que ma lettre ait été a Mr gesner si elle luy a
fait plaisir, comme cela en fait toujours. je ne l'aurois pas mieux
écrite quand j'aurois scu son sort, car de ma vie, je n'ay ny étudié
ny minuté une lettre a qui qu'elle ait pu étre adressèe. j'étois plein
de mon sujet quand je l'écrivis, et je n'ay surement exprimé que la
vérité de la pensèe et du sentiment.
a le bien prendre mon très cher, le gouvernement prend chex vous
les véritables mesures propres a encourager les sciences et les arts
vrayment utiles, puisqu'il rend les peuples heure2 caractères biffureux cest au sein du
<1v> bonheur et de la vertu que les hommes se livrent aux gouts paisibles
utiles et louables. on a faussement attribué aux grandes passions
le principes des grandes inventions et des grands efforts des arts; rien
de grand n'a été produit que par les passions nobles, et les passions
nobles, sont les passions honnétes modérées en tout, hors dans l'amour
du bien et de l'ordre. maintenès les principes et les prejugès antiques
de votre gouvernement; les principes en ce qu'ils tiennent plus que
touts autres des idées naturelles et équitables, les préjugès en ce qu'ils
sont honnètes et scrupuleux sur les moeurs; maintenès vous par la
dis je, et vous aurès de grands hommes qui en tout genre qui n'as=
pireront a étre que cela c'est a dire utiles a leurs semblables.
surtout mon très cher, tendès, vous et tout ce que vous avès de jeunes
et d'honnétes émules et citoyens, a faire prévaloir, sur toute science
sur tout art sur toute étude, sur toute vue favorite du gouvernement,
l'agriculture. tendès de toutes vos forces a faire accomplir l'horos=
cope que j'ay tiré de votre terre, cest dans cet art immense, innocent
agréable a dieu et aux hommes, que vous trouverès le maintien de
ce que je vous recomande cy dessus, le maintien de vos principes de
gouvernement et de vos préjugès antiques épurès de tout ce qu'ils
pouvoient conserver de barbare.
adieu mon très cher, mes respects a Madame, j'ay pensé dans l'inter=
valle assès long ou je n'ay plus reçu de vos lettres, que ma réponce
au mot dont elle m'avoit honoré, en une lettre feuille incluse dans
la lettre que je vous écrivois luy auroit déplu. en ce cas c'étoit a vous
a m'excuser sur nos usages, et sur la netteté et simplicité de mon coeur.
on n'a accoutumé les dames a tant de compliments que dans les temps
et les nations, ou l'on a cessé de les estimer et honorer comme elles
le doivent étre, assurès la de mon respect, et puis je vous embrasse.
a monsieur
Monsieur de Sacconai
Bursinel près de Rolle
a Bursinel a Geneve en Suisse