Transcription

de paris le 5^e janvier 1756

Monsieur votre beaufrère a eu la bonté de me remettre luy mème
votre lettre mon cher saconay, et je n'ay pas voulu vous répondre
que je n'eusse eu l'honneur de le voir assès pour pouvoir vous
en dire quelque chose. vous connoissès cette ville cy; il est logé
rue traversière et moy rue des s^ts pères, cest n'etre pas près; je
le fus chercher chex luy, luy chex moy, et quelques jours ce sont
passès de la sorte en pure cérémonie; enfin j'ay pris le party
de le prier a diner et qui plus est la liberté de le traiter a la
fortune du pot; encore ce jour la fus je obligé de sortir avant
cinq heures pour un rendès vous de gens d'affaires; je l'ay depuis
rejoint chex luy, et quand ces premiers jours seront passès et
que ma porte pourra s'ouvrir je le ratraperay encore. nous
causerons je vous en rèponds; ma franchise et ouverture de coeur
et d'esprit est toujours la mème que vous m'avès vue, avec
plus de connoissances et d'expérience, et j'aime sur toute chose
la jeunesse qui pense et qui sent. M^r de wurstenberg est de
ceux la, et l'intérest tendre que je prends a tout ce qui vous
touche, me donnera une toute autre satisfaction, a cultiver
la connoissance de M^r votre beaufrère. je cherche avidement
quand je le vois, le signalement et des traits de la beauté célé=
bre de M^e de saconay, en un mot mon très cher, mon amitié pour
vous est toute vivante dans mon coeur, et sera la dernière des
impressions qui s'en effacera.

<1v> depuis longtemps vous mettès dans la classe des mensonges
officieux, et conséquemment innocents, l'allégation de lettres
préètendues, et que dans le fait, votre paresse vous escamote; celle
de cet été dont vous me parlès est dans ce cas la. nous sommes trop
vieux mon cher amy pour nous refondre.

mais tandis que je pérore, en surçroit d'un gros rhume qui me
fatigue depuis troix semaines, un rhumatisme très vif sur les
épaules arrivé de hyer, et que je force aujourd'huy pour ne
pas tarder plus longtemps a vous souhaiter la bonne annèe
m'arrache la plume. adieu mon très cher, assurès Madame de ma
reconnoissance et de mon respect, ainsy que des voeux que nous
faisons pour elle, moy et ma famille qui la remercie de l'honneur
de son souvenir; et contès que vous n'avès pas au monde d'amy plus
tendre que Mirabeau

A Monsieur
Monsieur de Sacconay
a Berne en Suisse