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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 10 juillet 1754
de paris le 10 juillet 1754
votre bon coeur mon cher saconay vous a fait envisager mes
avis déplacés du cote de la forme du fonds et non de celuy du fonds de la forme
je vous en remercie et vous devès vous en féliciter vous mème car
ce qui m'eut fait prendre par un autre pour un oiseau de mauvais
augure, peut d'une part vous ètre une preuve de la vigilance
de mon amitié et de l'autre étant pris comme généralitès peut
aussy avoir son utilité, sur un objet si ce n'est sur un autre; la
vie est sujette a tant d'inconvènients et de vicissitudes que les
principes raisonnès de constance et de rèsignation, ne peuvent manquer
de trouver leur moment d'utilité. 1 mot biffure ce n'etoit pas sans douleur
que je cherchois dans mon esprit des remédes contre les maux de
votre ame, et ce sera avec une grande joye, que j'aideray vos lu=
mières de mes réflexions sur le gouvernement, elle sont la suitte
d'une vie active en mème temps et réfléchie, d'une grande habi=
tude des hommes passès et présents, et d'une étude suivie; le 1er
fruit que j'en ay tiré a été une ferme résolution de me contenter
de la vie privée, de remercier chaque jour la providence de m'avoir
fait naitre dans une classe d'hommes a laquelle elle se présente
d'elle mème, et de faire une ferme résolution de ne me mèsler jamais
d'affaires publiques; avec ces dispositions on est souvent propre
a soulager un amy cher qui se trouve engagé dans les soins de la chose
publique; il s'en faut de beaucoup cepandant que je ne croye pouvoir
<1v> vous ètre utile lâ comme dans une retraite forcèe; les belles ames
ont cela de propre que le bonheur les rends sages et les éléve et que
le malheur les aigrit et les raproche de l'homme, en cela différents
du vulgaire que la fortune enfle et que le malheur corrige. enfin
mon cher amy quel que soit le succès de vos espèrances croyès que
vous ne serès jamais qu'ou la providence vous voudra et donnès chaque
jour un quart d'heure d'attention a sa voix, cela suffira pour cal=
mer vos peines ou règler vos espèrances
je vous remercie de la bonne adresse a genève que vous m'avès
donnèe pour mon amy de marseille, je la luy ay envoyèe et n'en ay
pas encore reçu de rèponce, mais je vous en suis bien obligé.
ce que vous m'avès dit du Mis de langallerie me l'a fait examiner
de plus près; la nécessité de vivre avec quelqu'un, surtout pour sa jeune
femme qu'il doit un peu suivre, l'a 1 mot biffure jetté dabord 2 mots biffure dans les portions
de la société qui se livrent a touts venants, qui sont les maisons ou
l'on joue; cest une des facettes de l'humanité dont je fais le moins
de cas quoyque Me de M. y passe sa vie trahit sua quemque
voluptas. cela me l'avoit fait juger dabord sur l'étiquette du sac
et je scavois que je ne risquois pas grand chose avec vous; mais
l'ayant taté depuis je luy ay trouvé beaucoup de gout pour l'étude
des connoissances sur l'histoire et les historiens; j'ay entrevu du
talent pour les sciences, mais ce sont lettres closes pour moy, en enfin
il y a certainement plus de fonds que je n'en scaurois aprofondir;
la mort de sa tante et les détails d'affaires que cela luy a donné
l'ont occupé depuis quelque temps; je crois que si sa fortune le
luy permettroit il fixeroit volontiers son séjour icy, et y vivroit
<2r> avec des scavants et des amateurs. je n'ay encore vu que le titre
du livre de Mr de watteville, Mr de langallerie m'a dit que des
mènagements politiques l'avoient obligé a taire bien des détails
utiles; c'est lâ le malheur de l'histoire, la vèrité ne peut ètre que
pour les compatriotes et les contemporains, la politique léborgne
de son voile et quand le temps de cette dernière est passé, arrive
celuy de l'obscurité; adieu mon cher saconay donnès moy des
nouvelles de votre marche, assurès vos dames de mes respects et
contès sur la fidèle amitié de Mirabeau
a Monsieur
Monsieur Perraut pour faire
tenir a Monsieur de Sacconay au chateau de Burcinel
a Geneve Bursinnel