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Brouillon de lettre à Victor de Riqueti, marquis de Mirabeau, Berne, 25 février 1753
Berne le 25e Fev: 1753.
Je conviens mon cher Mirabeau que s'est un defaut que le
manque d'exactitude dans un comerce de lettre; mais je
crois que nôtre anciene amitié nous permet bien des Licences,
et celles sur tout qui retombent sur celui qui les comet
j'en suis le premier et le seul puni.
Je crois vous avoir dit qu'avec vous je deploye mon
coeur tout entier, vous le voyez à decouvert. S'est sans doute
un manque de philosophie que l'ardeur que je vous ay
temoigné pour etre placé, je suis avec vous come je suis
vis à vis de moi même, il m'arive souvent de m'exagerer
mes deffauts je n'en suis que plus ardens à en prevenir
les suites et que plus apliqué à les coriger. J'ay
eprouvé des secours d'enhaut dans des revers qui me les ont
fait soutenir avec assez de fermeté et j'ose dire
avec plus de fermeté que je ne me croyois capable d'en
avoir j'aime mieux pécher à cet egard par trop
de mefiance que par trop de confiance je suis plus
en garde contre moi même et plus empressé à vaincre
les obstacles qui s'oposent à mes dezirs.
Il faut au reste vivre dans ce païs ci pour
comprendre que d'aussi petits objets emeuvent d'aussi
<1v> grandes passions. nôs deffauts ou plutôt nôs vues
à cet egard sont plus une suite de la constitution
du gouvernement que de la perversité de nôs coeurs.
vous voyez tout le monde ici pensser uniformement
sur l'envie de se placer et de placer les 1 mot biffuresiens
dans la regence vous voyez ceux qui echouent
mener une vie malheureuse, etre sequestrés de leurs
connoissances, voir ecraser eux et leurs familles
à toujour perdre inssemssiblement toute consideration
etre ignoré et lon mésestime ici tous ceux que
lon ne conoit pas j'auray par devers moi
come vous me le dites les avantages d'avoir une
femme d'un caractere tel que je puis le dezirer
mais n'est-ce rien que d'avoir par devers sois les
remors de lavoir associée à son malheur sans
qu'elle en soit complice? Il es vray et justemt
aquise mais à peine peut elle sufire à mes besoins
tout les moeurs ont changé dans ce païs ci, quoique
ma vie soit une privation continuelle de ce que
tout autre appelerait necessaire. mes malheurs
en sont cause et ce que je postule depuis 15 ans
qui ma mis dans le train de depence où sont tous les
<2r> postulens qui sont ecrasez quand ils echouent et qui
1 mot biffure rangent leurs affaires et même s'enrichissent quand ils
reussissent. Vous n'en avez pas moins raison cher
ami dans tout ce que vous me dites sur cette matière
je vous en ay les dernieres obligations quand je
devoile les replis de mon coeur c'est pour que
vous travaillez avec moi à extirper les racines du Vice
Vous repondés donc à ma confiance et vous ne
mavez jamais manqué dans l'occation. s'expatrier
à 40 ans n'a rien d'efrayant pour moi si j'étois
assez heureux pour trouver un emplacement
convenable sans cela je n'y songerais pas.
Il est impossible detre indiferent sur le gouvernemt
dans l'emplacemt où je suis. les sujets sont plus
heureux quauqu'un sujets du monde, les bourgois
qui ont été agregés sous les conditions qu'ils
continueroyent les professions en faveur desqu'elles
ils ont reçû ne sont malheureuse que par une
ambition mal placée et par une indolence
impardonable, mais les familles reçuës pour avoir
sauvé la patrie, pour avoir contribué à son bien
etre et à son agrandissement son privés injustemt
<2v> de leurs patrimoines quand elles en sont excluës
pour toujours. heureusement le nombre n'en est pas
considerable pour que cela puisse ebranler le
gouvernemt la constitution est plus solide
à cet egard que les etrangers et même que les
gens du païs ne se limaginent et les raisons
de justice et de politique sont si fortes pour
moi à cet egard qu'il ne me manque que des
protecteurs paisans et desinteressés pour les faire
valoir. Je cultive mes amis et mes patrons journe=
lement je suis sur le pied du monde le plus agreable
accueilli, par tout estime, et conu de tout le monde
mais tout cela ne massure pas que je ne resteray pas
en arriere. en voilà assez cher ami il n'y a que
vous au monde avec le quel je me develope de ce