,
Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 07 mai 1736
de paris ce 7e may 1736
jay vu mon cher saconay mr de villards depuis votre
lettre écrite et je luy ay dit que vous my parliés
beaucoup de vous luy, et que vous connoissant du gout
il devoit deviner la façon dont vous vous exprimiés sur
son conte, il paroit avoir beaucoup d’amitié pour vous.
rien ne sera si aisé que de me retirer de l’impieté, la
reflexion m'en dégoute déjà, lage achévera son ouvrage
mais ce qui n’el'est pas tant et a quoy je n’aboutiray
je crois, jamais cest de me fixer a un genre de piété,
la plupart des gens, dans notre religion, surtout, surchargé,
de préjugés dans leur enfance, n’en perdent de vue que
l’observation dans 1 mot biffure la force de l'age et y retombent
dans la viellesse, mais aussi la plupart des gens font ils
bien peu d’usage de leur raison et
leur exemple n’est point une régle pour moy
cepandant jay peur de ne leur ressembler par la conduite
et cela arrivera méme surement si pour mon bonheur
ou mon malheur (car je suis indécis sur cela) je ne trouve
quelqu’un dont lesprit ait assés d’ascendant sur le mien
pour me fixer a un plan précis que la superstition ne
dérange pas, et il faut une furieuse force desprit et sur
laquelle je ne conte pas pour secouer, les préjugés
de l’enfance
<1v> nest ce pas la belle que tu m’as dit qui t’empécheroit toujours
de faire un mariage d’inclination, qui te sert de reméde contre
l’aimable g... mais dieux peut on quitter une aussi charmante
maitresse
rien n’est au pied de la lettre si correct si just si joly, que
le couplet de Melle isabelle, car il est tout cela pas un
mot qui n’ajoute au sens, pas une rime défectueuse, cest
un petit bijou... un poéme épique en cahin caha…
ah mon cher le bel ouvrage que ce seroit…
tu me mandes que tu m’envoyes des vers que lon a fait sur
toy, et je n’en vois pas un mot, pour l’intelligence desquels
tu me dis que l’on a mis sur la gazette une intrigue dont
tu m’as parlé, je ten prie tire moy cela au clair, mais ne
m’ecris plus a paris car je conte den partir bientost pour
besançon dou je t'ecriray dés que je seray arrivé
l'officier allemand reviendra et sera moins malheureux que
sa belle, mais je trouve votre conseil fort rude sur l'article
apres tout c’etoit un sot que cet allemand la, et il ma l’air
de ne pas cesser sitost de l’etre
tout ce que je trouve de mal a mr de crouza cest de ne
s'etre pas fait assurer tout, car 2 mots biffure au moins auroit
il dequoy payer quelqu’un pour faire sa besogne, car je
suis pas de l’avis que l’on puisse s’en dispenser en tenant
la monnoye, si vous donnies votre parole dhonneur de
bécher tout un champ dont il sortiroit une exhalaison
fort puante pourriés vous vous en dispenser ayant
<2r> reçu largent davance, non mais en offrant au possesseur
de le faire faire par un homme moins délicat, tampis pour
luy syl le refusoit... ah mon cher le joly sophisme pour
une dévote de soizante ans...
je vais bien m’aprocher de toy nous verrons la si nous
pourrons nous joindre
depuis quand sosie est il un nom d’amitié adieu adieu
donc
mirabeau
jay des obligations infinies a l’ostende qui te fait bien
des compliments