Transcription

de villeneuve la guerre ce 14 juin 1732

vous trouverès mon cher amy que je vous importune souvent
mais il n’est pas encore temps de crier et je vous en donneray
plus de sujet avant qu’il ne soit longtemps trois causes me portent
a le faire aujourdhuy premierement pour me divertir en second
lieu pour faire le meme effet en vous et troisiemement pour
confirmer mes camarades de voyage dans une idée dhomme a
bonne maitresses qu’ils ont prise de moy des hyer nous avons
marché tout aujourdhuy dans par avec un chaud et une lenteur
assommante jay été presque toute la matinée a pied et
l’apresdinée a cheval, nouvelle interessante, ouy sans doute
car a propos de cheval je vous conteray une asses drole
avanture qui m’est arrivée nos cochers ont avec eux un
petit bidet inutile qu’ils menent a un homme en bourgogne
l’on n'a jamais rien vu de si mutin et de si quinteux je n’en
scavois rien je lay monté cet apresdinée je lay party au galop
il a eté jusques vis a vis la porte d’une auberge ou il s’est
mis en etat d’entrer sans ma permission indigné de ce qu’il
ne reveroit pas plus un achadémiste tout frais jay voulu me
mettre sur la defensive mais il s’est dresse et par un saut
de mouton consecutif des plus rudes il a pensé faire separation
de corps avec moy sans arrest qui l’autorisat dans une action
si hardie tout ce que jay pu faire pour ne pas rester a la
porte a été d’abandonner mes etriers et mon chapeau qui est
tombé dans un bourbier et de m’acrocher des pieds et des points
ma acquenée après cet avantage est tombés entrée tryomphante
<1v> dans l’ecurie ou pour surcroit de malheur un lourdaut m’est
venu demander en riant si je voulois des chevaus de poste
je luy ay dit que non qui vous a donc mené icy m'a tyl
dit ton frere coquin ay je repondu je suis alle rejoindre mes gens
qui ne scavoient rien de mon accident le bidet n’a pas voulu
passer le coche et a la premiere sommation il s’est debarrassé
de moy en faveur de son col^r qui a fait donation et envoy de
ma personne a un fossé je me suis relevé tres piqué de voir
l’honneur des achadémistes barbouillé jye suis remonté et me
tenant sur mes gardes malgré toutes ses quintes je l’ay
vaincu a la fin mais souple comme un gand ma foy ce qui m’a
fait plus d’honneur que ma chute ne mavoit fait de honte
adieu mon cher portés vous bien compliment par cy compliment
par la

le che^r de mirabeau