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Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 15 avril 1749
du bignon ce 15e avril 1749
s'il ètoit possible mon cher saconay que je fusse plus
persuadé de votre amitié que je ne le suis et plus sensi=
ble aux marques que vous m'en donnès, l'une et l'autre
de ces deux choses arriveroient maintenant par le
contentement ou je suis de voir la façon naturelle
et vive dont vous exprimès la part que vous voulès
bien prendre a notre joye sur la naissance de mon
fils; ouy certainement mon cher amy je prie dieu
bien sincérement de le reprendre comme lautre avec
les circonstances les plus affligeantes s'il prèvoit qu'il
doive dègènèrer des vertus de ses pères; quoyquelles
ayent té toujours suffisantes pour le monde, le
monde quoyque bien malin par nature, est bien indul=
gent par ignorance sur cet article et l'hèroisme du
coeur et de l'ame selon la plus belle idèe que nous
nous en formons est petry de dèfectuositès. ce qu'il
y a de vray c'est que j'ay reçu un hèritage net et pur
de tout avantage fraude et oppression, jespère que
je le luy remettray de mème 1° parceque jay un grand
<1v> éloignement pour ces choses, et les raisons de temperem=
ment doivent comme les meilleures ètre toujours allègues
les premières; 2° parce que je scay que cela est mal, 3°
parceque dans plus de dix mille volumes qui m'ont passé
par les mains je n'ay vu nulle part le vice prospèrer
du moins dans sa race, 4° par lexperience et le raison=
nement jay apris que la ligne droite ètoit la plus
courte, et que ce n'est que par faute de calcul et de jus=
tesse desprit qu'on est fripon ou oppresseur de sens
froid, 5° parceque par la je me rendrois indigne de
votre chère amitié. ma femme vous remercie de tout
son coeur de vos remerciements et desire autant que moy
et avec la mème ardeur laccomplissement de nos
desseins.
je vous remercie a ce sujet mon cher amy de la peine
que vous vous ètes donnèe pour touts ces calculs, soyès
sur que je n'èpargneray rien au monde pour reussir
dans cette besogne je ne la desire que trop; ce que vous
me dites que nous trouverions bientost a bernes de
quoy remplacer les sommes empruntèes, mauroit
fait croire partie gagnèe en tout autre temps que
celuy cy et si je peux trouver a engager des fonds
sauf a les retirer dans deux ans les deux cent et tant
de mille livres qu'il faut seront bientost prètes, comme
le gros secours vient de provence, si l'impossibilité s'y
trouve vous en serès tost averty. adieu mon très cher
je vous embrasse de tout mon coeur.