Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 07 mars 1749

du bignon ce 7e mars 1749

je reçois mon cher amy votre lettre en datte du 20 du
mois de fèvrier. je vous prie de remarquer que ce n'est
pas un rabais que ce qu'on nous propose, car dans =
tat de la terre que vous m'avès envoyé il est specifié
que les effets mobiliers scavoir bestiaux chevaux, foura=
ges,
fustes, chariots et instruments de campagne
entrent
dans la vente; et en effet on ne vend pas une terre sans
les agrais propres a la faire valoir; il faut donc distr=
aire cela qui a èté offert dès la premiere proposition
reste aux meubles de la maison; je comprends que cest
un objet considèrable, mais mon cher amy cest une sorte
de richesse dont je regorge, et dont le principal avantage
en cette occasion cy est de grossir l'objet du mobilier et
par la diminuer l'objet des laods: car vous voyer que
dans ces meubles il ny a ny linge ny batterie de cuisine
objets les plus indispensables et que j'avois cru y ètre
lorsque vous me mandates qu'il ny avoit que le bonnet
de nuit a porter; ce n'est pas que je ne voye que ce mo=
bilier ne soit un objet considèrable, tant par le trans=
port, les droits de sortie &c et mème par la beauté des
meubles, mais il faut bien de ces choses lâ quand on les
vend pour faire vint mille francs argent de france je
l'ay èprouvé; et dans un marché aussy considérable 2 caractères biffure
<1v> que celuy cy, il ne faut faut pas regarder cela comme une diminu=
tion: vous m'avès promis mon cher amy de m'en obtenir
une et jespère si vous voulès bien aller traiter de bou=
che quand cela ne vous dèrangera pas que vous l'obtien=
drès, car par votre dernière vous m'en promettiès une
considérable; dailleurs je desire mon cher amy que vous
ayiès un peu vu par vous mème les revenus, les bois
&c, car vous me tenès lieu d'un autre moy mème, et
jusques a prèsent nous ne scavons rien que sur leurs
mèmoires. cepandant mon cher saconay tout mon
calcul est fait quoyqu'il ne soit fait aucune mention
du principal article qui est de scavoir a quel interest
seront les sommes qui demeureront dûes; il ny a aucun
desir plus vif que celuy que jaurois de pouvoir conclurre
cette affaire, mais en evaluant toutes mes ressources
actuelles, je ne puis espèrer a tout faire dexcèder ac=
tuellement au dela de la somme de 140000 lb argent
de france; tachèzs mon cher amy de me faire retrancher
une partie de lexcèdent et de me faire prèter l'autre dans
votre paÿs 2 caractères biffure faute de quoy ny songeons plus du tout
car ce seroit me tenir vainement dans un suspens et
une action qui m'affaissent vèritablement. je vous rèpète
encore que je me croirois trop heureux du succès de la
chose, tant par la beauté de l'acquisition ou se rencon=
trent toutes les conditions que je pourrois desirer que
par la douceur de vivre en paÿs libre, ou je pourrois
exécuter toutes mes idèes, et d'ètre a portèe de vous mon
cher amy; si vous croyès que ma prèsence accelèrat
<2r> lobtention de quelqu'unes de mes propositions je ne plai1-2 caractères écriture
pas ma peine et je seray dans huit jours a vous a
cheval, mais encore un coup mon cher amy j'excède
mon pouvoir en ce que je fais actuellement et je ne
scaurois rien trouver au dela quand il s'agiroit d'acheter
la principauté de neufchatel; faites donc aussy de votre coté
le plus que vous pourrès pour nous reunir mon cher amy
ou s'il vous paroit impossible de joindre ainsy les deux
bouts; par pitié tirès moy au plutost de cette incertitude
en me mandant qu'il ny faut plus songer. adieu mon
cher saconay, pardon des peines que je vous donne, je scay
que vous les prenès de bon coeur. sur cette lettre cy et sur
celle de mes précédentes ou je vous mandois le denier ou
je voulois mettre mon argent, vous pouvès voir si vous trou=
verès moyen d'accorder le tout, et en ce cas donner parlole
pour moy et la recevoir, car je vous laisse le maitre et
m'en fie a vous vous ayant dit tout ce que je puis faire
pour le prèsent 1 mot biffure seulement faudroit il demander
six semaines de temps pour lexécution adieu mon cher
amy, mes Respects a vos dames.

mandès moy si ne croyant pas qu'il soit nècessaire que
je paroisse encore en personne vous pensès qu'il fut oppor=
tun que j'envoyasse un homme a moy très affidé et entendu
en gros, mais au fonds je ne conte que sur vous qui ètes
et bon agriculteur en gènèral et fort instruit des choses
de ce paÿs la et de mes intentions d'une façon dont je ne
m'en ouvrirois pas a tout autre.

mande moy aussy si tu crois que nous pussions tirer party
des bois en faisant une coupe, car dans ces sortes d'occasions
il faut s'exècuter 1 mot dommage et se liberer.

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 07 mars 1749, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/148/, version du 16.05.2017.
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