,
« [Sur l'athéisme et le fanatisme religieux], par G. J. Holland », in Mémoires lus à Lausanne dans une Société de gens de Lettres, Lausanne, [03] mai 1772, p. 151-161
Par Monsieur Holland.
Lû à la Societé litteraire, ce May 1772.
Messieurs,
Le fameux Hobbes fut si touché de toutes les
horreurs des Guerres Civiles, qui avaient dechiré
l’Angleterre, après la fin trangique de Charler I
que le mot de liberté, lui devint aussi Odieux, que la
memoire des forfaits auxquels il avait servi d’occasion et
de pretexte. Il regarda dès lors l’homme comme un
Animal Insociable et feroce de sa nature, défendit
avec Chaleur, et avec toutes les subtilités de son
esprit, le sisthème horrible du despotisme absolu, et rencherit
<152> rencherit même sur tout ce qu’on a Jamais dit contre les
droits de l’homme, les plus sacrés et les plus inviolables. Il
ne vit de remède à des excès, que dans des excès mille fois
plus affreux. Il établit dans ses écrits, les principes d’un gouver=
nement, qui sont plûtôt ceux d’un frenetique que d’un
Philosophe, qui pense en homme.
Rien de plus semblable que la marche de son Esprit
et celle des Ennemis modernes du Theïsme. Outrés des
abus Criants et des folies multipliées de la superstition, des
hommes sensibles, mais peu Capables de discutions lentes
et circonspectes, croyant ne Jamais trop s’éloigner du fanatis=
me, se jettent dans l’extremité opposée.
Le Dieu qui a servi de pretexte à tant d’absurdités, et à tant
de forfaits, leur devient aussi odieux que la superstition
elle même. Rien n’arrête les emportemens de leur imagi=
nation allarmée; Tout ce qui de loin paraît favorable
au parti qu’ils prennent, est avidement saisi sans Choix,
et sans examen: Tout homme qui desormais leur parle
de Dieu ou de Religion, est ou un fourbe ou un imbecile.
Les absurdités les plus choquantes sont embrassées et
défenduës avec Anthousiasme, pourvû qu’elles mettent
une distance infinie entre leur sistème, et celui dont la
haine les anime. Pour n’avoir plus rien de Commun
avec l’homme superstitieux, il ne faut accorder l’exis=
tence qu’à la matière et au mouvement; Il faut ne
reconnaître n’y ordre ni dessein dans l’univers, Il faut
anneantir les esperances de la Vertu, et les remords du
Crime, il faut reduire toutes les facultés de nos ames à
des attrations, et des repulsions, il faut tout soumettre
à une nature aveugle, à la necessité au hasard, La
credulité ne change alors que d’objets; Les hipotheses
les plus incroyables sont recueillies pour soutenir cet
amas d’oppinions opposées à la raison et au sentiment;
Tout homme, qui a écrit pour la Cause de l’hateïsme est un
<153> est un oracle, eut il encore plus mal raisonné que Lucrèce
ou La Mettrie. Le feu de l’Imagination, toutes les subtilités
d’une fausse metaphisique, les Passions les plus enflammées sont
sans cesse occupées à étouffer la voix du Cœur, à obscurcir la
raison, à faire méconnaître de la nature entière.
Plaignons, Messieurs, excusons même, s’il se peut ces hommes
chagrins et nourris de bile, ces reveurs tristes et sombres, qui
vivent sans Dieu, et qui ne trouvent aucun appuy dans la
nature aveugle, qu’ils ont mise à la place de l’être suprême.
Leur sistème a brisé tous les ressorts de leur ame; Il a ane=
anty pour eux le plus grand bien de l’homme; l’esperance,
ce beaume souverain pour tous les Maux. Des idées lugu=
bres retrassent sans cesse des peintures affligeantes à leur
esprit; Le monde n’est pour eux qu'un effroyable desert, et
manquent de force pour s’acheminer vers l’immortalité,
ils trainent une vie Malheureuse vers le neant, que leur
sistème leur montre, et que leur ame desolée ne regarde
qu’avec horreur. Plaignons les, Messieurs; Mais défions
nous toûjours des gens qui se portent aux extremités,
et n’oublions point que la sagesse ni conduit jamais.
Tout ami de l’humanité ne peut qu’aplaudir lors
que des Philosophes aussi sages que courageux Emploïent
tout le feu de leur genie à desabuser les mortels, à confon=
dre les Ministres de l’Erreur et du Mensonge, à montrer
le fanatisme dans toute son attrocité. Ce que leurs efforts
genereux ont déja effectué dans des tems moins éclairés
que les nôtres, peut faire juger, de ce que nous ose=
rions en attendre aujourd’huy, si le Ciel de sa Colère
n’avait pas suscité ces déclamateurs Aveugles, ces homes
incapables de discerner, et toûjours occupés à semer le
trouble et le desordre, sous le pretexte de Guerir les
mortels d’un mal qui ne scavent qu’envénimer. Ce sont
des energumenes d’une autre espèce, qui outrent toutes leurs
peintures, au point qu’elles ne ressemblent plus à rien. Il est
<154> Il est impossible que l’homme le plus fanatique si recon=
naisse, et elles deviennent par là non seulement inutiles,
mais encore plus dangereuses que le mal qu’on attaque.
Leurs sistèmes, si toutes fois l’on peu decorer de ce nom
un Cahos de Contradictions et d’absurdités, ne fournissent
que des victoires trop faciles aux Suppots même du fanatisme
et de la supertion. Voila, s’ecrient ils en Triomphant,
Voila quels sont les gens qui attaquent nos saintes
institutions! Voila comme on se trouve forcé à Violer les
Loix de la bonne foy, et à renoncer au sens commun,
dès qu’on s’éloigne du sistème de nos Prêtres! Voila
l’Abime horrible où se precipite naturellement tout homme
qui ose se soustraire à nôtre Autorité! Voila Enfin
ce que c’est que la Philosophie! Dès lors la fourberie se
rassure, l’erreur prend de nouvelles forces, les magistrats
sévissent contre la Liberté d’Ecrire, tout homme qui sort
du Chemin batu devient suspect; Le sage lui même se
voit obligé de faire trêve avec la Superstition, pour
combattre l’ennemi commun, l’Ennemi de l’ordre et de la
societé.
Toute la recherche sur l’utilité morale du dogme
de l’existence d’un Dieu remunerateur et vengeur se
reduit à cette question: Est il probable que les hommes
avec moins de motifs d’être vertueux, le seraient
davantage? Au lieu de resoudre cette question nos
déclamateurs nous repètent sans cesse une vérité incon=
testable, mais qui ne prouve rien en leur faveur;
Ils ne cessent de nous dire que malgré la Religion
Il y a des hommes imbeciles, vicieux et méchans dans
tous les états, et que la superstition est funeste à la
morale à la Politique, aux progrès de l’esprit humain,
au bonheur des Nations et des individus. Sans doute
que les passions des hommes sont souvent plus fortes
que les motifs qu’on peut tirer non seulement de la nature
<155> nature des Choses, mais encore de l’existence d’un Dieu tout puis
puissant, present partout, et scachant jusqu’à nos pensées les
plus secrettes; D’un dieu qui veut que nous conformions nôtre
conduite aux regles éternelles de la Justice, qui punira les
transgresseurs de la Loy inscrite dans tous les cœurs, et qui sera
le renumerateur immanquable de ceux qui pratiquent
la Vertu. Tout cela n’est malheureusement que trop vrai;
Mais prouve t’il qu’on trouverait plus d’ames honnêtes,
s’il y avait moins de motifs de l’être? Que dis je ? Ce fait ne prouve
t’il pas, que sans la Religion, la Vertu et la bonne foy
seraient encore plus rares, et les ravages des passions encore
plus affreux?
J’accorderais volontiers aux ennemis du Theïsme qu’on
peut tellement corrompre la Religion, qu’au lieu de servir
de frein aux Passions, elle leur sert de pretexte, les
autorise et les rend même plus ardentes. Bien loin
d’aider la raison et le sentiment, elle leur fournira alors
de contre poids, et je comprend par là comment un
Athée de Cabinet peut être moins dangereux qu’un
fanatique. Mais si l’Atheïsme se repandait dans tous
les états, si les Princes et les Magistrats les Militaires, le
Peuple ne croyaient plus en Dieu; Je demande s’il n’y
aurait pas plus de Bêtes feroces qu’il n’y a actuellement
de fanatiques sur la Terre? Ne verait on pas plus d’hom=
mes lacher la Bride aux Passions les plus attroces qu’on
ne voit à present d’hommes superstitieux, qui scavent
allier la Corruption des mœurs avec leurs sistèmes
Religieux? Un Tiran Athée ne serait il pas un
fleau encore plus Terrible qu’un tiran devot? L’ava=
rice, la licence, la perfidie, la Cruauté, tous les
Crimes manqueraient ils de Pretextes, si la Religion
ne pouvait plus leur en fournir?
Est il Philosophique, est il raisonnable de tenir un
Registre exact des maux que produisent la superstition et le
<156> et le fanatisme, et de ne faire aucune attention aux
avantages infinis que la Religion procure aux Individus et
à la societé? Combien de Volumes ne pourrait on pas
remplir de l’enumeration des tristes effets causés par
ces medecins homicides, ces charlatans, qui empoisonnent
journellement une partie considerable du Genre humain?
Des amis de l’humanité démasquent ces imposteurs; font
le Tableau de leurs ravages, et avertissent le Peuple de
tous les états, de ne pas leur donner sa confiance; Mais
ils sont trop sages pour décrier l’art medecinal à cause
des Charlatans, quand même on trouverait mille de ces
derniers contre un seul Tissot. En même tems qu’ils
dépeignent avec les Couleurs les plus vives les suites
déplorables de l’Ignorance et de la fourberie des faux
medecins, ils se font un devoir de proposer des moïens
de diminuers le nombre des abus, et de détromper peu
à peu le Vulgaire de ses préjugés. Voules vous bien meriter
du genre humain Philophes de nos jours! Imités
cet exemple; Que le feu de vôtre genie éclaire en
même tems qu’il devore! Que la raison que des
idées précises d’ordre et de bonheur dirigent tous vos
efforts! Que le sacré lien de la societé soit respecté!
«Le fanatisme, dites vous, divise les hommes.
Animés de cette fureur sacrée, ils se méprisent, se
haissent, se persecutent, s’égorgent, pour des opinions.
Le souverain s’arme contre ses sujets; Les Citoïens
font la guerre à leurs concitoyens; Les Pères detestent
leurs Enfans; Ceux ci versent le sang de leurs Pères;
Les societés se déchirent de leurs propres mains. Le
nom de Dieu devient le Signal de la terreur, de la
demence, de la Cruauté, de l’Inhumanité, et sert de
pretexte à la Violation la plus éfrontée des devoirs de
la Morale.»
Vous avés l’esprit si frappé de ces horreurs, que vous ne voulés
<157> ne voulés plus de Religion du tout. Que deviennent donc, vous
écriés vous, les avantages que l’on s’imagine resulter des
notions qu’on nous donne sans cesse de la Divinité? Helas!
dites aussi, que deviennent les avantages que l’homme peut
tirer du sentiment moral, de l’experience, de la raison, et
des Loix, quand il s’abandonne à la fureur de ses passions,
et condamnés alors, si vous l’osés, le sentiment l’experience,
la raison et les Loix. Vous vous voyés continuellement
entouré de flots de sang répandu par le fanatisme,
vôtre imagination allarmée vous peint sans cesse des
St Barthelemi, des Croisades, des Buchers de l’inquisition,
des Espagnols en Amérique, des Dragonnades, et vous ne
voïés plus cela. Tout homme qui lache la bride à
ses Passions est un animal Terrible, dans quelque état
qu’on le considère; La Jalousie, l’Interet, l’Ambition,
l’orgueil et la vengeance ne manqueront jamais de
prétextes, quelle que soit la Croyance des Peuples.
Le fanatisme Religieux n’en est que l’effet et l’Ins=
trument. Etait ce des motifs de Religion qui firent
inonder Rome du sang de ses Citoyens, lors que Marius
y entra victorieux? Les proscriptions de Sylla furent
elles dictées par le fanatisme? On y vit les esclaves
plonger le Glaive dans le sein de leur maîtres, des fils
degoutans du sang de leurs Pères, se disputer la tête
qu’ils venaient de trancher; Des frères vendre la Vie
de leurs frères, les Citoyens s’arracher les Lambaux de
leurs concitoyens. La liberté devint le signal et le
prétexte de l’Inhumanité; Le nom sacré de la Patrie
retentit dans les airs et anima au Carnage; Tout
comme les mots de Religion, et de Dieu servent souvent
de cri de Guerre à des monstres infernaux. Est ce la
Religion qui fit un Brigand d’Alexandre de Macedoine?
S’il avait été Chrétien, peut être aurait il couvert son
Ambition demesurée de quelque pretexte Religieux; peut
<158> Peut être aurait il mis l’Asie en combustion, pour arracher
des Lieux saints à des infidèles, et pour procurer plus de
sureté aux Pelerins. Tout devient aliment pour le
feu d’un esprit fougueux. Ce n’était point la Religion
qui fit un Tiran sanguinaire de Louis XI Et un Monstre
de perfidie de Ferdinand d’Aragon. Qu’auraient ils fait
si on leur avait encore ôté la chaine qu’ils employaient
souvent à assommer les objets de leur jalousie et de
leur crédulité?
Il est vrai que malgré la Religion, on voit des chefs de
Nations, des hommes puissans, se mettre insolemment au dessus
des regles de l’Equité Naturelle, et à arracher le pain
aux peuples affamés, pour fournir à leur luxe, et à
celui des Vils instrumens de leurs iniquités. Il est vray
que l’Idée d’un Dieu vengeur n’effraye pas assés des
conquerans ambitieux, qui, peu contens d’opprimer leurs
propres sujets, vont porter la desolation, l’Infortune, et
la mort chés les sujets des autres. Il est vrai que la
Religion n’aiguïllonne que faiblement ces Princes
depourvus d’Energie et de vertu, qui negligent des
devoirs évidens, dont ils ne daignent pas meme
s’instruire. Il est vrai encore que dans les Princes, le
plus humblement soumis à la superstition, l’histoire
ne nous montre souvent que des Brigans trop
Orgueïlleux pour être humains, trop grands pour être
Justes; Qui se sont faits un code à part de perfidie,
de Violences et de Trahisons. Ce sont des faits que
personne ne peut revoquer en doute; Mais des
faits qui ne prouveront Jamais autre chose, si=
non que l’Irreligion et la superstition sont deux
monstres également funestes à la societé, et qu’elles
le sont sur tout dans des hommes méchans ou indolens
qui exercent le pouvoir souverain.
Un écrivain moderne croit nous faire une objection terrible
<159> terrible, en disant; Que l’histoire nous montre dans tous
les païs, une foule de Potentats, vicieux et Malfaisans;
tandis qu’elle ne nous en montre Guère qui ayent été
Athées. Il conclut de cette observation qu’il aurait été beaucoup
mieux, si les souverains n’avaient jamais eu de Religion.
Conclusion admirable! Il est certain que le Dogme de
l’existence de Dieu est inculqué à tous les hommes, et
particulierement aux Princes, dès la plus tendre enfance.
Pour deraciner une idée qui est pour ainsi dire, aussi
amalgamée avec la nature elle même, il faut passer
par une grande chaine de speculations qui ne
conviennent guère, ni au gout des Princes, ni à leur
genre de Vie. L’Atheisme speculatif, ne peut être que
le sistème d’un reveur sombre, qui dans la retraite de son
Cabinet a eu tout le tems necessaire pour anéantir, à
force de metaphisique, les préjugés de l’Enfance, et le
témoignage du sang commun. Il est donc tout naturel
que ce sistème ne se trouve presque jamais sur le Trône:
Mais rien n’empeche de croire qu’il fait ordinairement
la philosophie de ces fourbes de sang froid, de ces
Ministres d’Iniquité, qui passent leur vie dans ce Cercle
de Crimes, que les imbeciles apellent Politique, coup
d’Etat, ou art de gouverner.
L’histoire ne nous montre gueres de souverains
Athées, Elle offre d’autant plus de Princes, dont la Vie
n’a été qu’un tissu d’Impietés, entremelées d’actes de
superstion et de fanatisme. Un Prince esclave de ses
Passions, et plongé sans cesse dans un tourbillon de
distractions, n’a ni le tems ni la volonté de se replier
sur soi même; Et aussi peu Athée que Religieux, il
n’est pas même homme. C’est un être perverty qui n’a
point de sisteme, et qui passe sa vie dans un délire
continuel. Il croit en Dieu, par préjugé, et malgré luy
<160> lui, mais il fait tous ses efforts pour en éloigner l’Idée;
Lorsque dans les Angoisses de sa coscience bourellée, la
voix du cœur, et les préjugés de l’Enfance reprennent quelque
force, il passe d’un espèce de Vertige et de démence à l’autre.
Il tache de se reconcilier par des pratiques futiles et souvent
nuisibles, avec une Divinité qui ne connaît pas: Dans le
cours de ses injustices et de ses débauches, il pense à
l’Eternité, comme un Criminel pense un Gibet et à la
Roüe; sa devotion est celle d’un malfaiteur qu’on va
executer.
Les annales des Nations nous offrent encore un grand
nombre de Princes, qui ont allié la superstition avec les
mœurs les plus corrompües, et qui ont sû Couvrir les plus
horribles forfaits du Manteau de la Religion. Ce Philippe,
qui du fond de l’Espagne trouble tous les Etats de
l’Europe, et mérita le nom de Demon du Midy; Ordonna
des meurtres le Crucifix en main, se liga avec des Prêtres
contre ses propres sujets, fit égorger ou bruler à petit
feu, l’Espagnol, le Batave, le Piémontais, et le Calabre,
pour des opinions, et passa une partie de la journée
dans une Chapelle, entre deux Recollets, tandis
qu’on executait les ordres Inhumains de son Ambition,
et qu’il roulait dans son ame noire de nouveaux
projets de débauches et d’Injustice. Ce Prince ne fut
point Athée, et je ne puis pas dire ce qu’il aurait
fait de plus ou de moins s’il l’eut été. La question, dit
le Président de Montesquieu, n’est pas de scavoir,
s’il vaudrait mieux qu’un certain homme n’eut
point de Religion que d’abuser de celle qu’il a;
Mais de scavoir quel est le moindre mal, que l’on
abuse quelque fois de la Religion, ou qu’il n’y en
eut point du tout parmi les hommes.
Le meme écrivain que je viens de citer, demande
si ces assassins, ces voleurs, ces malheureux, qui remplissent chaque
<161> chaque jour les Gibets et les Echaffaux, sont des incredules
ou des Athées? Il répond que non. Et en conclud que la
Religion est trop faible pour retenir les passions, qu’elle est
par consequent inutile. Ce raisonnement est aussi solide
que le précedent. Ces Malheureux n’ont ils pas aussi
bravé les Loix, l’opinion publique, les Gibets et les
Echaffauts? Il n’en falait donc pas moins conclure qu’il
ni a rien de si inutile que les Loix et les punitions.
La Religion, comme tous les motifs reprimans,
ne détruit point la liberté de l’homme. C’est par ses
principes qu’il faut la juger, et non pas par la conduite
de ceux qui les pervertissent, qui en abusent ou qui
les oublient. L’Athée speculatif accuse de mauvaise foy
les Theologiens, qui lui reprochent la Vie deréglée des
Athées pratiques; De quel front ose t’il donc mettre sur
le Conte de la Religion des Crimes qu’elle condamne,
et des hommes qu’elle desavoüe.
Je m’étais proposé, Messieurs, de donner plus
d’étendue à ces reflexions, et de montrer surtout
avec combien d’Injustice on accuse aujourd’huy la
Religion d’avoir retardé le progrès des sciences et
des Arts. La Crainte d’abuser de vôtre Patience, et
le défaut de Loisir m’en ont également empeché.