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« Sur le choix des occupations, par C. de La Croix de Castries », in Mémoires lus à Lausanne dans une Société de gens de Lettres, Lausanne, [05 avril 1772], p. 60-62
Du Choix des occupations.
Par Mr le Comte de Charlus
L’Occupation est necessaire à l’homme, car c’est de
l’inoccupation que nait l’Ennui source de tous les vices.
Cet état de l’ame, rival du bonheur, puis qu’il le
détruit, nous rend inutiles à la Societé, et nous oblige de
nous livrer aux jeux, aux femmes, à l’intemperance,
et à une infinité d’autres Passions viles, basses et brutales.
Voïés ce riche accablé sous le fardeau des ans? Qui
dans sa jeunesse n’a pas voulu s’occuper, voïés le, dis je,
que dira t’il que fera t’il? Que fera t’il? Il s’ennuyera
par tout où il se trouvéra, même dans les plus agré=
ables societés, par ce que l’on parle de sciences, dont il n’a
Jamais eu aucune notion, et dont les noms par leur pronon=
ciation dure et difficile, lui font croire que l’on parle
d’Animaux du nouveaux Monde, ou de la maison de
campagne de quelque Prince Allemand; Enfin non seu=
lement il est à charge à lui même, mais aussi à tous
ceux qui ont le malheur de Vivre avec lui. Ainsi les
desavantages, de l’inoccupation sont assés palpables pour
<61> pour porter les gens qui refléchissent un peu à s’occuper, les jeunes
gens surtout doivent, continuellement être en activité, par ce que
l’habitude étant une fois prise, le travail ne sera plus penible
pour eux, lors qu’ils seront avancés en âge, et ils se trouveront
dans l’heureuse possibilité de rendre des services à leur famille,
à leur Patrie, à l’humanité; De prouver par cette conduite une
douce satisfaction à leurs Parens, plaisir sublime et délicieux pour
les ames que l’amour du bon enflame des feux.
Mais il ne suffit pas de s’occuper, il faut encore choisir
l’occupation la plus convenable, on doit d’abord prendre celle
qui est la plus relative à son sexe; Ainsi un homme qui doit
rendre son corps robuste, et son Ame forte, qui doit travailler
à toutes les sciences, afin de s’acquerir une reputation, et
de parvenir aux prémiers emplois de l’ordre social, dans
lequel il se trouve, ne doit pas s’occuper à faire du filet, de la
tapisserie, et autres ouvrages semblables, qui semblent destinés
aux femmes, et même ne convenir qu’à celles d’entr’elles qui
par leur état ou leur richesses, étant condamnées à l’Inaction
sont neantmoins obligés de travailler, afin d’échapper à l’ennui
qui les poursuit.
L’On doit ensuite choisir ses occupations, relativement à
l’état que l’on occupe dans la Societé: Ainsi il ne conviendrait
pas qu’un homme, qu’un homme qui doit prétendre aux
plus grandes places travaille, par exemple, à faire des
souliers, des corps de chasse, ou à faire un métier quelconque
purement mechanique, par ce qu’il faut se soumettre
aux distinctions établies dans la Societé.
La 3e attention que l’on doit avoir dans le choix
de ses occupations, c’est d’en prendre qui puissent être utiles
pour soi, et pour autrui, soit actuellement, soit dans l’avenir.
Le terme d’utile présente une idée aussi commune, pour que
je doive pas le définir ici, Il suffit de prévénir qu’il faut
éviter les occupations qui peuvent être inutiles, comme celles du
grand flandrin de Vicomte, du Misantrope de Molière, qui fesait des ronds
<62> des ronds dans un puy, et autres platitudes semblables.
Enfin la 4e attention qu’il convient de ne point negliger, lorsque
l’on a eu égard aux trois principes precedens dans le Choix de ses
Occupations, c’est d’en prendre toûjours autant qu’il est possible,
qui soient agréables pour nous et pour autrui, soit actuellement, soit
dans l’avenir.
Après avoir satisfait aux besoins Phisiques, au necessaire
à l’utilité; Il faut pourvoir aux agrémens, et aux plaisirs,
ils font la doûceur de nôtre Vie, et de celles des personnes avec
lesquelles nous avons le bonheur de Vivre. Je voudrais
contribuer à celle de la vôtre, Messieurs, en suivant avec
scrupule les regles prescriptes dans ce Tableau, des attentions à
suivre dans le Choix des occupations, dont j’ai trouvé le modèle
parmi vous.