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Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 02 novembre 1747
du buignon ce 2e 9bre 1747
rien n'est plus cruel dites vous mon cher amy que de consulter avec des
femmes, cela est vray a bien des ègards, cepandant, il ny a que ce
secours pour des enfants de l'age du votre, les mèdecins sont pernicieux.
prenès garde que quelque dent ne puisse percer car ce que vous m'en
dites est une suitte de simptomes de cela, en ce cas faites luy donner
un coup de lancette a la gencive; cependant s'il n'a pas de fièvre
le tout pourroit ètre des vers, trois cuillerèes d'huile d'olive et deux
de vin mèslé ensemble sont le meilleur remède, a donner pendant
trois matins; mais je ne songe pas que votre lettre est du quinze
du mois passé et que votre enfant doit ètre ou guéry ou si considèrablement
empiré quand vous recevrès ma lettre qu'il est imprudent a moy d'en
parler si longtemps; remerciès dieu mon cher amy, s'il vous l'a conservé
et remerciès le aussy s'il vous l'a oté de n'avoir pas attendu un age
ou vous vous y fussiès attaché; chaque jour auroit ajouté de nouveaux
liens a ceux par lesquels vous luy teniès déja, je scay ce qui en est
et dieu m'eut fait une grande grace du moins pour le temps de m'en=
lever mon enfant a deux ans. je ne conte pour rien vos autres tra=
vaux au prix de la permanence d'inquiètude que donnent ces sortes
de craintes, l'un est cepandant le cours de la vie humaine comme
l'autre; vous ètes jeune mon cher amy votre femme et vous, vous aurès
des enfants et en nombre, lunion des ménages est la prospérité des races.
<1v> je vois par votre lettre mon cher amy que Me votre femme n'est pas
encore accouchèe, la mienne l'est il y a deux mois, mais comme c'etoit
d'une troisième fille je ne vous en parlay pas. les maladies nous ont un
peu quitté mais non pas les ouvriers, je veux dire ceux qui travaillent
a la maison ou j'en ay de toute espèce; comme cela ne rend rien et ne
fait que ruiner et embarasser, jay grand regret a ceux la; car mais quand
a ceux de dehors, cela ne fait que croitre et embellir, j'ay actuellement
5 auvergnacs qui travaillent dans leau, dix limousins dans mes prèz et
environt 25 du paÿs a la journèe, sans conter les arracheurs et autres
gens a prix fait. cela ne m'occupe pas seul mon cher amy et outre mes
autres affaires, je ne perds pas de vue ce dont je t'ay parlé, mais tu sais
ce que cest que ce paÿs cy ou tout rèpond petit et grand de deux cent
lieues a la ronde, et tout ègalisé, tout prètendant a tout, tout remuant
tout intriguant; je n'ay pour moy que quelques amis trop honnètes
gens pour ètre fort acrèditès, quelque réputation, peu mèritèe, et une
attention suivie et continuelle, avec cela de quoy peut on s'assurer? de rien.
ne dèsespère cepandant pas de me voir jouer un rôle, s'il se prèsente jour
a cela, sans biaiser a la probité, sorte de route que je ne scaurois tenir
si jamais je pouvois causer avec toy je te dirois a cet ègard de rares
particularitès, mais cher amy quand sera ce? dans deux ans au plustard
si nous vivons, car si je suis libre en ce temps la jay depuis longtemps
projetté de faire le voyage d'italie. adieu mon cher saconay, tu as mille
compliments d'icy, offre mes Respects chex toy, et si tu perds quelque
chose, remercie dieu de ce qui te reste.