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« Sur la légèreté d’esprit », in Journal littéraire, Lausanne, 24 mai 1781, p. 50v-51v
Le 24e MayAssemblée presidée par Mr Verdeil,
Mr Bugnion Sec.
Quest? Que faut il faire pour se guerir
de la légereté d’Esprit?
Mr Vernêde y a repondu par un
Memoire, dont voicy l’analyse.
Il definit la legereté d’Esprit, la di Une
imperfection dans la nature même de cette
Faculté, d’où resulte l’imperfection de ses
Actes, & qui consiste dans l’impossibilité ou
du moins une grande difficulté à se fixer
assés lontems sur le même sujet, pour le
bien connoitre.
Les Causes de cette legereté sont ou
Une mauvaise disposition du Corps
Une Education vicieuse
Une trop grande dissipation
Des Passions trop vives
<51> Ceux chés qui on remarque le plus de legereté
d’Esprit sont les jeunes gens & surtout les
jeunes filles, parce que la plupart des Causes
cy dessus indiquées agissent sur cet âge là
avec plus d’empire, que sur aucun autre.
La legereté d’Esprit expose à de grands
inconvéniens, dont les principaux sont:
Qu’on connoit mal
On sent mal
On agit mal, & on chancèle dans tous ses
sentimens & touttes ses resolutions, autant de
motifs à se corriger.
Les Moyens de se corriger de ce défaut
seroient de se convaincre par soi même
ou par le secours d’autrui, qu’on a vraiment
l’esprit léger, puisque bien des personnes dans
ce cas, forment cependant souvent des
prétentions à la solidité.
Tâcher d'en bien sentir les inconvéniens
Vouloir employer les moyens de s’en corriger
Etudier les Mathematiques & s’appliquer
au Dessein
S’astreindre à penser convenablement à un
objet, y revenir dans des tems marqués.
Se rappeller enfin les idées qu’on a eues
précedemment.
À cette analyse de sa Dissertation Mr Vernêde
a été prié unanimément de vouloir bien
joindre une Copie du Mémoire entier, pour
qu’il reste dans le Portefeuille de la Societé,
suivant la resolution prise lors de l’abolition
des Copies.
<51v> Mr Gillies croît que ce qu’on appelle
l’Education du Monde favorize beaucoup
la legereté d’Esprit, & voudroit pour remède
l’Etude des Mathematiques.
Mr Bridel pense de même.
Mr Verrey propose d’appliquer seulement
les jeunes gens à des sujets à leur portée,
sans se fixer à aucun en particulier.
Mr Levade est entierement de son avis.
Mr Bugnion adopte aussi cette idée, &
croit que les Mathematiques, & même
les figures les plus simples de la Geométrie
sont capables d’effrayer une jeune tête
inappliquée & légère, qu’on voudroit
guérir, & qu’ainsy il faut chercher quelque
sujet de son gout, qu’on tâchera de lui
faire suivre, jusqu’à ce qu’elle soit un
peu corrigée.
Mr le President a distingué la Legereté
d’Esprit qui a pour cause l’organization, si tant
est qu’elle existe de celle de l’Education.
La première est incurable; La seconde peut
être corrigée chés les Enfans par l’application
à une Etude suivie, particulièrement de la
Géométrie, par des recompenses & par l’Education.
Chés les hommes faits la Volonté y suffit, &
les Mathematiques y concourrent.
Prochaine AssembléeLe sujet de la prochaine Assemblée sera
l’examen préliminaire de la Question sur les Mœurs
proposée par l’anonyme.