Transcription

Lausanne 1772

Messieurs D'Eyverdun, Pasche, et Mingard, ayant proposé à quel=
ques personnes, de se joindre à eux pour passer ensemble une
couple d’heures chaque semaine, pour s’entretenir familierement
de choses rélatives aux sciences, et aux Belles lettres; leur proposi=
tion fut d’abord agréée successivement par Messieurs Le Comte
de Charlus, Le Comte d’Hoym, Le Baron de Montolieu,
Wetzel, Holland, Bugnion de Londres, DeLoys DeVillardin,
Van Berchem, DeSaussure de Morrens, Polier de Corselle.

Après quelques Essais d’assemblées entre ces Messieurs, tous ont
trouvé qu’il serait aussi utile qu’agréable, de donner, à leur
commerce littéraire, une forme réguliere et fixe, qui, en faisant
prendre à leur societé une consistance plus solide, les mit en état
d’en tirer une plus grande utilité, pour leurs progrès dans les
connaissances utiles, et agréables; et servit à prévenir les abus qui
pourraient sy introduire, et en diminuer les avantages réels.
En conséquence tous ces Messieurs nommés ci dessus se trouvant
rassemblés chez M^r Mingard le Dimanche 8^e Mars; On convint
unanimément de nommer quelques membres de la compagnie
que l’on chargerait de tracer un plan de reglemens selon lesquels
la société se conduirait pour tout ce qui concerne sa formation, son
but, ses assemblées, et ses opérations. On chargea de ce soin M^rs
D'Eyverdun, Pasche, Mingard, Bugnion et Wetzel qui se
rendirent chez M^r Mingard le Jeudi 12^e Mars, et y travaillerent
à former un corps de loix, construit sur le Modele de celui que
M^r Locke forma autrefois en Angleterre, dans un but sembla=
ble.

Le Dimanche 16^e Mars L’assemblée étant formée chez M^r
Wetzel, M^rs Les Commis, nommés ci dessus, présenterent à la
Compagnie Les reglemens auxquels ils avaient travaillé, qui
furent unanimement aprouvés; et il fut ordonné qu’ils seraient
inscrits dans un livre destiné à cet usage et dans lequel
chaque membre en son rang le signerait en témoignage
de l’approbation qu’il donne à ces loix, et en signe qu’il s’en=
gage à s’y conformer. Le livre sera nommé Journal Œconomique.

Secretaire et Boursier élus <1v>  Ensuite des reglemens aprouvés on procéda a l’Election d’un Se=
cretaire, et d’un Boursier. M^r Mingard fut chargé du premier
de ces Emplois, et M^r De Montolieu du second.

Le Comte de Finkenstein élu membre M^r Le Comte de Finkenstein, ayant été proposé pour être reçu
membre de la societé, il eut toutes les voix au bulletin scrutin
et M^r Wetzel fut chargé de l’inviter à la prochaine assemblée
et de l’y conduire.

Questions Proposées Dans les assemblées qui ont précédé les reglemens, M^r De Montolieu
avait proposé l'examen de cette question, Quelle est l’utilité des
societés litteraires? D’autres occupations dont on vient de rendre
compte n’ont pas permis encore de s’occuper de la discussion,
et on l’a renvoyée à la prochaine séance.

M^r Le Modérateur invite les membres à la méditer en attendant,
aussi bien qu’à proposer chacun une question qui lui parai=
tra mériter que l’on s’occupe de son éxamen.

M^r De Montolieu Propose

De définir éxactement ce que c’est que la Patience.

M^r Holland demande

Pourquoi on cultive ordinairement la Raison aux dépends
du sentiment?

M^r Bugnon voudrait

Que l’on définit le contentement d’Esprit, et que l’on éxaminât
s’il est plutot une vertu de réflexion que l’effet du tempéramment?

M^r Pasche offre cette question à l'examen

Est il des préjugés qu’il faut respecter, et ne pas chercher à détruire
lors même que l’on en connait la fausseté?

M^r Le Comte d’Hoym souhaite que l’on examine

Si les ames courageuses et fortes peuvent en meme tems être
sensibles, ou si la force d’ame est compatible avec la sensibi=
lité?

M^r Wetzel forme cette question:

Qu’est-ce que le Hazard, et le Hasard peut-il subsister sans l’Em=
prise de la Providence, ou celle ci ne rend elle pas impossible
celui la?

<2> M^r Mingard demande

S’il est des sciences, ou des parties de sciences absolument inutiles au
bonheur et à la perfection des hommes,
La prochaine assemblée se tiendra chez M^r D'Eyverdun qui en
sera Président.