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Lettre à [Marquard Ludwig von Printzen], Berlin, 02 octobre 1710
Monseigneur ,
C'est pour la derniére fois que j'importune Votre Excellence, car
je dois partir au commencement de la semaine prochaine. Je ne sai si je
dois me flatter que cette lettre produise plus d'effet que les précédentes: mais je
n'ai pas voulu me refuser à moi-même la triste consolation d'éprouver jusqu'au
bout combien je suis sujet à voir évanuïr les plus belles espérances que
j'avois eu lieu de concevoir. Pour comble de malheur, Mr Bartholdi
me refuse le quartier de ma pension dans lequel je pars, et qui me revenoit de
plein droit par une pratique si constamment établie, et dans le College, et
ailleurs, que les Héritiers même d'une personne ont tiré jusqu'ici le quartier ,
dans lequel elle étoit morte, n'y eût-il qu'un jour qu'il étoit commencé.
Et il faut que je sois le prémier exemple d'un usage tout contraire. Voilà l'état
où je me trouve, après dix-sept ans de séjour dans ce païs, et quatorze ans de
service dans le Collége François. Pour le bien que je veux au Roi et à
l'Etat, je souhaitte de tout mon coeur que les Gens de Lettres qui pourront
se trouver dans ses terres y trouvent plus de secours et d'encouragement que
je n'y ai eu; quoi que je puisse dire sans vanité, comme une chose connuë
de tout le monde, que je suis le seul qu'un grand Héros, que le Prince
Eugéne a souhaitté de voir en passant à Berlin. Je suis avec un profond
respect
Monseigneur
De Votre Excellence
Le très humble et très
obéissant serviteur
Barbeyrac
A Berlin ce 2 Octobre 1710.