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Lettre au Père Girard, Soleure, 05 avril 1804
Mon tres révérend Père!
Nous apprimes avec le plus vif interêt le decrét de
tolérance du Gouvernement de Berne. Ce succès
n'est dû qu'a vos soins et a votre adresse. Qu'il est
consolant et glorieux pour Vous très révérend Père, d'avoir
posé la pierre angulaire d'un Culte proscrit depuis
trois siecles, et de lui avoir assuré une existence que
rien ne pourra plus ébranler! Mr Migi que Vous
vous etes associé a vos travaux, animé du meme esprit
et fort de vos renseignemens en couronnera l'oeuvre.
Son merite personnel nous en est un sur garant. Il
emporta nos regrets lorsqu'il quitta le Collège de Soleure,
et nous le regrettons encore. Par une conduite sage
et loÿale il dissipera les nuages que des prejugés
inveterés et peut etre des raisons d'Etat ont accumulés
sur une profession de foi, qui cependant s'amalgame
de la manîere la plus parfaite avec toute forme
<1v> de gouvernement. Il avoit plû a Mr de Montesquieu
d'avançer que le protestantisme convenoit mieux aux
Republiques, et la religion Catholique a la Monarchie.
Nous demandons pardon aux mânes de ce grand'homme,
et nous osons être d'un avis dîfferent. Le fait au
moins nous prouve que l'exception est plus forte que
la regle. 1-2 mots biffure La regle ellemême ne paroit
fondée que sur des raisons specieuses, mais si seduisantes
a la fois, qu'elles ont pû facilement induire en erreur
le brillant legislateur françois.
Cependant l'esprit qui dîcta les restrictions de l'Edit
ne peut echapper à l'observateur. On la diroit redigé
d'une main herissée d'épines. Mais a quoi bon lutter
contre le mouvement irresistible, que la Philosophie
du siecle a imprîmé a toutes les têtes. En coupant
d'ançiens liens elle a préparé, bon gré mal gré,
a la Religion Catholique un triomphe certain.
Esperons que Messieurs les Abbés continueront leurs
<2r> generosités. Esperons aussi que la Collégiale de
Soleure ne sera jamais mise hors d'état de contribuer
a l'entretien d'un culte, que la Providence ellemême
ramene si visiblement dans ses ançiens foÿers. Mais
laissons passer ces jours d'orage. Lorsque l'Horizon
est obscurçi, la peur met tous les fonds en requisitîon:
le danger passé, les esprits devîennent plus docîles,
et les coeurs s'ouvrent a la bienfaisançe.
Mr Migi est arrivé içi au moment que je Vous
ecrivois. je l'ai prié de vouloir bien se charger
de cette lettre, et de Vous exprimer de vive voix
les sentîments d'estime et d'amitié dans les=
quels j'ai l'honneur d'etre
Respectable Fondateur!
Votre très humble et très obeissant
serviteur Glutz Chan. Custode
Soleure ce 5 d'Avril
1804.