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Lettre au Père Girard, Granges[-la-Battiaz], 03 octobre 1800
Tres Reverend
Sans doute qu'une réunion de tout le clergé Helvêtique pour faire
de communs éfforts, comme l'Eglise protestante, seroit tres avantageuse,
mais comment cette réunion seroit-elle possible, La Revolution aÿant dès
son commencement dispersé les premiers Pasteurs, et desorganisé pour
ainsi dire les differens Diocese au point, qu'on a peine même de
trouvér des Ecclesiastiques revêtus de pouvoirs suffisans; il ne reste
que l'Evêque de Sion , et moi, encore le premier intimidé par ce que lui, et
son paÿs a souffert, reste, a ce qu'il paroit dans l'inaction.
Prêssé par differentes sollicitations, et effraÿé moi même de voir,
qu'on alloit enfin mettre le sceau a la destruction des couvens, par
la vente de celui des Cordeliers de Soleure, je n'ai pû me
contenir plus longtems, et j'ai crû, que mon devoir ne me permettoit
plus de me taire; En conséquence j'ai addrêssé un mémoire au
Président de la Commission Exécutive ; vous ÿ trouverez s'il tombe
entre vos mains des raisonemens concluans sur les tribunaux
Ecclêsiastiques, sur l'utilités des cloitres, sur les propriétés de
l'Eglise. Ce mémoire pêche par sa longueur, par des idées
un peu outrées sur l'utilité des couvens, en faveur desquels il fait
valoir tout ce que son l'imagination a pû suggerér au Rédacteur ,
il pêche enfin par son impolitique, mais en Echange vous ÿ trouverez
des raisons solides, des preuves bonnes tirées même des autheurs
Protestans. Enfin quel qu'en puisse être l'effêt, je m'ÿ résigne
<1v> parce que ma conscience m'a forcé a l'emêttre. S'il vous vient
entre les mains, et qu'il vous déplaise, que cela ne vous eloigne pas
de moi. vos lettres, vos idées claires, vos raïsonemens si justes
me font trop de plaisir pour que je puisse m'en passér.
j'ai recu hier le livret, ou Messieurs les Protestants exposent
les droits de Leur Eglise , je trouve le Contenu Excellent pour eux,
mais je ne scais, comment nous pourrions l'admettre pour notre
Eglise, je vous prie de faire attention que non seulement je
tiens a l'Evangile de J.C. mais je tiens encore par le serment
que j'ai fais a Mon sacre, a toutes les Constitutions Apostoliques, et
je ne puis me départir du Concile de Trente.
Vous me fairez le plus grand plaisir de faire le pendant, que vous
me proposez, audit livret qui doit le concilier avec notre Réligion ,
j'ai la plus grande confiance a votre facon de pensér, et a vos
travaux, mais une chose sur laquelle je vous prie de faire attention,
c'est que ces conferences, qu'on nous propose, ne nous entrainent pas
de nouveau dans ces disputes de Réligion, qui lui ont étés si
funestes, et qu'on ne voÿe pas renaitre la trop fameuse
question des articles fondamentaux, et non fondamentaux.
N'aurons nous pas bientot le plaisir de vous voir a Fribourg,
personne n'en auroit plus de joÿe, que celui qui vous est sincerement
attaché, et qui est avec une parfaite Estime, et Consideration
Granges ce 3. 8bre 1800.
† jean Baptiste Evêque de
Lausanne
Au Reverend
Tres Reverend Abbé Girard ministre du
Culte Catholique
a Berne