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Lettre à Frédéric de Sacconay, Pompignan, 20 avril 1745
de pompignan ce 20 avril 1745
le petit voyage ou je suis encore mon cher saconay m'a empèché de
vous répondre plutost, cepandant je ne veux pas retarder jusques
à mon retour, craignant que cela ne me menat trop loin quoyqu'il
soit bien prochain.
la demoiselle qui est auprès de Me de Mirabeau répondoit l'autre jour
1 mot reliure le scavoir a tout ce que tu me dis sur les travers de ton paÿs
1 mot reliure sur le peu de connoissance que jay de ses moeurs et usages, causes
1 mot reliureique de la prèvention que jay en sa faveur, cest une enfant, elevèe
1 mot reliure une province montagneuse, et d'un climat tout autrement rude
1 mot reliure le périgord, elle se promenoit quelque pas devant nous pendant les
beaux jours qu'il a fait cet hyver, et dit comme toute seule, les beaux paÿs
font connoitre les laids. en renversant l'axiome mon cher saconay, et raportant
au gouvernement ce quelle disoit du climat, je vous diray avec raison les laids
font connoitre les beaux, partout ou l'homme se meslera, trouvera tou=
jours mille et mille défauts, mais les plus vicieux font sentir l'avantage de
ceux qui le sont moins, et je t'assure qu'a l'examen détaillé et de près a près
<1v> desque j'admettrois préliminairement que ce n'est que par comparaison
que je veux juger des choses, loin de trouver que je pense trop avanta=
geusement de vous sur cet article, tu ajouterois encore a mon opinion
je desire au moins avec autant d'ardeur que toy que tu sois compris
dans la promotion de cette annèe, il convient de faire pour cela toutes les
dèmarches authorisèes par l'usage des honnetes gens, et plus que cela, par
le premier mouvement de votre coeur, seul juge du bien et du mal d'opinion
quand on l'a bien placé; je vous ay dit quel ètoit l'usage selon moy, qu'il
falloit faire au cas que vous ne reussissiès pas, de la retraite de dix ans que
cela vous procurera, heureux de les passer dans le sein d'une famille
agréable, il nest point de bonheur comparable a celuy la, si a une seconde
tentative vous etiès encore refusé, ce seroit alors le signal que la provi=
dence ne vous demande pas dans les emplois publics, et vous devriès bien
la remercier du repos qu'elle vous procure, cest du moins ce que je fais
chaque jour, songer de plus a élever vos enfants de façon a pouvoir un jour
ètre utiles a leur patrie, et profiter des événements plus favorables pour
leur avancement.
mais tandis que je moralise peutetre etes vous actuellement dans le deux
cent, en ce cas je vous en felicite. donnès moy mon cher amy des nouvelles de
cet évènement, de Mes votre mère, et femme, et soeurs en un mot de tout ce
qui vous touche, ou du moins n'oubliès pas le meilleur amy que vous
ussiès