Transcription

Clavel de Brenles [-Chavannes], Etiennette, Brouillon de lettre à Samuel Clavel de Brenles et à Johann Kaspar Lavater, [Lausanne], 08 juillet 1777

Quoi que je sois bien persuadée que
tu attends ma reponse sans inquiettude,
mon tres cher fils, la lettre que j'ai ecrite
a ton frere qui a croise la tienne et que tu dois avoir aussi reçue
par lui, en etant deja une, par ou tu dois
juger de ma façon de penser pour ma
famille et pour toi en particulier, je n'ai
point voulu te faire attendre et je me
hate de te dire sans avoir vu ni consulté
personne que je consens tres agreablement
a ce que tu me demande, il m'est d'autant
plus facile de te satisfaire que ceci
se rencontre entièrement avec mes idées
sur ton education; ce que je souhaite dès
long tems pour toi, c'est que tu aies un
objet particulier d'etude et d'aplication
auquel tu te porte avec passion, Ce
qui peut t'ariver de plus heureux pendant
le tems de cette education c'est que
cet objet d'application auquel tu te
porte avec gout et avec plaisir soit
precisement celui qui peut t'attacher
davantage a Mr Lavater; quel avantage
inestimable que celui de profiter sur tous les
points de la vie de l'experience d'un homme tel que lui!
<1v> c'est de l'exemple seul que j'attens de toi
les progrès les plus rapides, et je n'ai point
voulu te donner d'autre exemple que celui
de Mr Lavater.
Comment est-il possible aprés
cela que tu me reproche que je n'ai point
vu ce que tu pouvoit devenir
, si je n'avois
pas vu, je ne dis pas ce que tu est, ce seroit
trop tot pour le dire, mais ce que tu peu
x
devenir, penses tu que j'aurois eu la temerité
de m'adresser a Mr Lav: et que pour un sujet
de mediocre esperance j'eusse voulu abuser de sa
bonté et d'un tems aussi precieux a la societé
que le sien, ou crois tu que la reputation de
Mr Lav. ne me fut pas conue alors comme
elle l'est aujourdhui? si tu crois cela tu es dans
l'erreur, et pour le dire en passant, ta lettre
n'est presque d'un bout a l'autre qu'un tissu
d'erreurs, dont il te sera aisé de revenir
lors que tu sera instruit. Tu te trompe par

ex. si tu ne me crois pas enthousiaste de la
phisionomique autant qu'on peut l'etre a mon
age et avec le peu de connoisance que j'en
ai, je la deffens contre tous je vante par tout
une science encore au berceau qui peut devenir
si utile, les silhouettes ont fait mon plus agreable
amusement cet hiver toute ma chambre
est pleine de ceu
x de mes amis je n'en
suis jamais contente lors qu'ils ne me

<2r> rendent que leurs traits il faut que
j'y voie empreint les caracteres de leur
ame quelques uns ont fait mon desespoir parce
qu'ils ne me rendoient pas ce que j'en attendois
tel a eté celui de mon frere ainé a force de
perseverance je suis cependant venue a bout de
le me satisfaire et de reconnoitre cette phisionomie
qui ne dira jamais assés d'excellentes choses
de cet homme dont tous les instans sont devoués
au bien public cette ame eprouvée par les
malheurs domestiques qui par là dévelope chaque
jour de nouvelles perfections, puisse seulement
les forces de son corps seconder bien longtems
les efforts de sa patience et de son courage!
Ceci me ramene a celle de tes erreurs qui me
paroit la plus dangereuse ce sont les fausses idées
que tu t'es fait des pesonnes a qui tu as le
bonheur d'appartenir, il est vrai qu'outre ta
jeunesse et ton inexperience des circonstances
que je ne puis pas te detailler peuvent les
rendre excusables, tu trouveroit si tu etois
ici bien des changemens heureux dans la
famille et notre union fraternelle devient
tous les jours plus agreable, la jeune famille
qui commence a se former augmente encore nos
plaisirs ton oncle le Professeur garde ches lui depuis
long tems ton cousin Daniel qui cet aimable enfant fait les progrès
qu'il doit faire sous un tel precepteur et qui nous
donne les plus grandes meilleures esperances.

<2v> Je t'avoue mon cher ami que le debut
de ta lettre m'a fait une tres grande peur
s'en faut que je n'aie cru qu'il etoit question
ou d'un mariage ou tout au moins d'un etablisse=
ment à demeure hors de ta patrie tu ne m'a
pas parlé autrement en pareil cas, mais sois
bien persuadé aussi qu'en pareil cas je
n'aurois pas eu beaucoup d'egard a la prier
que tu me fais de ne consulter personne;
ni toi, ni Mr Lav. ni Mr Pfeninguer ni moi
n'aurions eté juges compétens, il y a encore
un nombre de personnes qui par l'interet
qu'elles y ont elles meme et par celui qu'elles
prenent a toi doivent toutes donner leur sufrage
lors qu'il s'agira pour toi d'une chose determination
importante et décisive, et je ne serai jamais
assés mal avisée et assés imprudente pour
le négliger. La famille respectable de ton pere
te regarde d'avance comme un de ses ornemens
et de ses soutiens et la mienne prend a toi
l'interet le plus tendre et le plus eclairé.

En te livrant a l'etude, agreable et utile, de la
phisionomique, tu ne fais point le choix d'un
etat d'une vocation, mais c'est un moien qui
peut y servir beaucoup, un etat une vocation
pour toi, ce n'est point celui dans lequel tu pourois gagner le plus d'argent faire fortune comme tu dis c'est la position dans laquelle tu
pourra rendre les plus grands services au pfin du mot reliure
et a ta patrie, ce sont la les idées que je
<3r> m'en fais et il me paroit que ces idées
se rencontrent avec celles de Mr Lavater
puis qu'il est pret a quitter la phisionomi=
que qu'il aime pour pouvoir se rendre
encore plus utile dans son pays.

Tu m'envoias il y a quelque tems, je ne sais pour=
quoi, ni comment tu l'as eu, le silhouete du
petit Mr Constançon l'ainé dont la ressemblan=
ce est frappante et que tout le monde a reconnu
et j'ai renvoié a ton frere le sien tiré d'après
nature par Mr Pury et réduit par moi en
petit, le nigaud l'a pris pour celui de son cousin
et te l'a envoié comme tel, tu t'y est trompé
aussi, n'aiant pas non plus que moi l'habitude
de regarder les gens en profil, lors que tu
as quitté Cesar; je t'envoie ci inclus celui de
Cesar que je n'avois pas encore fait et
que tu reconnoitra aisément, il me paroit
que la ressemblance entre les deux cousins
est plutot dans le tein et la couleur des
yeux que dans les traits il me semble que
Cesar annonce des talens naturels, plus d'esprit
et de finesse que Louis; Cesar est un tres grand
garçon de bonne façon qui se conduit fort bien et dont
chacun est content.

Je suis tres fachée que Mr Pfeninguer ait retiré
sa lettre quand il a vu la tienne dis le lui je te prie en le saluant de
ma part, je n'ai rien gagné a ce Manege, j'en suis
1 mot reliuree j'aurois du moins voulu les avoir toutes deux, adieu
mon ami je suis toujours ta bonne mama

<4v> A Mr Lavater 8 Juillet 1777.

Monsieur

Mon fils m’a annoncé une lettre de votre
part dont je me felicite beaucoup, je vous
envoie en attendant la reponse que je
fais a la sienne afin que vous preniés
la peine de la lire et de la lui remettre.
N'aiant rien a ajouter pour le present
a ce qu’elle contient que mes obeissences
a Madame Lavater et les sentimens de
mon eternelle reconnoissance et de la
consideration distingée avec laquelle
je suis

Note

  Public
Transcription réalisée dans le cadre de l'étude de B. Lovis, "La réception de Lavater à Lausanne à travers la correspondance d'Etiennette et Samuel Clavel de Brenles", xviii.ch, n° 11, 2020, p. 86-105.
Etendue
intégrale
Citer comme
Clavel de Brenles [-Chavannes], Etiennette, Brouillon de lettre à Samuel Clavel de Brenles et à Johann Kaspar Lavater, [Lausanne], 08 juillet 1777, cote ACV PP 1055/6, 171. Selon la transcription établie par Béatrice Lovis pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1171/, version du 11.11.2020.
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