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Lettre à Frédéric de Sacconay, Marseille, 29 juin 1744
de miarseille ce 29e juin 1744
je te suis bien obligé mon cher saconay, du soin que tu a pris
pour me faire trouver des laquais de ton paÿs, dèsque celuy
en question a servy en france j'en'en veux point, dailleurs les
gages sont forts, et tu peux remercier mr le conseillier dunant
j'en prendray tels qu'ells dans le paÿs ou je vais, quitte a enchanger
frèquemment comme font touts les gens qui veulent etre servis
mais cela méme est difficile en province, il faut vouloir ce que
l'on ne peut empècher.
je suis ravy que maintenant que tu est plus renfermé dans le
cercle du mènage, tu ty trouves bien et touts les jours mieux, les
commencements, pour les gens raisonables sont les temps les plus
difficiles, ice sont les temps ou l'on s'étudie, les 1 mot biffure anciens domestiques
ont de la peine a s'accoutumer a une nouvelle maitresse, et tout ce
qui s'ensuit. ces sortes de choses m'ont failly causer des chagrins
bien vifs par les consèquences, veille au dedans mon cher amy
sans aveuglement, l'on a raison de dire que cest dans son mènage
qu'il faut juger un grand homme; les amitiès des femmes sont
bien sujettes a mutation, dieu m'a souvent secouru de patience
fermeté et résolution, ce n'a pas èté sans me laisser sentir ma
<1v> propre foiblesse et me livrer a des chagrins, des dècouragements, et
souvent a des premiers mouvements, conseilliers bien pernicieux,
nécoute jamais les tiens, mais au contraire pour les femmes, elles
n'ont de bon conseil que leurs trois premières paroles, je tiens cette
distinctions, de gens de mèrite et l'ay lue dans de bons livres. donne
toujours le tort a ta femme parce qu'elle te doit etre plus chère
que tout, et ne la soutiends qu'en son absence, je te prèpare peutetre
a des accidents qui ne t'arriveront jamais, mais syls t'arrivent
ne te crois pas plus malheureux que de te voir pousser une barbe
incomode et qui revient toujours. je te donne sans doute encor
a penser par ma phrase a la façon de leibnitz, mon jugement
en devenant plus solide est devenu plus moins curieux et moins superb
superbe, je soumets les efforts ambitieux de la raison, ècarte les
folies de l'imagination, et cherche la paix du coeur en tachant
d'éviter les foiblesses de l'esprit. adieu mon cher amy, offre mes respects
a toutes tes dames, et a mrs tes oncles. ma femme te fait mille
compliments, et A Madame de saconay