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Lettre à Henri Monod, Tsarskoïe Selo, 30 juillet 1789
Tsarskoé-sélo le 30 Juillet 1789.
Mon cher et bon ami! J'espère que vous aurés reçu ma lettre du 12e May
et mon billet du 25e Juin ; c'est encore un billet que je vous adresse, et
cela pour vous réïtérer ma prière au rélativement à l'Instituteur desiré:
On mne cesse de m'en parler, et je ne puis renvoyer plus longtems.
faites moi donc le plaisir, mon bon ami! de vous trémousser un peu
afin de me procurer ce Phénix. J'ai ouï parler d'un jeune Bridel
come d'un garçon de mérite; vous devés sûrement en connoitre
quelqu'autre encore. Il seroit à desirer que son caractère fut bien sur,
c'est une condition à la à laquelle je vous prie de vous attacher
puis qu'il n sera dans le cas d'avoir à traiter avec moi, et que
nous devons nous entendre.
Mes parens! viennent de me parle marquer que Mlle votre Cousine
n'auroit pas d'éloignement à remplir l'une des places de Dlle de
Compagnie pour lesquelles je vous ai écrit. La seule difficulté
qu'il put y avoir, seroit peut être l'âge; néanmoins j'en3 caractères recouvrement ai par=
lé, et vous pouvés être assuré que de mon côté je serois enchanté
de que l'affaire réussit. Mlle votre Cousine devra s'armer d'un peu
de patience, puisque les jeunes P... ne savent pas un mot de
sa langue, il faudra qu'elle apprenne un peu la leur, et
les comencemens ne seront pas exemts d'épines; mais la
Gouvernante est une feme respectable avec qui elle ne tardera
pas à bien vivre, et qui pourra lui donner de bonnes directions.
Elle sera peut être dans le cas de donner en passant quelques
leçons de françois, par où j'entends lire ou faire lire; ainsi je
suppôse qu'elle parle correctement. Parlés moi d'elle dans votre
1ère, en ajoutant quelques détails: quant aux conditions attendés
celles qu'on me chargera de vous faire, et du reste ne parlés
de ceci à personne. On me propose aussi une Dlle Dela Flech.
dont je me souviens confusément; mais j'ignôre, si elle pourroit
convenir 1 mot biffure car puisqu'on m'a chargé de cette comission épineuse
je dois à tout prix la remplir come il faut, et sans les avis de l'amitié
<1v> la chose est impossible.
J'ai profité de l'Eté pour me remettre, en me promenant à pied
et à cheval, 1 mot biffure j'ai été expôsé à ensorte que pour ce qui
regarde ma la santé je suis pleinement rétabli. Par contre j'ai
mon zèle, et ma sensibilité m'ont attiré plus d'un orâge: J'ai même
demandé par lettres mon congé, il y a 6 semaines; car voyant que mes
représentations étoient infructueuses, et ne pouvant souffrir qu'on semoitât l'Yvroïe à mesure
que je l'extirpois, ce parti me paroissoit le seul convenâble.
Enfin après m'être clairement expliqué sur tous les griefs dont j'étois
plein, et dont aucun ne concernoit mes intérêts personels, j'ai con=
senti à demeurer, ensuite des assurances qu'on m'a données de remédier
autant que possible à ce dont je me plaignois. Mon Chef s'est montré dans
cette occasion en galant home, et d'une manière à mériter ma recon=
noissance. Me voici donc réengagé, mais cet avenir dont je me
flattois, n'est plus. Mon ame et mon coeur sont flétris par la
non jouïssance, par l'apathie qui m'entourre, et par la 3 caractères biffure certitude
d'avoir perdu et de perdre en vain mes plus belles années... mais
pourquoi vous entretenir de ces sombres pensées: J'ai lu
Barté les voyages d'Anacharsis qui m'ont beaucoup intéressé; quel=
ques ouvrages allemands de Meiners, Forster, et des fragmens
de mes bons amis les anciens. Quelques travaux rélatifs à
la Géométrie àélémentaire, aux Proportions, progressions
m'ont aussi occupé, et maintenant je relis l'ouvrage de
De Luc sur l'Atmosphère. J'ai avancé continué mes
recherches rélativement à l'ouvrâge dont j'aie vous ai parlé, et
sans les distractions volontaires et involontaires je l'eusse avancé
davantage: il sera probâblement mona principale récrération
pour cet hyver. Vous êtes vous tiré du fatras que
je vous ai envoyé? 1 mot biffure mon amitié Il fourmille de fautes
et d'incorrections, même ça et là que je'aurois desireroisé pouvoir corriger,
mais quje n'ai pas eu le courâge de l'entreprendre: nettoyés
<2r> donc les étables d'Augias, et ne laissés subsister que ce qui
a quelque mérite. Je me rapelle qu'il doit s'y trouver, migrations
au lieu d'émigrations et d'autres incorrections pareilles qui ne me
feroient pas honeur auprès de tout autre que vous. J'ai
poursuivi ces extraits, mais d'une manière plus abrégée, par=
ce que cela m'eut pris trop de tems., ensorte qu'à quelques
fragmens près, le reste n'est qu'une 1 mot biffure près que qu'une
table des Evénemens principaux et de leur correspondance,
dont les tablettes d'une Bibliothèque sont une image assez
p exacte. Je m'occupe maintenant à remplir ces tablettes
par des lectures, raisonnées, ce qui
me paroit infiniment plus utile
que de perdre mon tems à écrire
des Elémens d'histoire un Cours
d'histoire, où tout est seroit traité en
courant, où rien n'este seroit approfondi
et ne peutourroit l'être, parcequ'il faudroit parler de trop de choses, et parce
qu'il faudroit 230 ans pour et plus, avec un long repos et des
secours de toute espêce pour réaliser le Plan que trace
Polybe d'une bonne Histoire Universelle. Des Notes
destinées à lier les événemens en peu de môts suffisent,
lorsqu'on peut les étendre en consultant les bons His=
toriens ou les Originaux, et 1 mot biffure l'on acquiert en
sus l'habitude de juger par soi même, ce habitude qui n'est cer=
tainement pas un des derniers bienfaits de l'Etude et qui
est plus rare qu'on ne pense.
J'ai de bonnes nouvelles de mon frère: il est à la campagne
dans le Comté de Surrey, et étudie l'anglois. Il songe
à se rendre en aAmérique, s'il ne trouve point à se placer.
Serge Lanskoy se porte bien et est à Petersbourg. L'auttre est à l'armée.
Pillissier comande sur la Baltique le Chebec la Proserpine de 30 canons, dont 20 de 24tt de bâlles.
A Monsieur
Monsieur Monod Docteur ès droits
assesseur baïllival &c.
à Morges Canton de Berne
en Suisse