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Mémoires. Cinquième période, 1801 (Cahier E), Lausanne, [1837]
Suite de la partie
des Mémoires de F. C. de la Harpe adressée à Mr Tschokke
le 12 Floreal an XII (May 1804), se terminant
à ma retraite à Paris après mon enlèvemant à
Lausanne en Juillet 1800., et continuant
depuis mon 2d séjour dans cette Capitale
jusques à l'année...
V. Période
Mon Sejour à Paris après l'audience de la Malmaison, jusqu'à
Avênement d'Aléxandre 1er, 2d Voyage en Russie. Sejour
à St Petersbourg. Retour à Paris.
Cahier .E.
Continuation des Mémoires de F. C. de la Harpe
depuis le mois de Juillet 1800
jusques à l'année
Ve Période
2d Séjour à Paris, après l'audience de la Malmaison
Avênement d'Alexandre Ier
2d Voyage en Russie
2d Sejour à St Petersbourg
Lettres insérées
Lettre du 2d Mars du 22 Mars 1801 au Plessis piquet à l'Empereur Paul Ier
Lettre du 23 Germinal an IX du Plessis-piquet à l'Empereur Alexandre Ier
Lettre du 27 Germinal an IX du Plessis-Piquet à l'Empereur Alexandre Ier
Réponse du 9/21 May 1801 de l'Empereur Alexandre Ier à LaHarpe
Lettres inscrittes
de Petersbourg
Lettre du 30e Aout 1801 adressée à l'Empr à Moscou.
Lettre du 3e Sept. 1801 adressée à l'Empr à Moscou
Mémoire du 16e 8bre 1801 adressée à l'Empr à Moscou sur les
Réformes à entreprendre
<1> Trente trois ans sont écoulés
depuis le moment ou j'adres=
sais à Mr Tschokke, les notes
qu'il m'avoit demandées, et
qui ont servi àux la rédaction
des 4 premières périodes de mes Mémoires
La dernière de celles ci se ter=
minoit par le recit des avan=
tures qui accompagnèrent mon
1 mot biffure arrestation en Juil=
let 1800, et mon évasion en France,
et l'audience de 2 heures que j'obtins du
1er Consul dans le parc de la
Malmaison.
Ayant conservé des notes préci=
ses sur les Evênemens subséquens,
et 1 mot biffure possédant la Collection
complette de ma correspondance
avec l'Empereur de Russie, Ale=
xandre Ier, j'ai pensé qu'il se=
roit utile, de rattacher les pièces
qui composent celle ci, 1 mot biffure au mode d'éxistence
1-2 mots biffure
de celui qui avoit été en posses=
sion d'une aussi honorable con=
fiance.
Le lecteur impartial va main
maintenant être en état de
prononcer, 1 mot biffure si l'ancien
Instituteur de celui que la
Russie 1 mot biffure apelle son Marc=
-Aurèle, avoit rempli les
1 mot biffure devoirs que lui impô=
soit sa tâche. Les faits vont
lui être révélés; c'est à eux
que j'en appèle.
Aussitôt après l'audience
que Napoléon m'avoit accor=
dée à la Malmaison, je me
retirai dans la maison de cam=
pagne que j'avois acquise, au
Plessis-piquet, à 1½ lieue
de Paris, et m'y arrangeai
de manière à pouvoir y
vivre, des débris de ma fortune.
La pension que j'avois reçue
de l'Impératrice Catherine IIde
ayant été supprimée par Pau
Paul Ier, son successeur, et les voyes de
recours contre une aussi cru=
elle injustice, m'ayant été
rendues impossibles.
par les mesures sévères prises pour
empêcher la comunication avec
les Etats voisins, surtout avec
ceux qui avoient subi des révo=
lutions. Nonseulement ma
Correspondance avec l'ainé des Gds
Ducs avoit du cesser, la restitution
de ma pension perçue pendant
20 mois avoit du être restituée et
le Chef du Cabinet qui avoit toléré
le payement, avoit été censuré,
1 mot biffure de Wladimir le Chapitre
de l'ordre de St Wladimir m'avoit
1 mot biffure privé de la Croix, et ce n'étoit
qu'avec d'extrêmes précautions, que
la maison de comerce dépositaire
ayant été rendues impossibles,
par les mesures sévères ordonnées
pour 1 mot biffure empêcher les comunications
avec les Etats voisins, surtout avec
ceux qui avoient subi des révolu=
tions. Nonseulement ma pension
avoit été supprimée, les payemens
qui avoient été effectués, pendant 20
mois durent être restitués au Trésor,
le Fonctionaire supérieur, qui les
avoit tolérés, fut censuré, le Cha=
pitre de l'ordre de St Wladimir
reçut l'ordre de me dépouiller de
la croix, deffense fut faitte aux
Gds Ducs, de correspondre avec moi,
et ce ne fut plus qu'à force de
précautions qu'il me fut possible,
de retirer les quelques fonds qu'une maison
de comerce à laquelle 1-2 mots biffure
apparentée 1 mot biffure devoit me trans=
mettre pour subvenir à mes be=
soins.
Une telle position, étoit as=
surément fort triste, et ne
put toutefois 1 mot biffure influer
d'une manière fâcheuse sur
mon éxistence. Heureusement
secondé par la compagne de ma
vie, dont le calme et le courage
ne se laissa point abatre par
l'adversité qu'elle contempla
avec le calme le plus admirable
Secondé par ma feme ma feme dont
le courage ne se laissa point
abattre par l'adversité j'y
je parvins à émousser les coups
de celle ci, en m'occupant sans
relache, bientôt d'agriculture
et bientôt de travaux de cabï=
net, de manière à n'avoir
<2> pas le tems de penser à ma
mauvaise fortune. Le Souve=
nir de ces jours de détresse
n'etoitst même pas aujourdui éxemt de
charmes, en pensant aux heu=
res de bonheur que nous re=
trouvions, 2 mots biffure en nous
réunissant après nos occu=
pations journalières dont
nous aimions à 1-2 mots biffure nous comuniquer
3-4 caractères biffure les détails, auxquels
succédoient toujours des lectu=
res propres à nous instruire
à nous récréer et à soute=
nir notre courage.
Ainsi se passoient nos jours,
1 mot biffure lorsqu'au comencement
lorsque le Général Sprengpon=
ten arriva à Paris, avec la
mission de complimenter le
1er Consul, pour le renvoi
généreux des nombreux prisoniers russes
faits par les François. J'avois
connu jadis cet Officier général.
Desirant savoir, pourquoi ma=
pension avoit été supprimée,
et s'il étoit décidément im=
possible de la recouvrer,
si tout espoir de recouvrer
si je devois renoncer à tout
espoir de recouvrer ma pen
sion, je me présentai chez=
le Général dont je fus accueil
li jusqu'à la fin de la ligne biffure
2 mots biffure d'une lettre 2 mots biffure
je lui remis pour l'Empereur
qui étoit à la veille de repartir
et qu et consentit obligeam=
ment à se charger d'une
lettre dans laquelle j'exposois
à l'Empereur, le tort qui
m'avoit été fait; mais avant
son retour à St Petersbourg,
cet infortuné monarque
avoit cessé de rêgner et de vivre
2-3 mots biffure
et résolu de m'adresser à lui
avec la prière de vouloir
bien se charger d'une de
remettre à l'Empereur une
lettre, destinée a exposer
à ce monarque le tort qui
m'avoit été fait par la
suppression de ma pen=
sion. Le Général qui
étoit à la veille de partir
y consentit avec obli=
geance mais avant son
arrivée a St Petersbourg
Paul Ier avoit cessé de
rêgner et de vivre, et
la lettre dont il étoit por=
teur me fut restituée,
lors de mon arrivée
à St Pétersbourg, à la
fin de la même année.
Je joins ici une Copie
de cette Lettre.
Au Plessspiquet près Sceaux
Dept de la Seine, le 22e Mars
1801.
Auguste Empereur
Sire
Pendant onze ans j'eus l'hon=
neur d'occuper sous les yeux
de V. M. I le poste de précep=
teur de LL. AA. II. messei=
gneurs les Gds Ducs.
Les fonctions de cette place
déja si importante pour en elles
mêmes, le devinrent bien davan=
tage par les conjonctures.
V. M. I sçait mieux que
personne si je les ai remplies
avec zêle, intrepidité, persévé=
rance. Vous méritez toute
ma reconnoissance: je n'oublierai
<3> point les services que vous avez
rendus à mes fils: j'éspêre vous
revoir, mais s'il en étoit autre=
ment nous nous retrouverons
ailleurs ... telles furent, Sire,
les dernières paroles que vous
m'adressates à Gatschina, en
1795, au moment où j'avois
l'honneur de prendre congé de
vous; elles sont présentes à ma
mémoire, et j'aimois à les citer.
Vous ignoriez cependant alors,
Sire, que, victime de ma loyau=
té, j'étois éloigné pour n'avoir
pas voulu me rendre l'instru=
ment d'autrui. Il est
même probable, Sire que V. M. I
ignora toujours les épreuves auxquel=
les fut mise, surtout depuis l'année
1793, la probité de ce même home
dont les principes intervertis à diver=
ses époques, mais qui fort d'une
conscience irréprochable, et comp=
tant sur votre justice, déclara pé=
remtoirement à ceux qui vouloient
l'empêcher de prendre congé de
Vous, qu'il ne partiroit pas sans
avoir l'honeur de prendre vos or=
dres. (Voyez Les explications réla=
tives se trouvent dans les feuilles
AA et BB)
Une gratification de 20'000 Rou=
bles m'avoit été accordée. On y
ajouta, pour S. A. I. Mgr le Gd Duc
Constantin, une pension de 925
Roubles et une pension de 2000 R.
pour S. A. I. Mgr le Gd Duc Ale=
xandre.
Peut être eussé je été autorisé à
présenter des réclamations, et sans
doute on les eût favorablement
écoutées de la part d'un home qui
avoit consacré les plus belles anées
de sa vie, à l'instruction de Mgrs,
et qui sembloit ainsi avoir droit
à une récompense proportionée
à l'importance de ses fonctions et
à la situation élevée de ses disciples,.
Mais tout entier au sentiment
délicieux d'avoir rempli, en home
de bien, une grande tâche, au
milieu des circonstances les plus
difficiles, et bornant dailleurs
mes desirs à jouïr de la médiocri=
té indépendante, je reçus avec
reconoissance les dons qui devoient
me procurer celle ci, convaincu
que leur source sacrée, m'en
garantissoit la durée.
Jusques au comencement du
rêgne de V. M. I., Sire, j'ai
<4> jouï de ma pension de 2000
R., mais depuis près de 3
années elle a cessé de m'être
payée, et cette ressource sur=
laquelle j'avois du compter
m'est enlevée, au moment où
ma santé minée par les tra=
vaux, me la rendoit nécessaire.
Peutêtre cette suppression
n'a été que le résultat de
mesures générales que je
dois respecter? Mais si elle
étoit celui d'une mesure qui
me fut particulière, je récla=
merois auprès de S. M. l'Em=
pereur, les bons offices du
père de mes disciples, prêt
à lui donner avec ma véra=
cité accoutumée, toutes les
explications qui pourroient
m'être demandées.
Réfugié, après bien des
vicissitudes, dans une cam=
pagne que j'avois acquise
il y a 3 ans, près de Paris,
pour y vivre dans la re=
traite, occupé d'agriculture,
la suppression de ma pen=
sion m'en ôte les moyens; et
si cette mesure étoit irrévo=
cable, je me verrois forcé
de quiter bien vite cette re=
traite et de vendre ma cam=
pagne pour avoir de quoi
former un établissement, qui
me procurât d'autres ressour=
ces pour le déclin de l'âge.
Veuillez, Sire, accueillir
avec bonté ces réfléxions que
je prens la liberté de vous
soumettre avec la franchise
que vous estimiez jadis en
moi.
Je croirois manquer au
respect que je dois à V. M. I
en n'en appelant pas exclu=
sivement à Sa justice, ou
en recourrant auprès d'Elle,
à d'autres intercesseurs qu'Elle
même.
Mais il est une grace
que je lui demanderai avec
instance; celle de vouloir bien
me faire connoitre Sa décision.
Quelle que puisse être celle ci,
Sire, je n'en ferai pas moins
des voeux pour la gloire de
Vôtre rêgne, ainsi que pour
<5> la prospérité de la Russie,
et de Votre Auguste maison à la=
quelle je tiens par des liens trop
forts pour qu'aucune considé=
ration d'intérêts personels,
puisse jamais les affoiblir.
Je suis avec un profond respect
Sire
De V. M. I
Le très humble et
très obt serviteur.
F. C. delaHarpe ci-devant
Précepteur de Mgrs.
Ce n'étoit pas à tort que j'avois
espéré, obtenir justice de Paul
Ier, en m'adressant directement
à lui; son successeur m'apprit
depuis, que peu de semaines avant
la catastrophe qui sa mort, ce
monarque infortuné lui avoit
demandé avec un intérêt tout
particulier, s'il avoit de mes
nouvelles, et que sur sa réponse
d'avoir d'avoir cessé toute corres=
pondance avec moi, depuis la
deffense qu'il avoit recue, il lui
avoit dit d'un ton peiné, qu'il
ne pouvoit s'empêcher d'être
encore touché de la manière
dont il a j'avois pris congé de
lui. Alexandre Ier en prit
occasion de me demander à quoi
se rapportoient ces paroles; je le
lui expliquai, ainsi que je
le rappelerai, en rendant compte
de mon 2d séjour à St Petersbourg.
Sprengporten eut pour succes=
seur Mr Kalichef qui avoit
rempli des missions ailleurs,. et
Retiré, dans ma campagne, j'y
vivois je continuois à y vivre
chétivement, mais avec un coeur
content, lorsque la nouvelle
de l'avênement d'Alexandre Ier
vint me surprendre.
Je m'empressai de lui adresser
le 23e Germinal
Sans être informé des circonstan=
ces, je m'empressai d'adresser au
nouveau monarque la lettre
que voici.
Plessispiquet Dept de la Seine le
23 Germinal an IX
Sire
J'apprens dans cet instant la perte
que V. M. I vient de faire: celle
d'un père ne se répare pas; c'est le
1er et le plus fidèle des amis, et
dans votre rang, il est difficile d'en
avoir.
<6> Permettez que je vienne
exprimer la part sincère
que j'ai prise à votre jus=
te affliction; je me serois
empressé à la soulager, en
étant plus près de vous.
Je ne vous félicite point
d'être devenu l'Arbitre de
36 millions d'homes; mais
je me réjouïs avec eux, de
voir leur destinée entre les mains
d'un prince qui est convaincu
que les droits de l'home ne sont
pas de vaines illusions, et que le
Chef d'une nation est son pre=
mier Officier.
Sire! Vous allez maintenant
faire l'application des principes
dont vous avez reconnu la vérité.
Cette tâche est grande, elle est
difficile; mais combien elle
est digne de votre coeur honête
et généreux!
Je me garderai bien de vous
donner des conseils. Il en est
un seulement dont j'ai véri=
fié la sagesse, pendant les
18 mois, où, pour mon malheur,
je fus appelé à l'honeur de
gouverner: c'est de laisser mar=
cher pendant quelque tems
les rouages de l'administration,
d'observer leur marche, et de
n'entreprendre des Réformes,
qu'après avoir bien reconnu
leur nécessité. Hâtez vous
lentement, ainsi que vous me
faisiez l'honeur de m'écrire le
27e 7bre 1797, dans une lettre
que je conserve précieusement
et qui m'a reconforté, dans mes
traverses.
Je profite de cette occasion
pour recomander à V. M. I
mon infortunée patrie.
Votre suffrage, Sire, doit in=
fluer puissament sur ses des=
tinées futures. Ne dédaignez
pas cette fourmillière digne
des regards du Sage: ne l'a=
bandonnez pas aux Vampires
qui voudroient en faire un
cadavre. Veuillez recueil=
lir sur l'état des choses, des
renseignemens qu'on n'a pas
eu jusqu'ici à St Petersbourg.
Ecoutez tous les partis; ne
vous décidez que d'après les
faits; c'est la grace que je
vous demande.
<7> Agréez, Sire les voeux sincêres
et non intêressés que je fais du
fonds de ma Retraite, pour la
gloire de Vôtre rêgne, pour la
prospérité du peuple russe, et pour
que Alexandre le philanthrope
ait sa place marquée, dans les
Anales du monde, parmi les bien=
faiteurs du genre humain et les
deffenseurs des vrais principes.
Oserois-je encore vous prier,
Sire, de présenter mon respec=
tueux homage à LL. MM. II.
les augustes Impératrices, Votre
Mère et votre Epouse, et de me
rappeler au souvenir de Mgr Vo=
tre frère, quoique j'aye encore
sur le coeur de l'avoir vu com=
batre contre nous.
Je suis avec un profond respect
De V. M. I.
Le très humble et obt
Serviteur.
F. C. de la Harpe ci-devant votre Pré=
cepteur, depuis membre du ci-de=
vant Directoire helvétique, aujour=
dui Cultivateur.
PS
Le Courier auquel cette lettre
devoit être remise, n'ayant pu la
prendre, ainsi qu'on me l'avoit fait
espérer, je l'ai retirée pour lui
donner une forme moins apparente,
à l'aide delaquelle elle pût tra=
verser impunément les bureaux de
poste.
En attendant j'eus l'honeur
de vous en adresser, avant hier,
une 2de, par une autre voye. J'és=
pêre qu'aumoins l'une ou l'autre
vous parviendra.
Si V. M. I. m'honore d'un mot
de réponse, j'ôserois la prier d'user
de la même voye, pour déconcer=
ter les curieux.
Des difficultés imprévues ayant
occasioné fait craindre que cette
lettre ne put être expédiée par
l'occasion qui s'étoit présentée,
je m'occupai à la remplacer par
une 2de, à laquelle un peu plus
étendue que la première,. que Je
crois devoir l'insérer aussi dans
cet Ecrit.
Plessis-piquet le 27e
Germinal. an IX (1801)
Sire!
J'ai eu l'honeur d'écrire sous la
date du 23e Germinal, à V. M. I.
pour lui exprimer la part que je
prens à l'affliction où l'ont
plongées 2 pertes bien successives
bien douloureuses pour son coeur
aimant et sensible, et j'ai
pris la liberté de lui offrir mes
<8> voeux pour la gloire de son
rêgne et la prospêrité de la
Russie.
Incertain si cette 1ère lettre
vous parviendra, j'ai espêré, Sire,
que vous m'excuseriez de vous
adresser celle ci, par une autre
voye, et sous une forme qui as=
sure et facilite sa marche.
Mr le Général de Spreng-por=
ten, dont j'ai reçu ici, un ac=
cueil très amical, m'ayant
offert de se charger de mes lettres
je lui en ai remis 2, pour Mrs
de Rostopchin et Mouravief
vos Ministres.
Dans celle destinée au 1er, se trou=
ve une Incluse que j'adressois à
S. M. I. votre auguste père.
Lorsque V. M. I. aurra un mo=
ment de loisir, j'ôse la prier
de vouloir s'en faire rendre comp=
te.
J'ai appris, Sire, avec une pro=
fonde indignation, que pour
me desservir on m'avoit attribué
des Ecrits dirigés contre la Russie.
Rien ne peut plus m'étonner
de la part des ennemis que
mont valu mes principes, et le
funeste honeur d'avoir été le
principal fondateur d'une nou=
velle république.
Il est vrai, Sire, que lorsque
vos troupes ont envahi notre
territoire et menacé de la servitu=
de ses habitans qui ne vous avoient
point offensé, j'ai fait mon possible
pour accumuler contr'elles, les
moyens de résistance. Il n'avoit
pas tenu à moi de prévenir ces
fâcheuses extrêmités, en montrant
que la Russie travailloit contre
elle même, en attaquant notre
indépendance. La Note ci
jointe en offre la preuve.
Après cela, Sire, j'ai rempli
en brave home, les devoirs que
m'impôsoit le poste éminent
de 1er Magistrat de l'Helvétie,
et certainement Sire, vous ne
présumates jamais de ma
part, une conduite équivoque
ou pusillanime.
Cependant, come il m'impor=
te infiniment de conserver
l'estime de V. M. I.; si Elle juge
nécessaire d'avoir quelques
explications, je lui ferai con=
noitre les faits aussi briève=
ment que possible, et lui trans=
mettrai tout ce que j'ai fait im=
primer.
Devenu défiant, à force d'avoir
été en butte aux intrigues et aux
<9> trahisons, et ayant tout lieu
de craindre aujourdui, que mes
ennemis devenus inquiets de la con=
fiance dont vous m'honoriez jadis,
ne redoublent d'astuce, je suis forc
forcé de vous les nomer, en vous pri=
ant de susprendre vôtre jugement,
jusques après la vérification des
faits.
Ces homes sont 1° les Emigrés françois
qui, partout où j'ai été, en France
même, ne m'ont pas perdu de vue
un seul instant. 2° les Olygarques
ou anciens Gouvernans de l'Helvé=
tie, dont j'ai protégé les persones,
les familles et les propriétés, contre
leurs adversaires, mais qui ne
peuvent oublier le terme mis aux
abus dont ils profitoient. 3° les
Gouvernans actuels de l'Helvétie, qui
qui, devant leur autorité précaire
à une usurpation soutenue par
l'Etranger, redoutent la puissance
morale que m'a laissée mon élec=
tion constitutionelle, faitte librement
au nom du peuple, élection qu'ils
savent bien n'avoir pu être anullée
par les violences de la Faction qui les
a créés. Ce fut cet Etranger qui
pour se venger excita et soutint, au
7e Janvier 1800, les factieux qui
avoient juré ma perte, et dont la
domination a plongé ma patrie
dans l'avilissement.
Au mépris de nos loix, ces Gouver=
nans me firent enlever de Lausane,
par leurs soldats, le 2e Juillet der=
nier. Le fer, ou le poison les eus=
sent sans doute débarassé de moi,
si je n'eusse pas réussi à me sous=
traire à mes gardiens. On ne
pardonne pas à ceux qu'on a
aussi mortellement offensé.
4° Talleyrand-Périgord dont je ne voulus
jamais dépendre, et qui s'est trouvé
compromis par une révélation offi=
cielle, dont je pourrai, un jour,
vous faire l'histoire.
Enfin j'ai lieu de croire que le
Gouvernement françois qui a ren=
versé en Janvier et Aout 1800, les
autorités légitimes, dans ma patrie,
se défie de l'home énergique qui
ne voulut jamais être sa créature,
<10> et envers lequel il eut des
torts graves.
Il m'a accordé, il est vrai, mais d'as=
sez mauvaise grace, un azyle dans
la proprieté que je possede sur son
territoire, et la dure nécessité me força
dans le tems, d'accepter cette faveur
prétendue, pour avoir un lieu où
reposer ma tête.
Mes avantures se réduisent, en
some à ce qui suit.
Proscrit, tandique j'étois auprès
de vous, on me ferme, à mon re=
tour, l'entrée de mon pays. Deux
ans après je réalise le rêve de ma
vie, la réunion de toutes les peupla=
des de la Suisse l'Helvétie, en une
seule nation formant une république
unique. On frappe une médaille
à mon honeur. Malgré mes refus
réïtérés d'accepter des places, on m'ap=
pèle au Directoire. J'arrive, aux
applaudissemens de l'Helvétie entière,
2 caractères dommage je mêts tout en oeuvre pour
consolider notre liberté et notre
indépendance, en depit de mille
obstacles. 18 mois après, une faction
m'expulse come un Tyran et
bientôt après je suis proscrit, come
un Conspirateur.
Depuis le mois de Juillet, je suis
établi à 1½ lieues de Paris, dans
une jolie campagne patrimoniale,
que j'avois achetée, il y a 3 ans,
et destinois à être mon lieu de
retraite. J'y vis tranquille, occu=
pé d'agriculture, plantant, bêchant,
taillant, come si je n'eusse jamais
rien fait d'autre, trouvant chaque
jour, qu'il vaut mieux avoir
à faire aux plantes qu'aux hom=
mes, oubliant les méchans et
leurs noirceurs, et comptant sur
la justice qui me sera rendue
par l'impartiale postérité.
Ma feme me seconde dans tous
mes travaux. Elle a partagé mes
périls avec un courage qui ne
paroissoit guêres compatible
<11> avec sa sensibilité et son
extrême douceur. Heureux l'un
par l'autre, et vivant come Philemon
et Baucis nous regrettons peu les
distractions qu'offre la Capitale, où
nous allons rarement.
Un petit nombre d'amis et de con=
noissances que l'Adversité m'a laissé,
et quelques homes de lettres, nous
visitent, de tems en tems.
L'image déchirante de ma patrie
avilie et souffrante, vient trop
souvent, il est vrai, attrister mon
coeur; heureusement l'espérance
fut donée à l'Adversité, pour la
soulager, et je cherche des sujets de
consolation dans l'avenir.
Enfin, Sire, je ne scais ce qui
pourroit manquer à ma satisfac=
tion, si, pendant une heure ou
deux par Décade, je pouvois arpen=
ter avec vous, les allées solitaires
de mon petit bois, et entendre de
votre bouche, ce que vous vous
proposez d'entreprendre successive=
ment, mais pas trop vite, pour
éclairer votre peuple, et assurer son
bonheur par de durables institu=
tions.
Ah! du moins je serai bien sou=
vent à vos côtés, et chaque matin
je pénétrerai dans Votre Cabinet,
tenant à la main la lettre que
vous m'envoyates par Mr de Novossil=
tzof , lettre que j'ai conservée
avec le plus grand soin, et dont les
expressions touchantes me revinrent
à l'esprit, lorsqu'après avoir échap=
pé, dans la nuit du 3e Juillet 1800,
aux Hussars de mon escorte, et courru
10 heures de suite, par monts et par
vaux, j'atteignis la cime des mon=
tagnes de Neuchatel, où je pouvois
enfin respirer en sureté. Là,
étendu sur un paturage désert,
prêt à expirer d'inanition, les yeux
fixés sur mon pays, dont les lacs
et les vallons enchanteurs, formoient
à mes pieds, le plus magnifique
tableau, et sur le point de prendre
congé de ces objets chéris, le Souvenir
de tout ce que j'avois tenté, éxécuté
et souffert, pour procurer à ma
patrie la liberté et l'indépendance,
et l'expérience que je faisois main=
tenant de son ingratitude, assail=
lit à la fois mon coeur, avec tant
d'impétuosité, que mon courage
succomba momentanément. Ce
fut le contenu de votre lettre, Sire,
qui me le rendit tout à coup. Mes
forces revinrent avec le sentiment
consolateur d'avoir bien mérité
du genre humain: j'oubliai mes
<12> persécuteurs, et poursuivis
gayement ma route, en m'é=
lançant vers l'avenir.
J'en viens, Sire, à des
intér objets d'un intérêt plus gé=
néral.
En rendant aux Antonins, le
juste sujet d'éloges que méritoit
leur administration, la postêrité
leur a reproché avec amertume,
de n'avoir pas fondé le bonheur
de leur peuple, sur des institutions
permanentes, capables de retenir
dans de justes bornes, les Comode,
les Caracalla et les Elagabales
qui leur succed succédèrent.
Il vous appartient aujourdui,
Sire, de procurer à votre nation
ce grand bien fait.
Préservez la de l'Arbitraire de
vos successeurs, par des institutions
telles que le Gouvernement con=
serve la force, dont il a besoin,
et que le peuple ait une garantie
contre la Tyrannie.
Vous avez senti et pensé de la
sorte jusqu'à présent, avant
d'essayer du Pouvoir absolu.
Moi, qui, pendant 18 mois, fus
appelé à éxercer des Pouvoirs que
les conjonctures rendoient forcément
illimités, je puis vous assurer,
qu'il faut une Volonté bien
prononcée, et toujours vigilante
pour résister aux tentations qui
portent vers les mesures arbi=
traires.
Je sçais, Sire, que l'abus que
des insensés et des fourbes ont
fait des principes, ont fourni
aux ennemis de ceux ci, de beaux
argumens pour calomnier eux
et leurs deffenseurs. Il est
devenu à la mode de faire le
panégyrique de la Sottise, de
la Superstition, du Pouvoir
absolu, et des plus absurdes abus,
parcequ'ils sont anciens.
Les principes, vous le savez
Sire, sont imuables; l'abus
qu'on en a fait doit seulement
prémunir contre les récidives;
et pour marcher avec sécurité,
entre les écueils que tant de
naufrages ont signalé, il
ne s'agit que d'y placer des
balises.
Au nom de la pauvre hu=
manité, toujours dupe et
victime des charlatans politi=
ques: au nom des lumières:
au nom de votre propre gloire,
conservez, Sire, les principes
que vous avez chéri jusqu'à
cette heure, et dont la vérité
vous est démontrée. Soyez leur
deffenseur: couvrez de votre
<13> Egide, ceux qu'on persécute
pour avoir dit, que le mérite seul
1 mot biffure distinguoit les homes, que le
genre humain avoit des droits
incontestables à la liberté, que
les Gouvernemens devoient à leurs
subordonnés, une instruction
vraiment digne de ce nom, que
l'ignorance et la superstition
ne pouvoient profiter qu'à la
fourberie, et à la tyranie.
Le premier besoin de votre peuple,
Sire, est la paix. Vous êtes assez
fort pour la faire adopter par ceux
que tourmente le desir des conquêtes.
Nul ne doit se permettre la sup=
position qu'un Empereur de
Russie puisse ou doive servir
l'ambition d'autrui, quelque soit
le masque dont elle se couvre pour
le séduire.
La paix seule vous facilitera
les moyens de réaliser l'imortel
projet qui doit être le but prin=
cipal de votre régne.
Un 2d besoin, est l'instruction.
Catherine IIde de glorieuse mémoire
avoit fondé des écoles normales.
Cette création étoit entachée de
plusieurs vices, mais on peut les
corriger, et vous avez des homes for=
més dans ces écoles.
Un 3e grand besoin, est la
Réforme du Pouvoir judiciaire
qui procurera aux habitans de
vôtre Empire, les bienfaits princi=
paux de la Liberté civile, et les
préparera à en recevoir d'autres.
Votre Jurisprudence est un Dédale,
dont la chicane et la friponerie
seules peuvent se tirer. Il vous
faut un Code civil, un Code pénal,
un Code de police correctionelle,
un Code rural et forestier, un
Code mercantile etc. etc. etc.
Il faut de plus, une réforme
complette, qui porte tant sur la
composition de vos tribunaux, que
sur les régles de procédure qu'ils sui=
vent.
Ce sont là, Sire, de grands travaux;
mais aussi ils sont du ressort de
plusieurs homes que vous trouverez,
en les cherchant. Néanmoins, en
procédant come on a fait en Prusse
pour la rédaction du Code supplémentaire,
au bout de peu d'années, on trouvera
le but sera atteint, et vous aurrez
donné aux Citoyens, et aux propriétés,
une garantie qui influera prodigieuse=
ment sur la confiance, le Comerce et le
Crédit, et qui accroitra par là même,
vos ressources.
<14> Je demande pardon à V. M. I.
de la liberté que j'ai prise, de lui
adresser ces réfléxions; mon excuse
est dans la pureté de mes intentions.
Désormais j'attendrai qu'Elle per=
mette au cultivateur du Plessis-=
piquet de lui écrire, de loin en
loin, quelques lettres, dans lesquelles
il puisse, avec sa franchise accou=
tumée, bavarder sur le présent
ou sur l'avenir, et lui trans=
mettre, ce qu'il croira être digne
de son attention.
En faisant passer ces comunica=
tions sous le couvert de négocians
elles échapperont aux griffes
crochues des argus de St Petersbourg
d'ici, et de la route; et l'envie,
ou la malice ne pourront, ni
les intercepter, ni en faire un
mauvais usage, ni me susciter
des désagrémens.
C'est seulement en demeurant
dans l'obscurité, que je pourrai
désormais, vous être utile.
Je termine par mon antique
refrain. Le seul ami surlequel
puisse compter un monarque est
une SAINE JUDICIAIRE. Puisse
le bon génie de la Russie conserver
intacte, celle dont vous fites
un si bon usage jusqu'à ce jour!
Agréez, Sire, l'assurance de
mon profond respect et du dé=
vouement sans bornes avec le=
quel je suis pour la vie.
Votre fidèle
La Harpe
Après avoir de la sorte soulagé mon coeur,
j'appris enfin, une partie des
des détails affligeans qui avoient
amené la déposition 1 mot biffure de
Paul Ier et l'avênement d'Ale=
xandre Ier de son successeur.
J'en fus profondément affligé,
pour celui ci, persuadé qu'il
devoit avoir été forcé par
de puissans conspirateurs à
participer, à une mesure
aussi opp contraire à tous ses
sentimens, et redoutant pour
lui, les conséquences que pour=
roit avoir jusqu'à la fin de la ligne biffure
un pareil abus de la force
brutale, 1 mot biffure confiée à des si elle conti=
mains 1 mot biffure
nuoit à être confiée à de
telles mains.
La réponse que je reçus que
la
<15> Une réponse du 9e/21 May
1801, vint bientôt mettre un
terme à mes appréhensions. Elle
caractérise trop bien Alexandre
Ier, pour n'être ne pas trouver
place, dans cet Ecrit. Elle étoit
adressée, au Citoyen de la Harpe
ci-devant membre du Directoire
helvétique, et étoit ainsi concue.
Le premier moment de vrai
plaisir que j'ai ressenti, depuis
que je me trouve à la tête des
affaires de mon malheureux pays,
c'est celui que j'ai éprouvé en re=
cevant votre lettre, mon cher et mon cher
début de ligne biffure 2 lettres, car je
les ai recues ensemble
et vrai ami.
Je ne puis vous rendre tout ce que
j'ai senti, et surtout en voyant
que vous me conservez toujours
les mêmes sentimens, qui sont si
chers à mon coeur, et que, ni
l'absence, ni l'interruption de
rélations, n'a pu altérer. Croyez
mon cher ami, que rien au monde
n'a pu aussi porter atteinte à
mon attachement inviolable
pour vous, et à toute ma recon=
noissance pour les soins que
vous avez eu pour moi, pour les
conoissances que je vous dois,
et plus que tout cela, pour les
principes que vous m'avez ins=
piré, et de la vérité desquels vous
j'ai eu les occasions de me convain=
cre bien souvent. Il n'est pas
en mon pouvoir de reconoitre
tout ce que vous avez fait pour
moi, et jamais je ne pourrai
m'acquiter de cette dette sacrée.
Je tâcherai de me rendre digne
d'avoir été votre élêve, et je m'en
glorifierai toute ma vie; aussi
n'est ce qu'en obéïssant aux ordres
les plus positifs, que j'ai cessé de vous
écrire, sans cesser pourtant de
penser à vous et aux momens que
nous avons passé ensemble.
Il me seroit bien doux d'espérer
qu'ils pourront revenir, et cela seroit
me rendre bien heureux que de
l'effectuer. Là dessus je m'en re=
mets absolument à vous et à
vos convenances domestiques; car
<16> il n'y en a aucunes autres qui
pourroient jamais s'y opposer.
Mais une grace que je vous
demande, c'est de m'écrire de
tems en tems, et de me donner
vos conseils qui me seront si
salutaires, dans un poste come
le mien, et dont je ne me suis
chargé, que pour pouvoir être
utile à mon pays, et le préserver
pour l'avenir, de nouveaux mal=
heurs.
Que ne pouvez vous être là,
pour me guider de votre expé=
rience, et me garantir des pièges
auxquels je suis exposé, par ma
jeunesse et peutêtre de l'igno=
rance dans laquelle je suis de
la noirceur des ames perverties.
On juge si souvent d'après
soi même, et desirant le Bien,
on se flatte trop que les autres
sont dans les mêmes intentions,
jusqu'à ce que l'expérience viene
prouver le contraire; alors on
se trouve est détrompé, mais peutêtre
trop tard, et le mal est fait.
Voilà, mon cher ami, pourquoi
un ami éclairé et expérimenté,
est le trésor le plus grand qu'on
puisse avoir.
Mes occupations m'empêchent
de vous en écrire davantage.
Je finis par vous dire, que
ce qui me donne le plus de peine
et de travail, c'est de concilier
les intérêts et les haines parti=
culières, et de faire coopérer
les autres, au seul et unique but,
l'utilité générale.
Adieu, mon cher ami. Votre
amitié sera ma consolation
dans mes peines.
Dites mille choses de ma
part à vôtre feme, et recevez
les complimens de la mienne.
Si je puis vous être utile,
disposez de moi, et mandez
moi ce que je puis faire.
Alexandre
Convaincu d'après cette lettre que ma présence
à St Petersbourg pendant quelques mois, pour=
roit être utile à l'Empereur,
je me préparai jusqu'à la fin de la ligne biffure en secret
à entreprendre de suite ce voyage,.
tandis que Les gazettes comen=
coientcèrent dès lors à s'occuper de ma
personne. 1 mot biffure Suivant les unes
j'avois été invité par l'Empe=
reur, à me rendre auprès de lui.
<17> D'autres anonçoient au con=
traire, que ce seroit come avec
des pouvoirs du 1er Consul, que
j'allois entreprendre ce voyage,
ce qui n'étoit pas propre à me
préparer un bon accueil de la
part des enemis de la ceux qui
qui ont intêret à faire durer intéressez à la conti=
les hostilités
nuation des hostilités, pouvoient
redouter des propositions pacifi=
ques présentées par un home qu'on un ancien instituteur
1 ligne biffure
1-2 mots biffure
de l'Empereur, connu par son at=
tachement à la France.
Après avoir essuyé en silence
le débordement de cette importune
loquacité, je hazardai enfin de
me présenter chez le 1 mot biffure Mr
de Kalichef, pour lui demander
un Passeport. Son accueil fut
plein d'urbanité, mais après avoir
usé de en vain ses argumens diplo=
matiques, pour me prier d'atten=
dre les ordres qu'il alloit de=
mander, il se vit obligé de mem'
refuseravouer, qu'à moins 1 mot biffure de lui montrer
depuis le début de la ligne biffure
un ordre de l'Empereur, il ne
pouvoit accorder ma demande.
Sans doute, celleci m'eut été accordée
de suite, sur le vû de si j'eusse montré à Mr la lettre qu'on vient
l'Ambassadeur
de lire; mais, 1 mot biffure je ne jugeai
point convenable de comuniquer
à un Tiers, ce que l'amitié n'avoit
adressé qu'à moi seul. Il dut me
paroitre étrange sans doute, de me
voir fermer les portes de la Russie,.
J'ignorois encore, que le Comte
Panin, l'un des principaux Cons=
pirateurs contre Paul Ier, et
le plus ambitieux de tous, 1 mot biffure
se méprenant sur le Carac=
têre du nouvel nouvel Empereur, 1 mot biffure
1 ligne biffure
1 mot biffure et comptant devenir le
Richelieu de ce nouveau Louis
XIII dont il esperoit devenir le
Richelieu, avoit par une Cir=
culaire adressé enjoint à ses agens di=
plomatiques, de ne m'accorder
de passeport, qu'après l'avoir obte=
nu instruit de ma demande, et re=
çu ses instructions, tant il re=
doutoit, la présence d'un home
Tiers 1-2 mots biffure qui pouvoit
demêler ses intrigues.
Ne pouvant entreprendre mon
voyage, sans passeport, je dus
recourir à la Police françoise.
<18> Le Ministre Fouché que j'avois
perdu de vue me fit inviter à
me rendre à son Hôtel, après
avoir consulté le 1er Consul et
reçu ses instructions. La recep=
tion fut pleine d'urbanité, et
pendant les 2 heures que dura
l'entretien, des objets de toute
espêce furent passés en revue,
principalement ceux qui te=
noient à mon voyage. 1 mot biffure
Je témoignai à Fouché
le déplaisir que m'avoit fait
éprouver la loquacité impru=
dente des feuilles publiques, qui
ne pouvoit servir que les enne=
mis de la France. Il se rejetta
sur la liberté de la presse, mais
come elle étoit dans la dépendan=
ce de sa Police, il ne me fut
pas si difficile de le re refuter vic=
torieusement son excuse. J'a=
bordai, franchement avec lui,
la grande question, des intérêts
comuns entre la France et la
Russie, et me prononçai forte=
ment en faveur d'une alliance
intime entre ces 2 puissances,
dont placées hors de portée pour
se nuire, mais pouvant se
rendre les plus grands service,
pouvant comander la paix
de l'Europe, par la masse de
leurs forces, et pouvant sur=
tout, donner le bon éxem=
ple des reformes intérieures,
qui seroit imité par d'autres,
et préviendroit les bouleverse=
mens révolutionaires. Ces
dispositions amicales firent
penser à Fouché, qu'il seroit po=
sible peutêtre de m'engager
à coopérer, en qualité d'ins=
trument bénévole à la réus=
site des de toutes les vues politiques du
Cabinet françois, rélativement
à la Russie. Je ne jugeai pas
qu'il fut convenable de le lais=
ser dans cette erreur. Aussi
longtems, lui dis-je alors, que
vous cheminerez dans ce qui
est à mes yeux, la seule route
1 mot biffure d'une Politique éclairée
et libérale, je vous accompa=
gnerai avec zêle; mais ne
comptez plus sur moi, du mo=
ment, où vous quiterez cette
route, pour suivre des Sentiers
dont les détours me seront in=
connus. Je suis un home indé=
pendant, qui vous laisserai
<19> vous laisserai cheminer seuls.
Mais coment pourriez vous avoir
des doutes? sur les vues du 1er
Consul? Il s'agit selon moi, de ré=
pondis-je, de profiter du hazard, qui a placé
à la tête des 2 plus puissantes
nations de l'Europe, 2 homes ra=
res, pour qu'ils puissent se com=
pre qui puissent s'entendre sur
les vues qu'ils professent, de ma=
nière à établïr entr'elles un Systême de
paix et d'amitié sincere, qui leur
permette de développer tous les
moyens propres à assurer leur
prospérité réciproque. J'ai conu
pendant onze ans l'un de ces
homes, et crois pouvoir espérer
qu'il a tout ce qu'il faut pour
apprécier un pareil Systême,
et lui donner son adhésion. Je
reconnois dans le 2d, tout ce qui
caractérise l'home fait pour
comander, mais je n'ai point
été placé de manière à juger
s'il 2 mots biffure si ses dispositions
sont telles, qu'il apprécie de mê=
me que le premier, le Systême
pacifique dont il s'agit.
"Eh! bien, dit Fouché, allons à
St Cloud: vous causerez avec le
1er Consul, et pourrez vous con=
vaincre de jusqu'à la fin de la ligne biffure
la sincérité de ses sentimens, pour
à l'égard de la Russie et de son
Empereur que vous aimez."
L'académicien Garat qui fut in=
troduit dans ce moment, et que je
conoissois beaucoup, insista joignis
ses instances à celles de Fouché,
mais inutilement. Je n'irai point
à St Cloud, sans y être mandé,
dis fut ma réponse: je me rappèle que le 1er Consul
ne se montra pas généreux lorsque=
poursuivi et malheureux, je 2 mots biffure me présentai à lui, à
la Malmaison, en Juillet 1800,
pour solliciter un Azyle, et m'a
dressa des reproches pour avoir
rempli un Magistrat.
oubliant que je venois solliciter
sa un Azyle, come proscrit, et
que des égards ménagemens étoient
dus à l'infortune, m'adressa
des reproches pour avoir rem=
pli loyalement des mes devoirs, en
qualité de 1er Magistrat de
mon pays. Mandé j'obéïrai;
mais 1 mot biffure je crois que, dans
ce moment, ma présence à St Cloud
<20> mal justi interprétée par Vos
ennemis, qui en seroient bientôt
informés, leur fourniroient des
armes pour rendre suspec=
tes les propositions, dont je vous
ai parlé. Vous pouvez rendre
compte au 1er Consul de ce que
je vous viens de vous dire, et l'as=
surer, que s'il adopte 1 mot biffure 2 mots biffure
donne des 1-2 mots biffure instructions conformes
à 1 mot biffure au Systême, dont je
desire l'adoption, ses Agens peu=
vent compter sur ma concurren=
ce; mais je le répète, elle n'aur=
ra lieu qu'à ce prix.
Mâ décision étant demeurée iné=
branlable, Fouché donna l'ordre
de m'expédier le Passeport desiré,
et nous primes congé de la
meilleure grace; lui, en me
considérant peut etre, come l'un
un de ces Songe creux de l'espêce du
bon Abbé de St Pierre: moi, en
me félicitant d'avoir pu déve=
lopper la ma diplomatie toute
simple.
Je partis 1 mot biffure sans retard
en passant par la Hollande,
pour me rendre à Hambourg,
ou je devois trouver le premier
diplomate russe. C'étoit le
Chevalier de Froman, qui y
remplissoit les fonctions de
Chargé d'affaires. Après lui
avoir exprimé le desir d'obtenir
un Passeport, ma surprise
fut grande, en l'entendant
émettre des scrupules tout pareils
à ceux de Mr de Kalichef. L'em=
barras qu'il manifestoit, et
la mention d'une Deffense d'ac=
corder des Passeports à des étran=
gers, qui n'avoit point encore
été levée devoient accroitre mes
soupçons. Mr de Froman qui s'en s'appercevant néenmoins
apperçut
que j'étois bien décidé à poursui=
vre mon voyage, m'offrit alors
obligeament de transmettre au
Comte Panin, la une lettre pour
lui demander un Passeport
que j'irois attendre, à Liebau
1ère ville de la frontière russe.
Cet article une fois réglé je
me rendis à Berlin, où je
comptois réïtérer auprès du
Baron de Krüdener Ministre de
Russie, les mes tentatives de Paris
et de Hambourg.
<21> L'accueil que je reçus de ce
Ministre fut plein d'obligeance,
mais le résultat pareil aux pré=
cédens. Le Ministre insista seule4 caractères biffure=
ment plus fortement, pour m'enga=
ger, à attendre à Berlin, le Pas=
seport qu'il alloit demander. Il
seroit désagréable pour moi, d'être
obligé d'attendre à la frontière.
Je serai charmé, l'interrompis-je
de me voir 1 mot biffure les portes de la
Russie fermées, pour celui qui eut
l'honeur d'être l'Instituteur de celui l'Empereur actuel, je vai en
qui
courir le risque, et pris congé de son
Excellence.
Confirmé dans mes soupçons, je
crus devoir anoncer à l'Empereur
que, si j'arrivois plus tard que je
n'avois compté, cela tenoit à des
obstacles que je n'avois pu prévoir
et je prévins mon beaufrère 1 mot biffure mon beaufrère le Conseiller d'Etat Staneke
qui occupoit une place supérieure
à Liebau, que j'aurois bientôt le et dont l'autre etoit=
Gouverneur des frères puinés de l'Em
pereur que je n'étois plus éloigné
et aurrois bientôt le plaisir de
le joindre. Celui de Liebau vint
à ma rencontre jusqu'à Memel
à Liebau, que les Voyageurs
aurroient bientôt le plaisir de
les revoir, et de lui demander
l'hospitalité. Ce bon Parent
vint, accompagné de sa feme,
à notre rencontre, jusqu'à Memel,
et je dus à sa recomandation
auprès du Vice-Consul de Russie
dans ce port prussien, la permis=
sion de passer la frontière, et
d'arriver de gagner Liebau, où je
me nous nous repôsames pendant
quelques jours des fatigues du
voyage, au milieu de nos bons
parens, etn attendisant la réponse
du Comte Panin, à ma lettre de
Hambourg. Cette lettre réponse me par=
vint enfin avec le Passeport, mais
et son style laconique indiquoit suf=
fisament qu'ile celui ci m'avoit été accordé
de mauvaise grace.
Dans l'intervalle l'Empereur a qui on
avoit appris ma prochaine arrivée
2 mots biffure
Dans l'intervalle j'avois appris
par un 2d beaufrère, le Gl de Lambs=
dorf, Gouverneur des frères puinés jeunes
2 mots biffure Gds Ducs, qui se trouvoit
accidentellement sur ma route
à portée de ma route, que j'é=
tois attendu par l'Empereur.
J'allai donc le joindre, et nous
arrivames ensemble le Août 1801
à St Petersbourg.
Mon beaufrère anonça, de suïte
mon arrivée, et l'Empereur me
fit prier d'aller le trouver le
<22> dès le lendemain au soir
j'eus l'inexprimable satisfac=
tion de passer 3 heures, avec
avec ce Monarque bien ai=
mé, dont l'accueil cordial
dépassa toutes mes espérances.
Ces 3 heures furent employées
à comuniquer à donner à Alexan=
dre Ier une multitude d'expli=
cations sur les objets qu'il lui
importoit le plus de connoitre
dans sa nouvelle position, et
à l'entendre celles qu'il s'interessoit
de connoitre sur
à entendre celles qu'il pou=
voit me comuniquer à son
tour, sans trahir les secrêts
de son Empire. Ce que 1 mot biffure tenoit
je tenois surtout à savoir, étoit
s'il étoit en sureté au milieu
de tant de conspirateurs. Je
n'ai participé, fut sa réponse,
à ce qui s'est passé, qu'en qua=
lité de patient, qui a du
subir se soumettre à la
nécessité, d'occuper la 1ere
place, pour sauver la patrie,
et la préserver des calamités
dont elle étoit menacée. Le
1 mot biffure Sentiment d'une cons=
cience pure, est maon seule seul Bouclier contre
1 mot biffureles de nouvelles
tentatives: ces Soldats que
vous voyez, gardant ma
demeure, ajouta-t-il en les montrant n'ont pas sauvé
mon prédécesseur.
demeure, ajoutat-il en me
montrant ceux qu'on apperce=
voit de l'intérieur de son
Cabinet, n'ont pu sauver mon
malheureux père; je vous 1 mot biffure
4-5 mots biffure jours.
Je fus frappé profondément du calme de ces
paroles, qui pourtant ne m'a=
voient point rassuré.
Passant ensuite à d'autres objets,
je racontai à l'Empereur, cles
détails de mon Audience chez
Fouché, et en pris occasion de
lui développer mes idées, qui
eurent son approbation, et
sur lesquelles, il me dit qu'il
reviendroit plus tard, après
être de retour son retour de
Moscou, où il devoit se rendre
prochainement pour la cérémonie de son Cou=
ronnement. Cette Cérémonie
l'affectoit beaucoup, et s'il
n'eut dépendu que de sa vo=
lonté, il l'eut ajournée,
l'idée de monter sur un Trone
occupé naguêres par son père,
lui étant insupportable, même
avec le sentiment intime
<23> d'avoir subi forcément la
dure loy de la nécessité. Il
desiroit au moins que je l'accom=
pagnasse, et n'omït rien pour m'y
décider; mais réfléchissant aux
consequences que les Courtisans et
les ceux qui tous les aspirans aux
places, tireroient de la présence
d'un étranger, arrivant tout
exprès pour figurer parmi les
personages en évidence les plus
marquans, et je 2-3 mots biffure
déja en confiance en deja possession d'une con=
fiance qu'on pourroit peut être
traduire en favoritisme, je résis=
tai aux sollicitations.
Cette résolution de ma part, tan=
dis que tout ce qui pouvoit se
rendre à Moscou, en prenoit le
chemin, devoit paroitre étrange,
et fut à l'instant interprêtée, come
une espêce de disgrace. Je m'en
apperçus bien vite, au changement
des procédés, et ne cherchai point
à détromper.
Des mesures avoient été prises
toutes fois avec l'Empereur, pour
pouvoir correspondre, s'i l'occasion
se présentoit: on en verra plus loin
le résultat. Dans l'intervalle, je renouvellai
connoissance avec d'anciens Collè=
gues. L'un d'eux, Mr de Boudberg
qui avoit été pendant plusieurs anées,
Cavalier du Gd Duc Alexandre,
1 ligne biffure se trouvoit à cette époque
1-2 mots biffure Suède, et étoit arrivé
à St et
Ambassadeur en Suède, et arrivoit
par Congé à St Petersbourg. Nous
avions été jadis intimement liés, et
c'étoit à lui, qu'étant encore
membre du Directoire helvétique
j'avois adressé en Juillet 1799
une Lettre pour pour l'Empereur
Paul Ier, dans laquelle, je 1 mot biffure
développais à ce Monarque les considérations qui
devoient l'engager à ne point faire
cesser la guerre déclarée à la Suisse. Nos réla=
tions recomencèrent, et j'appris
avec plaisir, que 1 mot biffure ma lettre 1 mot biffure
étoit parvenue dans le tems à son adresse. Mais
Je dus 2-3 mots biffure Boudberg à cet ancien ami, la con=
noissance de faits qui doivent
trouver leur place ici.
Le 1er Fait ne concernoit que
mon seul Individu: c'étoit la
<24> Le premier de ces faits ne con=
cernoit que mon seul individu
et consistoit dans une Circulaire
adressée par le Comte Panin, àux
aux tous les Agens diplomatiques, pour
les inviter à ne me délivrer de
passeport pour la Russie, qu'a=
près l'avoir prevenu et avoir
reçu une autorisation. Ainsi
me futrent expliquées les réponses
ambigues que des Diplomates aux=
quels je m'étois adressé. Le Comte
Panin se proposoit sans doute
2 mots biffure de représenter à l'Em=
pereur, que l'arrivée à St Peters=
bourg d'un home qui avoit
joué un rôle principal dans la
révolution de son pays, pouvant
produire, au comencement de son
rêgne un effet fâcheux, il seroit
à propos, de m'inviter en son
nom, à ajourner mon départ.
Ce point obtenu, il pensoit avec
raison, que je ne reviendrois renoncerois pour toujours
plus
à visiter mon ancien Elêve,
ou que du moins si je il aurroit
eu le tems de l'enlacer si bien,
qu'il me seroit difficile de me
faire entendre.
Le 2d Fait que Boudberg me avoit une portée
comuniquoit
bien autrement étendue. et Par des instructions
2 mots biffure
1 mot biffure rédigées avec tout 1 mot biffure l'art
possible le Ministre invitoit
les Agens diplomatiques à divi=
ser leurs Rapports, en 2 sec=
tions distinctes, La 1ère devoit
dont la 1ère devoit être consacrée aux af=
faires courrantes, tandis que
la 2de le seroit aux affaires,
aux projets et aux propositions d'une
nature 2 mots biffure plus secrette.
S.E. Le Ministre se reservoit
la connoissance exclusive du
Contenu de cette 2de Section, et ne
destinoit à l'Empereur que
la série des affaires courran=
tes, ce qui 1 mot biffure l'eut privé
à la longue de la connoissance de véritable
des affaires générale, aux=
quelles seules son Ministre
eut participé: ces Instruc=
tions tendoient, en un mot
à faire du Chef de l'Etat, un
véritable prisonier. 1 mot biffure J'encourageai
1-2 mots biffure
fortement mon ami Boudberg
<25> de mettre ces étranges instructions
sous les yeux de l'Empereur, qui ne
pouvoit avoir consenti à se laisser
encager d'une manière aussi effron=
tée; mais avant qu'il put s'ac=
quiter de ce devoir, la nouvelle de
l'éloignement de Panin, arriva de
Moscou. En lisant à l'Empereur
une dépêche, dans laquelle il étoit
fait allusion à la Section secrette
de l'Instruction ministérielle trans=
mise récement, ce Ministre fut ar=
rêté tout à coup par la démande
cathégorique d'une explication, qu'il
dut donner imédiatement en présentant l'I son
Instruction. Le coupable fut congédié,
mais en usant d'indulgence, à son
égard, et en s'abstenant de faire conoi=
tre sa faute, un mauvais éxemple
fut donné, et les amis de Panin, osè=
rent se plaindre, d'un renvoi qu'ils
qualifioient d'arbitraire, et qui
n'étoit que le résultat d'une bonté
de caractère et de ménagemens por=
tés trop loin.
Je profitai de l'absence de la Cour
pour m'occuper de travaux, qui
plus tard devoient trouver leur
application, et pour adresser à
l'Empereur pendant son séjour
à Moscou, quelques des lettres et des
mémoires, rélatifs à des objets
qu'il lui importoit de connoitre.
3-4 mots biffure
Ainsi, le 30e Aout 1801, je lui
fis parvenir à Moscou la lettre sui=
vante.
Sire
J'avois esperé pouvoir vous présenter
un Précis de ce qui s'est passé en Helvé=
tie. Desirant le rendre concis, je n'ai
pu le terminer encore. Si V. M. I.
desire que je le lui adresse à Moscou,
Elle le recevra dans peu de jours;
néenmoins s'il n'y a pas d'urgence, je
pourrai attendre son retour, afin
de donner les explications ultérieures.=
res.
Au reste, tout ceci devant être subor=
doné à la supposition qu'il n'est
pas indifférent pour la Russie que
l'Helvétie devienne la proye de
l'Etranger, je viens Sire, vous
demander une grace, celle de per=
mettre que je réponde à ce qui vous
sera présenté à ce sujet, dès que
<26> les intérêts particuliers de votre Em=
pire, vous permettront d'y mettre quel=
que importance.
Sa Majesté l'Empereur défunt n'eut
jamais de Données éxactes sur cette ma=
tière; vous trouverez sans doute convenable
Sire, de les rectifier par des faits, et
de comparer les Dire réciproques. Ainsi
que je le disoïs jadis à V. M. I., Elle doit
tenir tribunal dans son Cabinet, sur ce
qui lui est présenté chaque jour, quelque
quelle que soit la personne qui ait
parlé.
L'Extrait n° 1 vous donnera déja,
Sire, une idée de la situation des affaires;
il me vient d'un ami sur. La présenta=
tion officielle dau roi d'Angleterre de
l'ancien Gouvernant bernois Freudenreich
come agent de l'ancien gouvernement
dont il y est fait mention, est de nature
à aliéner toujours plus les esprits, et peut
forcer nos Gouvernans provisoires, tout
maladroits qu'ils sont, à se jetter plus
que jamais dans les bras du gouverne=
ment françois, à l'influence duquel
une politique sage devroit les soustraire,
en faisant luire à leurs yeux, l'espoir
de n'être pas abandonné à eux mêmes.
V. M. I. trouvera sous le n° 2 quel=
ques résultats d'observations qui m'ont
été faittes en conversation. Il doit
éxister un Mémoire interessant sur
cette matière importante. A word
to the wise
Permettez encore, Sire, qu'usant des
droits que votre amitié m'accorde, je
vous présente les réfléxions suivantes.
Il me semble dabord qu'il est pour
vous de la plus haute importance, de
faire l'Empereur, soit lorsque vous
paroissez en public, soit lorsque vous
traitez avec les homes auxquels vous
avez confié un Département quelconque.
Je ne suis point l'aveugle panégyriste
de l'Etiquette, mais lorsque le Chef
d'une nation se présente, parle ou
agit come tel, il doit suivant l'ex=
pression pittoresque de Demosthène,
revêtir la dignité de son pays. Vôtre
nation y est accoutumée depuis long=
tems, surtout dans l'intérieur de
l'Empire, elle y attache beaucoup d'im=
portance, et je crois qu'elle en a besoin.
<27> Votre Jeunesse, Sire, vous com=
mande peutêtre encore plus impérieuse=
ment de ne pas vous relâcher sur ce
point. Accoutumé come vous l'êtes à estimer les
homes ce qu'ils valent, et convain=
cu que l'instruction ne finit qu'a
qu'avec la vie, vous accueillirez
sans doute toujours avec empressement,
les lumières et ceux qui vous les trans=
mettront, à quelque classe, qu'ils
appartienent, mais, je vous en
conjure, Sire; ne souffrez pas que
sans aucun prétexte, on éxerce sur
vous une influence quelconque.
Ecoutez avec votre affabilité
ordinaire, mais dirigez les conversa=
tions, et après avoir recueilli les
données, pesez les opinions dans
l'impartiale balance de votre Judi=
ciaire, prononcez ensuite, et faites
connoitre votre volonté. Je dis
votre volonté, parce que la Constitution
de votre pays, et les intérêts de votre
peuple ne donnent qu'à Vous, le
droit de vouloir en dernier ressort;
ils vous comandent même d'en user.
Que ceux que vous avez placé
à la tête des Départemens de l'Admi=
nistration publique, Ministres ou
autres, s'accoutument à l'idée
qu'ils ne sont que vos Délégués, que
vous avez le droit de savoir tout
et de tout conoitre, et que vous
voulez en faire usage: Sur cela
point de partage.
Les chefs de départemens divers,
je me le rappèle, éxerçoient jadis
une autorité despotique; on eut
dit que chacun d'eux étoit Empereur.
Celà déchargeoit le Souverain, et
il n'étoit pas de sa dignité de voir
par lui même!! Tels étoient les
motifs dont on étayoit ce bel usage
mais, que de maux inombrables en
ont été les résultats! et qui eût ôsé
les faire connoitre?
Je ne puis trop le répéter, Sire.
Traitez les Chefs des divers départe=
mens avec les égards qui leur sont
dus; écoutez les, mais jugez seul et
et sans eux; faites leur ensuite
<28> connoitre, avec calme, que votre déci=
sion une fois prise, il ne leur reste
plus qu'à s'y conformer. Votre affa=
bilité naturelle sçaurra tempérer la
gravité sévêre du monarque; et le
calme avec lequel vous émettrez vos
ordres, fera sentir la nécessité d'obéïr,
sans que vous ayez besoin de recourir a
votre autorité.
Je n'insisterois pas tant sur ce point,
Sire, si je ne connoissois pas la tendance
universelle des Chefs de départemens et
de la Bureaucratie à devenir exclusifs.
Permettez moi de vous citer mon expérience.
Pendant les 18 mois de mon administra=
tion, il fallut m'astreindre à une
surveillance quotidienne, pour retenir
nos Ministres dans l'ornière qui leur
avoit été tracée, et dont ils sortoient
à chaque instant, et remarquez que
c'étoit dans une république.
La conivence, ou la foiblesse de plusieurs
de mes collègues, leur ayant enfin fourni
fourni les moyens de se soustraire à
cette surveillance, ils se coalisèrent
contre les Directeurs qui s'étoient montré
peu complaisans, en particulier contre
moi qui ne pouvois agir seul, et
renversèrent le Directoire, en mettant
à la disposition de ses ennemis, les
moyens d'éxécution dont ils étoient dépo=
sitaires. Vous, Sire, qui ne parta=
gez le pouvoir avec personne, vous
pouvez donc, sans effort, ramener dans
la bonne route, ceux qui s'en écarte=
roient; il ne faut pour cela que con=
tracter l'habitude de la Surveillance.
Une 2de réfléxion seroit, que vous
fixassiez, une ou deux heures par
semaine pendant lesquelles, ceux qu'on
appèle les Grands, seroient admis à
vous approcher et à jouïr de vôtre
présence. Ces heures, Sire, ne seront
point perdues; elles vous gâgneront les
coeurs, en prouvant que vous rendez
à l'âge et aux dignités, ce qui leur
appartient.
Une 3ème réfléxion seroit, d'éxiger
péremtoirement, qu'on vous remit de
suite, par écrit, les faits allégués
pour ou contre les individus qu'on
<29> recomande, ou qu'on inculpe, afin
de pouvoir aller aux informations
et de savoir à qui vous en prendre.
Il seroit même essentiel d'avoir dans
votre Cabinet, un Livre destiné à
recueillir les Données rélatives aux
Individus qu'on vous indique, et de
l'accompagner d'un Régistre des noms
et des matières.
Cette pratique seroit surtout très
utile pour bien choisir les homes que
V. M. I. charge de la représenter
en pays étranger, et qui doivent être
en premier, des homes de son choix,
aussi incapables d'éxécuter avec fidé=
lité et intelligence, les Instructions
émanées d'Elle, que peu disposés à
devenir les instrumens d'autres volontés,
que la sienne.
La Societé des Jésuïtes qui fut si bien
servie, le dut à une pratique semblable.
Come Gouvernant j'en éprouvai jadis les
bons effets et je me conforme à cette rêgle
dans la Note 3.
Une dernière réfléxion enfin, seroit
d'éxiger, que toute demande un peu im=
portante, vous fut faitte par écrit et
d'une manière concise. Mais il con=
viendroit aussi que V. M. I. répon=
dit cathégoriquement, et aussi vite que
possible. On se console d'un Non; les
renvois et l'attente donent de l'humeur
et font des mécontens. Qui ôseroit se
plaindre d'un Monarque agissant come
un sage administrateur de l'Etat?
Sire! Vous allez recevoir les homages
d'un peuple imense; je sçais qu'ils ne vous
énorgueilliront pas. Mais lorsque la
couronne sera placée sur vôtre tête,
aux acclamations publiques, (et certes elle
est très significative cette cérémonie), rapelez
rappelez vous les sublimes paroles de
Joad dans Athalie, et répétez tout bas
l'engagement que vous prites dès votre
13e année, de travailler à fonder le
bonheur de la Russie sur des bases inébran=
lables.
Vos concitoyens et les étrangers ont les
yeux fixés sur vôtre rêgne. Vous rem=
plirez leur attente et mériterez d'im=
mortels éloges, en usant de vos moyens
avec prudence, courage, persévérance,
énergie. Tous les obstacles devant une
<30> une volonté ferme et bien prononcée que la
sagesse dirige.
Il me reste, Sire, à faire des voeux pour
vôtre heureux voyage. Puissiez vous y
puiser de nouvelles forces, come j'espêre,
qu'il vous procurera de nouveaux moyens!
Agréez, Sire, l'assurance de mon respect,
et de l'attachement inviolable que vous
a voué pour la vie F. C. LaHarpe
J'avois soulagé mon coeur, 1 mot biffure par
des avertissemens que l'extrême bonté de
l'Empereur me paroissoient rendre né=
cessaire, car j'avois déja remarqué des
dispositions à en abuser, de plus grands
devoirs me restoient à remplir, je c'é=
toit dans cette intention que j'avois en=
trepris le voyage de St Petersbourg. il
1 mot biffure s'agissoit de savoir le parti que
la Russie retireroit jusqu'à la fin de la ligne biffure
de l'avênement d'un jeune prince que
la destinée sembloit avoir appelé, après
10 siècles d'attente, à 1 mot biffure procurer
à son peuple des garanties contre=
ce pouvoir arbitraire qui avoit retar
dé les progrès de sa Civilisation.
Il s'agissoit de tirer parti des heureuses dis=
positions d'un jeune prince, que la
Destinée sembloit avoir préparé tout
exprès pour s'occuper répandre
la civilisation chez son peuple, et lui
assurer une prospérité 1 mot biffure 1 mot biffureréelle, par
des institutions durables. Le moment
de profiter de s'occuper des moyens
d'éxécution étoit venu; je crus avoir
le droit de rappeler à celui que j'a=
vois instruit et formé pour s'acqui=
ter de cette grande tâche, les princi=
pes que je lui avois inculqué, et dont
il avoit reconnu la vérité. et Profi=
tant donc de la permission 1 mot biffure qu'il m'avoit
donnée, de lui ouvrir mon coeur avec
ma franchise accoutumée, je consignai
dans quelques lettres adressées à Mos=
cou, 1 mot biffure ce qui me paroissoit consti=
tuer alors les premiers besoins de la
Russie.
Après avoir rappelé, dans une lettre
du 3 Septembre, le recours si dan=
gereux le besoin urgent que la Russie
avoit de Codes de loix, et de Tribunaux
mieux composés, qui n'obligeassent
plus les citoyens à recourir à la
personne même du Souverain, pour
obtenir une revision, recours toujours
si périlleux, je continuois en ces
<31> termes:
S'il éxistoit, dans un
pays auquel ce qui précède put
s'appliquer, je conseillerois au
Souverain 1° de conserver son droit
d'intervention, avec le plus grand
soin, pour ne pas voir s'expôser
à voir les tribunaux, et en
particulier, les plus éminens, tra=
vailler à perpétuer les abus, ou
à étendre leur autorité aux dépens
de la sienne.
2° de s'occuper sérieusement et avec
urgence d'une organisation différente
de ce qu'on appele le Pouvoir judiciaire
en gardant pour l'achêvement de cette
entreprise salutaire, l'éxercice tout
entier de sa Prérogative. Il pourroit
p. exemple
a) faire recueillir dabord les loix
et les usages des divers peuples dont
il est le chef, et inviter les homes
capables à seconder ce travail.
b) charger une Comission de mettre
en ordre ces Données, de rédiger, soit
les Codes particuliers que la prudence
1 mot biffure comande d'accorder à des tribus
diverses, soit un Code général, et
de presenter de plus, une organisa=
tion des tribunaux, concordante avec
les nouvelles loix
3° Ces travaux méritoires étant ter=
minés, et la nouvelle organisation
ayant subi la critique de ces hom=
mes qui pensent que les loix ne
méritent le nom de bonnes, qu'au=
tant qu'on les adapte aux circons=
tances dans lesquelles se trouvent
les Gouvernans et les Gouvernés, il
seroit digne d'un Souverain que la
Destinée appèle à préserver son
peuple du Despotisme, de sanctioner
ce grand ouvrage, et d'assurer aux
Gouvernés, les bienfaits de la liberté
civile, en même tems qu'il diminue=
roit, sa propre responsabilité, et
procureroit à sa Prérogative, une
garantie qu'elle n'avoit pas eue
jusqu'alors.
<32> Après avoir rappelé à l'Empereur,
ce que j'avois eu l'honeur de lui
écrire du Plessis-piquet rélati=
vement à l'urgence qu'il y avoit
de s'occuper du Pouvoir judiciaire,
l'Administration ne pouvoit être
passée sous silence; je résolus
donc d'en toucher aussi quelque
chose, dans un moment aussi solem=
nel, et l'éxécutai come suit:
2°
Il importe tant d'avoir des Don=
nées justes, pour être en état de
prendre de bonnes mesures, que
je ne puis m'abstenir de toucher
encore ce point, instruit par les
écoles d'autrui, et par ma propre
expérience.
L'administration est subdivisée
en plusieurs départemens, dont
il est indispensable que le Souve=
rain conoisse parfaitement l'or=
ganisation, la composition et
les travaux.
Cette connoissance indispensa=
ble pourroit s'obtenir, en
demandant à chaque Minis=
tre, ou Chef de Département, des
Mémoires clairs et concis, tant
sur le personel du Département
ses attributions et ses travaux,
que sur son état de situation
à une époque donnée.
Complets, ou incomplets, ces
Mémoires fourniront des moyens
d'aller
<33> aux informations, et de recueillir
de nouvelles Données. Mais, pour
les obtenir, il faut introduire, de
fait, un usage différent de celui
qui a eu lieu jusqu'à présent,
et qui rend tout chef d'un Départe=
ment, tout Président d'une Comis=
sion, tellement arbitre de tout ce
qui s'y traite, que rien ne peut
être porté au Souverain, sans son
aveu, et que la voix du mérite
obscur et timide, demeure étouffée,
au détriment de la chose publique.
Maintenez, Sire, la subordina=
tion; mais d'un bras ferme, tenez
les portes ouvertes à la vérité, et
ne souffrez pas que les dépositaires
de votre autorité, en fassent un
Monopole à votre préjudice, en ne
laissant passer que leurs Cliens,
en éloignant quiconque ne fléchit
pas devant eux.
Si la calomnie et la méchanceté
arrivent à vous par la même porte,
et vous pouvez y compter, Sire,
vous ne tarderez pas à les reconoi=
tre. Mais, portes et fenêtres
ouvertes à quiconque apporte
des vérités utiles, à quiconque veut
et peut seconder Alexandre tra=
vaillant à éclairer son peuple,
et voulant lui donner une patrie
à aimer, en lui assurant les bien=
faits de la liberté civile.
Au nom de votre peuple, Sire,
gardez intacte l'autorité dont
vous êtes revêtu, et dont vous ne
voulez user que pour son plus
grand Bien. Ne vous laissez
point entrainer par l'aversion
que le Pouvoir absolu vous ins=
pire. Ayez le courage de le con=
server tout entier et sans par=
tage, puisque la Constitution
de votre pays, vous l'accorde légi=
timement, jusques au moment
où les travaux nécessaires pour
lui assigner des limites, étant
terminés, vous pourrez n'en
retenir que ce que les besoins
d'un gouvernement énergique, l'é=
xigeront.
Cet ouvrage est de longue haleine.
J'espêre que vous vivrez, pour le
voir terminé et pour en jouïr;
mais, que les chances de la durée
de la vie ne vous engagent pas
<34> à précipiter les tems; ce seroit
le moyen de tout perdre.
Enfin, Sire, pardonnez à ma
sollicitude, cette nouvelle Epitre, dont
voici le Somaire: prendre ad refe=
rendum, les propositions tendantes
à borner l'éxercice de vos 1 mot biffure
facultés, et ne contracter d'enga=
gemens que ceux que vous devez
et pouvez tenir.
Ces avis vous seront superflus,
sans doute, mais il m'est impos=
sible de ne pas vous les transmet=
tre. F. C. LaHarpe.
Les bruits qui se repandoient
à St Petersbourg sur les disposi=
tions, où devoit être le jeune
Empereur, de prêter une oreille
très favorable, aux propositions
1 mot biffure libérales, qui pourroient
lui parvenir de la part de gens
qui tout en les abhorrant, 1 mot biffure espé=
roient se recomander par elles,
m'inspiroient des vives inquiétudes. d'au=
tant plus vives que Je me
rappelois fort bien l'aversion
prononcée, qu'il avoit exprimoit fré=
quement dans n'avoit cessé d'ex=
primer dès sa 1ère jeunesse contre pour le pouvoir
1 mot biffure absolu, et avois encore
présent à l'esprit, tout ce qu'il
m'avoit mandé de ses projets, fu=
turs, dans la lettre du 27e 7bre / 8e Octobre 1797.
J'en pris occasion, pour de réïtérer
mes avertissemens, et lui adressai
en conséquence le 16e 8bre 1801,
le Mémoire suivant, qui pré=
sentera offrira au lecteur, une récapi=
tulation des questions impor=
tantes, qui furent agitées entre
nous, et le mettra en état d'ap=
précier, en quoi consistoit 1 mot biffure=
2-3 mots biffure l'envie et la mali
gnité 1 mot biffure cette prétendue=
influence que l'Envie et la maligni
té m'aurroient volontiers fait un=
crime et qui a même fourni le
prétexte de 1 mot biffure l'accusation
grave, d'avoir proposé l'affranchis
sement des Serfs.
<35> 1-2 mots biffures la manière dont j'éxer=
cois cette influence qu'on m'auroit
si volontiers imputée reprochée, come un délit,
mais que l'Envie et la malignité
furent forcées de respecter, faute
de prétextes, tant que je fus présent
et mais dont elles se dédomagèrent, lors=
que je fus éloigné, en répandant
le bruit, que j'avois pressé l'Empereur
d'affranchir les Serfs, mesure qui
eut bouleversé l'Empire, si mes Con=
seils avoient été adoptés.
Mémoire sur les réformes à entre=
prendre, envoyé à l'Empereur
tandis qu'il étoit à Moscou, pour la
cérémonie du Couronement.
St Petersbourg. 16. 8bre 1801
Sire
Vous avez desiré avoir mon opinion
sur les réformes que Vous projettez
depuis longtems; je viens vous l'a=
dresser avec franchise.
Il seroit superflu de prouver l'u=
tilité de ces réformes; je me bornerai
à parler de leur nécessité.
Une réforme est nécessaire 1° parce=
que, parmi les abus, il en est d'in=
supportables. 2°, parce qu'il éxiste
partout, même en Russie, une sourde
tendance vers un ordre de choses
meilleur, tendance surlaquelle il
seroit dangereux de se faire illusion,
que les erreurs du dernier régne, et
la doctrine préchée dans le Midy de
l'Europe, ont considérablement accrue
et à laquelle il est instant de doner
une sage direction. 3° parce que
l'ignorance dans laquelle est plongée
la grande masse, à qui appartient
la force réelle, et les demilumières
de ceux qui l'ont dominée jusqu'à
présent, produiroient par leur
opposition, de fâcheux résultats,
s'il s'établissoit jamais une lutte
entre ces 2 classes d'homes, lutte que
des accidens imprévus peuvent
amener tout à coup. 4° parce que
le crédit et la puissance de la Russie
sont incompatibles avec la continuïté
des abus actuëls. 5° parce qu'enfin,
tant que les mêmes abus éxisteront,
les Gouvernans et les Gouvernés ne
seront protégés par aucune garantie;
ensorte que les uns pourront opprimer
sans mesure, et être opprimés à
leur tour.
La Réforme est donc nécessaire,
mais elle aura contr'elle, tous ceux
qui ont profité, profitent, ou espè=
rent profiter des abus, et en parti=
culier,
<36> 1° toutes les autorités supérieures.
2° la totalité de la noblesse, à quel=
ques exceptions près. 3° la grande
majorité de la Bourgeoisie, qui,
dans le cercle de son activité, a
pris les habitudes de la domination
et manque de lumières. 4° la
prèsque totalité des homes d'un
age mur, dont les habitudes, toutes
dirigées en sens contraire, change=
ront difficilement. 5° prèsque tous
les étrangers, soit par crainte, bassesse,
intérêt, ou bêtise. 6° tous ceux
qu'effrayent les éxemples offerts par
la France, l'Helvétie, l'Italie etc. etc.,
espêce moutonière qui ne réfléchit
pas, mais qui n'en a pas moins
d'influence, parce qu'elle a de quoi
citer, et que le plus petit nombre
est capable de juger, si les citations
sont à propos. 7° les agens des Puis=
sances étrangères, auxquelles il ne
convient pas que la Russie atteigne
le degré de prospêrité que lui assu=
reroient des réformes entreprises
avec sagesse et maturité. 8°, l'ins=
titution des rangs, vrai fléau pour
la Russie, puisqu'elle force les
citoyens à négliger leurs affaires
pour courir après les places, non
pour remplir les devoirs qu'elles
impôsent, mais pour avancer
dans l'échelle des rangs; puis=
qu'elle ôte aux homes en place,
l'affection que partout ailleurs
ils prennent pour leur travail;
puisqu'elle empêche la formation
de fonctionaires habiles, introduit
dans l'administration, une mobi=
lité déplorable, et confie à l'igno=
rance, ou à la corruption les fonc=
tions les plus importantes.
La Réforme a pour amis
1° Alexandre Ier qui ne voit, dans
le Pouvoir absolu que les loix de son
pays, lui ont confié, qu'un moyen
pour procurer surement au peuple
russe, la liberté civile.
<37> 2° quelques Nobles plus éclairés
que les autres, ayant la chaleur et la
générosité qui sont l'appanage de la
jeunesse, et dont l'age mur est trop
souvent dépourvû.
3° une partie de la Bourgeoisie, sans
quelle sache, cependant trop, ce qu'elle
desire.
4° quelques homes de lettres sans influence
5° peutêtre aussi les officiers subalter=
nes et les simples soldats.
J'exclus de cette liste le peuple en
masse qui desire sans doute l'amélio=
ration de son sort, mais qui n'ayant
nulle idée des moyens à employer,
deviendroit son plus grand ennemi,
si on le consultoit dans son état
d'ignorance, ou, si on lui permettoit
seulement d'émettre un voeu.
Que V. M. I. ne s'effraye pas du
petit nombre d'homes surlequel Elle
peut compter, dans ces premiers com=
mencemens; il est encore très suffi=
sant, s'il est soutenu ou bien
guidé. La Prérogative Souveraine
devant tenir la balance, si elle
est employée à propos, le nombre
des auxiliaires ne tardera pas à
s'accroitre, en poursuivant avec
calme et persévérance.
Quelle sera maintenant l'époque
de la Réforme?
Assurément on doit s'en occuper dès
à présent. C'est à dire que les
travaux préparatoires pour
établir le Systême à suivre, doivent
être comandés et entrepris sans
retard.
On peut déja tracer dès ce moment,
l'Esquisse de ce Systême. Il est
même indïspensable davoir ce pre=
mier travail, pour se décider sur
les travaux à entreprendre préliminai=
res à entreprendre; car ce n'est
qu'après avoir obtenu ces résultats
préliminaires, qu'on pourra arrê=
ter définitivement le plan des
réformes praticables et prendre des
mesures pour son éxécution.
<38> Tout cela éxige du tems, mais
V. M. I. a dêja compris, que
pour rendre cette réforme digne de
son but, pour lui donner le carac=
têre de justice et de grandeur
qu'elle doit avoir, il est essentiel
de n'y procéder, qu'après avoir re=
cueilli assez de faits pour établir
solidement ses bases, ce qui n'est,
ni l'ouvrage d'un seul home, ni
l'entreprise d'un jour.
J'espêre, Sire, que vous vivrez
assez longtems pour atteindre le
but; mais, que la possibilité d'une
mort prématurée, ne vous engage pas
à précipiter les tems et les démarches.
Plus celles ci porteront le caractêre de
maturité qui convient à un gouver=
nement sage, et plus aussi leurs
résultats seront durables.
Il faut que les Russes, tant gou=
vernans que gouvernés, perdant
l'habitude des sauts en administration,
qui est devenue pour eux, une 2de
nature, apprenent désormais à con=
noitre et à priser une marche lente
et régulière, dont l'invariable gravité,
en impôse à tous, et mette le Gou=
vernement lui même, dans l'heureuse
impuissance d'agir à la légère.
Peu de nations méritent plus, Sire,
ce que vous destinez à la votre. Elle a
du caractêre, de l'audace, de la bonhomie
et de la gaïeté. Quel parti à tirer de ces
élémens, et combien on en a abusé pour la
rendre malheureuse et pour l'avilir!
<39> Dans les comencemens, Sire, vous
serez forcé d'employer des étrangers.
Il n'en manque pas dans votre Empire
mais c'est moins là que dans le reste
de l'Europe, que vous prendrez ceux
dont vous aurrez besoin; et de
tels homes que leur mérite seul aurra
recomandé, n'encourront pas la
haine des indigènes qu'indispose
avec raison, la preférence qu'on
accorda plusieurs fois, à des individus
souvent même très méprisables.
Je ne range, aureste, parmi les
Etrangers, ni les Tatars que vous ne
dédaignerez pas, ni les Polonois chez
lesquels il éxistoit des lumières que
vous pourrez utiliser , ni les habi=
tants allemands de la Finlande, de
l'Esthonie, de la Livonie et de la
Courlande, dont la culture supérieure
peut vous rendre de grands servi=
ces.
En employant indifférement ces indi=
vidus de tribus diverses, regardés trop
souvent come étrangers, dans votre
empire, vous leur prouverez qu'ils
ont tous une même patrie; vous
leur apprendrez à s'énorgueillir du
nom de citoyens russes.
Convaincu que c'est pour les seuls
indigênes, qu'une nation s'organise et
se réforme avec stabilité et sagesse,
je vous plains, Sire, d'être forcé de
recourir aux étrangers. Mais, que
ce ne soit au moins que jusqu'à ce que
vous ayez formé, par leur moyen, ou
trouvé dans votre empire, assez d'homes
pourvus des talens nécessaires pour vous
seconder.
<40> Après cette longue préface, Sire,
j'entre en matière.
Vous voulez éclairer doucement
votre peuple, le rendre digne d'appré=
cier, les bienfaits de la liberté
civile, et l'en faire jouïr, sans qu'il
puisse en abuser.
Pour atteindre ces 2 grands
buts, Sire, c'est par les fondations,
et non par la décoration de l'Edi=
fice, qu'il faut comencer.
La Russie aurra le bonheur de
ne pas recourir à ces assemblées lé=
gislatives, qui trompant prèsque
partout l'espoir des gens de bien,
aurroient décrédité les principes
eux mêmes, s'ils pouvoient jamais
l'être par les bévues de la pauvre
humanité. La destinée lui a doné
pour Empereur un citoyen qui
peut et qui veut pour elle, tout
ce que ces assemblées aurroient du
effectuer aïlleurs.
Instruction et Législation ap=
propriées aux besoins de votre
Empire: telles sont les 2 grandes
division de votre travail.
Que de belles choses on a débitées
sur l'Instruction publique, bientôt
en pillant les anciens, bientôt en
s'abandonnant au delire méta=
physique des modernes!
Les François ont eu sous les yeux
les plus magnifiques projets. On
trouve chez eux un Institut qui compte
parmi ses membres, les homes les plus
distingués dans les Sciences et dans les
Arts, une Ecole polytechnique, insti=
tution unique dans son espêce, des
Prytanées, des Collèges, des Académies
des Ecoles centrales ; en général
tout ce qui jette de l'éclat. Mais
ils n'ont à peu près rien fait pour
le peuple, pour celui des campagnes,
dis je, qui forme pourtant la mas=
se de la nation: inconséquence qui
fait la satyre de leur révolution,
et leur en prépare peutêtre de
nouvelles.
Le Directoire helvétique envisagea
cet objet sous 1-2 mots biffure son véritable
point de vue.
Après avoir pressé longtems, les
Conseils législatifs de s'en occuper
avec urgence, il ne craignit pas
d'encourir la haine des fauteurs
de l'ignorance et du fanatisme, en
créant les Conseils d'éducation, qui
assuroient désormais au peuple, sur=
tout aux Villageois, des écoles et
une meilleure instruction.
<41> J'eus l'honeur de signer l'Arrêté
qui sanctiona cette institution, dont
les bases appartenoient, en grande
partie au Citoyen Stapfer Mi=
nistre de l'Instruction publique,
aujourdui Envoyé de la République
à Paris.: Ce Souvenir m'a dédom=
magé de bien des traverses.
Et vous aussi, Sire, vous avez
senti depuis longtems, que pour
rendre l'instruction fructueuse,
il falloit l'étendre à tous.
Que les grandes Comunes ayent
des Universités, des Gymnases, des
Collêges, à la bonne heure; mais
que les villages ayent leurs écoles
où l'on apprenne au moins, à lire
à écrire et à chiffrer. C'est là ce
qui donne à la Hollande, à l'Alle=
magne protestante, à l'Angleterre,
et à l'Amérique-unie, de si grands
avantages, et c'est ce que justifient
l'activité et l'intelligence des
indigênes des gouvernemens d'Ar=
changel et de Vologda, qui four=
nissent aux négocians presque
tous leurs homes de confiance (les
Ortelchikis).
Au reste, Sire, la grande difficulté
rélativement à ces établissemens con=
siste moins dans la dépense qu'ils
éxigeroient et que les Comunes
supporteroient probablement, sans
de grands efforts, que dans les
points suivans. 1° le manque
d'instituteurs et de maitres d'école,
et celui de livres élémentaires.
2° la servitude du peuple.
On peut former des maitres
d'école. On peut trouver des livres
élémentaires. L'Impératrice Cathe=
rine IIde de glorieuse mémoire
avoit songé à tout cela, en
fondant des écoles normales,
dont il étoit déjà sorti de bons
sujets, et il en seroit sorti bien
davantage, sans le despotisme
éxercé par certains homes puissans,
qui trouvèrent le secret de neutra=
liser ce qui n'étoit pas proposé
par eux, ou par leurs Cliens, et
qui ne virent dans leurs fonctions,
qu'un moyen de plus pour acca=
parer
<42> les graces et soutenir leur crédit.
Mais quel enseignement pourroit donc
convenir à des homes qui ne sont pas
seulement attachés à la Glêbe, et
dont les maitres peuvent disposer arbi=
trairement, pour ne pas dire, avec
impunité?
Ici l'instruction publique se ratta=
che aux institutions civiles, et à la
grande question de l'esclavage des
campagnes, sur laquelle on pro=
nonce si légerement dans le Cabinet,
tandis qu'on ne sçait coment la
résoudre dans la pratique.
En attendant que cette question
puisse être résolue doucement, sans
bruit, et surtout sans attaquer
les droits de propriété, on pourroit
aumoins 1° recueillir des Données
sur l'état actuel de l'éducation dans
les villes et les campagnes, en distinguant
les terres des Seigneurs de celles de la
Couronne. 2° on pourroit connoitre
le mode actuel du payement des
instituteurs, là où ils éxistent, et
recueillir des Données sur les moyens
possibles de payer ceux qu'on établi=
roit dans la suite. 3° on pourroit
recréer les écoles normales, en les
soumettant à une surveillance
administrative, et faire rédiger à
l'usage du peuple, quelques bons
livres élémentaires, en même tems
qu'on prépareroit des instituteurs.
V. M. I. pourroit dès à présent,
faire des essais dans les terres de la
Couronne, mais isolément dabord,
et chez des peuplades diverses, afin
d'obtenir un plus grand nombre
de renseignemens.
Enfin, Sire, il seroit sans doute
convenable que tout ce qui tient
à l'instruction publique, fut
confié désormais à un Département
particulier et indépendant, auquel
vous donneriez une organisation
très simple, afin de voir clair
dans les oeuvres, et des instructions
si précises qu'elles ne pourroient
devenir illusoires.
Je crois qu'un Ministre doit
être mis à la tête pour mainte=
nir l'Unité. Mais, pour 1 mot biffure
l'éclairer et, pour le stimuler, et surtout
pour le forcer à marcher droit,
<43> et à ne point despotiser , il
conviendroit de lui ajoindre un
Conseil composés d'homes choisis par
V. M. I. elle même.
La crainte création et l'organi=
sation de ce Département, produiroit
déja un grand bien, en prouvant
que l'instruction publique est considé=
rée par Vous, Sire, come une branche
principale de votre administration, que
Vous vous en occupez sérieusement,
mais, que pour faire le bien d'une
manière durable, vous ne voulez
procéder qu'avec conoissance de cause.
La 2de grande subdivision de
votre travail a pour objet la Légis=
lation.
Il seroit inutile de vous le dissimu=
ler, Sire. Vous ne pouvez que comen=
cer; il ne vous est pas donné de voir
le complettement et le perfectionne=
ment de l'entreprise; mais vous jouïrez
aumoins de la satisfaction d'avoir
fait les grands pas, et mis vos suc=
cesseurs dans la nécessité d'achever.
En effet, Sire, vos réformes ne
doivent pas porter seulement sur les
loix elles mêmes. Celles ci seroient
inutiles, et pourroient même devenir
désastreuses, si les homes auxquels
vous les destinez, n'étoient pas prépa=
rés par une opération concomïtante.
Il s'agit, en un mot, de faire
marcher à la fois, sur la même ligne,
et d'un pas égal, la réforme des
abus, et la formation d'une nouvelle
espêce d'homes, sans laquelle la 1ère
ne peut obtenir de consistance.
<44> La Jurisprudence entière doit être
refondéue.
Il vous faut 1° un Code civil, une
nouvelle Organisation des Cours de justice
et du mode de procéder qui s'accorde avec
lui.
2° des loix financières mieux adaptées
à votre position, qui procurent, sans
efforts, les ressources dont une administra=
tion énergique a besoin pour gouverner
un vaste empire; qui encouragent et
protègent l'industrie et le comerce des
indigènes, en facilitant surtout leurs
comunications intérieures; qui conso=
lident le Crédit mercantile et le Crédit
public, et soustrayent enfin la Russie
au tribut honteux qu'elle est forcée de
payer à d'autres peuples, ainsi qu'aux
résultats dangereux de leurs opérations
financières, dont elle ne peut se préser=
ver dans l'état actuel des choses.
3° un Code pénal, qui ne fasse plus
frémir l'inocence et l'humanité.
4° un Code de Police correctionelle qui
prévienne et réprime le Vagabondage,
source de tant de crimes, et main=
tienne l'ordre et la sureté publique,
sans allarmer les bons citoyens par
des mesures inquisitoriales, qui indis=
posent les esprits, sans opérer jamais
le bien.
5° un Code rural et forestier, que
l'Agriculture et la dévastation des forêts
réclameront bien davantage, lorsque
les habitans des campagnes seront
jugés dignes de devenir propriétaires.
Començons par le Code civil.
Pour être utile, il doit s'adapter aux
localités de la Russie, et ne choquer
point trop brusquement, les usages
auxquels les indigênes sont affectionés
quand même ils paroitroient peu
raisonables.
Il faudra donc dabord recueillir
ces usages; et, come ils diffèrent, chez
les Russes, chez les Tatars, chez les
Polonois, et chez les allemands, la
prudence 1 mot biffure comandera
peutêtre, de conserver pour quelque
tems encore, aux 3 dernières tribus
leurs codes particuliers, sinon en to=
talité, au moins partiellement;
auquel cas, le Code civil russe ne
seroit dabord pour elles, un Code
supplétoire.
Avec du tems et de la persévérance
on obtiendra un recueil de faits
<45> et d'observations suffisant pour
pouvoir s'occuper de suite de leur clas=
sification et de la rédaction même des
divers codes.
Il éxiste, sans doute, en Russie, des homes
capables d'un pareil travail, mais s'ils ne
sont pas en nombre suffisant, l'Europe
et l'Allemagne en particulier, pourront
fournir un supplément d'auxiliaires.
Mais, quels principes seront leurs
guides, quand il faudra déterminer
l'état et les droits des personnes.?
Le Code civil russe destiné à devenir
un Code supplétoire, pour tout l'Empire,
consacrerat-il, à l'éxemple du Code
noir , la servitude du peuple, ou
proclamerat-il avec imprudence,
son affranchissement, dont le mot
seul deviendroit le signal d'une désor=
ganisation totale, et du déchainement
de tous les crimes ?
Il est affreux sans doute, que le
peuple russe aiît été maintenu dans
l'esclavage, au mépris des principes;
mais puisque le fait éxiste, le desir de
voir cesser un semblable abus du pou=
voir, ne doit pas rendre aveugle sur
les moyens d'y mettre un terme.
Il est trop vrai, Sire, que pour resti=
tuer à votre peuple, les droits qui
lui appartienent, vous devez procéder avec
une patience, une modération, et une
persévérance qui ne se lassent jamais,
et mépriser courageusement, les repro=
ches de lenteur, que l'ignorance, et
peut être aussi la malveillance pour=
roient vous adresser.
L'Etat des personnes ne peut donc être
fixé dans ce moment.
Mais, tandis que les homes chargés
de recueillir les Oukases et toutes sortes
de Données, s'occuperont de ce travail, qui
éxigera du tems, vous préparerez les
voyes de telle sorte, que nul ne puisse
murmurer contre la protection que
vous accorderez au peuple des campa=
gnes contre l'Arbitraire, et que ce peuple
même soit dans l'impuissance d'en abuser.
<46> Ce grand pas une fois fait, l'améliora=
tion graduelle de son sort, suivra d'elle
même, et l'on pourra déterminer, sans
comotion, d'une manière plus précise,
sa condition et ses droits, dans la Section
du Code civil qui traitera de l'état des
personnes.
J'ai dit, Sire, que c'est à V. M. I. à
préparer les voyes.
L'ordonance de S. M. I. Catherine IIde
pour l'établissement des Gouvernemens,
renfermoit des institutions infiniment
sages, adaptées aux localités, imparfaites
encore, mais cependant regrettées généra=
lement, et qu'on pourroit perfectionner
sans être accusé de vouloir innover.
Il en est de même des institutions rélati=
ves aux Villes et aux Bourgeoisies. Elles
contiennent les germes d'un Tiers-Etat
dont vous ne pouvez vous passer, et que
vous devez soustraire peu à peu, à
l'influence de la noblesse, afin de vous
en faire un bouclier contr'elle.
Ne conviendroit-il pas, p. ex. de
prendre les mesures suivantes ? 1° obliger
tous les affranchis à se faire inscrire
dans les matricules des Bourgeoisies
2° accorder une jurisdiction plus étendue
aux magistrats municipaux, et étendre
davantage la banlieue des villes mêmes
3° permettre à tous les bourgeois d'acheter
des terres, sans qu'ils fussent obligés
d'acquérir la noblesse, et en leur impôser
simplement l'obligation d'introduire dans
ces terres, une administration économique
différente, mais convenue à l'avance, qui
maintiendroit l'intêgrité de leurs reve=
nus, en délivrant les paysans du servage
de la glèbe.
4° autoriser les villes à acquérir des biens
1 mot biffure comunaux dont les revenus seroient destinés
à subvenir aux dépenses locales, de police, de
<47> salubrité et administration, et les autres
à payer les instituteurs, à soulager les néces=
siteux de la Comune, à prévenir la nécessité
et le vagabondage?
5° faire des avances àux ces Villes pour les mettre en
état d'améliorer leurs conditions, avances dont
l'Etat retireroit de grands avantages?
6° créer enfin un département particulier
pour les affaires des Villes et des Bourgeois et
y accorder séance à ces derniers, sans qu'il
fut question de rangs?
V. M. I pourroit encore faire, dans quelques
unes de ses terres, des essais en faveur des
cultivateurs, mais en les présentant toujours
sous le point de vue d'une simplification
apportée à leur économie, et en se gardant
bien de laisser échapper un mot favorable
à la liberté. Ce fut ainsi qu'on s'y prit en
Danemarc.
Des essais d'une économie nouvelle tentés sur
plusieurs points, dans différentes provinces, n'ex=
citeront pas l'attention universelle .
Ils fournïront des Données pour les générali=
ser toujours plus; et, c'est alors seulement qu'un
Edit pourra, sans inconvéniens, étendre ce
mode d'administration, à tous les domaines de la
Couronne, et donnera aux homes qui les culti=
vent, l'assurance de n'en être jamais séparés,
ou celle aumoins que sous aucun prétexte, leur
condition ne pourra être empirée.
Alors, Sire, les Seigneurs comenceront aussi,
à imiter, dans leurs terres, des essais qui ne
leur inspireront plus de craintes pour leurs
propriétés et leurs revenus.. La force des choses
décidera les plus renitens à suivre le même
éxemple.
Devenu propriétaire, le Cultivateur tiendra
<48> bien plus encore à sa patrie. Il apprendra
à connoitre ses devoirs et ses droits, sans être
tenté d'abuser de ceux ci au préjudice des
premiers, et comencera à prendre confiance
dans une administration qui lui procure
sureté et protection contre l'arbitraire.
On ne lui aurra point encore parlé de Liberté,
mais il jouïra de ses plus grands bienfaits, et
l'on ne sera plus obligé de border les frontiëres
de Sentinelles, pour garder des homes qui n'aur=
ront plus l'envie de s'enfuir.
C'est par des procédés analogues, Sire, que
pourront être préparés les articles du Code civil,
qui doivent assurer l'état des persones en Russie.
J'ôse donc vous en conjurer, pour l'amour
même des principes, pour le Bien que vous
voulez aux homes, pour votre sureté et votre
gloire: opposez vous avec force à tout ce qui
précipiteroit les tems. Je parle à un
monarque citoyen, et crois agir conformé=
ment aux vrais principes, en insistant auprès
de lui, pour qu'il conserve intacte l'autorïté
dont il ne veut faire, qu'un bon usage.
La réforme du mode de procéder suppôse
le Code civil, et doit marcher de front avec lui,
sans que cela empêche de faire provisoirement,
les corrections dont le mode éxistant peut
avoir besoin.
La réorganisation des Cours de justice
supposant aussi la redaction terminée
d'un nouveau Code, doit accompagner celle-=
ci. Vous verrez alors, Sire, s'il n'est
pas convenable d'établir dans les provinces
habitées par des tribus diverses, des tribu=
naux qui parlent leur idiome, et de rappro=
cher des justiciables, les Cours d'appel, en les
soumettant à l'inspection d'un Ministre,
ou de Grands juges, chargés de les visiter,
et de se faire rendre compte de leurs oeu=
vres.
La réforme du Code pénal et du mode
de procéder, tant au grand, qu'au petit
criminel, dépend encore tellement de ce
qui précède, qu'on ne peut user, dans ce
moment, que de pallïatifs, qui doivent
porter sur des adoucissemens dans l'appli=
cation des peines.
J'en dirai autant des autres Codes.
Quant aux loix financières, elles ont une telle
influence sur le bien ou le malêtre des peuples
sur le crédit, le discrédit, la puissance, ou la
foiblesse des Gouvernemens, qu'il est impossible
de ne pas s'en occuper avec urgence.
<49> Les Systêmes de finances qui sont
vicieux, ont toujours des suites funes=
tes, quoiqu'elles puissent être tardives.
C'est une triste, mais grande vérité, que
la puissance de l'argent, est aujourdui
la première de toutes.
Comparez un gouvernement obéré, et
ne sachant à quelle porte heurter, pour
avoir de quoi se soutenir, avec les ban=
quiers Müllman, Bethman, Hope
Vanek, Drumond etc. etc. dont la simple
signature ouvre tous les Coffres, et pro=
noncez.
Je ne suis point financier. Je ne conois
pas du tout les finances de votre Empire,
et il ne m'appartient pas d'en parler.
Si, cependant, j'en dois juger d'après
divers résultats, il y aurroit aussi de
grandes réformes à entreprendre dans
cette particulier [sic], et en particulier, dans
celle des douanes. Je me bornerai à répé=
ter que ces réformes doivent accompagner
les autres.
Pardonnez, Sire, la longueur de cette
lettre. Si vous jugez quelques uns de
ses articles, dignes d'un plus grand déve=
loppement, je tâcherai de le donner,
suivant mes forces, principalement au
sujet de l'Instruction publique de l'orga=
nisation d'un département de l'Instruc=
tion publique, dont j'ai parlé plus haut,
et rélativement aux Etats de situation à
éxiger des ministres et des Chefs de Dé=
partemens, à condition qu'ils ne soyent
pas illusoires.
Je ne puis trop le répéter. Quelque étendue
que soit la confiance accordée par le
monarque, à ses ministres, ou à d'autres,
elle ne doit jamais l'engager à renoncer,
pendant un seul instant, à son droit
de surveillance.
L'un des moyens les plus assurés pour
éxercer celle ci, est d'éxiger de tems en
tems, par écrit, de ces fonctionaires,
le compte de leur gestion, qui fournira
nécessairement des Données, pour de=
mander des éclaircissemens ultérieurs.
En procédant de la sorte, avec persé=
vérance, vous aurrez, Sire, la juste
mesure de tous les chefs des départemens,
et ces homes si impérieux, s'accoutume=
ront aussi enfin à craindre, l'oeil vi=
gilant d'un Monarque, dont la jeunesse
et l'affabilité, leur fait espérer une
indulgence sur laquelle ils ne compte=
roient plus, après avoir fourni des preuves
d'incapacité.
<50> Fermeté, Sire, et tenacité sur ce
point, surtout dans les comencemens,
et vous rallierez autour de vous,
tous les gens de bien.
Alexandre Ier peut être aimable
et bon, en societé; l'Empereur doit
être grave, sévêre ami de l'ordre,
inaccessible aux petites considéra=
tions, inébranlable dans sa marche,
l'home de la nation entière, et non
pas celui des Ministres, ou des Courtisans.
Agréez, Sire, l'assurance de mon
profond respect, et de mon inviolable
dévouement.
De V. M. I.
le t. h. et très obt Serviteur
F. C. delaHarpe
Le retour d'Alexandre Ier ne fut pas
retardé longtems. Ce retour eut lieu
sans bruit; et à peine étoit-il
connu que je fus surpris par sa
visite. Après m'avoir remercié pour
les lettres et les Mémoires que je lui
avois adressé, et m'avoir mis au cour=
rant des évênemens les plus intéres=
sans de son Sejour à Moscou, sans
oublier, celui de la découverte, des
menées du Comte Panin, il fut ques=
tion de convenir de la manière
4-5 mots biffure dont
nous comuniquerions désormais.
Desirant lui consacrer à l'Empereur
tout mon tems, tandis que je serois
dans son voisinage, j'avois pris
la résolution de ne me présenter
à la Cour que lorsque j'y serois
invité, de ne visiter que mes an=
ciennes conoissances, et de demeu=
rer surtout étranger au Corps diploma=
tique. L'Empereur de son côté
s'astreignit, de son côté, à venir
2 fois la Semaine, aumoins, passer
une heure ou deux avec moi, dans
la maison de mon beaupère, lorsque
ses affaires le lui permettoient;
et come il ne lui étoit pas possi=
ble de désigner les jours, je
2 mots biffure m'arrangeai de façon
manière à être pouvoir à n'être jamais
absent. Très souvent il me trouvoit
en robe de chambre: c'étoit un
début de la ligne biffure jeune ami
venant causer familiérement
avec le vieillard qui l'avoit élevé.
C'est dans ces visites familières,
début de ligne biffure que s'agitoient
les questions graves, surlesquelles
portoientèrent nos entretiens, et et
donnèren naissance aux Mémoires
dont j'aurai à parler.