Transcription

Chavannes, Alexandre César, Anthropologie ou Science générale de l'homme: Ethnologie, Tome I, [Lausanne], [1750]-[1788]

Titre

ANTHROPOLOGIE ou
ou
Science generale de l’homme.

Seconde Partie.

ETHNOLOGIE ou
ou
Science de l’homme consideré comme appartenant
a une espece repandue sur le globe et divisée
en divers corps de societés, ou nations, occupées
a pourvoir a leurs besoins ou a leurs gouts,
et plus ou moins civilisées.

2d Titre

ETHNOLOGIE
Première Section 1 mot biffure
ou
après avoir consideré les nations dans leur
etat actuel, quant aux divers traits qui les
distinguent, on remonte jusques aux pre
=
mieres origines de la sep[a]ration ou dispersion
de l’espece, pour en suivre les destinées jusques
a l’époque de l’introduction des societés impar
=
faites et de l’agriculture.

<2> Avis

Nous avons presenté dans L’Anthropologie
Sect. 1. Chap. XII  les motifs qui ont engagé
les hommes a se reunir en diverses societés
distribuées sur la surface du globe, auxquelles
on donne les noms de hordes, tribus, peupla=
des, communautés, peuples, nations, etats, &c.
Dans l’Ethnologie nous devons exposer
les faits generaux relatifs aux premieres
origines de cette distribution, et aux changemens
survenus a ces societés a mesure qu’elles se sont
civilisées. Il n'entre point n’est point dans nôtre plan
d’entrer dans le detail des faits particuliers
dont les faits generaux sont les resultats; il
ne s’agira d’aucune suite d’evenemens, pre=
sentée par epoques et par periodes, ni de
rien de tout ce qui appartient a la chrono=
logie et l’histoire; nous nous dispenserons même
d’accumuler des autorités ou des citations, qui
n’auroient fait que grossir notre ouvrage sans
utilité reelle. Tout ce qu’on peut exiger de nous
c’est l’attention la plus scrupuleuse a ne rien
avancer qui ne soit generalement reconnu
pour vrai par tout ce qu’il y a de personnes
instruites qui ont puisé dans l’experience et
la lecture des bons auteurs des connoissances
de detail, et de nous en tenir a a presenter ce qu’on a
pu recueillir jusques ici de precis et de certain
sur la constitution des choses humaines, et
le cours ordinaire qu’elles ont suivi dans
tous les lieux et les temps, a quelques modifi=
cations ou varietés qu’elles aient pu etre assu=
jeties d’ailleurs par les circonstances.

On comprend assès que quand il s’agit de
remonter aux origines primitives, on ne peut
gueres s’appuier d’autorités et de temoignages, ni
recourir a d’autres lumieres que celles qu’on
peut tirer du petit nombre de monumens,
que la haute antiquité nous a transmis, de
la connoissance du Langage primitif et des
Langues anciennes, mais surtout de la grande
Loi d’analogie, qui nous autorise a juger
<2v> par ce qui est ce qui se fait, et ce que nous fai=
sons nous mêmes, de ce qui a été et de ce que les
hommes ont du faire et ont fait autrefois et même dans les
premiers ages. Car les hommes se sont res=
semblés dans tous les temps et les lieux par leur
constitution organique, leurs sensations, leurs
besoins de premiere necessité, leurs affections,
leurs penchans naturels; d’ou a du resulter
un caractere general de l’espece, partout uni=
forme, et de la même influence sur leur mani=
ere de penser et d’agir, du moins quant aux choses qui pou=
voient interesser generalement leur conserva=
tion et leur bien etre. Se trouvant environnés
des mêmes objets, sous les mêmes rapports, ils
ont du naturellement en etre affectés de peu près
de la même maniere, s’en former les mêmes
idées, en concevoir les mêmes desirs, recourir
aux mêmes procedés pour les obtenir, et arriver
ainsi a des resultats uniformes de connois=
sances et de pratiques.

C’est en consequence de ce principe, qu’on peut
supposer que la conduite des nations sauvages
doit nous eclairer sur celle des anciennes peu=
plades, et que, ce que nous connoissons de l’etat
ou l’on a trouvé le nouveau monde, peut nous
donner une idée assès juste de ce qu’ont du etre
les peuples de nôtre continent qui ont vecu dans
les premiers ages. De ce même principe nous pou=
vons tirer des lumieres assès sures et etendues
sur les premieres origines des societés et de toutes
les choses humaines, en matiere d’arts, de culture,
d’industrie, de commerce, de politique &c.

Mais pour se livrer a ces recherches avec quelque
succès, il faut avant tout, il faut jetter un
coup d’œuil rapide sur les diverses societés
actuelles repandues sur le globe, pour s’instruire
des diverses circonstances qui les distinguent
les unes des autres ou ce qu’on appelle les differen=
ces nationales, locales, physiques ou morales.

Apres quoi, nous pourrons remonter aux pre=
mieres origines de cette distribution de l’espece
humaine en diverses peuplades, montrer ensuite
<3> comment la plupart ont pu tomber dans une
grossieres barbarie, dont elles n’ont pu se rele=
ver que peu a peu, en se fo prenant une for=
me de societé imparfaite 1 mot biffure qui n’a commancé
proprement qu’avec l’introduction de l’agriculture; tels
seront les objets dont nous nous occuperons
dans la premiere section de l’Ethnologie.

Dans une Seconde nous examinerons ce que
ces societés ont fait depuis les premieres 1 mot biffure ebauches
de l’Agriculture pour s'elever, par le perfec=
tionement de celle ci et l’introduction successive
de divers procedés des arts, a divers degres de ci=
vilisation, qui les 1 mot biffure a la fin les ont transformées en
societés régulieres.

La 3e Section sera destinée a l’examen de tout
ce qui appartient a la formation des societés
regulieres, et aux effets qui en sont resultés
quant aux progrès ulterieurs dans la civili=
sation, et a la culture des Sciences et de la
Philosophie.

<4> 2d titre.
ETHNOLOGIE
Premiere Section
ou après avoir consideré les nations
dans leur etat actuel quant aux divers
traits qui les distinguent, on remonte jusques
aux premieres origines de la sepa=
ration de l’espece en peuplade, pour en
suivre les destinées jusques a l’epoque des
societés imparfaïtes et a l’introduction
de l’Agriculture.

Chapitre I.
Des differences nationales qui distinguent
les divers peuplades dans lesquelles l’espe=
ce humaine est actuellement divisée et
premierement des differences locales et
physiologiques.

DIFFERENCES  nationales, GEOGRAPHIques 
ou locales.

Les caracteres distinctifs des nations  qui
frappent les premiers, se tirent de leur po=
sition locale respective, cad. du climat 
plus ou moins chaud qu’elles habitent,
du terrein qu’elles occupent, sur lequel
elles font leurs courses, ou leur residence
fixe, qui est déterminé ou par des limites
naturelles, ou par des bornes assignées, et
convenues entr’elles, enfin du sol plus ou
moins fertile d’ou elles tirent leur subsis=
tance, et du genre de nourriture et de
ressources, que ce sol peut leur fournir
pour les besoins, les commodités et les
agremens de la vie.

Sous ce point de vue on dïstingue les
nations sous les denominations suivantes;

les Les continentales , etablies sur le
continent, et separées de leurs voisines par
des terres limitrophes ou des eaux ; les
Insulaires  separées du continent par
les eaux de la mer.

<4v> Les nations du vieux continent appellées
Europeenes, Asiatiques, Africaines, selon
qu’elles occupent l’Europe , l’Asie  ou l’Afrique .

Les nations modernes du nouveau
continent
appellées Americaines, qui
occupent l’Amerique , divisée en septen=
trionale et meridionale.

Les nations maritimes  situées sur les
côtes de la mer ou qui y tiennens par
le voisinage, pour les distinguées de celles
qui sont placées en avant dans les ter=
res.

Les nations Septentrionales , meridionales ,
orientales , occidentales , selon quelles sont
situées au Septentrion, ou au Midy, a l’Orient
ou a l’occident.

<5> DIFFERENCES NATIONALES PHYSIOLOGIQUES

Il est des caracteres nationaux distinctifs qui
se tirent de ce qui tient au naturel même des
hommes, et premierement de la 1 mot biffure
des traits exterieurs suivans:

Les Cheveux. Chès les divers peuples, ils
participent plus ou moïns a la nature du
poil ou de la laine, ils sont crepés ou lis,
ils sont diversement colorés.

La couleur  ou le teint . Chès les Europeens,
il est generalement blanc. Cependant
les Grecs, les Siciliens, les Sardes, les Espa=
gnols, sont moins blancs que les Fran=
çois et les Anglois: ils tirent sur le bazané.
Chès les Asiatiques, il est generalement
bazané et olivatre, entr'autres chès les
Mogols et autres peuples de la presqu'isle
des Indes; plus encor chès les peuples du
Bengale: mais il est noir chès ceux de
Malabar et de la côte de Coromandel.
Chès les Africains, il est assès generale=
ment noir. Cependant les Egyptiens
sont de couleur olivatre: ceux des côtes
de Barbarie sont bruns, tandis que
les habitans des montagnes sont blancs.

Sur quoi il faut observer qu'il y a autant
de nuances pour le teint parmi les noirs,
qu'on peut en distinguer parmi ceux
qu'on appelle blancs.

<5v> Quant aux Americains, a l'exception des
septentrionaux, que ou l'on trouve des hom=
mes ressemblans aux Europeens du nord,
tous les peuples de ce continent sont d'une
couleur asses uniforme qui est la couleur
du cuivre.

La diverse configuration des traits du visa=
ge, des divers organes ou membres du
corps
. La tête, la bouche, le Nez, les yeux,
les sourcils, admettent dans leur forme des
modifications tres variées. Hypocrate parle
d'un peuple Scythes connu de son temps sous
le nom de Macrocephales, qui leur fut don=
né parce qu'ils avoient la tête longue. Les
Tartares qui les ont remplacés n'ont plus
que de longues oreilles. Les Lappons et les
habitans des côtes septentrionales de la
Tartarie ont le visage large et plat, le
nez camus et ecrasé, l'iris de l'oeuil jaune
ou brune, les paupieres allongées et tirées
vers les tempes, les joues extremement
elevées, la bouche très grande, le bas du
visage etroit, les levres grosses et elevées,
la tête grosse, la peau bazanée, la voix
grele. Les Calmouckes ont le visage si
large et si plat que d'un oeuil a l'autre
il y a l'espace de 5 a 6 doigts, leurs yeux
sont extremement petits, et le peu qu'ils
ont de Nez est si plat, qu'on n'y voit que
deux trous au lieu de narines; point de
peuple plus laid sous le ciel: ils ne sont pas
moins difformes, puisqu'ils ont les genouils
tournés en dehors, et les pieds en dedans.

Les Tartares ont un air feroce, la
forme du corps quarée, les cuisses grosses
et les jambes courtes: parmi les Moscovi=
tes, il y a un grand nombre de visages
Tartares, et qui ont les mêmes deffauts cor=
porels: on attribue cela au melange qui
s'est fait des deux peuples. Les Chinois
ressemblent encor beaucoup plus aux Tartares

<6> qui se sont melés avec eux; ils ont en gene=
ral le visage large, les yeux petits le nez
camus et presque point de barbe. Les
Japonois leur ressemblent assès, excepté
qu'ils sont plus jaunes et plus brun, par=
ce qu'ils habitent un pays plus meridional.

Les habitans de la nouvelle Guinée ont
le visage rond et large avec un gros 1 mot tache
Nez plat. Les peuples d'orient presentent
generalement de longues oreilles. Plusieurs
ont le Nez ecrasé, ou extremement evasé.
On voit, dit on, les noirs dans les Isles Ma=
nilles et Philippines, et des hommes dans
le Royaume de Lambri et dans l'Isle
Formose, qui ont au croupion des queues
de 4 a 5 pouces qu'on envisage comme
un prolongement du coccyx. Chès les
Mogols, les femmes ont les jambes et les
cuisses fort longues, et le corps fort court.
C'est le contraire des Européennes. Rien de
plus beau par contre que les femmes et
même les hommes de Mengrelïe, Georgie,
Circassie, trois peuples qu'on croit derivés
de la même tige.

La taille  plus ou moins haute. En Lappo=
nie, dans la Tartarie septentrionale, chès
les Esquimaux, les hommes ne sont hauts
que de 4 pieds, et de la figure la plus bisarre.
En Groenland, les femmes sont de très pe=
tite stature.

Dans le Pays des Patagons se trouvent
assès communement des Geans de 7 pieds
de haut. Les habitans de la nouvelle
Hollande sont droits, menus et les moins
intelligens de tous les hommes. Les sauva=
ges du detroit de Davis sont très grands,
tres robustes et fort laids.

<6v> Des dispositions du corps singulieres. On
observe encor des quelques difformités qui ne pro=
viennent que de certaines causes locales
et passageres. On peut citer pour exemple
cette famille angloise qui pendant deux
generations a été couverte de poils de
porcepi: certaines familles du pays de
Calicut qui ont des jambes presque aussi
grosses que le corps des autres et qui ne
laissent pas d'etre aussi dispos que ceux ci.

TOUTES CES DIFFERENCES SONT ACCIDEN=
TELLES: L'ESPECE EST ESSENTIELLE=
MENT UNIQUE.

De tout ce qui vient d'etre dit on peut con=
clure qu'il est peu d'especes ou l'on trouve
plus de varietés que dans la nôtre, et cela ne
pouvoit etre autrement soit parce qu'elle est
la plus repandue sur la surface du globe,
soit parce que de tous les animaux, l'homme
est le seul qui possede le malheureux talent
d'alterer sa forme exterieure par toutes sor=
tes de prattiques capricieuses et bisarres, qui
perpetuent la deformation d'une genera=
tion a l'autre. 2 lignes biffure

C'est de la que certains Philosophes peu atta=
chés aux instructions de l'Ecriture Sainte,
ont supposé que les hommes n'ont point eu
d'origine ou de tige commune, qu'ils sont
originairement nès de la terre comme des
champignons, ou des eaux, comme diffe=
rentes especes de poissons, et que l'espece
a laquelle on les rapporte n'est proprement
qu'un genre qui embrasse diverses especes
ou races, que les uns ont distinguées sous
les noms suivans Blancs, Negres, oliva=
tres, Lappons, Meridionaux, d'autres sous
ceux ci: Europeens, Samoeides, Tartares,
Indiens, Negres, americains. 2 mots biffure
1 mot biffure A cela s'opposeroi qu'aucune 1 mot biffure hypothese
1 mot biffure ne paroit plus d'accord avec la raison
que celle qui etablit suppose un age primitif
<7> ou les hommes avoient conservé encor cette
uniformité de traits qui offroit la preuve
palpable d'une origine commune pour toute
l'espece humaine. Les hommes ont du etre
dans nôtre continent aussi semblables les
uns aux autres que l'etoient les habitans de
l'Amerique, lorsqu'on en a fait la decou=
verte, et on peut même presumer qu'ils de=
voient l'etre beaucoup plus parce qu'ils avoient
au moins de temps encor pour s'eloigner de
leur exterieur primitif. Ni l'influence des
passions et des exces, ni la diversité des climats,
et des impressions de l'air, ni aucune des autres
causes des differences physiques, n'avoit pu
deploier une efficace assès longue pour rendre
les hommes aussi dissemblables entr'eux qu'ils
le sont actuellement. Ajoutons d'après les
plus celebres Naturalistes, que toutes ces diffe=
rences physiologiques ne sont que des vari=
etes accidentelles a l'espece que nous regar=
dons comme unique, et qui n'empechent
point que les hommes ne soient très ressem=
blans entr'eux quant a l'essentiel, et ne
portent l'empreinte marquée d'une issue
commune de la même tige.

On peut alleguer en preuve la reproduction
et la propagation constante de l'espece qui
se perpetue par les unions melangées des
diverses races : car si ces races etoient des
especes separées, comment pourroient elles
se croiser et continuer la propagation
sans ïnterruption, en amenant toujours
a la lumiere des Etres semblables entr'eux,
ou qui ne different que par des nuances.

Voit on quelque chose de pareil parmi les
animaux connus pour appartenir a des
especes differentes? N'est ce pas une Loi gene=
rale que la reproduction exige l'identité
de l'espece dans les sexes qui s'unissent?
2 lignes biffure La con=
sequence a tirer dela est manifeste.

<7v> CAUSES NATURELLES DES VARIETES ACCI=
DENTELLES.

Une autre preuve se tire des 1 mot biffure des expli=
cations très naturelles de ces varietés physi=
ologiques que peuvent fournir des causes
physiques ou morales, etrangeres a la cons=
titution de l'homme, telles que les influences
du Climat, de la temperature de l'air, des
alïmens, du genre de vie, des moeurs ou
usages bisarres des differens peuples.

Ainsi on a tout lieu de croire que le blanc
est la couleur naturelle de l'espece, pendant
que le teint jaune, bazané, brun, noir, n'est
qu'une alteration causée par le climat, le
genre de vie et de nourriture. Il ne faut pas
confondre avec ce blanc naturel celui qui
est particulier a ces negres qu'on appelle
blancs; car celui ci est accidentel et perso=
nel a certains Individus degenerés, moins
vigoureux, dont les yeux sont extremement
foibles et n'annoncent qu'une nature aba=
tardie. La blancheur dont nous parlons
est celle qui est commune a l'espece pendant
qu'elle n'a souffert aucune alteration, et
voici ce qui nous porte a en croire la rea=
lité.

Tous les enfans des Negres viennent au mon=
de blancs, et ils ne prennent leur couleur
noire qu'au bout de quelques jours; mais
il n'arrive jamais que de l'union des blancs
il naisse des enfans noirs. Les enfans de
Negres procrées en Amerique naissent
moins noirs que leurs Parens, et a chaque
lignée la degradation devient toujours
plus sensible. Chès les Negres en Afrique,
les parties du corps exposées au Soleil sont
les plus colorées; les peuples errans ont
le teint plus foncé que ceux qui sont fixés
a leurs demeures. La couleur noire aug=
mente dans le rapport du voisinage de
l'equateur, le teint s'addoucit et s'eclair=
cit aux extremités de la zone torride; les
nuances du noir au blanc vont en s'af=
foiblissant en proportion de la latitude:
les Espagnols sont moins blancs que les Francois &c.

<8> Ne peut on pas conclure de tous ces faits qu'il
faut attribuer la couleur des Negres a l'influ=
ence du Climat et de la chaleur augmentée
encor par le voisinage des sables brulans,
peut etre aussi a des exhalaisons sulphureuses et
metalliques, a la qualité des alimens, et
a d'autres causes qui ne sont pas encor bien
connues.

La chair, les os, les visceres, toutes les par=
ties ïnternes, sont de la même couleur chès
les noirs que chès les blancs; la lymphe
est egalement blanche et limpide, le lait
des nourices est partout le même. La dif=
ference la plus marquée c'est que les noirs
ont la peau comme huileuse, le sang
noiratre, la bile très foncée, une transpi=
ration qui rend une odeur forte et de=
sagreable. Des naturalistes croient que
le coloris vient du corps reticulaire,
(v. Anthropol. Sect 1. chap II.)  qui, selon
eux, est blanc chès les Europeens, brun chès
les peuples olivatres, semé de taches rougea=
tres chès les peuples roux, et noiratre chès
les Negres. Ils disent que lorsqu'on a
enlevé cette substance du cadavre d'un
Negre, on la trouve de couleur noire, tan=
dis que la peau est de couleur ordinaire
1 ligne biffure.

Peut etre que cette substance recoit elle
uniquement sa couleur du plus ou moins
quelle admet de la portion colorée du
sang et même de la bile; ce qui lui fait
prendre une teïnte differemment nuan=
cée, selon qu'elle est plus ou moins epaisse,
ou que la couleur du sang ou de la bile
se trouve plus ou moins foncée.

Cette explication même ne contredit point
ce que nous avons dit de l'influence du
climat sur la couleur, puisqu'il influe
sur le sang et la bile. Dela vient que
les Hotentots sont les moins noirs de
tous les peuples de l'Afrique, parce qu'ils
habitent l'endroit le moins chaud 1 mot biffure de
cette partie du monde.

<8v> Mais ce qui prouve que la couleur depend
aussi d'autres causes, c'est que sur les bords
du Senegal, on trouve d'un côté une na=
tion bazanée et de l'autre une nation extre=
mement noire; difference qu'on ne sauroit
expliquer que par ce principe, que la cou=
leur de la chair vient de celle du sang et
des humeurs, et que ceux ci recoivent
une influence independante du climat,
qui peut venir immediatement de la
qualité des alimens ou des boissons.

La diversité des cheveux tient certaine=
ment au climat et n'a rien de plus supre=
nant que celle que nous remarquons
dans le poil des animaux, des chevaux,
des porcs. Dans ce pays par ex. un district fournit
des pores rouges, un autre des noirs
un autre des blancs, leur couleur nous
instruits de leur lieu natal.

La diversité de configuration dans de la
tête, des traits, des organes, des membres,
pourroit dependre de certaines causes phy=
siques que nous ne connoissons pas, mais
on doit l'attribuer principalement a cer=
tains usages barbares qui se prattiquent
encor chès divers peuples a la naissance
des enfans, par lesquels on cherche a donner
a tel ou tel trait, telle ou telle partie, certai=
nes configurations singulieres, selon les
idées qu'on se forme de la beauté et des agre=
mens; configurations qu'a force d'etre repe=
tèes d'une generation a l'autre, peuvent
avec le temps devenir comme naturelles
a un peuple, et s'y transmettre des Parens
aux enfans comme des deffauts ou des ma=
ladies de naissance.

Ainsi les Chinois et les Japonnois serrent
les pieds des filles dans leur enfance avec
tant de violence qu'on les empeche de croitre,
ce qui fait que les femmes parmi eux ont des
pieds si petits qu'elles ne peuvent marcher
que très mal et avec beaucoup de peine.

Tous les peuples orientaux ont du gout
<9> pour les longues oreilles; les uns tirent pour
les allonger, mais sans les percer; d'autres
en aggrandissent le tour a un point que leurs
oreilles descendent jusques sur leurs epaules.

Les Siamois se noircissent les dents avec
une espece de vernis qu'il faut renouveller
de temps en temps, et toutes les fois qu'ils
sont appellés a l'appliquer, ils sont obligés
de se passer de nourriture pendant quel=
ques jours. Les habitans de la nouvelle
Guinée se defigurent entierement le visage
par une espece de cheville de la grosseur
du doigt et longue de 4 pouces, dont ils
se traversent les deux narines; ils font
aussi de grands trous aux oreilles, ou ils
font passer des chevilles comme au Nez.

Les femmes Hottentotes regardent le Nez
proeminent comme une difformité, aussi
l'applatissent elles a leurs enfans. Les
peuples d'Amerique defigurent aussi
de diverses manieres le crane de leurs
enfans dès le moment de leur naissance,
les uns leur pressent le front entre deux
planches; d'autres leur petrissent la tête;
les sages femmes en font presque au=
tant 1 mot biffure dans nos campagnes mais c'est pour l'arrondir.  Toutes les defigurations
de tête chès les divers peuples sont venues
originairement de causes pareilles, et
subsistent la même ou les usages peuvent
etre abolis, par la raison que j'ai deja
alleguee.

La petite taille des Lappons vient du
froid excessif qui resserre leurs organes et
arrete les progrès de l'accroissement. 1 mot biffure
2 lignes biffure

DIFFERENCES NATIONALES QUI TIEN=
NENT AU NATUREL INTERIEUR.

Des differences qui naissent viennent du climat et
d'autres causes physiques, naissent d'autres
differences qui se rapportent au naturel interieur
cad. au temperamment propre a chaque
nation, et qui a tant d'influence sur son
tour d'Esprit et son caractere. 1 mot biffure

<9v> Ainsi les habitans des climats chauds
plus petits de taille, plus secs, pourvus desla
d'un plus haut degré de chaleur animale,
et dont le sang est plus en effervescence, sont
generalement d'un temperamment bilieux,
ce qui les rend plus animés interieurement,
4 mots biffure d'une imagination plus ardente, plus feconde en
5 mots biffure images, et en discours fleuris. Mais d'un au=
tre côté la chaleur excessive qu'ils endurent,
l'abondance de la transpiration continuelle
a laquelle ils sont exposés, accable leurs mem=
bres et leur ôte cette vigueur qui seule peut
mettre en etat de soutenir le travail; d'ou
vient qu'ils sont generalement assès pares=
seux et nonchalans, aimans a dormir,
et a demeurer mollement couchés ou
assis. Le deffaut d'exercice joint a la cha=
leur enerve le ressort de leur estomac qu'ils
affoiblissent encor par l'exces des rafraichis=
sans; ce qui fait qu'ils prennent moins de
nourriture et qu'ils ont moins de ressources
pour la reparation des forces: avec cela
ils sont plus voluptueux, ils se livrent sans
moderation aux transports de l'amour, et
par la ils sont plus precoces, mais aussi ils
sont plus vite epuisés, et arrivent beau=
coup plutot a la vieillesse et a la mort.

Dans le Nord, le Sang est plus tranquille,
le temperamment plus phlegmatique; mais le
grand froid, l'elasticité de l'air qui invite
au mouvement, la necessité d'un travail
plus soutenu pour se procurer des subsis=
tances, un appetit plus regulier et plus
violent, tout y concourt a rendre les corps
plus vigoureux, plus propres a endurer
les fatigues, et dispose les hommes a une
activité plus soutenue. Mais aussi ces
fatigues jointes a l'action du froid, dimi=
nuent la soupplesse des fibres du cerveau
et rendent les operations de l'ame plus peinibles
et plus lentes et c'est la cause pour laquelle
les nations septentrionales, avec plus
<10> d'elevation d'ame et de courage, ont genera=
lement moins de delicatesse et de gout dans
le sentiment et la pensée qui se ressentent
assès du froid et de la rigueur du climat.

Mais La ou le froid est excessif, les hommes
sont egageneralement grossiers et stupides, tels
que les Lappons, les Samoeides, les Groen=
landois, les Esquimaux et ceux qui vivent
la plus grande partie du temps renfermés dans
leurs reduits.

Ches les peuples qui vivent sous un cli=
mat heureusement temperé, c'est le tempe=
ramment sanguin qui domine, egalement
favorable a la constitution physique
et aux talens reels et solides. Ce qui tient
a l'imagination et a l'enthousiasme
semble appartenir aux pays chauds; mais
le sens, le jugement, l'invention même,
tout ce qui suppose une marche reguliere,
est le propre des peuples qui habitent
les regions temperées; ce sont aussi gene=
ralement les plus civilisés.

DIFFERENCES RELATIVES A LA VIGUEUR

Une des principales differences se tire de la
vigueur plus ou moins grande de la cons=
titution, qui influe sur la durée de la vie,
sur l'arrivée plus ou moins tardive de la ca=
ducité et et de la precocité, qui suit la même
marche, sur la fecondité des femmes et dès=
la sur le plus ou moins de population.

Les Lappons, les Groenlandois, les 1 mot biffure peuples
forts
septentrionaux, avec la maniere de vivre
la plus dure et la plus triste, toujours renfer=
més dans les huttes, exposés a une epaisse
fumée, sont très rarement malades, et par=
viennent a une extreme vieillesse, sans
ressentir aucune incommodité, si ce n'est
la cecité, occasionée par la fumée et
par l'eclat continuel de la neige. Les femmes
de ces Pays la, et de tous les pays du nord,
<10v> sont extremement fecondes, quoique les
hommes y soient plus chastes qu'ailleurs.

En certains Pays Meridionaux, par ex.
au Royaume de Decan, on marie les
garcons a 10 ans et les filles a 8: elles ont
quelquefois des enfans a cet age, mais
les femmes elles cessent aussi ordinairement
d'en avoir avant l'age de 30 ans. Chès
5 lignes biffure
ces peuples et autres comme les Negres de Guinée 5 mots biffure
les hommes sont generalement vieux
a l'age de 40 ans: l'usage prematuré des
femmes est paroit etre la seule cause de la
brieveté de leur vie.

2 lignes biffure

Mais le plan de cet ouvrage ne nous
permet pas de pousser plus loin ces
details, dont on puit s'instruire d'ailleurs
dans les relations des voiageurs.

<11> CHAPITRE II.
Differences nationales qui ont trait au
genre de ressources industrieuses que les na=
tions ont mises en oeuvre pour pourvoir
a leurs besoins et a leurs gouts.

UNIFORMITE DANS LE BUT, VARIE=
TES DANS LES MOIENS.

Toutes les nations ont cherché et cherchent
a pourvoir a leur sureté et leur deffense au
dehors, leur conservation et leur tranquillité
au dedans, a leur entretien, leurs besoins de
premiere necessité, et après cela, a se procurer
encor, des commodités, des aisances, des agre=
mens, pour ajouter ainsi aux charmes de
l'existence. Anthrop. Sect. 1. 

Mais les moiens auxquels elles ont eu re=
cours pour atteindre a ce but, ont beaucoup
varié et varient selon les diversités locales
de leur position et selon leur differens na=
turels; mais principalement selon le genre
de ressources industrieuses que ces nations
ont mises en oeuvre pour arriver a leurs
fins, chacune selon sa façon de penser,
son caractere, ses usages, et ses progrès dans
la prattique des arts, et dans la civilisa=
tion.

Toutes ont cherché a pourvoir a leur sure=
té au dehors, mais on n'ignore par combien
elles ont varié dans leur maniere de se
deffendre ou d'attaquer: nous en verrons
le detail dans la seconde section ou nous
parlerons de la guerre.

Toutes ont cherché a pourvoir a leur con=
servation et leur tranquilité au dedans;
mais on sait combien de diverses formes
d'arrangemens elles ont adoptées chacune
selon sa position et ses idées politiques:
nous en parlerons dans la 3e section.

Toutes ont cherché des ressources de
subsistance
, et de bien etre, propre a
pourvoir a leurs besoins et a leurs gouts.

<11v> mais pour cela, chacune s'est donnée au
genre de vie, d'occupation, d'industrie, qui
par les circonstances se trouvoit le plus a
sa portée ou le plus conforme a son gout
dominant. Et de la les

DIFFERENCES QUANT AU GENRE DE
RESSOURCES DES NATIONS,

Suivant que ces nations sont ou Sauvages
ou bergeres et errantes, ou agricoles, ou
industrieuses, ou commerçantes, ou mixtes.
sauvages.

SAUVAGES.

Les nations plongées dans la barbarie, qui
se sont trouvé placées au milieu des forets
ou près des eaux, ne se sont occupées que de
chasse et ou de pêche; a la nourriture qu'elles ont
pu en tirer, elles ont joint les herbes, les legu=
mes, les fruits que la terre produit d'elle même
et sans culture: et pour l'habillement, elles ont
tiré parti de l'ecorce des arbres ou de la
depouille des animaux. Tels ont été et
sont encor les hordes  appellées, Sauvages .

BERGERES.

D'autres nations moins barbares, et qui ont
pu observer comment et avec quel profit
on peut apprivoiser, garder et nourrir des
animaux pour les rendre domestiques, se
sont occupées de ce soin pour en tirer leur
entretien, leur habillement, et mille ressour=
ces importantes pour les commodités et
les agremens de la vie. On les a appellés
nations bergeres  ou pastorales , et l'art du gouverne=
ment des bestiaux, bergerie.

<12> ERRANTES.

Mais les nations qui a la bergerie n'ont
pas su joindre l'agriculture, soit par def=
faut d'experience, soit parce que le sol ou elles
se trouvoient placées etoit ou trop elevé, ou
trop froid, ou trop aride, pour y amener des
fruits ou des graines a maturité, ou qu'il ne
pouvoit leur fournir d'autre ressource que
quelques paturages entrecoupés de marais,
de forets, de deserts sablonneux, ces na=
tions pastorales ont été reduites a mener
une vie errante  avec leurs Troupeaux,
portant de lieu en lieu leurs abris, leurs
tentes, leurs ustensiles, et ne sejournant
a chaque station qu'autant de temps
que le paturage pouvoit fournir a
l'entretien de leurs bestiaux. Tel a été
le cas des anciens Celtes, Scythes, Ger=
mains, Gaulois, et tel est encor celui des
diverses hordes Tartares de la haute
Asie, des Arabes du desert et autres peu=
ples nomades . Ces nations ont été ap=
pellees errantes, et elles n'ont jamais pu
se civiliser que lorsque les circonstances
leur ont permis de se fixer sur un sol
pour le cultiver.

AGRICOLES

D'autres nations plus eloignées encor
de la barbarie, instruites par l'experience
que certaines herbes, certains fruits, cer=
tains grains, que la terre ne fournit point
d'elle même d'une qualité convenable ni
dans une quantité suffisante, pouvoient
par certains procedés ou soins de culture,
recevoir une qualité superieure, et une
multiplication tres considerable, ces nations
<12v> disje, favorisées d'ailleurs par un sol ou la
nature deploioit plus efficacement qu'ail=
leurs son activité feconde, ont joint a la
bergerie l'Agriculture; elles se sont can=
tonnées sur un terrain pour le faire
valoir d'année en année et en receuillir
les productions. Telles sont les nations
appellées agricoles  repandues en Europe,
au midy de l'Asie, en Egypte, le long des
cotes d'Afrique, dans l'Inde et la Chine.

Ce genre d'occupation a été même adopté par
des nations peu favorisées du côté du climat
et du sol, parce que l'industrie humaine a
su trouver des moiens de seconder et aug=
menter l'activité de la nature trop foible et
trop languissante: ce sont celles qui ont
perfectionné l'agriculture.

INDUSTRIEUSES

A mesure que des nations sedentaires ont
fait des progrès vers la civilisation, elles ont
été conduites naturellement a deploier leur
industrie sur d'autres objets que l'agricul=
ture et qui avoient rapport aux premiers
besoins, ou aux commodités et aux douceurs
de la vie: telle a été l'origine des arts de
premiere
et seconde necessité, des arts d'agre=
ment et de luxe. Les nations entr'autres
qui se sont trouvées destituées de terrain
assès etendu ou assès fertile pour leur
fournir tous les moiens immediats de
subsistance, ont été contraintes par leur
position de se prevaloir des besoins fac=
tices et des gouts repandus chès les nations
agricoles pour tirer de celles ci le superflu
de leurs productions par voie d'echange
<13> contre des objets d'industrie, qu'elles ont
su fabriquer et manufacturer avec assès
d'intelligence et d'habileté pour exciter leur
cupidité. Telles sont ces nations qu'on a
appellées Industrieuses .

COMMERCANTES

Les nations agricoles chargées de produc=
tions surabondantes, les nations indus=
trieuses qui avoient a echanger des objets
de fabrique contre des subsistances ou des
matieres premieres, ont été conduites par
la naturellement a l'exercice du commerce 
qui ne consiste que dans une echange
d'effets qu'on appelle marchandises ,
et a la navigation  qui facilite les trans=
ports, et ces nations ont ete appellées com=
mercantes. Tels ont été les anciens Phoeni=
ciens, Tyriens, carthaginois, et tels sont
les Venitiens, Hollandois, Francois,
Anglois, &c. Il s'en est trouvé même
qui ont cherché leur ressource dans
la simple speculation sur les objets etran=
gers, et dans le cabotage qui se borne
a transporter les marchandises pour le
comte des autres nations; ce qui a eté la
premiere occupation des Hollandois.

<13v> MIXTES

Des nations enfin distinguées par leur
population et par leur opulence de même
que par l'avantage de leur position, ont
pu tirer parti de plusieurs de ces ressources
et reunir meme tous les genres d'occupa=
tions a la fois, en y joignant encor la
culture des Sciences, de la Philosophie,
de l'Eloquence la Poesie et de tous les
beaux arts. Ce fut le cas des peuples de
la Grece et tel est celui de plusieurs
nations de l'Europe, entrautres des An=
glois et des Francois, &c.

<14> CHAPITRE III
Autres differences des nations les relatives
a leurs diverses manieres de penser, d'agir
et de parler.

DIFFERENCES RELATIVES A LA MA=
NIERE DE PENSER.

Les mêmes causes qui ont produit les diffe=
rences des nations les quant aux genres d'occu=
pations, ont naturellement fait naitre celles
qui sont relatives a la diversité de leurs
gouts dominans et de leurs diverses manie=
res de penser sur la valeur des objets, ou
de les apprecier. Chacune en effet donne
la preference a ce qu'elle juge le mieux con=
venir a sa position, a ses interets, et a ce
qui presente une superiorité marquée dans
le genre d'occupation dont elle fait son
affaire principale.

Chès un Peuple chasseur et guerrier, ce
qui est le plus en estime, c'est le courage
la valeur, l'intrepidité, la vigueur et la
constance necessaires pour soutenir les
fatigues des longues courses, ou des expedi=
tions. Telles sont furent les seules qualités van=
tées chès les peuples barbares du Nord,
comme elles le sont encor parmi les hor=
des Sauvages.

Chès une nation bergere ou agricole,
ce qu'on prise le plus, c'est l'assiduité des
soïns emploiés a la bergerie ou a la culture
lorsqu'ils sont couronés de succès, c'est l'In=
telligence dans l'oeconomie domestique
et rurale. Il en etoit ainsi chès les an=
ciens peuples orientaux, chès les Egyp=
tiens et chès les premiers peuples Euro=
peens qui se sont civilisés.

Chès une nation qui vit d'industrie, ce
dont on fait le plus de cas, c'est l'industrie,
l'Esprit d'invention, l'habileté dans l'exe=
cution, la constance a poursuivre des en=
treprises, le travail toujours soutenu par
l'Esprit d'intrigue et d'ardeur. C'est ce
<14v> qu'on vit ches les anciens Phoeniciens,
et qu'on voit chès les Chinois et tous les peu=
ples Europeens qui s'occupent de manufac=
tures.

Chès une nations commercante on met au des=
sus de tout la diligence, l'exactitude, la repu=
tation de bonne fois, cet Esprit de speculation
de calcul, d'activité qui s'occupe travaille a etendre les
objets et les progrès des branches du commun
dont elle s'occupe. Ceux même qui sont en
deffaut, s'accordent a faire les eloges de ceux
qui se distinguent: c'est ce qu'on a observé
dans tous les temps et les lieux.

Chès des nations abandonnées a la culture des
arts liberaux et des sciences, ce qui est le plus
en honneur ce sont les lumieres, le savoir,
le genie, l'Eloquence. Dans les beaux jours
de la Grece et de Rome, ces talens furent le
premier objet de l'ambition.

C'est de la que sont derivées les diverses
mesures d'appreciation
que les nations em=
ploient pour evaluer reciproquement leur
merite, et le penchant qu'elles ont a se decrier
les unes les autres. 2 lignes biffure
Ainsi la nation guer=
riere parle avec mepris de la nation mar=
chande, tandis qu'une autre nation marchan=
de, ou industrieuse ou eclairée, 1 ligne biffure ne par=
lera qu'avec soulevement de la nation
dont la guerre est l'unique metier.

Dela cette discorde des nations qui leur fait
rechercher avec avidité ce qui peut jetter du
blame ou du mepris sur les autres, et l'ac=
cueil qu'on fait a ces proverbes, leger com=
me un Francois, jaloux comme un Italien,
grave comme un Espagnol, fier comme
un Anglois, brusque comme un Allemand
fourbe comme un Grec.

DIFFERENCES DES NATIONS PAR RAPPORT
A LEUR MERITE REEL.

Les nations different aussi entr'elles par
un merite reel, independant de l'opinion.

<15> Je n'entends pas ici leur degré de merite
comparatif, parce que ce degré est trop diffi=
cile a evaluer et que chès la plupart le mal
est compensé par le bïen, comme le bien est
obscurci par le mal: je veux parler seule=
ment de leur genre de merite, qui varie
beaucoup et tient 4 mots biffure
a d'autres differences nationales qui influent
sur l'opinion.

Dans tous les pays du monde, l'homme
ouvre son coeur aux mêmes passions: mais
elles n'y entrent pas toutes de la même maniere
ni avec la même energie: les circonstances
propres a les exciter ou a les contenir, ne sont
pas les mêmes partout ou ne produisent pas
partout les mêmes effets. Dela des diffe=
rences sensibles. Chès les unes, on remarque
des grandes vertus, des exemples frappans
de grandeur d'ame, mais a côté de cela,
des exemples multipliés de grands vices
et de forfaits odieux. C'est le cas des grands
Etats ou les passions sont le plus en effer=
vescence lorsqu'elles peuvent s'exhalter.

Chès d'autres nations, les passions sont plus
rallenties: l'humanité se trouve dans
une sorte de langueur qui la rend egale=
ment incapable de s'illustrer ni dans le
bien ni dans le mal. C'est le cas des petits
Etats ou l'on ne peut jouer que de petits
rolles, ou des grands Etats accablés sous
le poids du despotisme.

Souvent le merite  d'une nation n'est du
qu'a des circonstances heureuses. Un chef
genereux et eclairé peut d'une troupe de ban=
dits former un peuple magnanime. Mais un
peuple manque t'il de conducteurs habiles, livré
a la merci des evenemens, il deviendra inquiet,
deffiant, mechant, toujours en guerre avec
ses voisins. S'eleve til un homme distingué
qui lui inspire l'amour de l'ordre, du travail,
des arts, bientot ce même peuple deviendra
doux, tranquille, ne respirant plus que
la paix.

<15v> DIFFERENCES RELATIVES A LA MANIERE
D'AGIR, AUX MOEURS, AUX USAGES, AUX
OPINIONS. PRATIQUES.

Les memes causes ont produit encor d'autres
differences non moins remarquables dans la
maniere d'agir, ou ce qu'on appelle moeurs ,
usages , opinions.

Les moeurs d'un peuple, ce sont les principes
moraux qu'il a adoptés sur les diverses actions
humaines rapportées a certaines classes. Car
quoique les nations se soient generalement assez
accordées sur les principes fondamentaux, et par
rapport aux actions qui touchent le plus imme=
diatement a l'ordre moral, elles ont neanmoins
beaucoup varié entr'elles, dans les consequences
particulieres et l'application au detail. D'ou
il est arrivé que les unes ont toleré, et approu=
vé même, ce que d'autres ont condanné, tant
que celles ci ont a leur tour excusé et loué ce
que celles la avoient censuré et proscrit. Les
anciens peuples nous en fournissent des milliers
d'exemples et nous n'en trouvons pas moins chès
les peuples modernes.

Dans le Calicut, les meres prostituent leurs
filles le plutot qu'elles peuvent. Il en est de même
dans les petits Royaumes de Guinée ou les fem=
mes provoquent tous les hommes qu'elles ren=
contrent. Les Dames de la cour peuvent pren=
dre autant de maris qu'il leur plait. La et chés
les Maldives, on ne connoit aucun mot qui
exprime l'idée de la pudeur. Dans l'isle de
Formose, il n'est pas permis aux femmes
d'accoucher avant l'age de 35 ans, quoiqu'elles
puissent se marier longtemps avant cet age.

Viennent elles enceintes, les Pretresses leur
foulent le ventre avec les pieds, pour les faire
avorter: ce seroit un crime infame de laisser
venir un enfant avant l'age prescrit par
la Loi. Chès les Egyptiens, on trouve par
tout le long du Nil, des hospices d'impureté
avec des filles destinées aux plaisirs des voiageurs
sans aucun frais.

<16> Dans l'isle de Baly, on brule sur les bu=
chers des maris celles de leurs femmes quils
ont le plus aimée pendant leur vie. C'est
encor un usage dans l'Inde que les fem=
mes se jettent sur le bucher de leurs maris
et si elles n'ont pas ce courage elles sont
deshonorees pour leur vie.

<16v> On appelle usage d'un peuple certaines pra=
tiques habituelles qu'on y suit generalement
dans le commerce de la vie, certaines regles de
decence, d'honneteté, de savoir vivre, que la
societé y a adoptées, et qu'on ne peut negliger
dans sa conduite publique ou privée sans
s'exposer au blame des autres. Les usages
ont tant d'affinité avec les moeurs qu'on les a
toujours confondus dans le langage: car lors=
que nous disons, nos moeurs, nous entendons
nos usages, nos coutumes , nos maximes
recues.

<17> Les opinions dont nous parlons ici ne regar=
dent pas les objets de speculation; elles n'ont
rapport qu'aux divers jugemens que les nations
portent sur ce qui est bïen ou mal, 1 mot biffure
louable ou blamable sur ce qu'il faut faire ou
eviter pour etre estimé de ceux avec qui l'on
vit, et qui servent dèsla a apprecier le me=
rite. On sent quelle doit etre la liaison et
l'influence reciproque de ce que nous appellons
moeurs, usages et opinions, trois noms sous les=
quels nous comprenons tout ce qui tient au
moral de chaque peuple, et d'après quoi il
regle sa conduite et ses jugemens.

Toutes les differences a cet egard peuvent
dependre du climat, du genre d'occupation,
du gout dominant particulier a chaque
peuple, a quoi il faut joindre sa constitu=
tion religieuse, politique et civile, son
caractere national, 1 mot biffure son degré de
civilisation, et même son Langage autant
d'autres sources de differences nationales qui
peuvent beaucoup influer sur les moeurs,
les usages, les opinions. Neanmoins les
1 mot biffure differences peuvent quelque fois dependre de
causes passageres et fortuites qui ne deploi=
ent leur efficace que pendant un court espa=
ce de temps. Très souvent même on remar=
que chès une nation une difference sensible
d'un Siecle a l'autre, et quelques fois au bout
d'un très petit nombre d'années.

Pour s'instruire de ce qui caractérise a cet
egard une nation il faut en connoitre bien
l'histoire: quel a été dans Les divers ages
son genie dominant, ses idées sur les vertus
et les vices, sur le point d'honneur, les biense=
ances, la politesse et les Devoirs de Societé; com=
ment l'on y vivoit dans la vie privée, dans
le public, dans les cercles, quels etoient les
amusemens les plus goutés, les ressources
de l'art pour satisfaire aux besoins et aux
gouts. Tous ces objets, qui dependent d'un
certain ordre de causes et d'effets, une fois
etudiés et connus repandent a leur tour le
<17v> le plus grand jour sur l'histoire de la nation
et aident a remonter au temps même ou cette
nation etoit encor dans l'enfance.

Car toutes les nations, avant que d'avoir reçu
encor aucune forme reguliere, furent deja
soumises a l'influence, et on peut dire même
a l'autorité des moeurs, des usages ou coutumes,
des opinions, qui leur tenoient lieu de Loix,
et etoient pour d'autant plus respectables pour
elles qu'ettant l'ouvrage d'une nation entiere
sans cesse inclinée a les maintenir, elles lui
etoient plus cheres et plus sacrées que tous les
ouvrages des Legislateurs.

Quoiqu'elles durent souvent leur origine a des
circonstances fortuites, a des gouts et des in=
terets personels, au caprice de quelque parti=
culier qui avoit gagné l'ascendant, et
au penchant des hommes pour l'imitation,
enfin a des causes qui n'avoient rien de
naturel ni de moral, cependant une fois
introduites et accreditées, elles durent le plus souvent se main=
tenir d'une generation a l'autre, et même
tellemens s'affermir qu'a la fin elles devin=
rent comme inaccessibles aux atteintes des
revolutions et du temps.

Il est vrai 1 mot biffure que leur origine tenoit
beaucoup a celle des nations même aussi et
a leurs premiers besoins. Ainsi chès les
peuples qui ont eu une même origine, et se
sont etablis dans des contrées ressemblantes
par leur position, leur sol, leurs productions,
on retrouve a peu près les mêmes usages
et les mêmes opinions: il en est tout autre=
ment chès les peuples qui n'ont pas les mêmes
rapports. Ils peuvent aussi avoir des moeurs
differentes, quoique leur origine soit la même
et des moeurs ressemblantes, quoique l'origine
soit differente, et cela en vertu de la difference
ou de la ressemblance, qui s'est 1 mot biffure trouvée
dans leur position et leurs besoins.

Ainsi p. ex. sil se trouve un vaste terrain
sterile ou montueux, separé par des
barrieres que l'industrie humaine peut
<18> difficilement franchir, on peut presque
conter que les hommes y seront naturellement
courageux, grossiers et feroces. Se trouve-=
til de vastes plaines abondantes en paturages,
placées entre des pays cultivés, il est presque
sur quelles seront frequentées par des peu=
plades bergeres errantes, guerrieres et
disposées au pillage. Sans cesse occupées
a faire des excursions pour depouiller les
nations voisines et les rendre tributaires.

Ces hordes guerrieres peu a peu surchargées enfin
de population forceront a la fin celles ci a leur
ceder des terres et les recevoir dans leur
alliance; a la charge de les deffendre contre
les autres hordes ennemies qui voudroient
les depouiller ou les envahir. Telle est l'his=
toire de tous les temps.

DIFFERENCE RELATIVE A LA CONSTI=
TUTION RELIGIEUSE .

Aux differences exposées cidessus se lient
immediatement celle de la constitutïon reli=
gieuse. Car qui connoit l'histoire ne sauroit
1 mot biffure ignorer que tous les peuples se
sont fait une Religion analogue a leur
tour d'Esprits, leur caractere, leur gout domi=
nant, ainsi qu'a leurs moeurs, leurs usages,
leurs opinions, et que la Religion etablïe
une fois parmi eux a obtenu bientot assès
d'efficace pour influer sur tous les change=
mens qui ont pu survenir par rapport au
moral. Chacun sait aussi que le caractere
de la Religion tient beaucoup au climat
et au local. Dans tous les temps, les Reli=
gion ont été constamment plus raisonnables
et plus douces dans les climats temperés que
dans les climats chauds et arides ou elles
ont été plus cruelles, intolerantes, et defi=
gurées par les superstituions les plus mons=
trueuses.

On ne distingue ordinairement les peuples
<18v> par rapport a la Religïon que sous les 4 deno=
minations de Payens, Juifs, Mahometans
chretiens
: mais s'il on venoit a approfondir
les diversités de 1 mot biffure croiances et de culte
qui les separent, a quel nombre de denomi=
nations ne faudroit il pas recourir pour assi=
gner leurs differences. Les Chretiens qui
professent une religion veritablement divi=
ne, et sur laquelle ils devroient, ce semble
tous s'accorder, en combien de communions
et de sectes, ne sont ils point partagés, aux=
quelles on peut egalement appliquer la
remarque precedente.

DIFFERENCES RELATIVES A LA CONSTITU=
TION POLITIQUE ET CIVILE.

Des differences enoncées ci dessus a du
aussi naitre celle qui est relative a la cons=
titution politique des diverses formes de
gouvernemens, et la constitution civile des
divers codes de Loix.

Quoique la constitution politique ait pu
etre soumises a l'influence de diverses causes
ou circonstances eventuelles, neanmoins
elle a toujours dependu principalement
des moeurs, des usages, des opinions, et des
la
même du climat, du local, du genre de
vie et du naturel des divers peuples, aux=
quels on a toujours été contraint d'accom=
moder les formes de gouvernement.

La constitution civile a toujours subi le
même sort que la constitution politique,
et malgré les rapports des codes de Loix avec
la Loi naturelle et commune, ces codes
ont toujours varié comme les formes
de gouvernement, et ont eprouvé l'influ=
ence des mêmes causes.

Dans les pays chauds, les gouvernemens
sont presque tous des politiques, oppressifs
et des la même peu stables; les peuples
gemissent sous le joug du Monarque et
des Pretres; s'il existe des Loix: au tant vau=
droit il qu'il en eut point.

<19> Plus sages et mieux reglés, dans les cli=
mats temperés, les gouvernemens ne de=
truisent pas la liberté des sujets et ils ont
aussi plus de stabilité, parce que les sujets
etant plus eclairés et policés, y sont traités
comme doivent l'etre des hommes.

Dans la 3 section nous parlerons des diver=
ses formes de gouvernement, qui donnent
aussi des differences caracteristiques entre
les nations.

DIFFERENCES RELATIVES AU LANGAGE

Quoique toutes les nations aient un Langa=
ge, et même un fond commun, cependant
elles l'ont toutes tellement etendu et modifié
chacune a sa maniere, qu'on peut dire qu'elles
parlent des Langues differentes, qui for=
ment aussi des caracteres très distinctifs
entr'elles. 3 mots biffure Ces differences
de Langues tiennent aussi a diverses causes
physiques et morales, comme le climat
le local, les besoins, les circonstances, le
naturel, propre a chaque nation, son
tour d'Esprit, son caractere, ses moeurs,
ses usages, ses opinions, sa constitution
religieuse, politique, civile, &c. qui, com=
me nous l'avons vu, sont autant de sources
de differences nationales. On n'a qu'a
se rappeller tout ce que nous avons dis
dans l'Anthropologie section 11 : et con=
sulter ce qui sera dis a ce sujet dans
la Glossologie.

<19v> CHAPITRE IV
Autres differences qu'offre ce qu'on appelle
le caractere national par lequel tous les Indi
=
vidus d'une nation se ressemblent.

CARACTERES GENERAUX DE L'ESPECE

Entre les Individus de l'espece humaine, il
est des differences personelles, des caracteres
distinctifs (Anthropo. Sect. 11. Chap. 1.)  Il existe
aussi entre tous des caracteres traits de ressemblan=
ce universels, constans, ineffacables, qui
font reconnoitre l'espece par son caractere
general qui est le même partout et produit
les mêmes effets; partout même organisa=
tion, memes besoins, mêmes affections, meme
maniere de sentir et de penser, même activité
par rapport a certains objets.

CARACTERES PARTICULIERS NATIONAUX

Le caractere general de l'espece a du eprou=
ver une infinité de modifications chès les
diverses nations, selon la diversité du cli=
mat et du sol, du genre de vie, des ressources
que ces nations ont pu tirer de la nature et
de l'art, de leur maniere particuliere de sen=
tir, de penser, de leurs moeurs, leurs usages,
leurs opinions, leur constitution religieuse,
politique, civile, leur langage, leurs progres
plus ou moins etendu et rapides vers la civi=
lisation. De ces modifications qui ont du
etre aussi uniformes parmi les Individus
de chaque nation que les causes même qui les
ont produites par une influence universelle,
sont resultés des caracteres de ressemblance
entr'eux, qui les font reconnoitre comme ap=
partenant a cette nation, et dès la ce que
nous appellons caracteres distinctifs natio=
naux, propres a chaque peuple, qui ont eté
une source extremement feconde et diver=
sifiée de faits particuliers, d'evenemens
et de revolutions differentes dans tous les
temps et les lieux.

<20> CONNOISSANCE DE CES CARACTERES DIF=
FICILLE MAIS UTILE.

Je conviens que la connoissance de ces carac=
teres nationaux est plus difficile a acquerir
que celle du caractere general de l'espece, par=
ce qu'elle nous offre des objets plus compliqués;
je conviens même que les resultats auxquels
elle nous conduit sont aussi plus eloignés de
la certitude, parce qu'on n'y arrive que par
une enchainure plus longue de faits et
d'inductions; mais il n'en est pas moins vrai
qu'on peut acquerir sur les caracteres natio=
naux des lumieres assès vraisemblables,
et qui nous sont d'un très grand secours dans
l'etude de l'histoire des differens peuples, lors
du moins que nous en faisons une applica=
tion convenable aux faits que nous vou=
lons eclaircir et verifier; car 1 mot biffure
nous en tirerons parti, a coup sur, lorsque
nous les appliquerons a des faits liés au
caractere general de l'espece ou au carac=
tere particulier d'une nation, mais ils
ne manqueroient pas de nous egarer, si
nous voulions y recourir, comme a une
source de conjectures par rapport aux faits
liés a un ordre de causes et d'effets qui
leur seroient etrangers a ces caracteres
et sur lesquels nous ne pourions rien savoir
au dela de ce que les historiens nous ont
transmis.

OBSERVATIONS IMPORTANTES.

Quant nous voulons remonter aux pre=
mieres origines des choses humaines, nous
devons supposer que c'est le caractere gene=
ral de l'espece qui seul a pu avoir de l'influ=
ence sur elles et produire des effets generaux
et uniformes; il ne faut pas chercher hors
dela les faits ni les causes qui servent a
les expliquer.

Voulons nous descendre dela a la suite
des siecles qui y ont apporté tant de modi=
fications diverses, nous devons supposer
<20v> qu'a mesure que l'espece s'est distribuée en di=
verses nations, et que ces nations ont pris cha=
cune un caractere propre, l'influence de
ces caracteres nationaux a du peu a peu
prevaloir sur se composer avec celle du caractere general
de l'espece
: alors il faut chercher dans ceux
la 1 mot biffure aussi bien que dans celui ci, les faits et les cau=
ses qui servent a rendre raison des change=
mens survenus aux choses humaines.

Il semble, au premier coup d'oeuil, que les
caracteres nationaux ont du se diversifier
extremement dans les premiers temps ou les
nations viveoient presque isolées, et que cette
difference a du augmenter en proportion
que cette maniere de vivre a subsisté plus
longtemps. Mais pour peu qu'on y refle=
chisse, on comprendra que cette cause de diffe=
rence n'a pas du produire des effets si conside=
rables, pendant que ces nations ont vecu dans
une grossiere simplicité et toutes occupées
de leurs premiers besoins: on peut en juger
par les nations sauvages, qui separées depuis
si longtemps, different encor si peu entr'elles
par les caracteres nationaux. Ceuxci n'ont
pu se diversifier d'une maniere bien mar=
quee que lorsque les hommes ont commencé
a s'eloigner des premieres impressions de la
nature, et que la multiplicité de leurs be=
soins, de leurs gouts, de leurs interets, de
leurs affaires, de leurs institutions civiles,
ont repandu parmi eux, et pour le physique
et pour le moral, des nuances très distinc=
tes et infiniment variées.

Tout cela peut se prouver par la compa=
raison de l'orient avec l'Europe. En orient
et sous la zone torride, les nations se res=
semblent beaucoup, parce que la nature
regne beaucoup plus parmi elles que
l'art. En Europe les differences sont beau=
coup plus frappantes, parce qu'aux differences
physiques et locales, se joignent chès des
<21> peuples civilisés, actifs, intriguant et labo=
rieux, celles qui naissent d'une politique
profonde, de la culture perfectionée des
sciences et des arts et d'un commerce eten=
du, qui multiplie sans fin les ressources
et les jouissances.

Il est a presumer cependant qu'a mesure
que la communication entre les nations
deviendra plus ouverte, a mesure qu'elles
adopteront mutuellement leurs Loix,
leurs usages, et qu'elles se rapprocheront
a tant de divers egards. Dans la même
proportion aussi les caracteres nationaux
tendront a se rapprocher toujours plus
en sorte que les choses humaines en revien=
dront un jour a peu près au meme point
d'uniformité primitive d'ou elles sont
parties, mais sans retomber dans la
meme grossiereté.

CARACTERES NATIONAUX SURTOUT
MARQUES A L'EXTERIEUR.

Il est des caracteres nationaux trop mar=
qués pour n'etre pas promtement appercus;
ce sont les rapports exterieurs de confor=
mité entre les Individus d'une même na=
tion, qui constituent la ressemblance
nationale
pour la figure. Car cette
ressemblance considerée dans les traits
qui la composent chès un peuple, est
tres differente de ce qu'elle est chès un autre
peuple, et elle fournit dès la même des
differences nationales très marquées et très
suffisantes pour les distinguer les uns
des autres. Qui est l'homme observateur
qui ne distingue pas du premier coup
d'oeuil un Allemand, un Anglois, un
François?

Plus on compare de peuples entr'eux,
plus on trouve de ces ressemblances na=
tionales qui servent de caracteres diffe=
rentiels, et ceuxci meme augmentent
<21v> a mesure que les termes de comparaison
s'eloignent les uns des autres: Cependant
a force de multiplier ces comparaisons
entre les peuples, et des peuples placés a une
grande distance les uns des autres, les
caracteres deviennent a la fin si nombreux et si
compliqués, qu'on en vient jusques a les
perdre de vue, pour se borner aux traits
distinctifs les plus fortement prononcés,
et qui donnent les differences les plus tran=
chantes entre les peuples.

CARACTERES NATIONAUX MELANGES

L'influence du climat et du sol est souvent
si active, que chès la même nation, pour peu
quelle soit etendue, on trouve dans ses diver=
ses provinces, autant de differences entre
leurs habitans que dans les qualités de
leurs divers terroirs. Les unes ne produi=
sent gueres que des hommes vulgaires,
tandis que d'autres voient sans cesse nai=
tre dans leur sein des hommes distingués
par leurs talens, leurs exploits et leur
merite.

Mais il est peu de nations qui ait conserve
dès sa premiere origine, la pureté de son
sang et son naturel antique. Dès les
premiers ages, les hordes vagabondes
et feroces se sont jettées sur les Societés
sedentaires et paisibles et se sont melées
avec elles. La sterilité du sol et la trop
grande population chès les unes ont causé
des emigrations qui ont reflué chès les
autres et ont produit des nations melangées.
Or partout ou il y a eu du melange, le
temperamment, le tour d'Esprit, le caract=
tere ont du souffrir 1 mot biffure des changemens,
tres diversifiés selon que les hordes victorieuses ont pu
se ploier aux moeurs des nations soumises
ou quelles ont forcé cellesci a se ploier
aux leurs.

<22> Il faut cependant convenir qu'un tel
melange n'a jamais detruit le caractere
national du peuple ancien: les revo=
lutions ou diverses causes physiques ou
morales, ont beau en avoir changé succes=
sivement les nuances, un oeuil pene=
trant suit toujours dans le cours des
siecles, ce caractere national au tra=
vers de toutes les variations qui le degui=
sent aux yeux du vulgaire.

C'est a ce caractere national premanent
qu'il faut attribuer en grande partie
l'attachement que les hommes conservent
toujours pour leur sol natal, qu'ils pre=
ferent a tout autre, et la raison pourquoi
l'Africain expatrié, s'impatiente de re=
joindre ses sables brulans, comme le
Lappon ses climats glacés.

<22v> CHAPITRE V.
Differences nationales resultant des divers
progrès que les peuples ont fait vers la
civilisation.

DIFFERENCES RELATIVES AU DEGRE
DE CIVILISATION

2 mots biffure Le degré de civilisation resulte des
Divers progres que les peu=
plades ont pu faire dans l'agriculture,
l'industrie, les arts, le commerce, la poli=
tique, la Legislation, les Sciences, et le
gouvernement des moeurs.

PEUPLADES BARBARES DES LEUR
PREMIERE ORIGINE.

Il existe des peuplades, qui, dès leur pre=
miere formation, n'ont jamais été civilisé=
es, et sont toujours actuellement plongées
dans la leur barbarie  primitive; j'entens cet etat
de grossiereté et de stupidité ou une peu=
plade ignore egalement et ce qui peut con=
tribuer aux douceurs de la vie humaine,
et ce qui constitue la dignité et la perfection
de l'espece, touts ce qui constitue les liens
civils necessaires au bon ordre et a la
tranquilité prosperité publique.

Tel est l'etat actuel des Sauvages qui sem=
blent n'etre sensibles qu'a la faim et a la dou=
leur, ne desirer que la nourriture et le repos,
ne s'occuper que de ce qui interesse leur con=
servation et la deffense de leur vie contre les
betes feroces ou les hordes ennemies, chès qui
le sentiment de l'existence est en quelque sorte
borné au moment present, sans aucun retour
<23> sur le passé, ni prevoiance pour l'avenir, donc
le langage est aussi borné et grossier que
les conceptions 2 lignes biffure, qui enfin concentrés dans la vie ani=
male, n'offrent presque aucune trace de
la vie d'intelligence. Il est encor beaucoup
de nations pareilles dans le vieux et le nou=
veau continent.

PEUPLES SORTIS DE LA BARBARIE

On voit d'autres nations qui après avoir
croupi longtemps dans leur barbarie pri=
mitive, en sont sortis par quelque circons=
tance heureuse, qui se sont elevées plus
ou moins rapidement aux objets qui peu=
vent contribuer a la perfection et au
bonheur de l'espece, et donner aux Soci=
etés une forme reguliere et assortie a
leur but. C'est le cas de la plupart des
nations aujourdhui policées et florissan=
tes. Les Russes ont fourni dans ce siecle
un exemple bien frappant de la rapidité
avec laquelle un peuple barbare grossier peut
s'acheminer vers la civilisation.

PEUPLES CIVILISES AU PLUS HAUT
DEGRE.

On voit même des nations qui semblent
avoir atteint le plus haut degré de la
civilisation
  par leurs progrès dans les
divers procedés de l'industrie, dans les
sciences, dans le Langage, dans la politique
et la Legislation; c'est le cas de quelques
peuples Europeens.

PEUPLES RETOMBES DANS LA BARBARIE

On a vu aussi des peuples, qui après s'etre ele=
a un haut degré de civilisation, ont per=
du, les uns, a la longue, les autres, très rapide=
ment, tout leur lustre, et ont même eprouvé
<23v> une telle 1 mot biffure degradation, qu'ils semblent etre re=
tombés dans la barbarie, ou du moins dans
un etat d'abatardissement, de foiblesse et
de misere, plus avilissant en quelque sorte
que la barbarie même. C'est un fait cons=
taté par l'histoire de tous les siecles, qu'un
peuple qui a toujours été barbare a
moins de vices et plus de vertus, plus d'energie
et de valeur, qu'une nation qui, après avoir
ete civilisée, s'est ensuite enervée et amolie,
a perdu son 3 mots biffure ressort, et ne res=
pire plus que pour devenir la proie ou le
mepris de ses voisins: on peut en voir une
preuve frappante dans le spectacle que
nous offre aujourdhui la Grece.

CAUSES DE CES DIFFERENCES.

Les differens sorts des peuples quant a la civi=
lisation ont pu dependre de diverses revolu=
tions politiques, telles que des conquetes, des
subversions, des destructions d'Etats, des ag=
grandissemens d'autres; revolutions qui ont
eu des influences decisives sur le gouverne=
ment, les moeurs et le caractere propre a
chaque nation, trois grands ressorts qui
ne cessent d'agir et de reagir les uns sur
les autres, et concourent tous ensemble pour
avancer les progrès d'un peuple, ou pour
amener et hater son declin vers la barbarie.

Plus on etudie l'histoire des peuples, plus
on a sujet de se convaincre de cette obser=
vation, une des plus importantes que nous
offre l'histoire de l'espece humaine, surtout
lorsqu'il s'agit d'expliquer les revolutions
de l'Esprit humain et de la lumiere qui
la eclairé chès chaque nation, dans la
succession des ages.

<24> SI TOUS LES PEUPLES FURENT ORIGINAI=
REMENT BARBARES.

Toutes les observations precedentes jointes aux
relations des anciens ecrivains sur la barba=
rie des premiers habitans de la Grece et de
l'Europe entiere, ont conduit nos Philosophes
modernes a admettre comme un fait aussi
universel qu'incontestable, qu'il a falu bien
des siecles pour donner lieu au devellopement
des facultés et de l'industrie humaine, et ame=
ner graduellement les decouvertes; les inven=
tions et les connoissances necessaires a la vie
civilisée; que les hommes ne se sont elevés
aux arts liberaux et aux Sciences qu'après
avoir satisfait a leurs besoins les plus pres=
sans par les arts de premiere necessité qui
ne se sont même introduits qu'assès tard et
perfectionés fort a la longue; qu'enfin
il y a eu un temps très long, pendant lequel
tous les hommes sans exception ne connu=
rent ni arts ni sciences, ou uniquement
occupés a eviter les dangers, a se deffendre
contre les betes feroces, a pourvoir a leur
subsistance par les seules productions spon=
tanées de la terre, ils vivoient tous dans une
sorte d'abandon comme les brutes, epars
ca et la, sans aucune station fixe, sans
lien civil, sans Loi, comme les Sauvages
les plus grossiers qu'on ait decouvert
dans ces derniers temps.

A cette supposition nous opposons 1° le peu
de vraisemblance de la chose en elle même
qui ne sauroit se concilier ni avec ce que
nous connoissons des facultés de l'homme,
de ses prerogatives, du parti qu'il en peut
tirer, surtout lorsqu'elles n'ont reçu encor
aucune atteïnte par les des circonstances
qui aient pu mettre obstacle a leur devel=
lopement et le plonger dans une sorte
<24v> de barbarie etrangere a sa nature, ni
avec les idées que nous nous formons d'un
createur qui la lui a distïngué Si glorieusement
des autres creatures et l'aiant fait pour
dominer sur elles, n'aura pas manqué de
le placer dans un etat primitif 1 mot biffure conforme
a sa destination, avec toutes les ressources
necessaires pour y repondre d'une mani=
ere convenable.

Ajoutons 2° que, sur ce qui regarde la barba=
rie des temps primitifs, on ne sauroit ajouter
aucune foi, ni a ce qu'en ont pu dire certains 3 mots biffure
Poëtes, puisque dun coté, ce sont gens qui se sont fait
un art de la fiction, qui ont ecrit pour
plaire plutot que pour instruire, et que de l'au=
tre 2 mots biffure la plupart n'ont cessé de celebrer le bonheur
des hommes sous le premier age du monde,
qu'ils ont appellé l'age dor, ni au temoigna=
ge des historiens qui ont osé hazarder des
narrations sur des ages dont ils etoient fort
eloignés, et n'ont donné pour garant qu'une
traddition d'origine incertaine, alterée et
travestie sous toutes sortes sortes de formes
1 mot biffure bisarres, et souvent contradictoires. Et 1 mot tache
quoique ceux ci aient pu dire de quelques
peuples, 3 mots biffure en particulier, comment voudroit on en conclure que
la barbarie primitive ait été universelle.

Nous allons montrer que celleci n'a jamais
été quune suite de circonstances acciden=
telles a l'espece humaine, et survenue a
certains peuples, dont on ne peut tirer au=
cune induction generale pour les autres
peuples qui ont eu le bonheur d'echapper
a ses atteintes, et de conserver leur situa=
tion primitive; Fait extremement im=
portant et bien digne de toute nôtre
attention!

<25> CHAPITRE VI.
Ce que nous connoissons de la premiere
origine de l'espece humaine.

Recit et RECIT DE MOYSE

Si nous voulons avoir quelques lumieres
sures touchant l'etat primitif de l'espece hu=
maine et les premieres origines de sa dis=
tribution en peuplades, ne consultons ni
les Historiens, ni les Poëtes, 1 ligne biffure
n'interrogeons que Moyse qui les a
tous precedés de quelques siecles, et qui a
vecu dans des temps plus rapprochés des
premiers ages. 2 mots biffure Personne n'a pu 1 mot biffure etre mieux
etre instruit des faits par la traddition,
qui s'etoit conservée chès les ancetres de sa
nation avec plus beaucoup plus de pureté
et d'integrité que chès tous les autres peu=
ples. 3 lignes biffure
3 mots biffure Independamment de sa mission
divine, aucun ecrivain ne merite de notre part plus de res=
pect et de confiance, 4 mots biffure
soit par son auguste vocation de chef
et de Legislateur, 1 ligne biffure soit par ses lu=
mieres, sa sagesse, sa candeur, qui le met=
tent fort au dessus de tout ce que nous
connoissons 3 mots biffure d'Auteurs
dans l'Antiquité!

Ouvrons ses annales, nous y apprendrons
1° Que nos premiers Parens ne furent pas
destitués de connoissances necessaires a
2 mots biffure, qu'ils 3 mots biffure communiquerent
a leurs enfans, lesquels les com=
muniquerent
pour les transmettre d'une generation a l'autre
par l'instruction tradditïonnelle.

2° Que par cette voie, ces connoissances
durent non seulement se transmettre consigner sans
alteratïon, mais encore s'etendre et se perfe=
ctioner par l'experience, soit a cause de la lon=
gue vie des hommes qui permettoit a chaque
<25v> Individu de faire beaucoup de progrès et de
2 lignes biffure, soit parce que vi=
vans alors rapprochés et comme reunis en
une seule famille, dans un district fertile de
l'Asie, ils eurent tout le loisir et la facilté ne=
cessaires pour se communiquer mutuelle=
ment leurs idées et leurs decouvertes 2 mots biffure
1 ligne biffure
sur toutes sortes d'objets.

Nous apprendrons 3° enfin que les hommes
favorisés par ces circonstances, porterent leur
industrie jusques a travailler les metaux 2 mots biffure, le
fer, forger des outils d'agriculture, se procu=
rer des utensiles et des aisances pour la vie
pastorale, qu'enfin ils en vinrent jusques a
inventer des instrumens de musique, a batir
même des villes, ce qui suppose l'etablissement de nom=
bre d'arts mechaniques, une agriculture
deja perfectionée, un etat d'opulence, qui
permettoit la reunion des familles hommes en un
même lieu pour gouter les delices de la vie
sociale; d'ou nacquirent sans doute, les
arts d'agremens, l'introduction des objets
de cupidité, et les premiers germes de cette
effervescence des passions qui les entraine
peu a peu dans toutes sortes d'excès, qui
amenent finalement la corruption entiere des
moeurs et ce debordement universel dont
le cours ne peut etre arreté que par le
fleau destructeur du Deluge  ou tous
les hommes perirent a l'exception de Noé
et sa famille, en tout neuf personnes, qui
refugiées dans une arche furent preser=
vées par la protection divine.

CIVILISATION DE L'ESPECE HUMAINE
APRES LE DELUGE.

2 mots biffure Le même Moyse nous appren=
dra encor que Noë, instruit par une experience
de 600 ans de toutes les connoissances et de
tous les arts repandus parmi les habitans
<26> du premier monde, dont il en conserva precieu=
sement le souvenir en entrant dans l'ar=
che, avec tous les instrumens, les outils
les secours necessaires pour etre de nou=
veau mis en oeuvre et appliqués aux
besoins de sa famille destinée a repeupler
la terre, qu2 mots biffure au sortir de l'arche,
il s'occupa incessamment a deploier ses lu=
mieres, ses talens et son industrie pour for=
mer un nouvel etablissement par l'exercice
1 ligne biffure

de l'agriculture, a laquelle il ajouta même
un nouveau degré de perfection inconnu
jusques a lui, la culture de la vigne.

Nous comprendrons de la aussi que
Noë put transmettre et transmit effective=
ment avec soin les connoissances et les pro=
cedés, le langage de l'ancien monde, a
ses descendans qui ne manquerent pas
aussi a leur tour de les conserver et même
de les perfectioner pendans tout le temps
que cette famille generale demeura
rassemblée dans une même contrée de
l'Asie mineure ou elle s'etoit etablie de=
puis le Deluge et ou elle sejourna jus=
ques a l'epoque de la dispersion.

RECIT DE MOYSE SUR LA DISPERSION

Ainsi tous les hommes enfans de Noë,
qui vecut encor 350 ans après le Deluge,
se trouvoient rassemblés dans les plaines
fertiles de Senhar, comme compris
sous une seule famille generale
, occu=
pee des mêmes objets, gouvernée par les
mêmes principes et soumise aux memes
usages. On n'y connoissoit qu'un seul
Langage
, le Langage de Noë, 1 ligne biffure
le Langage
antidïluvien, 3 mots biffure qui 1 mot biffure put
5 mots biffure encore etre perfectioné
1 ligne biffure par
les membres d'une même famille, vivans
<26v> dans une même contrée et rapprochés par
une sorte de vraie communauté d'objets et d'in=
terets.

Cependant cette famille devenoit chaque
jour plus nombreuse a mesure que ses bran=
ches s'etendoient, et cellesci, comme autant
de familles particulieres, etoient forcées de
se repandre ça et la avec leurs troupeaux
et leurs tentes, pour chercher de la pature,
ou de se cantonner dans des lieux asses ecar=
tes pour cultiver la terre et en tirer les
productions necessaires a leur entretien.

Un sentiment d'union fraternelle, du
besoin qu'ils avoient du secours les uns des
autres, l'idée de se menager un point de
ralliement qui prevoit leur trop grande
dispersion, 2 lignes biffure
quelque idée ambitieuse de lais=
ser après eux un beau monument de leur
savoir faire, toutes ces causes reunies
2 mots biffure leur firent concevoire le projet
de batir 1 ligne biffure
une ville et une tour extremement
haute
afin qu'elle put etre vüe de fort loin
et leur servir de signal 3 mots biffure comme aussi
de rendes-vous pour les assemblée gene=
rales qui devoient etre le lien de leur uni=
on perpetuelle. 3 lignes biffure.

Ce projet supposoit des progrès considera=
bles dans l'Agriculture, car pour l'execu=
ter, il falloit pouvoir comter sur une
abondance prodigieuse de comestibles
fournis par les terres d'alentour; ils sup=
posoient beaucoup d'arts mechaniques
deja perfectionés, et entr'autres l'Archi=
[tec]ture qui ne peut marcher qua l'aide
d'un grand nombre de moiens mecha=
niques et de beaucoup d'industrie.

<27> Mais comme le but de cette entreprise etoit
peu raisonnable en lui même et contraire
aux vües de Dieu par rapport a la popula=
tion generale de la terre, qui ne devoit plus etre retardée,
Dieu jugea a propos de l'arreter tout a coup,
dans le temps qu'elle etoit deja fort avancée,
en frappant tous les hommes qui etoient la
rassemblés d'un Esprit d'etourdissement,
de desordre et de confusion, qui les força
a abandonner l'ouvrage et a se separer
pour toujours; Dieu confondit leur
langage
&c. La plupart des Interpretes
ont entendu cela d'un miracle par lequel
Dieu leur fit oublier a tous leur Langage
commun, pour substituer tout a coup
dans leur Esprit, toutes les diverses Langues
qu'il vouloit introduire parmi les divers
peuples de la terre: ce qui etoit, disentils,
le vrai moien de forcer les hommes a se
separer en autant de peuplades qu'il se
trouvoit de nouvelles Langues, et a se dis=
perser en autant de regions differentes,
pour y fonder des colonies formées chacu=
ne par la reunion des familles que l'usage
exclusif d'une Langue obligeoit a se sepa=
rer de toutes celles dont elles ne pouvoient
etre entendue; moien aussi propre pour
peupler promtement la terre, qu'il l'est encor
aujourdhui pour en prevenir la depopu=
lation, puisque la diversité des Langues
est encore une des principales causes qui retienne
les hommes dans leur pays natal et em=
pechent qu'aucun ne soit abandonné
par ses habitans.

Nous Sans nous arreter a combattre
cette derniere raison dementie par l'expe=
rience, nous repondons que la providence
divine avoit assès d'autres moiens pour
forcer les hommes a se separer et a former
des etablissemens en diverses regions, sans
recourir a un miracle d'une nature aussi
extraordinaire et aussi etrange, comme
<27v> nous l'avons dit Anthropo. Sect. 11.  Da
D'autant plus que cette separation devoit etre
amenée tout naturellement par l'ordre des
choses, la position et les circonstances ou
les hommes se trouvoient, ainsi que nous le
montrerons bientot.

Ce qui est dit Gen XI.I. doit sans doute etre
entendu de l'uniformité du Langage com=
mun a toute la famille, mais ce qui est dit
au IX.5 peut très bien s'entendre dans un sens
analogue a celui que David avoit en vüe
lorsqu'il prioit Dieu de diviser les Langues de
ses ennemis
, c'est a dire, les empecher d'etre d'ac=
cord pour lui nuire. 2 mots biffure Ainsi la confusion
du Langage ne fut autre chose qu'un Esprit
de mesintelligence qui par la volonté de Dieu
se repandit parmi les hommes, et les empe=
cha de se concerter pour finir leur entre=
prise, et les força de se soumettre a la
necessité des circonstances qui les appel=
loient a se separer les uns des autres, pour
se repandre au loin sur la surface de la
terre.

Les raisons même de leur projet de reunion
demontrent evidemment que la cause prin=
cipale de leur dispersion , après que le projet
eut echoué, fut la grande multiplication
de l'espece, qui ne leur permettant plus de
vivre dans le même district, reunis en une
famille generale, les mit dans la necessité
de s'ecarter les uns des autres, et de former
des associations de familles particulieres,
des bandes, troupes , peuplades, ou colo=
nies  sous la conduite de quelques chefs,
pour s'eloigner de la Mere-Patrie. Se
repandre ça et la dans des districts incon=
nus, 1 mot biffure et y former des etablissemens
separés; separation d'ou naquirent na=
turellement cette multitude de Langues
sorties d'une tige commune, le Langage
primitif. Voiés Anthrop. Sect. 11. 

<28> Tel est l'exposé historique de Moyse
sur la premiere origine de la distribu=
tion de l'espece humaine en peuplades.

Voions quelles lumieres on peut tirer dela
sur les differences de leurs destinées, et pour
expliquer comment certains peuples ont
toujours été civilisés, pendant que
d'autres sont tombés dans la barbarie,
que 1 mot biffure et plusieurs y sont restés encor
ensevelis. et

<28v> CHAPITRE VII.
Tous les hommes peuples sont venus originai=
rement de l'orient 3 mots biffure et de
contrées ou les hommes vecurent toujours dans un
etat primitif de civilisation.

CIVILISATION PRIMITIVE DES PEUPLES
ORIENTAUX.

Il est naturel de penser que les pays les pre=
miers habités furent les pays orientaux,
placés sous le ciel le plus favorable a l'espece,
et les plus fertiles, les plus abondans en
productions spontanées, c. d. que le sol offre
par lui même et sans culture. La se de=
ploierent dès le premier age toutes les riches=
ses de la nature qui amenerent necessaire=
ment une population très nombreuse. La
l'experience et les succès decouvrirent bien=
tot aux habitans les moiens d'aider encor
a la fertilité du sol, par une agriculture
simple et aïsée qui 3 mots biffure fit bientot
naitre l'industrie avec tout le cortege des arts
qui pouvoient multiplier les objets de jouis=
sance. La enfin les hommes reunis de
temps immemorial en communautés, durent
de très bonne heure leur donner une forme
reguliere par toutes les institutions necessai=
res a l'ordre public et propres a favoriser
la culture, l'industrie, et augmenter la pros=
perité nationale.

La traddition, les monumens, les ecrits des
historiens attestent aussi d'une voix una=
nime que les contrées de l'Orient ont été ha=
bitees et cultivées de toute ancienneté par des
peuples nombreux, opulens, civilisés
surlesquels la barbarie n'exerça dans au=
cun temps son empire.

TOUS LES PEUPLES SONT VENUS ORIGINE=
REMENT DE L'ORIENT.

Il est un autre fait non moins certain
et auquel on n'a jamais rien pu opposer
de solide, c'est que l'orient a été comme
<29> la pepiniere de l'espece humaine, le centre
commun et le point de depart d'ou sont
venus originairement tous les peuples repan=
dus sur la surface du globe: qu'a mesure
que la population s'y est trouvée resserrée
il en est parti successivement des Colonies
qui se poussant l'une l'autre, toujours en a=
vant et de proche en proche, se sont vu
comme forcées de se repandre au loïn en
s'etendant vers le Midy et du Midy a l'occi=
dent, et vers le nord, jusque a ce qu'enfin
quelques unes ont été contraintes de refluer
vers les poles.

Mais ici nos lumieres s'elevent jusques a la
certitude par l'autorité respectable de Moyse
qui dont la narration Gen. X. et ailleurs,
suppose que tous les peuples sont partis de
l'orient, et singulierement du district occu=
pé par la famille generale avant la dis=
persion, lequel continua d'etre la Mere-
Patrie
  de l'espece humaine, pour d'ou toutes les
peuplades qui en partirent successivement
pour former des etablissemens dans les
diverses parties du globe.

LA CIVILISATION PRIMITIVE CONSERVEE
DANS LA MERE-PATRIE ET LES CONTREES
VOISINES.

Moyse suppose que la masse primitive des
connoissances, des procedés industrieux,
du langage commun, conservée jusques
au temps de la dispersion ne fut point ane=
antie, mais plutot se soutint et s'etendit
dans les districts occupés originairement
par la famille generale, ou elle se trouvoit
depuis longtemps etablïe avec tous les se=
cours deja auparavant mis en oeuvre pour
en augmenter les progrès.

Les contrées riantes et fertiles de la Meso=
potamie retinrent sans doute un grand
nombre de familles, qui purent joindre
<29v> a la bergerie l'Agriculture, perfectioner
celleci, multiplier les ressources, augmenter
la population et donner un devellopement
des plus rapides a leur industrie et a leurs
talens. Nous en avons la preuve dans la
fondation de Babylone et autres villes qui
suivit d'asses près la dispersion  et ne put
s'executer sans le secours de nombre d'arts
et surtout d'une agriculture perfectionée
sans laquelle il est impossible de pourvoir
a l'entretien d'une multitude d'hommes ras=
semblés en un même lieu.

Toute La civilisation dans toutes ses bran=
ches put et dut naturellement etre transpor=
tée dans les contrées circonvoisines ou se can=
tonnerent les premieres colonies, puisqu'elle
put l'etre sans delai, sans perdre de temps,
sans obstacles, avec tous les secours même
que pouvoit fournir la mère-Patrie pour
former incessamment de nouveaux eta=
blissemens, dont le succès devoit repon=
dre a la douceur du climat et la fecondité
du sol.

C'est encor ici un fait garanti par la traddi=
tion, par le temoignage des auteurs anciens
et surtout des sacrés. Il n'y eut jamais de
siecle primitif de barbarie
pour les Baby=
loniens
, Chaldeens, Asiyriens, ni pour les
Cananeens, autrement appellés Phoeniciens,
ni pour les Egyptiens chès qui ont fleuri
de toute ancienneté les arts mechaniques
et liberaux, l'Agriculture, l'Astronomie
les Sciences physiques, et dont la politique,
la legislation, les moeurs, ont été 3 mots biffure
celebrés et 2 mots biffure prises pour modeles par
les autres nations policées. qui sortirent de
la barbarie.

A ces colonies qui s'etablirent au voisi=
nage de la mere-Patrie, ou peut même en
joindre d'autres qui porterent leurs etablisse=
mens dans des contrées un peu plus eloignées.

<30> Telles furent celles qui s'etablirent dans
l'Asie mineure, ce celles ou qui la traverserent
dans sa longueur jusques a ce qu'elles par=
vinrent aux côtés de la Mediterranée et
de l'Archipel, et y fonderent ces nations
connues sous les noms de Lydiens, Phry=
giens &c peuples policés et jouissans des
arts de luxe de la plus haute antiquité
comme le suppose Homere.

Telles purent etre encor celles qui arriverent les
premieres au pied du mont Caucase et
sur le plateau de la grande Tartarie, ou
elles fonderent cette ancienne nation si
1 mot biffure renommee par sa Sagesse, et celles qui se 1 mot biffure
fixerent dans certaïns pays privilegiés de
la grande Asie, et d'ou descendirent les
Perses, les Indiens, les Arabes, peuples
dont l'origine se perd dans l'antiquité,
qui furent de tout temps celebres, et conser=
verent toujours une conformité frappante
avec les anciens chaldeens. et Egyptiens par
leur inclination pour la vie Pastorale,
par leurs Hieroglyphes, leur science As=
tronomique, la prattique de l'Agriculture
et de quelques beaux arts.

Si l'on demandoit la raison de la confor=
mité de certaines nations eloignees avec celles qui
occuperent la même patrie
et les lieux
circonvoisins, on n'en sauroit donner
de plus vraisemblable que celle qui se tire
des circonstances heureuses ou les colo=
nies se trouverent placées immediatement
après leur emigration, pour former
de nouveaux etablissemens, sans eprou=
ver ni retard ni obstacle qui put les arre=
ter, en chemin, ni croiser leurs premieres
tentatives, comme cela arriva a beau=
coup d'autres, ainsi que nous le montrerons
dans la suite; et c'est la seule maniere,
ce me semble, d'expliquer cette ancienneté
de civilisation, qui a si fort distingué
les peuples Chinois.

<30v> PREUVES.

Sans accumuler ici des citations d'Herodote,
Appollodore, Diodore, Strabon, Pausanias,
et des Poetes Homere et Hesiode, nous nous
en tiendrons au temoignage de deux au=
teurs plus anciens, tout autremens respec=
tables et mieux connus, 2 mots biffure Job,
contemporain de Jacob, et Arabe de na=
tion et Moyse auteur du Pentateuque
qui 2 mots biffure supposent clairement que, vers le temps
d'Abraham, cad. 250 ans après la dis=
persion, les peuples orientaux etoient deja
4 mots biffure très civilisés; car ils
habitoient des villes, ils abondoient en res=
sources de subsistances, ils exerceoient toutes
sortes d'arts et même d'agrement, ils connois=
soient même les arts liberaux et les sciences;
autant de choses qui annoncent une civi=
lisation dès longtemps etablie, et prouvent que de=
puis la dispersion, ils n'ont pas eu le temps
de dechoir de leur etat primitif dans 1 mot biffure
celui de barbarie, pour s'en relever bientot après
avec le plus brillant eclat; ce qui seroit
impossible, comme contraire a tout ce
que l'experience a appris sur le cours ordi=
naire des choses humaines.

On peut en juger par le detail des ressources
et des occupations attribuées a ces anciens
peuples de toute ancienneté. 1 mot biffure

RESSOURCES DES ANCIENS PEUPLES
ORIENTAUX.

La chasse et la peche.

Ils prattiquerent la pêche qui fournit une
si excellente nourriture 
et la chasse qu'ils regardoient comme une
occupation très serieuse, soit parce que le
nombre des bêtes feroces les rendoit encor
redoutables , soit a
1 mot biffure cause du parti qu'ils pouvoient en tirer pour la
<31> nouriture et l'habillement. Ce ne fut
que dans des temps posterieurs que les Baby=
loniens et les Medes firent de la chasse un exer=
cice d'amusement dont ils devinrent pas=
sionnés, au point d'imaginer et d'etablir des
parcs pour se le rendre plus facile et plus
agreable; ce qui fut imité dans tout l'O=
rient.

La Bergerie.

Une des principales ressour=
ces des peuples orientaux fut celle des
troupeaux dont ils tiroient de la chair suc=
culente et du lait pour se nourir, des
peaux et des tissus de laine ou de poil pour
se vetir  d'ou vient que dans les
villes même le gouvernement des bestiaux
obligeoit les habitans a aller sans cesse a la
campagne, et qui ce qui explique pourquoi
les portes des villes etoit leur rendès-vous
ordinaire pour traiter d'affaires. 

L'Agriculture et ses dependances.

Dès les temps les plus anciens, ils comprirent
que pour 1 mot biffure soutenir une population nombreuse
rassemblée dans un district, une ville, il
falloit joindre aux ressources precedentes,
la plus considerable de toutes, la culture
de la terre, qui fournit les fruits, les legu=
mes, les grains dont on tire une nouriture
si saine et si abondante. Ils connurent
sans doute la culture de la vigne que
Noë avoit introduite dans ces contrées,
celle du datier et de l'amandier, du grena=
dier et du figuier, de l'olivier dont ils ti=
roient leur huile.  Ils n'ignorerent
pas celle des jardinages et des legumes
comme des lentilles, des concombres, des
melons, des porreaux, des oignons, des aulx
dont ils faisoient meme une grande con=
somation. 

<31v> Ils faisoient encor plus de cas de l'Agricul=
ture proprement dite qui fournit cette abon=
dance de grains dont les hommes 2 mots biffure ont tiré 1 mot biffure
leur principale nouriture. Ces orientaux
connurent de tout temps l'orge, le bled, le
froment l'epautre , l'art des labours et
de la semaille  l'usage de la charue et des
betes de somme pour la traine Job. 1. 14
de la faucille pour moissonner 
la foulure des grains par les boeufs  la methode du van et du crïble,
_ la moulure du grain en farine et
meme en farine fine  la pratti=
que des moulins a bras, a petites meules,
mais d'un maniment peinible exercé par les
esclaves.  la planification

La panification etoit aussi en usage chès
eux , mais elle se prattiquoit d'une maniere fort
simple; tout se reduisoit a delaier la farine
dans l'eau pour la convertir en pâte qu'on
reduisoit en gateau plats et minces; après
quoi on posoit ceux ci sur l'atre du feu
en les couvrant de cendres chaudes jus=
ques a ce qu'ils fussent cuits: ce qui don=
noit un pain sec qu'on pouvoit aisement
rompre avec les doigts, d'ou vient qu'il est
parlé si souvent de la fraction du pain.

A l'ordinaire on ne petrissoit et on ne faisoit
cuire le pain qu'au moment ou l'on vouloit
s'en servir  6 mots biffure. On con=
noissoit cependant l'usage du levain 
et celui des fours.  On faisoit
aussi cuire les gateaux sur des grils ou
dans des poëles qu'on tenoit sur le feu. 

On savoit tirer parti du fruit de la vigne pour
en faire du vin  et des graïns fermentés on
en faisoit de la bierre. On conservoit les
liqueurs dans des vases  et
on n'ignoroit pas l'art de faire des provisions et
de les serrer. 

<32> Nourriture appret, utensiles.

La nourriture des anciens peuples orientaux etoit
fort simple. C'etoit du pain et du vin,
ou de la bierre; les liqueurs fortes ne leur
etoient pas connues; du beurre et du
lait  du miel ; des fruits, des legumes.

Le poisson n'etoit pas une nourriture fort
estimée; on la destinoit aux esclaves et
aux journaliers.  On usoit
aussi de volaille.  La venaison
etoit regardée comme un met friand
propre a aiguiser l'appetit.

La nourriture la plus ordinaire etoit la
chair des animaux domestiques, surtout
celle de veau et de chevreau .

On accommodoit les viandes en roti,
en les faisant griller sur des braïses ou
en ragout. Mais dans l'apret on mettoit
peu de raffinement. Pour l'ordinaire
on mangeoit les viandes sans assaison=
nement, seulement on y associoit des
herbes de haut gout.  Le sel
n'etoit gueres emploié que pour les pre=
server de la corruption.

La viande se mangeoit sans etre mor=
tifiée, toute fraichement tuée.  Il est singulier qu'avec cela
on connut l'usage de couper les ani=
maux pour en rendre la chair plus deli=
cate. 

Ce qu'on appelle delicatesse et elegance
de la table, ou l'art d'appreter et de diver=
sifier les mets pour exciter l'appetit des
convives, ne fut que peu ou point connu
de ces anciens peuples comme il l'est en=
cor très peu dans tout l'orient; les 1 mot biffure u=
sages a cet egard, comme a tout autre,
aiant très peu varié chès ces peuples tou=
jours attachés avec constance a tout
ce qui est ancien.

<32v> Tout le luxe de la table consistoit a presen=
ter aux convives beaucoup de nouriture
Gen XXVII9 et la civilité a 3 mots biffure servir celui
qu'on vouloit honorer d'une portion plus
considerable que les autres. 

Les anciens orientaux mangeoient assès 
quand la molesse les eut
gagnés, ils prirent l'usage de manger cou=
chés sur des lits.  On faisoit deux
repas par jour, l'un a midy, l'autre vers
le soir. 

En fait de vaisselle de Table, on emploioit
a l'ordinaire des matieres communes mais
le luxe consistoit en vases d'or et d'argent .

Huile et lumiere artificielle

L'huile, connue des
plus anciens peuples orientaux
fut regardée parmi eux
comme une denrée très precieuse, dont
ils faisoient une grande consommation,
l'emploiant a divers usages inconnus par=
mi nous: ce fut une des branches de com=
merce des plus lucratives pour les Pheni=
ciens qui l'envoioient en occident. L'usage
de l'huile dans les lampes pour s'eclaïrer
de nuit est de la plus haute antiquité Job. 

Vetemens, tissus, etoffes.

Les mêmes peuples
n'ignorerent pas l'usage des peaux pour
le vetement et l'art de les preparer 
mais ils donnerent
la preference au filage, au tissu, aux
etoffes et connurent de tout temps la tiss=
anderie. 

Les matieres du tissu furent le poil de
chevre  la laine des brebis 
avec quoi ils faisoient
la pourpre, l'ecarlate, le cramoisi. 

<33> Ils eurent encor le Schesch (qu'on a traduit
par byssus) dont on faisoit des etoffes a l'usage
des gens de distinction. 
Nos versïons traduisent
du Fin lin, c'etoit vraisemblablement du coton.

Ils eurent aussi du lin  2 mots biffure
mais ils ne connurent ni le chanvre, ni
aucun autre vegetal filamenteux.

De ces materiaux filés, preparés, tissés, ils fai=
soient des voiles, des etoffes, des draps. 
Ils n'ignoroient pas l'art du
foulon pour leur donner de la solidité et une
sorte d'appret, ni celui de les nettoier ou les=
siver dans de l'eau impregnée de cendres et
d'une herbe appellée Borith 
qu'on croit avoir été la soude fort
commune en orient.

L'art du tissu fut porté chès eux jusques a
la finesse, et ils donnoient a leurs etoffes une
sorte de magnificence par la beauté et la varie=
té des couleurs dont ils savoient les revetir. 
Ils savoient teindre
en bleu celeste, en pourpre, en ecarlate, en
cramoisi, en orange, en violet. 
Leur habileté en ce genre s'etendoit
jusques a varier le tissu de couleurs diffe=
rentes et a nuer les etoffes en observant la
degradation. 

C'etoit une sorte de broderie dont les couleurs
n'etoient point tranchées et qui offroit une imita=
tion de la nué des couleurs dans le pluma=
ge des oiseaux  ce en quoi ex=
cellerent surtout les Babyloniens. On
parvint même jusques a introduire dans
le tissu des lames minces d'ort battu au mar=
teau et coupées au ciseau pour relever la
nuance de la broderie. 

Forme des habillemens.

Les anciens orien=
taux ne surent donner a leurs vetemens ni
façon ni graces; en les fabriquant, on avoit
très peu a couper et a coudre: tout se reduisoit
<33v> a une robe ou tunique a manches larges
et sans plis, qui couvroit immediatement
tout le corps, et une espece de manteau d'une
seule piece qui s'attachoit par dessus la tuni=
que avec une agraffe. 
Une forme aussi simple et qui ne changeoit ja=
mais, non plus que la mode, 1 mot biffure permettoit de
faire des habits qui pouvoient convenir a
toutes les tailles; d'ou vient que les riches en
avoient toujours une provision en reserve
dont ils faisoient des presens, ainsi que cela
se prattique encor en orient et même chès
les Turcs. 

On se mettoit peu en peine de la chaussure
qui ne consistoit que dans des sandales
attachées avec des couroyes. 

On ne sait guere quels etoient les ajustemens
particuliers aux femmes: elles faisoient
usage du voile. 

Dans la suite des temps les Babyloniens
ajouterent une tunique de lin qu'ils por=
toient sur la chair et qui descendoit presque aux
pieds: par dessus ils mettoient la robe de laine
et s'envelloppoient encor d'un manteau dont
la couleur etoit ordinairement blanche.

Ils laissoient croitre leurs cheveux et se cou=
vroient la tête d'une toque ou turban.

Pour chaussure, ils avoient une simple seme=
le fort mince et des especes de caleçon ou
de chausses en usage encor aujourdhui
en orient. 

Habïtation.

Les anciens orientaux
n'ignorant pas l'architecture, avoient sans dou=
te, des maisons regulierement construites
selon que l'exigeoient leurs divers besoins et
les soins de leurs bestiaux. On emploia d'a=
bord pour materiaux des briques avec du
bitume en guise de mortier. 
Cela dura pendant qu'on eut
du bois en abondance, ou que le chaud
put suffire pour entretenir les fourneaux. 
<34> On substitua dans la suite, la pierre,
le marbre et le bois.

Dans Les maisons des particuliers ne furent
pas pourvues dans les temps primitifs
de toutes les commodités, les aisances, les
agremens qu'amenerent dans la suite les
progrès des richesses et des arts: ce qui est
frappant c'est qu'on ne connut pas l'usage
des cheminees dans les appartemens et qu'on se chauffoit avec
des brasiers. 

Mais on prit de bonne heure l'idée d'une
sorte de magnificence pour les ouvrages
publics, les palais, les temples, ce dont nous
trouvons une echantillon dans la cons=
truction du Tabernacle 
qui peut etre envisagé tout comme une
imitation tout a la fois d'un temple et d'un
Palaïs a la façon Orientale, et un modele
d'edifice regulier et distingué par sa magni=
ficence.

D'ailleurs ce que nous savons de leurs monu=
mens, en fait de pyramides, d'obelisques, de
colosses, de pierres enormes, elevées a des hau=
teurs surprenantes, nous prouve la patience,
l'activité de ces peuples, beaucoup plus que leur
genie et leur 1 mot biffure habileté dans l'Architecture.

Grace, elegance, proportion, dessin regu=
lier &c. tout cela ne leur fut que peu ou point
connu. Ils ne surent ni faire des voutes, ni
même tailler en ceintres les blocs qui formoient
le dessus de leurs portes: cellesci etoient
terminées uniformement par un linteau
droit et uni. Leurs plafonds n'etoient que
de grandes pierres qui reposoient sur les
murs, et etoient soutenues vers le milieu
par des colonnes. On sait d'ailleurs très
peu quelle fut la forme des maisons,
leur distribution interieure, et comment
les appartemens etoient meublés.

Meubles.

Ils avoient des 1 mot biffure sieges, mais
d'abord en forme de chaises, auxquels succe=
derent <34v> des coussins, des tapis comme c'est
encor l'usage en orient. Les Babyloniens
firent usage 2 mots biffure eurent des tapis de pied, et des housses
pour garnir les sieges. On avoit des lits
pour reposer. 

C'etoient vraisembablement des couchettes
sans courtines ni rideaux. Les appartemens
etoient decorés de beaux vases d'yvoire,
d'airain, enrichis de pierreries. 
On connoissoit aussi l'usage des lambris
et des revetemens de bois artistement travail=
lés, mais non celui des tapisseries, des pein=
tures et des dorures.

Toutes En voiage et lorsqu'il falloit condui=
re les bestiaux, les anciens orientaux se servoient
de tentes ou abris portatifs 
et de charriots pour les transports. 

4 mots biffure Metallurgie. L'art de travailler
les metaux etoit deja repandu en Orient du
temps de Job  on savoit fondre
et purifier l'or pour le faire servir a toutes sor=
tes d'ouvrages
et on scavoit le travailler de toutes sortes de façons 
le battre au marteau, le mouler en fonte
et même le reduire en poudre. 

Les mêmes operations s'executoient aussi sur
l'argent.  L'or et l'argent y abon=
doient  principalement par l'ha=
bileté des negocians Phoeniciens, qui firent
connoitre aussi aux orientaux le plomb
et l'etain  qu'ils surent prepa=
rer et emploier dans plusieurs ouvrages en
metal, en particulier, dans ceux de soudure
composés de differens metaux et ce qu'on a
appelle Damasquinure. Le metal le plus
emploié pour les besoins de la vie fut le cui=
vre ou l'airain. 
Sans doute que l'usage du fer
fut peu moins repandu puisqu'il n'entra point dans
la construction du Tabernacle, ni du Temple
même. Cependant le fer ne fut point inconnu
des anciens peuples. 
 

<35> Moyse parle de la mine et de la fonte du fer
et de non plus que sa fonte
et son usage pour
toutes sortes d'outils 1 mot biffure 

Arts de faste et de luxe. Orfevrerie.
On
sut executer toutes sortes d'utensiles, de vases
d'or et d'argent, d'ornemens et joiaux precieux,
agraffes pendans d'oreille, bracelets, bagues,
anneaux, qui furent communs aux hommes
et aux femmes.  Les anneaux
se portoient sur le doz de la main, soit qu'ils
fussent assès larges pour que la main put
y entrer, soit qu'ils fussent liés a un cordon
qui faisoit le tour de celleci.

Avec les metaux, entr'autres un airain fondu
et poli, on faisoit des miroirs qui sont encor
d'un usage commun en Orient. 

Les orfevres s'occupoient aussi a monter en
or et arranger avec symmetrie des pierres
precieuses, telles que les onyx, les saphirs,
les rubis, les topases, les amethystes &c. 

Le diamant leur fut inconnu. Le gout
pour ce genre d'ornemens fut poussé fort
loin et surtout chès les Babyloniens. 

Gravure et Sculpture.
Les arts du luxe fu=
rent soutenus de bonne heure par le dessin
qui en renferme les principes, ainsi que ceux
de la broderie, et de la gravure des metaux
et des pierres fines  qui Le dessin fut emploié
surtout a la fabrication des cachets et des
sceaux qu'on avoit l'usage de graver sur
le chaton des anneaux 
chacun ainsi portoit avec lui
son sceau; celui des particuliers servoit a
assurer la foi des contrats, le sceau royal
annoncoit le pouvoir supreme. La sculpture
fut aussi fort cultivée, surtout depuis
<35v> l'introduction des idoles qui ne furent que
des images sculptées en metal, en bois ou en pierre. 

Poësie, Musique, danse, festins.

Chès les mêmes peu=
ples on cultiva de toute ancienneté la Poësie 
la musique vocale et instru=
mentale  ou se distinguerent
surtout les Babyloniens. 
La danse y fut aussi fort en usage,
toujours associée a la Musique: l'une et
l'autre accompagnoient les festins d'appa=
rat, celebrés dans certains jours de rejouissance
et a l'occasion de certains evenemens. 
Ces festins et autres
amusemens publics faisoient partie essen=
tielle des fêtes religieuses.

Moeurs

Des les premiers ages, les orientaux
se piquerent d'une grande politesse, entr'au=
très dans les salutatïons 
et envers les etrangers ou voiageurs,
car on leur offroit a ceux ci le couvert, on
prevenoit leurs besoins 
on 2 mots biffure mettoit devant eux ce qu'on avoit de
meilleur, le Maitre les servoit a table 
a leur depart on les reconduisoit en
ceremonie. 

Il y avoit des bienseances de Societé. Les fem=
mes ne mangeoient point avec les hommes 
elles avoient des ap=
partemens separés  elles ne
paroissoient en public qu'avec un voile. 
Les Babylo=
niens s'affranchirent bientot de ces regles;
ches eux elles furent admises aux festins
publics  mais elles eurent tant
plus d'Eunuques pour les surveiller. 

On observoit aussi des bïenseances de Deuil:
on prenoit des habits differens pour l'etoffe
et pour la forme, qu'on appella Sacs , 1 mot biffure du nom
qui designoit les couvertures de toiles gros=
siere <36> pour embalage, parce qu'ils etoient d'une
etoffe grossiere de poil de chevre, d'une couleur
sombre et triste et d'une coupe negligée: il
y avoit des formes affectées aux veuves; elles
otoient aussi le voile. 
Ces memes vetemens grossiers
adoptés par les habitans de la Cilicie furent
appellés cilices, mot dont l'usage a passé
aux moines.

Quant aux bïenseances de condition elles
furent peu connues: Les Maitresses de la
maison vaquoient aux fonctions du menage les
plus serviles 
et les fils de la maison s'occupoient
de la garde des troupeaux: partout on
voioit regner un esprit de simplicité et d'egalité.

Distinctions.

L'inegalité des fortunes
avoit cependant introduit des distinctions
de rang et de professions qui passoient
des Peres aux enfans. Dans les maisons opu=
lentes, il y avoit des serviteurs, et même des
esclaves, des intendans ou maitres d'hotel. 
Mais on ne connoissoit pas les domestiques de
parade, laquais, portiers &c. c'etoient tous
des gens appliqués au profit de la maison,
auxquels on temoignoit des egards, avec
qui on ne se faisoit aucun deshoneur de
manger.  Pour toute distinction
les personnes de marque portoient un baton. 
Mais la fatuité des Babylo=
niens en fit dans la suite autant de petits
Maitres armés d'un baton elegamment fa=
conné.

Vices.

Dans la cour des Rois orientaux,
on donna de bonne heure dans un faste
très brillant pour la magnificence des
palais, des ameublemens, du train et des equi=
pages pour le nombre et les grades des offi=
ciers et courtisans, faste qui a regné au
plus haut degré dans tous les temps. 

<36v> Les peuples temoignerent aussi un gout
decidé pour certains plaisirs raffinés et
recherchés, entreautres pour les senteurs et les
parfums 
genre ou excellerent 2 mots biffure les Baby=
loniens ; surtout pour
la mollesse, qu'ils porterent jusques a
imaginer des lïtieres 
et 1 mot biffure en general pour les voluptés, la dissolu=
tion, l'impudicité 
et tous les vices qui deshonorent
l'humanité 
corruption qui ne fit que croitre et qu'augmenter
dans la suite des ages.
Si leurs moeurs furent plus
simples que les nôtres a certains egards
c'a été un effet des circonstances et du
deffaut de ressources, qui n'ont pu 1 mot biffure naitre
acquises qu'a la longue, et a la faveur
de certains arts, qu'ils ne connurent point
ou très peu. Ils ont eu tout le faste
et le raffinement que leur siecle pouvoit
permettre, mais et cela suffit pour demontrer que
dans aucun temps ils n'ont pu etre plon=
gés dans la barbarie.

Nous pourions encor joindre ici beaucoup
d'observations sur leurs arts liberaux leur
commerce, leur navigation, leur art mili=
taire, leur politique, leur science, et tout
cela serviroit de confirmation a ce que nous
venons de dire: mais nous croions plus con=
venable de renvoier ces observations aux
chapitres relatifs a ces divers objets, par=
ce que les faits qui ont rapport a leurs
origines, seront puisés principalement
dans l'histoire de ces anciens peuples, qui
a tous ces divers egards peuvent etre envi=
sagés comme les premiers Maitres et les
instituteurs de tous les autres.

<37> CAUSES POUR LESQUELLES CES ANCIENS
PEUPLES ONT ETE TOUJOURS CIVILISES.

Quelles sont les causes pour lesquelles ces an=
ciens peuples ont echappé a la barbarie qui
en a envellopé tant d'autres: ce sont
1° l'avantage qu'ils ont eu originairement de
s'arreter et se fixer dans des pays peu eloignés
de la mere-Patrie, 2 lignes biffure favorisés par le climat
et la bonté du sol,

4 lignes biffure sans avoir
essuie sur la route
ni obstacle ni echec
2 lignes biffure pourvus
1 mot biffure d'ailleurs de provisions,
d'equipages, d'ins=
trumens necessai=
res pour former
un nouvel etablis=
sement, sans se
voir contraints de
se separer en petites
troupes &c. 5 lignes biffure
 

2° la facilité qu'ils eurent de conserver dans
son integrité la masse des connoissance, du Langage, et
des procedés en fait d'arts dont l'espece humaine
etoit pourvue, et en travailler eux mêmes sans
interruption a son devellopement 1 mot biffure
par des inventions et des decouvertes nouvelles.

3° l'exercice d'une Agriculture deja perfec=
tionée sur un sol fertile, qui multiplians les
ressources, favorise la population, ce qui dut
reciproquement influer sur les progrès de la
civilisation.

4° le bonheur de pouvoir d'abord se former
en Societés regulieres avec des lois propres a
maintenir l'ordre public, et des forces suffisan=
tes pour repousser l'ennemi qui auroit voulu
le troubler.

5. la 1 mot biffure culture des Sciences et des arts, qui dut
1 mot biffure naitre naturellement de l'abondance
due a l'agriculture perfectionée, parce en ce qu'il
dut se trouver de bonne heure un certain nom=
bre de personnes qui, 1 mot biffure affranchies d'un travail
peinible, purent sortir de la sphere etroite
des pensées ou les premiers besoins ont ailleurs
retenu les hommes pour diriger les efforts de
leur Esprit du coté de l'observation, des arts,
et de la theorie. 3 lignes biffure Un des ces anciens peuples cependant,
sans etre agriculteur, se distingua des premiers
par ses decouvertes et ses lumieres, je veux dire
parler des Phoeniciens; mais il faut attribuer cela
<37v> a leur position qui les forçant a tourner
toutes leurs vües vers le commerce maritime
les mit dans la necessité de cultiver dès les
premiers temps divers arts et diverses scien=
ces dont ils ne pouvoient se passer; ce qu'ils
firent avec d'autant plus de succes que cha=
que cytoien se trouvoit interessé a concou=
rir aux decouvertes qui pouvoient favoriser
le commerce et le bien general de la nation.

CAUSES POUR LESQUELLES LES PROGRES
DES ORIENTAUX ONT ETE LENTS

Malgré tant de circonstances favorables,
plusieurs causes ont contribué a retarder
les progrès des arts, et des sciences et de la politique ches les peu=
ples orientaux qui s'y livroient meme avec le plus
d'ardeur et de constance. 1 mot biffure Ces peuples
pendant longtemps n'ont ne connurent que l'ecri=
ture symbolique, et cela seul suffisoit
pour arreter leurs progrès. 3 mots biffure

L'introduction même de l'Ecriture Alphabe=
tique ne put etre d'abord que d'une foible
utilité faute de matieres flexibles, faciles
a transporter, sur lesquelles ont put ecrire
promtement et aisement de longs discours:
c'etoit moins une Ecriture qu'une gravure
qui demandoit beaucoup de temps, et des
inscriptions sur des matieres dures et pe
santes, qui ne pouvoient pas repandre beau=
coup la lumiere: c'est la une raison très 1 mot biffure
sensible de l'etat d'imperfection ou sont restés
les Sciences ches tous les anciens peuples; et
ce n'est que depuis qu'on a su transcrire
les idées sur du papier, et en multiplier
les copies, que les connoissances humaines
ont pu faire des progres rapides. Il y eut
encor bien d'autres causes de la lenteur
des progrès en fait de sciences que nous
indiquerons dans la III. Section.

<38> CHAPITRE VIII
Comment diverses autres populations colonies
peuplades sorties 4 mots biffure de la
mere-patrie civilisée, ont pu tomber
dans la barbarie et plusieurs y croupir
meme pendant si longtemps
.

LES COLONIES SE SONT TOUJOURS
POUSSEES LES UNES LES AUTRES EN
AVANT.

Autant il est aisé de comprendre comment
certains peuples ont été originairement et sont demeurés
toujours civilisés, autant il est difficile
de concevoir comment des peuplades par=
ties du même lieu, ont pu tomber dans
la plus deplorable barbarie. Essaions
d'eclaircir ce point.

De l'orient sont parties sorties successivement
diverses colonies pour se repandre ça et
la dans tous les alentours et vers les diffe=
rentes parties du globe. Les premieres qui
se seront etablies dans des lieux placés a
une certaine distance du centre commun
de depart, auront été suivies d'autres, qui
les trouvant sur leur passage n'auront eu
d'autre parti a prendre, ou que de les chasser
par la violence, 4 mots biffure et les
forcer a s'avancer plus loin pour leur ceder
la place, ou de traverser elles mêmes, et
passer plus outre dans quelque contrée plus
eloignée. Il est possible que dans quelques plusieurs cas,
elles aient pris le premier de ces partis et quelles
aient reussi: 1 ligne biffure

Le dernier devoit leur paroitre ordinaire=
ment le plus naturel et le plus Sage. Il en
sera arrivé de même aux colonies subse=
quentes, qui auront eu la même option.

Et quelque parti qu'elles aient pris, les
unes et les autres, il demeure toujours
certain que les unes auront poussé les au=
tres toujours en avant, 4 mots biffure
ou les auront forcées de se porter a de beaucoup
<38v> grandes distances, jusques a ce que
les dernieres soient parvenues a certaines
contrées ou leur etablissement se trouvoit
impraticable.

PLUSIEURS AURONT PRIS UNE DIREC=
TION MALHEUREUSE.

Qu'on suppose en effet des colonies jettées au
loin, par le hazard d'une direction malheu=
reuse, dans l'interieur des terres, conduites au
travers de contrées d'un sol limoneux et bour=
beux, couvertes de marais fangeux, ou de
bruieres epaisses, de forets impenetrables, ou
sablonneuses, rocailleuses et 1 mot biffure ari=
des, des pays steriles ou la terre ne leur offroit
que de très chetives productions spontanées
pour leur subsistances et celle de leur bestiaux
qu'ils pouvoient avoir emmenés avec elles,
a quelles affreuses extremités ces colonies
ne durent elles pas se trouver reduites? Trop
avancées dans les terres pour rebrousser
sur leurs pas, qu'elles n'auroient pas même
pu retrouver, ni reprendre sans s'exposer
a la même misere, toujours d'ailleurs soute=
nues par l'esperance de trouver, en avancant
quelque sol plus favorable, elles ne purent
prendre aucun autre parti que de pousser
toujours plus loin de contrée en contrée;
et toujours trompées dans leur attente, plus
elles avancoient, plus la nature sembloit se
montrer a elles, sous un aspect dur et triste,
et devenir toujours plus 1 mot biffure avare de ses pro=
ductions. Voiant enfin evanouir leurs
ressources ces 1 mot biffure peuplades infortu=
nees ne eutrouverent plus aucun expedient pour
lutter contre la misere et la mort, que de
changer continuellement de Station, et de
se diviser en petites troupes ou bandes sepa=
rées, pour se repandre au long et au large,
se disperser ça et la sur une surface tou=
jours plus etendue; 4 mots biffure der=
niere ressource pour obtenir 1 mot biffure ce qui 1 mot biffure 2 mots biffure
en fait d'herbes, de plantes, de
fruits agrestes, 1 mot biffure etoit necessaire au soutien de leur
malheureuse existence.

<39> Voila donc des hommes transplantés, après
des voiages de très long cours, dans des con=
trées absolumens inconnues, reduits a se
diviser en petits detachemens, pour errer
ca et la a l'avanture, sans pouvoir même
convenir d'aucun point de ralliement
pour former quelque nouvelle entreprise;
les voila privés et denués de tout, n'aiant
plus même de quoi couvrir leur nudité,
provisions, equipages, utensiles, tout ce
qu'ils ont pu emporter avec eux, tout est
consumé, ou detruit, ou leur devient inu=
tile par le deffaut de forces reunies
qu'ils ne peuvent deploier dans une posi=
tion qui les force reduit a courir ça et la pour
appaiser leur faim pressante, et a vivre
en quelque sorte tous separés et isolés;

Nul sol propre a la culture ne s'offre a
leurs yeux; aucun 2 mots biffure instrument pour
abattre les forets, extirper les bruieres,
dessecher les marais, faire des defriche=
mens, des semailles, des labours; les voila
reduit enfin a disputer l'herbe, les plantes,
les fruits sauvages aux animaux pa=
turans et aux oiseaux, et pour comble de
malheur, obligés de deffendre leur pro=
pre vie contre les attaques des animaux
feroces et carnaciers.

SUITES DE LEUR POSITION. LA CHUTE
DANS LA BARBARIE.

Quelles impressions dut faire necessairement
sur ces Etres infortunés une situation aussi
deplorable? Livrés a la plus amere douleur,
augmentée par le regret d'avoir echangé
les douceurs de leur sol natal contre tant de
maux et de perils, flottant dans la plus
cruelle incertitude sur leur sort 1 mot biffure,
sans cesse menacés de perdre la vie par la
disette, ou sous la dent de quelque bête feroce,
en proie a la frayeur, et assiegés par des
besoins sans cesse renaissans, ces pauvres
malheureux devinrent, sans doute, autant
<39v> d'hommes frappés, interdits, stupefaits;
et dans cet etat, comment auroient ils pu
encor s'occuper des connoissances ou des pro=
cedés industrieux qu'ils avoient emporté
avec eux! comment auroient ils pu les conserver, ou
plutot en prevenir l'oubli entier, et em=
pecher même que leur Intelligence, denuée
de toute ressource, de tout secours, de tout
loisir pour sa culture, ne tomboit dans
un complet abatardissement?

Sans doute qu'ils furent toujours contrains
d'exercer leur activité pour soulager leur
misere et pourvoir a leurs besoins; mais
a quoi durent ils necessairement la consu=
mer. Acourir sans cesse au travers des
bruieres et des forets pour decouvrir quel=
ques vegetaux ou fruits sauvages, a
declarer la guerre aux poissons et aux oi=
seaux pour en faire leur proie, a dresser
des embuches aux quadrupedes paturans
pour les saisir, se couvrir de leurs 1 mot biffure
depouilles, en manger la chair ou se nou=
rir de leur lait, a se tenïr toujours sur la
deffensive contre les bêtes feroces pour
les tuer ou les eloigner, a chercher des abris
dans les rochers, les cavernes, ou s'en for=
mer dans la terre ou avec des branches d'ar=
bres, pour s'y 3 mots biffure garantir des injures de
l'air et y reposer en sureté, a pourvoir en
un mot, avec des peines infinies et non ïnter=
rompues, a des besoins continuels, 2 mots biffure
1 mot biffure
dont la satisfaction etoit essensielle
au soutien de leur vie, 4 mots biffure
3 mots biffure ces besoins qu'on appelle de pre=
miere necessité, parceque sans leur satisfac=
tion l'homme ne sauroit ni 1 mot biffure jouir
d'aucun repos, ni même subsister.

Toutes les colonies qui eurent le malheur de se
5 mots biffure 1 mot biffure voir exposees a une situation aussi
deplorable, ne purent 2 mots biffure pour lors
diriger leurs pensées et leur activité vers d'autres
objets que ceux qui interessoient essentiellement
<40> la conversation de leur vie animale. Leur
vie ne fut des la necessairement qu'une vie er=
rante, vagabonde, sans aucun but ni
projet, ni esperance determinée. Ces
petites troupes errantes, exposées a se ren=
contrer ne pouvoient gueres eviter d'en venir aux
prises pour se disputer le terrain. Des peu=
plades plus considerables tomboient de même
les unes sur les autres, et les victorieuses for=
coient les autres a se pousser plus avant:
d'ou resultoit un accroissement de peines
et de miseres qui sont incalculables pour
nous. Au sein de tant de fatigues et d'alar=
mes, privés absolument de ce loisir et ce repos, qui ne peu=
vent naitre que de l'abondance et de la paix
qu'auroient ils pu faire pour empecher la
degradation de leur Intelligence et preve=
nir l'oubli de tout ce que la traddition
et l'instruction jusques alors avoient pu lui leur fournir
1 mot biffure de lumieres et de moiens?

Ainsi la masse primitive des connoissances
humaines, transportée deja d'une maniere
assès imparfaite par ces colonies errantes
dans des pays fort eloignés, ou elle s'est trou=
vée comme etrangere, denuée de tout sub=
side, ou instrument, ou moien d'instruction, de
tout les secours 2 mots biffure dont l'usage deman=
de une situation sans inquietude sur
des besoins pressans, et même un concours
d'hommes reunis pour travailler de con=
cert, cette masse de lumieres, 1 mot biffure, par=
mi des hommes disseminés et epars tels
que nous les avons depeint, a du necessairement s'obscurcir et
se degrader, même 1 mot biffure dans un assès court
espace de temps, et ces hommes, oublians
d'une generation a l'autre jusques au sou=
venir de leurs premieres origines, perdant
le fil des idées, des opinions, du Langage,
qu'ils avoient emporté avec eux, bornés
bientot a quelques traces legeres d'une
traddition confuse et vague qui ne
<40v> leur laissoit que des fables pueriles et ïn=
formes, durent necessairement devenir
les tristes jouets de la superstition la plus
vile, et travestir leur Langage primitif
en une foule de jargons aussi grossiers et
bornés que leurs conceptions; d'ou nac=
quit originairement cet etat de grossie=
rete sauvage et barbare, telle que les his=
toriens prophanes l'attribuent aux anciens
peuples, dans leur premiere origine, lors=
quils
nous parlent de leur vie animale
et brute, de leur crasse ignorance sur les
choses les plus simples et les plus communes
et leur denument de toutes celles que nous
jugeons necessaires a la vie, jusques la
que pendant longtemps, ils ignorerent
les proprietés et les usages du feu, ou du
moins les moiens de la produire a volon=
té.

BARBARIE
COMMUNE A TOUS LES PEUPLES PLACES
A UN CERTAIN ELOIGNEMENT DE
L'ORIENT.

Ainsi La Grece, cette Grece qui devint
dans la suite l'admiration et le modele des
nations civilisées, selon le rapport de ses pro=
pres historiens, ne fut d'abord habitée que
par des petites hordes, sans liaison ni
communication entr'elles, qui vivoient de
productions spontanées de la terre et ne
s'occupoient que de la chasse des bêtes fero=
ces. Ces sauvages sans Loix, sans disciplines,
sans chefs, n'aiant pour retraites que des
cavernes, ignoroient tout, jusques aux
arts de premier besoin, aux 1 mot biffure prattiques
les plus essentielles, a l'usage des metaux
et du feu, et ne connoissoient que l'art
de s'entretuer. Les anciens monumens
attestent aussi que l'Italie fut primitive=
ment occupée par des peuples sauvages
au milieu desquels les Etrusques purent
s'affranchir de la barbarie et s'elever
a un certain degré de civilisation.

<41> Les Romains ne furent dans ce pays
la qu'une horde nouvelle qui, par l'ha=
bileté de ses chefs, reussit a former un
etablissement avec les depouilles des
hordes voisines, et parvint peu a peu
a se civiliser par une suite de circons=
tances favorables.

Les anciens habitans de la grande Bre=
tagne, lors de l'invasion des Romains,
avoient beaucoup de ressemblance avec
les Sauvages; ils ignoroient l'Agriculture,
ils peignoient leurs corps, ils se couvroient
de peaux, et errans dans les forets, ils ne
vivoient que de chasse.

Telle fut la barbarie des anciens Scy=
thes, Sarmates, Celtes, Slaves, Germains,
Gaulois et autres peuplades, qui ne fu=
rent dans l'origine que des 1 mot biffure sau=
vages reduits a un instinct grossier
presque semblables en tout aux hordes
sauvages qui existent encor dans
l'Ancien et le Nouveau continent.

Car les voiageurs nous ont appris qu'on
trouvent encor, en divers lieux, des hommes
d'un caractere 1 mot biffure si feroce, qu'ils
n'ont entr'eux aucun commerce et 1 mot biffure
ne cessent de se faire la guerre. Sans
police, sans Loix, sans humanité, ils
n'ont de l'homme que la figure et les appe=
tits grossiers, et pour le reste, ils different
très peu de la brute. Ainsi nous a t'on de=
peint les habitans de la Nouvelle Hollan=
de; ils demeurent en troupes de 20 ou
30, hommes et femmes pele mêle, sans
autre couche que la terre; ils n'ont pour
habit qu'un morceau de corde en
forme de ceinture; leur unique nouri=
ture est le poisson, et ils n'ont d'autre
piege a lui tendre que des reservoirs
construits dans de petits golphes; de
tous les peuples connus, 3 mots biffure il n'en est aucun
qui ait paru a un plus
 
grand eloignement de la civilisation.

<41v> Dou l'on peut conclure que de tous les anciens
peuples qui furent forcés par le malheur
des circonstances, a s'eloigner considerable=
ment de l'orient, et a se repandre sur des
surfaces steriles, 1 mot biffure aucun n'a pu echapper a
l'etat de barbarie, 3 mots biffure et qu'ils n'ont pu même la plu=
part s'en relever que fort tard. 1 mot biffure Ce qui confirme
ce qui a été dit a ce sujet, c'est que plus
les emigrans s'eloignerent de l'orient, le
commun point de depart, plus leur degra=
dation fut sensible, tellequelle 1 mot biffure a
1 mot biffure ete observée ches les peuples les plus recules
du Nord, et les habitans de l'Ameri=
que.

<42> CHAPITRE IX.
Conjectures sur les emigrations parties suc=
cessivement de l'orient.

ANTIQUITE DE CES EMIGRATIONS.

Le silence de Moyse  sur l'origine
des peuples eloignés de l'orient n'empeche
point 1 mot biffure qu'on ne puisse la rapporter a
1 mot biffure une haute antiquité. La multiplica=
tion des hommes en Orient a deu produire
de très bonne heure,
l'emigration successive de diverses colonies
qui concurent l'idée et le projet, sous la
conduite de quelques chefs entreprenans,
de se porter au loin pour chercher de nou=
velles contrées propres a former des eta=
blissemens, et qui en effet se repandirent
toujours plus avant, a mesure que la
necessité les y forcoit, ou que la curiosité
et l'esperance excitoient chès elles le desir
de faire de nouvelles decouvertes par des
voiages de long cours. L'ancienneté
de ces emigrations  se demontrent par les
monumens, et les temoignages des Histo=
riens dans tout ce qu'ils ont dit des anciens
peuples Europeens, Bretons, Gaulois,
Germains, Gètes, Illyriens, Hiberiens, et
de peuples plus anciens encor connus
sous les noms de Scythes, Sarmates,
Slaves, et surtout de Celtes, qui peuplerent
la Grece, l'Italie et l'Europe entiere. Ces
peuplades existoient deja du temps de
Moyse; mais ou les orientaux avoient,
de son temps, perdu le souvenir de ces an=
ciennes colonies, ou ils ignoroient comple=
tement leurs destinées, et si Moyse en fut
instruit, il ne jugea pas a propos de parler
de peuples deja tombés dans la barbarïe,
et qui ne pouvoient figurer avec interet
dans le court tableau qu'il vouloit
tracer des origines des peuples anciens
qui etoient connus de son temps.

<42v> COURS GEOGRAPHIQUE DE CES EMIGRATIONS.

L'histoire ni la traddition ne nous fournis=
sent que peu de lumieres sur le cours geographique de ces
emigrations primitives des colonies d'orient.

Nous comprenons d'abord qu'elles se firent
par terre et non au travers des mers; bar=
rieres trop redoutables pour que des hom=
mes, avec peu d'experience et de secours
en fait de navigation, eussent osé les fran=
chir. Nous comprenons encor que la mar=
che
de ces emigrations aura du etre fort
lente; une troupe d'hommes qui dans leur
route sont occupés a chercher ça et la des
subsistances, a lutter contre les injures de
l'air, les bêtes feroces, les dangers, qui trou=
vent frequemment des obstacles qui les for=
cent a revenïr sur leurs pas, a changer de
directions, sans en avoir même aucune
determinée, une telle troupe ne peut gue=
res avancer chemïn; et si pendant le voiage
la population vient a augmenter, il faut
encor qu'elles se decompose et s'etende en diverses
directions: qui ne voit combien tout cela
apporte de retards, et occasione de pertes
de temps?

Nous comprenons enfin que les colonies
ne se pousserent pas toutes vers le même côté
et ne suivirent pas le même plan de marche:
les unes s'avancerent le long des côtes mari=
times, les autres suivirent le cours des grands
fleuves; d'autres crurent faire mieux en
gagnant l'interieur des terres: chacune
prit la direction que les circonstances pou=
voient lui permettre ou qu'elle choisit de
preference, selon qu'elle en esperoit plus
de ressources ou par la peche, ou par la
chasse, ou par les productions spontanées
ou qu'elles se flattoit d'etre conduite par
la a quelque contrée placée sous un cli=
mat plus avantageux pour former
un etablissement.

<43> CONJECTURES AU SUJET DES ANCIENS
PEUPLES ISSUS DE CES COLONIES.

Entre les diverses colonies qui parvinrent
a des contrées eloignées de la mère-Patrie,
les premieres se dirigerent vers l'orient
qui sembloit leur offrir plus d'attraits,
et de celles ci, les unes se jetterent vers
la mer Caspienne et se repandirent
le long des bords orientaux de cette mer
ainsi que du Palus Meotides; les autres
se repandirent dans les Pays appellés
aujourdhui les Usbecs, du petit et
grand Tibet, de la grande Tartarie, et
penetrerent enfin jusques a l'ocean orien=
tal. C'est de ces 1 mot biffure migrations que
se formerent ces nations comprises an=
ciennement sous le nom de Scythes, qui
ont precedé dans ces Pays les Tartares,
et dela naquirent aussi les Chinois,
qu'on ne sauroit rapporter a une origi=
ne plus ancienne que celle des peuples
Asiatiques plus voisins du centre com=
mun.

D'autres colonies se dirigeant entre l'ori=
ent et le nord, allerent de proche en proche
de contrée en contrée, s'enfoncer dans les
pays qui forment aujourdhui la Siberïe
et la Russie Asiatique. Dela naquit
cette population immense de Sarmates
dont les Slaves firent la principale
partie; ils furent distingués en Sarma=
tes Asiatiques et Sarmates Europeens,
parce qu'une partie penetra jusques
dans l'Europe, et se repandit dans les
pays que nous appellons la Russie Eu=
ropeenne, la Hongrie et la Pologne.

D'autres colonies prirent leur direction
vers le Septentrion, en passant entre
le Pont Euxin et la mer Caspienne, et
traversant les montagnes du Caucase,
qui partagent ces contrées par une ligne
qui va d'occident en orient. Celles qui
<43v> eurent le bonheur de s'arreter et se fixer
dans ces contrées echapperent vraisembla=
blement a la barbarie ou n'en furent que
peu atteintes et s'en releverent bientot.

Mais celles qui franchirent ces barrieres
en s'avancant vers le nord, se virent bien=
tot reduites a vivre de pêche et de chasse et
ne trouverent que peu de ressources de
subsistance, tomberent dans la barbarie
et devinrent toujours plus barbares, a
mesure qu'elles s'avancerent dans des
contrées plus steriles. Jamais elles ne fu=
rent que des hordes sauvages qui tombant
les unes sur les autres, se disputoient le
terrein, en se chassant, ou se meloient et
se confondoient entr'elles. Tels sont encor
les Tartares de la Crimée, les habitans
de l'Ukraine. &c.

On veut cependant que quelques uns de
ces peuples du nord soient sortis par quel=
que heureux evenemens de leur barbarie
et on en donne pour preuve certains mo=
numens qu'on a trouvé dans cette partie
du globe, qui semblent annoncer de la
civilisation, mais on ajoute que de nou=
velles circonstances malheureuses, après
quelques siecles, les firent retomber dans
leur ancienne grossiereté.

Ces anciennes hordes barbares et feroces
mecontentes de leur sort furent la plupart
attirées vers les regions plus temperées
et plus fertiles, et ne cesserent dès lors de
refluer a diverses reprises du Septentrion
au Midy.

Ainsi les anciens Scythes, comme après
eux les Tartares, firent en differens temps
des irruptions extraordinaires vers la
chine, les Indes et la Perse. Les Sarmates
quittant les plages Septentrionales re=
fluerent de même vers le Midy, et l'occi=
dent de l'Europe, qui en recu ses premiers
habitans.

<44> Toutes ces hordes qui aiant fait le cir=
cuit du nord au midy 3 mots biffure de
l'Europe, donnerent naissance aux Getes,
ou Daces, aux Illyriens, aux Thraces,
ainsi que touses ces 1 mot biffure peuples anciens2 lettres biffure
appellés2 lettres biffées Germains, Gaulois, Bretons,
Hyberiens, Rhasiens, et aux peuplades
qui se fixerent dans la Grece et dans
l'Italie: toutes ces 2 mots biffure hordes ont ete com=
prises 2 mots biffure sous le nom gene=
ral de Celtes anciens.

Pour passer d'orient en Europe, les
colonies n'eurent que deux chemins
l'un par le detroit de l'Hellespont, l'autre
par les pays qui sont au nord du Pont
Euxin et de la mer Caspienne.

Des peuples nombreux deja canton=
nés dans l'Asie mineure et heureusement
echappés a la barbarïe, n'auront pas
été naturellement disposé a hazarder
le passage du detroit sur des radeaux,
canots, pyrogues &c. pour 1 mot biffure se trans=
planter dans une contrée inconnue
qu'ils n'auroient pu voir de près. Si quel=
que cause les eut sollicité au depla=
cement, il eut été plus naturel de 1 mot biffure
prendre leur route sur terre, et de
traverser les contrées qui ne leur offroient
rien d'attraiant, pour ne s'arreter que la
ou la beauté et la fertilité du sol pou=
voit leur offrir quelque chose de plus
flatteur a leurs esperances.

Rien n'empeche cependant que nous
ne supposions comme une chose vraisem=
blable et conforme a l'histoire de l'ancienne
Grece, qu'un certain nombre d'avantu=
riers ambitieux et inquiets auront de
bonne heure tenté le passage du Detroit,
et se seront ensuite repandus le long des
côtes de la Thrace ou de la Grece, et quel
aura été leur sort? Ils auront trouvé
dans ces contrées des montagnes et des
forets, des plaines resserrées, plusieurs
<44v> inondees, des bruieres, des marais, et
très peu de paturages. Ils se seront vus re=
duits aux ressources de la chasse, de la
pêche, des productions spontanées et forcés
par la de se separer en petites hordes vaga=
bondes; d'ou sera inevitablement resulté
cette barbarie attribuée aux premiers habi=
tans de la Grece, et c'est la l'epoque a la=
quelle il faut remonter pour trouver les
premieres origines de la nation et de la
Langue des Grecs. Tels furent ces premiers
1 mot biffure Grecs chès qui aborderent dans la ensuite les
Phoeniciens et les Egyptiens, qui contri=
buerent a les policer.

Mais les principales emigrations, a coup
sur, se seront faites par le Nord ou les
peuplades sans cesse poussées par d'autres
peuplades, trouvoient toujours devant
elles de nouvelles terres a occuper.

Après avoir depassé la Mer noire, elles
se seront repandues entre le Tanaïs et le
Boristhene, et dela se seront avancées
vers le Danube, gagnant toujours vers
le Midy, lorsqu'elles ne trouvoient point
d'obstacles, ne se repliant vers le nord
quelorsque des difficultés de passages
ou certaines circonstances les y forcoient
ou que la curiosité les y entrainoit pour
faïre de nouvelles decouvertes.

Les peuplades qui s'avancerent vers le
Midy, trouvant un pays toujours plus
fertile, des paturages plus abondans,
1 mot biffure, joignirent a la chasse et la peche,
la ressource de la bergerie, mais continue=
rent a mener une vie errante, et indepen=
dante, ne respirant que les combats.

D'autres forcées par les circonstances de
tourner vers le nord, et vers l'occident
ne rencontrant plus que des pays resserrés
entre des mers, separés d'ailleurs par des
barrieres difficiles a franchir, ces peuplades
<45> se seront trouvées a la fin dans l'impos=
sibilité de continuer leur vie errante,
et chacune entourée d'autres de tous les
côtés, ne pouvant plus suffire a ses besoins
par les ressources precedentes, aura été con=
trainte de se fixer et cantoner sur un sol,
1 mot biffure pour s'occuper de sa culture. Telle a été
l'origine de ces nations anciennes con=
nues sous les noms de Germains et de
Gaulois qui ont ensuite peuplé la grande
Bretagne et l'Hyberie ou l'Espagne.

Les peuplades Celtes posterieures qui cherchant
des contrées plus heureuses et s'avancant
du nord au Midy, traverserent le Da=
nube, ces peuplades s'engagerent dans
les gorges des montanges qui sont entre
l'Hellespont et la mer Egée a l'orient et
la mer Adriatique a l'occident; elles
s'avancerent et se repandirent successi=
vement dans les pays compris aujour=
dhui sous la Turquie Asiatique.

Ainsi ceux les Celtes qui se tïnrent entre le Da=
nube et la Mer Egée furent appellés les
Thraces en general: mais ce nom devint
particulier dans la suite a ceux qui
habitoient au midy du mont Hemus,
tandis que ceux qui habitoient au
nord du mont, furent connus des
Romains sous le nom de Getes et
des Grecs sous celui de Daces ou Me=
siens: tous furent compris sous celui
de Scythes d'Europe.

La contrée située au midy des Tharces
et des Getes, peuplée par les Thraces,
fut appellée 1 mot biffure la Macedoine.

Ainsi se peuplerent de hordes Celtes
la Dardanie, l'Illyrie, la Dalmatie
la Grece Illyrique, l'Epire, l'Athamanie,
la Thessalie, enfin la Grece proprement dite
<45v> comprenant l'Acarnanie, l'Etolie, la
Locride, la Phocide, la Boetie, l'Attique
la Megaridie, enfin le Peloponnese ou l'on
distinguoit l'Achaie, l'Elide, la Messenie
la Laconie, l'Argolide, l'Arcadie.

Les Celtes furent vraisemblablement les
premiers peuples qui aborderent en Italie.

Leur vie vagabonde, la curiosité, leur ar=
deur pour la chasse, durent naturellement
les attirer vers les Alpes, et les inviter a s'en=
foncer dans leurs defilés etroits pour pene=
trer au dela. Differentes hordes purent y
penetrer a la fois ou successivement, les unes
du côté de l'Illyrie, en cotoiant le golphe
Adriatique, les autres par les gorges du
Dauphiné et de la Provence, les troisiemes
en s'enfoncant dans les defilés des Alpes
qui separent l'Italie de la Suisse et du
1 mot biffure et des Grisons. Ces bandes durent
naturellement s'etendre a droite et a gauche
de l'Apennin qui traverse l'Italie dans sa
longueur. Les Celtes qui entrerent vraisem=
blablement les premiers depuis l'Illyrie
par les gorges du Tirol et s'avancerent entre
l'Apennin et la mer Adriatique, jusques
a la pointe meridionale de l'Italie furent
appellés Sicules. Ceux qui vinrent ensuite
par les gorges du Dauphiné et de la Pro=
vence et s'etablirent entre le Tibre et le
Po, furent appelles Ombriens; mais on
distingua les Ombriens proprement dits,
habitans de l'Apennin, et les Ombriens
placés entre les Alpes et la mer, a l'occi=
dent de l'Italie. Ceux enfin qui arrive=
rent depuis la Pannonie, la Norique et
la Rhetie au travers des defilés des Alpes,
et s'etendirent le long du Tibre, entre la
mer et l'Apennin, furent appellés Abori=
genes. Ces derniers habiterent d'abord les
<46> montagnes, apparemment parce que les
plaines etoient encor marecageuses; ils
enleverent aux Sicules un district qui
fut ensuite appellé Latium, d'ou ils pri=
rent le nom de Latins.

Apres les Celtes, arriverent successivement
en Italie des Illyriens, ensuite des Grecs
sous le nom d'Arcadiens et de Pelasges, melés
peut etre avec des Illyriens, qui se joignant
aux anciens habitans, leur communique=
rent quantité de rites et d'usages de la Grece
et des expressions de leur Langue; les divini=
tés les plus anciennes de l'Italie furent en
effet communes aux Etrusques et aux
Grecs, qui soutinrent toujours entr'eux une
correspondance très etroite, et ce fut de la
que les habitans de l'Italie crurent qu'ils
etoient une colonie originaire primitive=
ment de la Grece.

La population, par cet abord d'etrangers,
devenant toujours plus nombreuse, les
Sicules pressés et forcés d'abandonner
leur terrein, s'embarquerent enfin sur
des radeaux pour gagner l'Isle située
au midy, qu'ils trouverent inhabitée
et a laquelle on a donné pour cela le nom
de Sicile. Ce qui acheva de chasser entie=
rement les Sicules, ce fut l'arrivée des peu=
ples voisins appellés Rhasi, Rhatsi, Rheti 3 mots biffure 1 mot biffure
autrement Tusci; Etrusci
Tyrrheni
 , habitans dans les Alpes
même, d'ou leur contrée fut appellée
Rhetia. Ces peuples fondant des Alpes
sur les Ombriens, firent refluer ceuxci
vers le midy, ou ils se jetterent a leur tour
sur les Aborigenes, lesquels forcerent
les Sicules a abandonner entierement
leur terrein.

Ce fut pendant que les Etrusques s'etablis=
soient ainsi en Italie, et se civilisoient
par les arts, que des colonies Grecques
peut etre melees avec quelques unes
<46v> d'orient vinrent fonder en Italie des Re=
publiques puissantes sur ces meme côtes
que les Sicules avoient abandonnées. Les
Grecs y aborderent meme en si grand
nombre, que ce pays la fut appellé
la Grande Grece.

On ne peut disconvenir de la haute anti=
quité des Slaves, Slavons, Esclavons, peupla=
de immense connue des Grecs et des Romains
sous differens noms, et qui pouvoient etre en=
cor fort differens de ceux que les differentes
branches de cette peuplade se donnoient les unes
aux autres pour se distinguer. Quelques
auteurs ont voulu prouver cette antiquité
par le rapport de la Langue Russe avec les
mots primitifs de la Langue des anciens peu=
ples du Latium, d'ou 1 mot biffure ils en ont meme conclu que
ceux ci etoient une colonie de Slaves et non de
4 mots biffure Celtes comme nous lavons dit, mais de Slaves ou Esclavons.

On trouve disentils dans la Langue Russe et dans
la Langue du Latium des expressions com=
munes aux deux, qui sont precisement de
ces mots primitifs qui doivent se trouver
chès tous les peuples des quils commancent
a se former un Langage, et qu'un peu=
ple barbare n'emprunte jamais d'un peuple
policé avec qui il entre en commerce,
a moins qu'il n'en adopte toute la Langue
en entier, comme les vainqueurs de l'Ita=
lie et des Gaules adopterent complettement
la Langue 5 mots biffure
2 lignes biffure des Romains qu'ils avoient
soumis.

Or on ne peut pas dire des Slaves quils
que pendant le sejour qu'ils ont fait dans
l'empire Romain pour le ravager, ils aient
jamais adopté la Langue latine, puis que
leur Langue n'a rien de commun avec celle
ci que ces mots primitifs qui ont été en
usage parmi 1 mot biffure eux de toute ancienneté;
<47> car il se trouve des certains mots Latins dans les Langues
Esclavonnes pour exprimer des idées qui n'ap=
partiennent qu'a des peuples policés, ces mots
n'y ont ete adoptés que depuis leur com=
merce avec ces peuples et n'appartiennent
pas au fond de leur Langue.

On ne peut pas dire non plus supposer
qu'un peuple deja policé ait porté le pre=
mier le Langue des Slaves en Italie, puis
qu'il y auroit porté quelque chose de plus
que des mots primitifs, et qu'il seroit d'ail=
leurs inconcevable que les Latins n'eussent
conservé que ces premiers Elemens, et
eussent perdu entierement tout ce qui
tenoit a la Langue perfectionnée.

Il faut donc, concluentils, remonter
ici jusques aux temps primitifs ou les premiers
besoins firent naitre un commancement
de Langage, et ce sera deja a cette epoque
très ancienne qu'une horde Slave aura
penetré en Italie. Quelque long qu'on
suppose qu'ait eté ce voiage, leur langage
n'aura pris aucune perfection dans le
trajet; ainsi la langue Latine n'aura
herité de la langue Slave que ces premiers
mots qui en auront fait le fond, que la
colonie aura enrichi dans la suite.

A cela nous repondons 1° que les Slaves et
les Celtes aiant une origine commune,
leurs langues auront eu necessairement
bien des primitifs communs, qui seront
venus en Italie par les Celtes; 2° qu'il est
bien plus vraisemblable que l'Italie a été
peuplée par ceuxci repandus dans tous
les pays circonvoisins; 3° que dans un temps
ou les hordes errantes se chassoient l'une l'au=
tre ou se meloient, il est possible que des
detachemens de Celtes et de Slaves aient
penetré ensemble en Italie qui a pu etre
comme un centre commun ou les hordes
se rendoient de differens lieux et en differens
temps.

<47v> RAPPORTS ENTRE LES NATIONS TOMBEES
DANS LA BARBARIE

De quelque maniere que se soient faites
ces emigrations, sur lesquelles nous ne pou=
vons offrir que des conjectures, il est un fait
general très certain; c'est que quelques chan=
gemens que les opinions, les usages et le
Langage aient pu subir chès ces anciennes
peuplades, lorsqu'il leur sera arrivé, ou de
se separer en diverses hordes isolées, ou de
se meler et se confondre les unes avec les
autres, ces changemens auront été, pour
le fond, peu considerables, et n'auront point
introduit entr'elles de grandes differences
nationales, ni haté chès elles les progrès
vers la civilisation, qui aura été presque
partout extremement lente. Dela ces rap=
ports frappans que les Romains trouvoient
entre les Germains et, les Gaulois, et qui leur
furent communs avec les Bretons, les Ibe=
riens, les Thraces, les Getes &c. et autres na=
tions qui ont eu la même langue et tiré
leur origine commune des Celtes.

Il n'est pas moins certain que toutes ces
colonies parties d'une mere-Patrie civilisation
ont toutes eprouvé une degradation prodi=
gieuse et sont tombées dans une barbarie
toute pareille a celles des hordes Sauvages
qui existent de nos jours.

FAITS DIVERS QUI VIENNENT A L'APPUI
DE TOUT CE QUI A ETE DIT.

Tout ce qui a été dit explique suffisamment
comment cela a pu se faire, et nous pouvons
les concevoir encor mieux a l'aide d'une supposition toute
simple. Supposons qu'une centaine de per=
sonnes tant hommes que femmes, sorties
d'un pays policé, soient jettées par la tempe=
te dans une isle deserte, et contraintes de
s'y fixer sans pouvoir esperer aucun secours
<48> pour former un etablissement, il est evi=
dent que les besoins dont elles seront acca=
blées et la necessité urgente d'y pourvoir,
les forceront de s'occuper sans relache
des expediens grossiers que leur position
pourra leur offrir, et qu'ils auront bien=
tot oublié ou eux, ou leurs enfans, tout
Ce que la leur memoire avoit pu conserver
des connoissances, des usages, des ex=
pressions de leur pays natal; D'ailleurs
se voiant sans chef, sans Loi, sans disci=
pline, chacun livré a sa propre pensée,
ils seront incapables de former aucun
lien de societé, et reduits a vivre isolés
et errans par pelotons, ce qui amenera
inevitablement une degradation totale
et une profonde barbarie.

C'est ce dont les voiageurs modernes
nous ont fourni des preuves de fait
dans divers exemples d'hommes poussés
par quelque hazard singulier dans des
isles desertes ou de vastes regions inha=
bitées, lesquels après avoir été forcés
d'y rester, ont laissé une populatïon
qui est devenue, en assès peu de temps,
une race d'hommes sauvages et ressem=
blans aux bêtes brutes. C'est ainsi qu'on
a trouvé dans l'isle de Ceylon des
hommes appelles Bedas, d'un blanc
pâle, avec des cheveux roux, qui se
tiennent tellement cachés dans des bois
les plus epais au nord est de l'Isle, qu'on
a beaucoup de peine a les decouvrir,
toujours disposés a prendre la fuite
des qu'ils voient un Etre vivant. Ces
Bedas, ainsi que les Kacrelas de l'Isle
de Java, les Albinois du midy de l'A=
frique, les Dundos de Loango, parois=
sent etre tous descendus d'hommes et
de femmes de l'Europe, jettés autrefois,
par quelque naufrage et abandonnés
sur les côtes de ces Isles, ou egarés par quel=
que hazard dans ces pays incultes, et que
<48v> la frayeur ou des betes feroces ou des na=
turels du pays, ou d'autres hommes qui
y seront arrivés dans la suite, aura reduit
a se tenir cachés dans des lieux ecartés
ou deserts, ou leurs descendans auront
fixé leur demeure, pour ne plus sortir
de leurs repaires que vers le soir et du=
rant la nuit, par 1 mot biffure ou ils seront devenus Sau=
vages au plus haut degré; qui sait même
si ce n'est pas aussi le cas des Negres blancs
avec qui les noirs sont perpetuellement
en guerre? Et pourquoi 1 mot biffure chercher
ailleurs 1 mot biffure les causes de la barbarie
ou tomberent les colonies parties de
l'orient, reduites de la même 1 mot biffure maniere
a se disperser, ou disseminer dans des
pays aussi steriles que les isles inhabitées
et les deserts!

<49> CHAPITRE X.
Population du nouveau monde

HORDES DU NOUVEAU CONTINENT ORI=
GINAIRES DE L'ANCIEN.

Ce que nous avons dit suffit pour expliquer
la barbarie qui subsiste encor dans di=
vers cantons de l'Asie, de l'Afrique et au voi=
sinage des deux poles, mais aussi celle
qu'on a trouvée parmi les habitans du
nouveau continent, qui ne sont qu'une race
d'hommes venus originairement de l'an=
cien continent et même dans des temps
posterieurs a ceux que nous appellons
primitifs. Nous fondons nôtre assertion
independamment de l'autorité de l'Ecriture,
sur une observation dont les consequences
sont manifestes.

C'est que, pendant que dans l'ancien continent
on trouve des differences nationales très con=
siderables, le nouveau continent ne nous
offre presque qu'une seule race d'hommes, qui,
sont basanés ou rougeatres et couleur de
cuivre, et a qui lors de la decouverte de l'Amerique,
se sont trouves tous, a la reserve des Mexicains
et des Peruviens, egalement eloignés de la
civilisation, et aiant a peu près tous, le
même tour d'Esprit, les mêmes opinions, les
mêmes usages, la même façon de se gou=
verner; cette uniformité des peuplades
dispersées sur un continent aussi vaste,
ne semble telle pas annoncer clairement
d'un coté, une origine commune de quel=
que nation de l'ancien continent, qui a
pu y envoier plusieurs colonies, que leur
genre de vie a forcé a se repandre assès
promtement sur cette immense surface;
de l'autre côté, une origine si peu ancien=
ne que les causes naturelles, qui produi=
sent a la longue les differences nationales,
n'ont pu deploier leur efficace assès longtemps
pour en operer de bien marquées sur ces
<49v> peuplades qui par la ont conservé jusques aux der=
niers temps les rapports sensibles qui 1 mot biffure
caracterisent une communauté de race
qui a été la et de tige 5 mots biffure primitive.

Je conviens qu'une moins grande varieté
dans la temperature des climats a pu con=
tribuer, jusques a un certain point, a main=
tenir, pendant quelque temps, les caracteres
d'uniformité entre ces peuples hordes; mais cette
cause physique, jointe a celle du deffaut
de secours pour sortir de la barbarie, ce qui 1 mot biffure a
du naturellement maintenir plus longtemps
cette uniformité, ces deux causes reunies
n'auroient pu prevenir l'introductïon de
plus grandes differences nationales, si l'origi=
ne de ces peuples etoit aussi ancienne que
celle des peuples de notre continent, qui, quoique
la plupart se soient aussi trouvés plongés
dans la barbarie, n'ont pas laissé de nous
offrir des differences beaucoup plus mar=
quées et sensibles.

COMMENT A PU SE FAIRE L'EMIGRA=
TION D'UN CONTINENT A L'AUTRE

Pour concevoir comment les hommes
du nouveau continent sont sortis de l'an=
cien, on peut faire diverses suppositions.

Il n'est pas impossible que des navigateurs
entreprenans, tels que les Phoeniciens, les
Carthaginois, qui ont plus d'une fois pene=
tré dans l'ocean par le detroit de Gades et
navigé le long des côtes d'Afrique, dans
quelque voiage de long cours, accompa=
gnés de leurs femmes, n'aient été poussés
par quelque gros temps sur les côtes de l'A=
merique les plus avancées, et dans cette
supposition, on comprend aisement que
le delabrement des vaisseaux, le deffaut
de subsistances, de moiens pour rentrepren=
dre le trajet, les auront forcés d'y rester et
d'y chercher des ressources, et que leurs
<50> descendans seront tombés dans la barbarie
par une suite des mêmes causes que nous
avons ci devant presentées. Leur abor=
dage forcé n'a rien qui doive nous
surprendre plus que ce qui, au rapport
de Pline, arriva a des Indiens qui, pous=
ses par des accidens de navigation, furent
jettés sur les côtes de la Germanie; il n'est
pas même aussi surprenant que le sort
des vaisseaux Europeens destinés pour les
Indes orientales, que malgré leur savan=
te manoeuvre, ont été forcés plus d'une
fois par les vents contraires, de diriger
sur le Bresil, ou ils sont arrivés en peu
de jours.

Il n'y a même aucun inconvenient a
supposer que des particuliers ambitieux
ou curieux, ou chassés de leur pays, des
avanturiers, aient hazardés une navi=
gation incertaine, comme la osé faire
dès lors Colomb, et soient arrivés ino=
pinement ou au continent, ou a
quelque archipel, qui, dans ce temps la
pouvoit faciliter le passage d'un conti=
nent a l'autre, mais qui dès lors a été
abysmé sous les eaux.

1 ligne biffure Ne pourroit il pas meme y avoir eu
dans les temps anciens, quelque Isthme,
qu'une catastrophe a pu detruire dès=
lors, qui unit les deux continents, et
comment même, sans cette supposition,
expliquer ce nombre considerable d'es=
peces d'animaux, qui leur sont communes
et qui doivent avoir passé 2 mots biffure du vieux continent en
Amerique, parce qu'elles semblent etre dans
cette derniere des especes etrangeres et de=
generées. 5 lignes biffure

<50v> Quelques savans ont cru que l'Amerique
a recu ses habitans 4 mots biffure,
des anciens Norvegiens, de tous temps na=
vigateurs, qui dirigeant leur course du
côté de l'Islande et du Groenland, 1 mot biffure vers
les environs de l'Ecosse et des Orcades, ou
ils exerceoient le pillage, auront pu etre
jettés par de gros temps sur les côtes orien=
tales de l'Amerique Septentrionale, et leurs
conjectures a cet egard sont appuiées sur des
caracteres de conformité observés entre les
hordes sauvages du Septentrïon de l'Europe
et les Esquimaux de l'Amerique, pour
la taille, la maniere de vivre, les usages
et même le Langage. 1 mot biffure Il est vrai que cette origine
ne peut gueres convenir aux habitans de l'Ame=
rique entiere, qui different a tant d'egards
des Esquimaux.

L'opinion la plus acreditée de nos jours
suppose que l'Amerique s'est peuplée prin=
cipalement par le Nord ouest, et elle est
appuiée des decouvertes modernes sur la
facilité de la communication entre le
Nord-est de l'Asie et le Nord-ouest de
l'Amerique placé dans le vis a vis. Selon
les relations de Cook, il conste que la
Californie, courant le plus souvent
Nord ouest, se rapproche a son extre=
mité de la pointe la plus Orientale de
l'ancien continent, de maniere a former
un detroit 5 mots biffure très resserré.
1 ligne biffure

Les decouvertes des Russes dans le Nord
Est du Kamschatkta nous apprennent
aussi qu'il y a dans ces plages mari=
times divers Archipels d'Isles habitées
par des nations sauvages, qui ont beau=
coup d'analogie avec les 1 mot biffure peuples
de la côte orientale de l'Amerique.

<51> Qu'on se rappelle ici la haute antiquité
de la nation Chinoise, et des la même de
celles qui sont situées au Nord de la Chine,
et on comprendra que dès les temps an=
ciens, il a pu en partir des hordes qui ont
peuplé le Kamschakta, et successivement
de proche en proche les dïvers Archipels
voisins, d'ou les habitans les plus a portée,
auront pu passer successivement en Ame=
rique, s'y etendre et se multiplier même
d'autant plus rapidement qu'ils avan=
coient chaque jour vers des climats plus
temperés. On sait d'ailleurs que des hor=
des errantes, vivans de chasse et de pêche,
sont reduites a s'avancer sans cesse, et
meme forcées de gagner chemin pour
faire place a de nouvelles hordes qui
les chassent devant elles, souvent même
d'abandonner a celles ci des climats
doux, temperés, feconds en ressources, pour
aller plus avant occuper des pays plus
froids et plus steriles. Il n'en faut pas
d'avantage pour nous expliquer com=
ment des hordes sorties du Nordest de
l'Europe ont pu, dans un espace de temps
peutetre pas long, occuper toute l'Ame=
rique Septentrionale, dela passer dans
les Isles, et dans la partie Meridionale,
et ainsi successivement jusques aux
terres Magellaniques.

Cette succession de hordes a pu deriver
de plusieurs pays voisins du Kamschatka,
comme de la Tartarie, de la Chine,
du Japon, et de tous ces peuples qui ont
d'ailleurs des ressemblances marquées pour
la taille, les traits et la couleur.

Seulement doiton conclure de l'etat de
<51v> barbarie ou l'on a trouvé les habitans de
l'Amerique, excepté les Peruviens et les Mexi=
cains, de ce denuement de tous les arts, même
de ceux qui dans nôtre continent semblent
etre de la plus haute antiquité, il faut
conclure, disje ou que l'Amerique ait recu
ses habitans de quelque nation de nôtre
continent grossiere et sauvage, ou que
les premiers colons se soient trouvés dans
des circonstances si malheureuses qu'ils
soient tombés en peu de temps dans
la barbarie la plus deplorable. 2 mots biffure
1 ligne biffure

<52> CHAPITRE XI.
Idees sur la maniere dont les peuplades
tombées dans la barbarie ont pu se relever
de cet etat.

CAUSES DIVERSES DU RELEVEMENT DE
LA BARBARIE.

Ainsi les peuplades emigrantes sont tom=
bées dans un etat de grossiereté et de bar=
barie, peut etre plus ou moins profonde, et
qui a subsisté pour chacune plus ou moins
longtemps, jusques a ce que les progrès de
leur misere les aient reveillé en quelque
sorte de leur stupeur, ou que des hazards
heureux, des hommes rares par leurs talens,
instruits par l'observation et l'experience, des
courses et des voiages, leur aient ouvert
les yeux sur les remedes convenables au
malheur de leur situation.

Ces peuplades Les disgraces de cette situa=
tion toujours incertaine et flottante, des
besoins sans cesse renaissans, des dangers
toujours menaçans, sans aucune perspec=
tive assurée de moiens pour satïsfaire
aux uns, et pour prevenir les autres,
auront enfin frappé vivement leur
Esprit, reveillé leur courage, excité leur
activité, et produit un nouveau devellope=
ment de leurs facultés naturelles jusques
la engourdies et 1 mot biffure presque abruties.

Les progrès de la populatïon et l'insuffi=
sance toujours plus sensible des productions
spontanées de la terre, aura fortement
excité leur attentïon, 3 mots biffure
qu'elle pouvoit 2 mots biffure, et les aura
disposés a observer la nature et toutes les
operations quelle 1 mot biffure soumettoit sans
cesse a leurs regards et a leur imitation.

Un peu d'experience leur aura appris
tout le parti qu'ils pouvoient tirer de
ses productions et de ses Leçons;
<52v> ils auront pris quelque idée de la bergerie,
ils auront hazardé quelques foibles essais
d'une culture grossiere et imparfaite; leurs
premiers succes auront redoublé leur ac=
tivité: ils auront compris la possibilité de
perfectioner et augmenter les productions de
la terre par l'industrie, le travail, les precau=
tions, et même d'arriver a 1 mot biffure des produits suffi=
sans pour fournir l'alimentation a un
grand nombre d'hommes reunis.

Alors les hommes seront revenus aux heu=
reux liens d'une societé conjugale permanente,
d'une vie domestique reguliere, qui au=
ra amené le concert et le concours des tra=
vaux.

Alors les familles dispersées, comprenant
tous les avantages qu'elles pourroient retirer
de la reunion de plusieurs pour s'entraider
mutuellement dans leurs besoïns et leurs
entreprises, auront naturellement formé
des associations, ou Societés imparfaites qui
auront beaucoup contribué a leur donner
des idées d'ordre et de devoir, a favoriser
le devellopement de leur raison et de leur
industrie, jusques a ce qu'enfin le perfec=
tionement de l'Agriculture amenant celui
des arts mechaniques, favorisant les
fruits du talent, ces societés se soient trans=
formées en Societés regulieres plus ou moins
policées pour la Legislation, le gouver=
nement et les moeurs.

Ainsi l'etat de barbarie aura duré plus ou
moins longtemps, selon qu'elles auront eu
plus ou moins de circonstances favorables
pour 4 mots biffure se tirer de cet abrutissement ou
de cette stupidité qui n'etoit qu'accidentelle a l'espece
humaïne, et revenir a cette vie d'Intelli=
gence qui a toujours eté et sera toujours
l'appanage de sa nature.

<53> LES UNES Y SONT TOUJOURS RESTEES
PLONGEES

Quelques unes, a tous egards disgraciées, par
la rigueur du climat et la sterilité du sol,
par la tenuité de leurs ressources, par leur
eloignement d'autres nations favorisées, et
l'impossibilité de lier avec cellesci aucun
commerce, par leur denument de tout se=
cours pour l'instruction, et le maintien de l'or=
dre public, par leur asservissement a un
certain nombre d'opinions d'idées fausses, supers=
tisieuses, ou d'usages absurdes, qu'ils trans=
mirents constamment d'une generation a
l'autre, de telles peuplades sont demeurées
plongées dans leur ancienne barbarie,
sans avoir fait jusques ici le moindre progrès
vers la civilisation; on peut mettre dans ce
rang diverses certaines hordes de Tartares, les Samo=
cides, les Lappons, les Groenlandois, les Ostia=
ques, en Afrique, les Hottentots, les Cafres
les Negres, et enfin les Sauvages actuels de l'Amerï=
que.

LES AUTRES N'EN SONT SORTIES QUE FORT
TARD.

D'autres, qui ont su de bonne heure s'occuper
du gouvernement des bestiaux, 1 mot biffure ont pu
echapper a la grossiereté stupide ou sont tom=
bées et restées les precedentes, mais n'aient pas su ou
voulu s'appliquer a la culture ni se cantonner
en corps de communautés 5 mots biffure;
elles n'ont jamais été que des hordes dispersées non
civilisées, et 1 mot biffure celle qui ont pu sortir de cette situation,
n'en sont sorties qu'après bien des siecles, par des evenemens
heureux, a la suite de certaines revolutions,
qui les ont fait entrer en commerce avec les
nations policées. Tels furent les anciens
Celtes, les Thraces, Illyriens, Germains, &c.

Que fut l'ancienne Hyberie? le partage de
100 nations eparses que les Phoeniciens n'a=
voient jamais pu civiliser, ni engager a
<53v> a se reunir en corps pour se deffendre.

Qu'etoient les Gaules lorsqueles Romains
y entrerent? une contrée divisée en 60
nations isolées, dont aucune 1 mot écriture ne
pouvoit resister a ces conquerans. Que
fut l'Italie pendant plusieurs siecles? Un
ramas de colonies etrangeres, encor bar=
bares, toujours en guerre les unes avec
les autres.

DAUTRES SE SONT CIVILISEES ASSES RA=
PIDEMENT.

Il s'est trouvé des nations tombées dans la
barbarie plus heureuses que les preceden=
tes, qui, favorisées par le climat et le sol,
eclairées et dirigées par des hommes pleins de
genie et de zele pour acquerir des lumieres
et les tourner au profit de leur patrie; qui,
1 mot biffure aiant pris le sage parti de s'appliquer
a la culture avec regle, se sont assurés
de bonne heure des ressources abondantes
pour leur entretien, et du loïsir pour devel=
loper leur Intelligence et leur industrie
par la prattique des arts. De telles peupla=
des ont pu sans doute, sortir de la bar=
barie longtemps avant toutes les autres,
principalement des qu'elles ont compris
la necessité de se reunir en communautés
et en corps de confederés.

C'est ce qui est arrivé aux anciens Grecs qui
firent d'eux mêmes les plus grands efforts
pour se policer, et principalement pour
se former de bonne heure en Societés re=
gulieres. Il est vrai qu'ils purent se lier
dès les temps anciens avec les peuples po=
licés de l'Asie mineure qui n'en etoient
pas eloignés, les Troiens, les Phrygiens,
les Lydiens, et ce fut de ceux ci qu'avant
la fameuse guerre de Troie, ils avoient
pris deja des idées de divers arts relatifs
a la medecine, l'Agriculture, la Metallur=
gie, comme le supposent Homere et
Hesiode.

<54> 2 mots biffure MAIS NE SE SONT ELEVES
A UN CERTAIN DEGRE DE CIVILISATION
QU'EN RENOUANT COMMERCE AVEC L'ORIENT

Cela n'empecha point que les Grecs ne
demeurassent encor longtemps dans une
grossiere simplicité, jusques a l'arrivée de
quelques avanturiers Egyptiens et ensui=
te des Phoeniciens, qui travaillerent a
addoucir leurs moeurs 2 mots biffure
1 ligne biffure
leur apprirent
a se former en
societes regulieres,
a perfectioner leur
Agriculture qui
netoit encor que
ebauchee
 ,
et qui portant chès eux leurs arts et leurs
Lettres, leur inspirerent le gout de la
Poësie et du chant. On a observé même
que les Grecs ne s'adonnerent a la politi=
que, au commerce, a la navigation, a
l'Astronomie, 2 mots biffure, qu'après qu'ils
eurent eux mêmes fait connoissance
par des voiages avec l'Egypte et la Cour
de Perse. Sans doute que ce peuple meri=
te les plus grandes eloges pour avoir porté
a un si haut degré les decouvertes, dont
les orientaux lui ont fait part, et
ce merite compense bien celui de la pre=
miere invention: mais il n'en est pas
moins vrai que la rapidité de ses progrès
vers la civilisation fut due, en grande
partie, aux nations policées avec lesquelles
il put entrer de très bonne heure en com=
merce.

On peut faire les memes remarques sur
les anciens peuples d'Italie, les Etrusques,
les Romains &c. et on doit observer qu'en
general, chès les peuples sortis de la gros=
siere barbarie par leurs efforts et a la
faveur des circonstances, les progrès
furent d'abord très foibles et très lents,
et qu'ils ne s'eleverent a un certain degre
de civilisation que lorsqu'ils se trouve=
rent a portée de renouer commerce avec
l'Orient, le premier berceau du genre
humain, qui possedoit de temps imme=
morial <54v> ce que la nature et l'art avoient
pu fournir aux hommes de plus in=
teressant, en fait de connoissances et de
prattiques, et qui malgré les ravages des
invasions, n'a pas laissé de conserver
encor pendant une longue suite de siecles,
tout l'attïrail des arts de Luxe, et n'a per=
du sa superiorité sur les autres parties
du globe, que dans dès temps posterieurs
ou la manie des conquetes ramena des
hordes d'occidentaux en Asie.

Qu'on suive les progrès des divers peu=
ples vers la civilisation, il faudra tou=
jours en revenir a l'Orient comme a
la premiere Source. Les peuples du
Nord ne se sont formés en societés regu=
lieres que depuis qu'ils ont abordé dans
les Gaules et dans l'Italie; les Gaulois et
les Francs ont été redevables de leur
police aux Romains; ceuxci avoïent
tire d'Athenes leurs Loix, leur Litteratu=
re, leurs arts de luxe et de magnifi=
cence. La Grece elle même tira de l'Orient le fond
de ses connoissances et de ses arts de
l'Orient
, qu'elle sut ensuite perfectioner
et embellir.

Qu'ont été encor dans l'origine les nations
de l'Europe aujourdhui les plus civili=
sées? des peuples demi barbares, qui
n'avoient fait que peu de progrès dans
les arts, jusques au temps ou la plus
affreuse superstition les conduisit dans
l'Orient, d'ou ils les apporterent en Europe
avec le gout du luxe ce qui dès lors a pro=
duit 5 mots biffure
 3 mots biffure chès eux 1 mot biffure ce haut
2 mots biffure degre de civilisation que les orientaux admi=
rent aujourdhui.
La Russie seule, après avoir
ete civilisée, jusques a un certain point,
pendant un certain temps, ou elle com=
merca avec les Grecs de Constantinople,
est retombée de nouveau dans une gros=
siere <55> simplicité, après avoir subi le joug
des Tartares, et elle n'a commancé a s'en
relever que depuis un Siecle par son com=
merce avec les nations de l'Europe.

COMBIEN IL IMPORTE DE CONNOITRE
LA MANIERE DONT LES PEUPLADES SE
SONT RELEVEES DE LA BARBARIE.

34 lignes biffure
Les recherches que
nous pouvons faire
sur l'histoire des peu=
ples de tout temps ci=
vilisés ne nous offrent
que peu de lumieres
sur les premieres ori=
gines des institutions
humaines et sur
cette progression qui
accompagne tout
ce qui tient au devel=
lopement de l'Esprit
humain et fait de
decouvertes et de
procedes industri=
eux.
 

Si donc nous voulons
obtenir quelques
connoissances inte=
ressantes sur ce

qui est important
6 lignes biffure
nous devons donc
les chercher dans
des observations
sur la marche
qu'ont suivies natu=
rellement ces na=
tions qui se sont
relevées de la bar=
barie ou elles etoient
tombees, pour sele=
ver
a un etat de
civilisation.
6 lignes biffure
 

<55v> Ce que nous allons
dire ne regarde
absolument que
ces dernieres, et ici
en ceci, nous ne nous
ecarterons point
des explications
que nous donnent
ceux qui pretendent
faussement
 
3 lignes biffure que toute l'espece
humaine ait été originairement et par
la nature même
, plongée dans un etat
de grossiereté sauvage et de barbarie;
car partout nous supposons comme eux, a l'egard
des nations que nous avons en vüe, que
les affaires humaines ont eu toutes un
commancement grossier et foible, et
des accroissemens successifs et lents,que
les nations les plus distinguées n'ont ete
dans l'origine que de foibles peuplades,
qui ont passé par l'imbecilité de l'en=
fance, avant que de s'elever a l'age mur,
et par gradation, a leur plus haut point
de grandeur. Mais pour connoitre
bïen ces destinées successives, il faudra
premierement s'instruire des circonstances
ou se sont trouvées les peuplades emigran=
tes, et juger par la de ce qu'elles auront
naturellement pu et du faire pour se
relever de la barbarie. C'est ce qui va
nous occuper.

<56> CHAPITRE XII.
Etat primitif de la plupart des contrées de
nôtre globe, tel que durent le trouver les
colonies parties de l'orient qui s'y repan=
dirent.

ETAT PRIMITIF DU GLOBE.

Si nous voulons concevoir la situation ou
se trouverent les premieres colonies repan=
dues sur le globe, et quels furent leurs premiers
debuts pour pourvoir a leurs besoins pressans,
formons nous d'abord quelque idée juste de
l'etat naturel ou ce globe devoit se trouver,
du moins dans la plus grande partie de sa
surface, et dans les contrées, qui, jusques
a l'arrivée des colonies, n'avaient été ni habi=
tées ni cultivées par des hommes. Cet etat
primitif dut naturellement etre le même, ou
a peu près, que celui ou s'est trouvé generale=
ment le nouveau continent habité par des
Sauvages dont il n'avoit reçu aucune cul=
ture; le même qu'on trouve encor aujourdhui
dans les pays inhabités ou incultes de la
haute Asie, la Tartarie, la Siberie, et qu'il
etoit autrefois dans la Sarmatie Asiati=
que et Europeene, dans l'ancienne Germa=
nie, selon le rapport des anciens historiens,
qui en ont parlé comme de pays entierement
couverts d'eaux stagnantes et de forets.

Suivant cela, voici le spectacle que devoit
offrir la plus grande partie de ce globe.

La surface  presantoit des elevations et des
bas fonds, des collines et des vallées, des eaux
d'espace en espace, les unes courantes, et la
plupart stagnantes, en beaucoup plus gran=
de quantité que ce que nous en voions au=
jourdhui.

Tous les terreins bas, detrempés par les eaux
qui s'y rendoient des hauteurs, devoient etre
selon les divers niveaux, ou des sols fort
humides et limoneux, ou de vases, marais ,
<56v> ou des Lacs  d'une grande etendue, dont les
eaux retenues dans leurs bassins par mille obs=
tacles, des collines resserrées, des rochers entasses,
des bruieres et des forets qui leur fermoient
le passage, n'avoient que peu decoulement,
et 1 mot biffurecouvoient une surface immense depour=
vue de productions propres a la nourriture
des animaux terrestres; Aujourdhui il y a
moins de maraïs en Asie et en Afrique qu'en
Europe, mais l'Amerique n'est pour ainsi di=
re qu'un marais continu: preuve que ce con=
tinent a ete habité plus tard, que le nôtre, et
que l'Europe n'a été habitée qu'après l'Asie
et l'Afrique.

Sur le penchant des collines, le terrain moins
detrempé, plus echauffé par le soleil, plus
impregné de sels volatils, propres a la ve=
getation, 1 mot biffure 6 mots biffure
1 mot biffure devoit etre tout couvert de ronces  de
brousailles epaisses, fortement enracinées
et entrecoupées d'herbes propres au patu=
rage, mais en trop petite quantité pour
fournir une alimentation abondante, et
favoriser beaucoup la multiplication des es=
peces paturantes ou herbivores. Ce terrain
produisoit aussi des arbustres et des arbres 
portant des fruits sauvages propres a la
nouriture des especes frugivores, mais dont
les productions ne pouvoient pas non plus fournir
des ressources fort abondantes.

Les terres plus elevées, les montagnes de moi=
enne hauteur, ou la nature productrice
pouvoit deploier une activité plus libre et plus
efficace, offroient partout des plantes vigou=
reuses, des arbres de haute futaye , des
forets epaisses et touffues, ou la lumiere du
jour pouvoit a peine penetrer; spectacle que
les montagnes presentent encor a nos yeux
dans les endroits ou les hommes n'ont pas detruit
les forets pour augmenter les paturages.

<57> Au plus haut et sur les montagnes les plus
elevees, se montroient des rochers  et des pics 
escarpés, menacans et d'un accès difficille,
quelques fois même impratticables aux
quadrupedes les plus legers a la course.

CE QUE LE GLOBE OFFROIT D'ESPECES
ANIMEES

Toutes ces diverses parties de la surface du
globe furent indubitablement peuplées
d'animaux avant que d'être habitées par des
hommes. Les terres humides et marecageuses
fourmilloient d'insectes  et de reptiles  de toute
espece. Les marais et les Lacs abondoient
en poissons, en animaux aquatiques, am=
phibies  et même en volatiles  qui se plai=
sent dans les eaux. Les collines  etoient la
demeure favorite des animaux paturans,
herbivores et frugivores, d'un naturel
doux et paisible quoique sauvages et
non encor apprivoisés. Les Forets furent
toujours le repaire des animaux carna=
ciers et feroces, ennemis de toutes les autres
especes, toujours prets a fondre des hau=
teurs sur le quadrupede paturant.

Les cimes  elevées des montagnes devin=
rent naturellement le refuge des animaux
sauvages mais timides, a qui la nature
semble semble avoir donné pour deffen=
se, la legereté de leur course et leur agilité
pour se derober aux poursuites des ani=
maux carnaciers. Les oiseaux en=
fin habitans nés des airs, trouverent
toujours dans leur facilité a parcourir
rapidement de vastes regions, un moïen
infaillible de pourvoir a leur sureté et de
trouver leur nouriture dans toute espece
de lieux.

<57v> LOIX QUE DE LEUR MULTIPLICATION.

Dans tous les temps, l'instinct des animaux
fut sujet a deux Loix, l'une la conservation
de l'Individu, l'autre la conservation de l'es=
pece (Anthrop. S. 1. C. IX) . Selon cette dernïere
Loi, le nombre des Individus de chaque espece
devoit augmenter sans cesse progressivement,
mais par la plus sage des dispensations, les
progrès de cette augmentation qui devien=
droit excessive et funeste, sont plus ou
moins arretes par la premiere Loi, selon
laquelle les Individus d'une espece servent
de nouriture ou a ceux de la même, ou
a ceux d'une espece differente, qui les saisis=
sent, par force ou par embuche, pour
en faire leur proie, et le soutien de leur
substance. Le reptile se nourrit de l'insec=
te; l'aquatile et le volatile se nourissent
de l'un et de l'autre: les especes aquatiques se
devorent les unes les autres: les oiseaux
de proie fondent sur les autres volatiles.

Les quadrupedes carnaciers declarent une
guerre continuelle au quadrupede 1 mot biffure
paturant et paisible, qui n'a ni la force
ni le courage de lui resister, ni l'agilité
dont il auroit besoin pour se derober
a ses poursuites: ses productions sont aussi
sans cesse exposées a perir sous la dent de
cet ennemi redoutable.

Dela il est aisé de comprendre que dans les
contrees ou il n'y avoit point encor d'hommes,
les diverses especes ne suivirent pas les mêmes
proportions ou Loix de multiplication, aux=
quelles elles ont été soumises dans les contrées
habitées et cultivées. La Loi generale est
que la population est proportionnelle a la facili=
té de trouver des subsistances, et a la tranquili=
te dont l'espece jouit de la part des especes enne=
mies qui tirent leur entretien de sa destruc=
tion (Anthropol. ibid.) .

<58> Suivant cela, les insectes et les reptiles dont
la multiplication est prodigieuse dans des
pays cultivés, durent multiplier bien plus
encor dans des terres humides, detrempées,
et pendant qu'ils eurent un ennemi redou=
table de moins, l'espece humaine. Cela se
confirme par le recit des voiageurs sur
la quantité effraiante qu'on en trouve dans
les contrées de l'Amerique cultivées depuis
peu, et d'autres climats peu habités. Il
est donc certain que depuis que les hommes
ont peuplé la terre, la race des insectes et
des reptiles ne s'est point accrue comme
auparavant, et qu'elle a même considera=
blement diminuée par les soins qu'ils ont
pris pour les detruire.

Dans le temps ou il y avoit une si grande
abondance d'insectes et de reptiles, qui
2 mots biffure servent de nourriture aux pois=
soins, et qu'il n'existoit encor point de
pecheur, toutes les mers, tous les Lacs,
durent 1 mot biffure contenir une abondance
prodigieuse d'especes aquatiques; et on
ne sauroit douter que ce n'ait été la
la ressource fondamentale des premiers
hommes pour leur subsistance, et il
est apparent que des lors leur multiplication
dès lors n'est pas allé 3 mots biffure
qu'en augmentant.

Les volatiles carnaciers ou oiseaux de
proie durent augmenter progressivement
pendant qu'ils n'eurent rien a craindre des
hommes, et qu'ils purent fondre tout a leur
aise sur les cadavres des champs, sur le
poisson et sur le gibier foible et paisible;
Il sembleroit de la que celui ci auroit du
etre exposé a une entiere destruction; mais
ses productions furent toujours très nom=
breuses, et il put chercher son salut dans
des abris secrets; d'ailleurs il n'etoit pas
<58v> encor affaibli par le chasseur, son ennemi
le plus redoutable. Ainsi on peut dire que
par l'arrivée des hommes, la race des oiseaux
de proie est allée en diminuant, apropor=
tion qu'ils ont perdu de leurs ressources de
butin, et que la poursuite du chasseur
a été plus ardente: mais le gibier  aussi pour=
suivi avec acharnement, par celui ci y
a 1 mot biffure autant perdu que gagné.

Quant aux animaux  carnaciers  et feroces,
leur population dut etre progressive et devenir
très nombreuse, n'aiant aucun ennemi
a2 mots biffure redouter, triomphant toujours
de ceux dont ils vouloient faire 1 mot biffure leur proie, et
trouvant partout une nourriture abon=
dante. Depuis que la terre a été habitée
par les hommes, ceux ci en ont considera=
blement diminué le nombre par le massacre,
et prevenu la population en les forcant
a se retirer dans des lieux qui leur four=
nissoient beaucoup moins de subsistances
qu'ils n'avoient auparavant.

Les animaux legers a la course pou=
voient echapper a la poursuite des precedens,
en cherchant des abris sur les cimes des ro=
chers, mais leur population ne pouvoit
jamais devenir 1 mot biffure considerable, faute
des subsistances et parce qu'ils n'osoient des=
cendre de leurs retraites, pour en venir cher=
cher dans les plaines, a cause des animaux
carnaciers qui leur couroient sus de tous
côtés. 1 mot biffure A l'arrivée des hommes,
ils ont gagné d'un côté par la diminution
du nombre de leurs ennemis, mais ils ont
perdu de l'autre par les poursuites acharnées
ce de cette nouvelle race ennemie, pire
que toutes les autres.

Point d'espece dont les progrès durent etre
plus lents que celle des animaux paturans 
et frugivores , soit parce que les subsistances
pour elle ne se trouvoient qu'en modique
<59> quantité, soit parce qu'il perissoit un grand
nombre de ces animaux doux et paisibles
sous la griffe et la dent meurtriere des
animaux carnaciers, dont la population
alloit en croissant. Pris une fois sous
la protection et la garde 2 mots biffure
de l'homme, leur population est devenue
toujours plus considerable par ses soins
industrieux.

EMPIRE DES ANIMAUX.

Ainsi dans toutes les contrées ou il n'y avoit
encor point d'hommes, les oiseaux de
proïe, l'aigle, le vautour &c. les quadru=
pedes carnaciers et feroces, le Lion, le Tigre,
le Leopard, l'ours, le loup, l'hyenne,
reunissant contre les autres especes la
force, le courage et l'adresse, devinrent
les maitres de la terre, en partagerent l'em=
pire et dominerent avec d'autant plus de
facilité, que leurs especes, pourvues de
subsistances abondantes, durent se mul=
tiplier en progression et porter la terreur
parmi tous les autres 1 mot biffure animaux si l'on en excepte
quelques unes redoutables par leur gran=
deur, leur force, leurs armes naturelles
et leur reunion pour la deffense com=
mune, tellque l'Elephant, le Rhinoce=
ros, le Buffle, le Daim, l'Elan, le
Caribou &c. Envaïn les autres especes
tentoient elles de former des reunions
pour repousser de concert l'ennemi for=
midable, a son approche le foible et timi=
de troupeau etoit bientot dispersé; les
individus epars cherchoient leur salut
dans la fuite, ou dans des cavernes,
des defilés etroits, &c. Partout les bêtes
feroces porterent la desolation, pendant
qu'elles ignorerent la puissance superieure
de l'espece humaine, et sans l'homme, laeur
population des autres especes declinant chaque jour eut
été finalement aneantie. Il etoit temps
<59v> que le vrai maitre de la terre parut; des
qu'il s'est montré, il a repris l'empire sur
toutes les autres especes, auquel la na=
ture l'avoit primitivement destiné.

Ce tableau que nous venons de faire
est trop naturel, trop conforme a l'his=
toire et aux recits des voiageurs sur les
contrées desertes et inhabitées, pour qu'on
puisse le traiter d'Imaginaire et de Ro=
manesque. Voions qu'elle fut enconse=
quence la situation des colonies repan=
dues sur la surface du globe.

<60> CHAPITRE XIII
De la situation ou durent se trouver la
plupart des colonies, et ce qu'elles firent
pour pourvoir a leurs premiers besoins;
premierement celui de la nouriture: ori=
gines de la pêche, de la chasse, de la ber=
gerie.

Qu'on COLONIE FAVORISEES PAR LE
SORT.

Qu'on se represente maintenant diverses
colonies, plus ou moins nombreuses, qui
partent a la fois, ou successivement de la
mere-patrie pour former au loin de nou=
veaux etablissemens. Elles suivent dif=
ferentes directions, sans avoir neanmoins
de connoissance très precise sur la diver=
site des climats, des sols, et toutes dans
l'espoir de ne pas manquer de ressources
pour leurs besoins. Quelques unes sont
conduites, par un heureux hazard dans
des contrées moins peuplées d'animaux
malfaisans, moins herissées de bruieres et
de forets, moins humides 1 mot biffure ou les produc=
tions spontanées etoient assès abondantes
pour pourvoir a leur entretien et dont
le sol paroissoit susceptible d'une culture
aisée et fructueuse, comme devoient etre
celles qui se trouvoient voisines des fleuves
ou sous un bon climat, ces colonïes arri=
vant dans de telles contrées, n'auront du
assurement eprouver qu'une bien legere
atteïnte de barbarie, et auront pu se procurer
bientot de des ressources suffisantes pour
pourvoir a leurs besoins et assès d'objets
pour develloper leur industrie.

COLONIES DISGRACIEES.

D'autres colonies, en plus grand nombre,
furent très disgraciées par le sort qui les
conduisit dans des contrées non seulement
peu favorisees par le climat et le sol,
<60v> mais encor qui se trouvoient peuplées d'ani=
maux feroces ou d'especes mal faisantes, cou=
vertes ou de bruieres epaisses, ou de marais,
depourvues de productions spontanées et
n'offrant aucun espoir de succès par pour la cul=
ture, ou il 2 mots biffure etoit impossible aux
hommes de subsister sans se separer en petites
bandes vagabondes, uniquement occupées
de ce qui pouvoit soulager leur deplorable
1 mot biffure misere; il est manifeste partout ce qui a
été dit que ces peuplades durent tomber
dans la plus grande degradation et la
plus affreuse barbarie, dont il elles ne purent
sortir qu'avec beaucoup de peine et de
temps.

RESSOURCES QUI RESTOIENT.

Mais quelque atteïnte qu'eut reçu chès
3 mots biffure chès eux, la vie d'Intelligence, ne nous
la representons point comme tellement
eteïnte et aneantie, que ces hommes soient
devenus en tout point semblables aux
animaux brutes, marchant a quatre
pieds et broutant l'herbe des champs.

Ces hommes, ou pour dire mieux, leurs
descendans, (car dans le sein même de
la misere, ils ne cesserent d'obeir aux Loix
de l'instinct) revenus a la fin de leur etat
de stupefaction, ainsi que des mouve=
mens de desespoir et de frayeur dont
leurs Peres furent agités, commancerent
a faire quelque usage de leurs facultés
naturelles pour aviser aux moiens de
remedïer a leur 1 mot biffure denuement et de se procurer des
ressources. L'homme, en effet, a ne le con=
siderer que comme animal, a toujours
été le même; il a eu toujours les mêmes
besoins essentiels et
toujours il a deu trouver aussi
dans sa constitution naturelle et dans son
instinct des moiens pour pourvoir a ses be=
soins essentiels, comme tous les animaux en ont pour
pourvoir aux leurs. Comme animal,
il a même toujours eu des prerogatives
qui lui ont valu la superiorité sur
<61> les autres especes, et comme Etre Intelli=
gent, dans quelque etat de barbarie ou
il ait pu accidentellement etre tombé,
il a toujours eu en lui même une ressource
pour s'en relever des qu'il s'est trouvé favo=
risé par les circonstances, ou excité par
quelque ressort puissant.

QUELS BESOINS ONT REVEILLE L'INDUS=
TRIE DES HOMMES.

4 lignes biffure

Jusques ici nous
devons les supposer les hommes reduits a une vie er=
rante, vagabonde sans societé domestique, sans
liens de communauté, occupés uni=
quement de leur Individu et de la
conservation de leur vie. Quel fut ce
1 mot biffure donc ce 2 mots biffure ressort dont l'in=
fluence 1 mot biffure fut le premier 1 mot biffure aiguillon
de leur activité et de leur industrie pour
sortir de la barbarie?

Ce fut sans doute les besoins de premiere necessité.
1. le besoin de se nourrir qui donna nais=
sance a la pêche, la chasse, et la bergerie.
2. celui de se vetir.
3. celui de se menager des abris pour se
garantir des ïnjures de l'air, pour y
reposer en sureté, serrer leurs provi=
sions et y retirer leurs bestiaux.
4. celui de se deffendre eux et leurs trou=
peaux contre les attaques des bêtes fe=
roces, et de subjuguer des anïmaux
encor sauvages, pour les apprivoiser et
les faire servir a leurs usages.
5. celui de satisfaire a l'instinct qui
sollicite les deux sexes a s'unir pour
perpetuer l'espece; duquel naquirent
celui de former deux besoins dont
la satisfaction contribua le plus a ra=
mener les hommes de la barbarie; le
premier celui de de s'unir en Societé
<61v> conjugale et domestique; le second celui de
former des communautés pour s'entraider
dans leur deffense commune et augmen=
ter leurs Ressources.

BESOIN DE LA NOURITURE.

Le premier et le plus pressant besoin de l'hom=
me fut celui de se nourir. Sa constitution
naturelle lui fut d'une bien grande 1 mot biffure 1 mot biffure
secours lorsqu'il se vit denué et errant dans des con=
trées incultes. La plupart des animaux ne
peuvent se nourrir que d'une seule espece d'ali=
mens que l'instinct leur apprend a chercher
ou elle se trouve, et dela vient que leur
demeure est fixée a certains lieux. Mais
l'homme peut se nourrir dans tous les cli=
mats et dans tous les lieux, parcequ'il s'ac=
ommode de tout ce qui peut etre maché et
digeré, et que sa constitution même deman=
de qu'il associe, quand il le peut, toutes
sortes d'alimens; il est par ïnstinct herbi=
vore, frugivore et carnivore, mais il peut
se contenter aussi, quand il le faut, d'une
seule espece de nouriture et même en
modique quantité.

Il est des peuples, comme les Banianes
dans les Indes, qui par principe, ne mangent
rien de tout ce qui a eu vie et craignent même
de tuer aucun insecte. Les autres peuples
mangent de la chair; ils vivent surtout de
fruits, de legumes, de racines, de graines, de
miel, de lait. La plupart 2 mots biffure usent
principalement d'une nouriture, les uns de
manioc, les autres de millet et de ris, d'au=
tres de bled de Turquie, les peuples bergers
font leur nourriture fondamentale du lait
et de ce qu'ils savent en extraire: d'autres peu=
ples moins favorisés par le sol, ne vivent que
de poissons, de moules, de petoncles. On en
a vu se nourir de certaïns insectes, de chenil=
les, de sauterelles, que les Africains, certaines
<62> hordes de l'Asie et les Arabes, mangent encor,
dit on, comme une sorte de friandise. On
en trouve même a qui tout est bon, reptiles
serpens, rats &c. Il en est qui se contentent
d'herbes, de plantes, de rameaux naissans
ou bourgeons des arbres. Les habitans de
l'isle de Paques ne vivent que de patates,
ignames, et des cannes a sucre, prises en
très petite ration, et avec cela, ils jouissent
d'une parfaite santé. Ceux de la nouvelle
Espagne ne mangent que du maïs, et une
espece de aricot. Dans la haute Egypte on
ne vit que de dates.

Ainsi l'homme seul peut se nourir de tout
ce qui se presente: mais il aïme aussi
lorsqu'il le peut, mettre de la varieté dans
ses alimens: il deploie volontiers son in=
dustrie pour se procurer diverses produc=
tions et en former un melange, un assor=
timent de mets, qu'il se plait a voir devant
lui lorsque l'epuisement et l'appetit
l'invitent a prendre son repas.

CE QUE LES HOMMES FIRENT POUR Y
POURVOIR. PREMIERS ALIMENS. LES
VEGETAUX ET LES FRUITS.

Ainsi les premieres hordes errantes furent
d'abord reduites a se nourir d'herbes, de
legumes , de racines, de fruits sauvages,
et autres productions spontanées. Selon
les historiens, les premiers habitans de la
Grece vecurent principalement de glands ;
ce qu'il faut entendre de quelque espece distinguée
qui approche, pour le gout et la saveur,
de la chataigne, ou peut etre de divers gen=
res de fruits  a coque , tels que ceux du hetre
du noïer, du chataigner. D'anciens auteurs
nous parlent de peuples de leur temps, qui
n'avoient pas d'autre nouriture, et certains
encor que les tribus sauvages vivent de
pareilles productions que le sol leur
fournit sans culture.

<62v> Mais ces productions peu nourissantes recueil=
lies avec peine, mangées sans appret, ne pou=
voient gueres suffire a leur appetit et leur
oter toute idée d'exercer leur activité pour s'en
procurer de plus nourrissantes, plus flatteuses
pour le gout, et plus abondantes.

Sans doute qu'ils se saisirent des insectes
des reptiles qu'il purent rencontrer ainsi que
des productions aquatiques qui se trouvoient
sur les bord de la mer et des eaux, moules,
petoncles, ecrevisses &c. A quoi il faut
joindre le miel  sauvage qu'ils trouvoient
dans des troncs d'arbres et en abondance.

LES POISSONS. LA PECHE.

Avides sans doute de quelque aliment plus
nourissant et plus delicat, ils s'approcherent
des eaux courantes, des marais, des Lacs,
pour saisir le poisson  qui y abondoit et
qui leur offroit une nouriture si douce et
si salutaire.

Ils commancerent a lui tendre des embuches
près des bords en l'attirant dans des fossés creu=
sés a dessein, et ou il aime a s'engager, ou en
lui presentant le crochet  caché sous une a=
morce trompeuse, ainsi que cela est prattiqué
parmi les Sauvages qui se servent d'hame=
çons  de bois, ou d'arretes, lorsqu'ils n'en ont
point de fer.

Mais aiant observé que les bords n'etoient pas
le rendès vous des plus gros poissons, ils prirent
l'idée de s'avancer sur la surface des eaux,
au moien de quelque matiere surnageante
propre a les soutenïr; ce qui put devenir pour eux la
premiere origine de la navigation.

<63> Des morceaux de bois flottans sur l'eau leur
fïrent bientot naitre l'idée d'en reunir un
certain nombre par des liens pour obtenir
un plancher mobile sur la surface de cet
Element. Les premiers essais se firent avec
des branches d'arbres 3 mots biffure
1 mot biffure ou des roseaux entrelacés 1 mot biffure
2 mots biffure des plantes ajustées les unes sur les
autres, 4 mots biffure liées et assujeties par des
matieres soupples et flexibles; peut etre
s'avisa ton de les renduire par de quelque
argile, impenetrable a l'eau: Dela sera né
le radeau , auquel l'experience aussi ap=
pris a donner une forme allongée et ter=
minée en pointe pour faciliter le mouve=
ment, et cela aura produit le bateau.

Mais les branchages entrelacés pouvoient
facilement se desunir: cela conduisit
naturellement a chercher quelque construc=
tion plus solide, plus a l'abri d'accident;
on s'avisa d'excaver un vieux tronc d'ar=
bre avec quelque instrument penetrant ou
tranchant, de pierre aiguisée, ou de quelqu'au=
tre matiere dure, et par la on obtint un
vaisseaux creux capable de contenir des
hommes et de resister a l'eau. Dela l'ori=
gine des canots  en usage chès les sau=
vages et même chès des nations sorties
de la barbarie.

Dès que l'usage du feu fut connu, on fa=
briqua ces canots de bon bois; par le moien
de cet element adroitement dirigé dans
son interieur, pour l'excaver comme cela
se prattique encor. Chès les Sauvages, et
a cause de cette construction les Europe=
ens les ont appellés pyrogues , de 2 mots biffure
feu
: quelques uns veulent cependant
que le nom soit d'origine Indienne.

<63v> A l'aide de ces secours, les hommes s'avan=
cerent sur les eaux pour tendre aux pois=
sons des embuches plus efficaces, et faire
des captures plus abondantes.

INSTRUMENS DE PECHE. FIL. CORDES.
FILETS. HARPONS.

Aucune industrie plus ancienne et plus
generale que celle qui consiste a tirer par=
ti de toutes les matieres souples et flexibles
telles que les boiaux des animaux, et sur=
tout des aquatiques, que les Sauvages ont
l'adresse de subdïviser en fils très minces, après
les avoir fait secher a l'air, ou les filamens
nerveux tirés de diverses especes animales
2 mots biffure les fines ecorces  des plantes et des
arbres, pour les reduire en fila4 lettres biffuresses, en=
suite les lier, les tordre, entrelacer et en
former des tissus longitudinaux, pro=
pres a serrer, lier, attacher, porter et trai=
ner des fardeaux, et autres usages indis=
pensables aux besoins de la vie humaine.

De la sont venus les fils , la fiscelle , les
cordons, cordes , cordages, &c.

Tels sont les materiaux avec 1 mot biffure lesquels on a
fait des cordeaux ou lignes  a pêcher
a l'hameçon: mais on aura bïentot com=
pris qu'au moyen de plusieurs cordons
entrelacés solidement, et noués avec art
on pouvoit dresser des embuches très pro=
pres a la capture du poisson nageant au
fond des eaux, soit en l'envellopant de tous
côtés, soit en le resserrant dans des poches
soit en l'attirant dans des nances , 1 mot biffure
1 ligne biffure
<64> ou suivant d'autres methodes en usage chès les Sauvages
pour la peche au filet , dans laquelle ils excel=
lent; a quoi il faut joïndre celle du noeud
coulant pour saisir le gros poisson.

L'idée vint enfin, comme les Sauvages le
prattiquent, d'emploier des especes de lances
armées d'os pointus, ou de quelque autre
corps dur affuté pour arreter et transpercer
le gros poisson a son passage ou lorsqu'il
s'eleve a la surface des eaux: l'instrument
a ete appellé le harpon , et ce genre de peche,
harponer le poisson.

Les Hottentots, dit Kolb, entendent mieux
la peche que les Europeens du Cap. Leur
habileté est egale au filet, a l'hameçon et
au dard, dans les anses comme dans les
rivieres. Ils ne prennent pas moins habile=
ment le poisson avec la main. Ils sont,
ajoute til, d'une adresse inconcevable a la nage. Ils
nagent le corps droit, et les mains etendues
hors de l'eau, de sorte qu'ils paroissent
marcher sur la terre, ils dansent sur
le dos des vagues, montant et descen=
dant comme un morceau de liege.

LA PECHE, RESSOURCE DES PLUS AN=
CIENNES ET DES PLUS GENERALES.

La pêche fut une des premieres ressources
des peuplades tombées dans la barbarie,
comme etant la plus a leur portée pour l'in=
vention et l'executïon: c'est 1 mot biffure une des principales raisons pour
laesquelles les hommes etablirent 2 mots biffure
leur premieres habitations près des rivi=
eres et des Lacs, comme cela se voit encor
parmi les tribus Sauvages. Le poisson
est encor la principale et presque la seule
nouriture de plusieurs peuples que les
Europeens a cause de cela ont appellé Icty=
ophages
 .

<64v> Cette ressource nourriture primitive n'a cesse d'etre extre=
mement prisée chès les nations sorties de la
barbarie, qui de même ont fixé leur sejour
de preference près des eaux pour etre a
portée de la mettre a profit. se la procurer.

LA CHAIR DES OISEAUX. LA CHASSE .
INSTRUMENS ARMES. LA FRONDE.
LA FLECHE.

La chair des oiseaux  devint aussi bien na=
turellement un objet d'appetit pour les
hommes. Ils commancerent par la
chasse des oiseaux aquatiques  qu'ils
purent associer a la pêche, en emploiant
les mêmes embuches (comme cela se
prattique encor), l'hameçon et les filets.
Les autres oiseaux exigeoient une chasse
plus difficille.

On essaia d'abord de les atteindre avec des
pierres qu'on s'exerca a lancer avec justesse
et roideur. On chercha ensuite a augmen=
ter la force du bras, en l'allongeant avec la
fronde  dont le mouvement circulaire
augmente encor considerablement la force
de la projection par le concours de la force
centrifuge. Les habitans des Isles Balea=
res, pour habituer leurs enfans a l'usage
de la fronde, qui etoit leur principale
arme guerriere, ne leur laissoient pour nour=
riture que le gibier qu'ils avoient tué
avec elle.

Mais on comprend bientot la necessité d'au=
tres instrumens pour mieux ajuster 1 mot biffure leurs
coups et en rendre les effets plus surs.

Des branches detachées des arbres furent
emploiées de tout temps par les hommes
pour leur servir d'appui dans la marche,
d'instrumens pour abattre les fruïts, d'armes
pour ecarter les animaux qui les leur
<65> disputoient, ou pour se deffendre contre
les attaques des especes ennemies. Ce fut
l'origine du baton  dont on s'avisa de
faire ensuite un instrument pointu;
une pique  ou un dard : on l'arma
de cailloux appointés, de corne, d'os, d'ar=
retes de poisson, qu'on prit soin d'affiler;
on s'exercea a le lancer contre sa proie
pour lui porter un coup plus sur et plus
decisif que celui d'une pierre.

Mais on comprit que cette pique a l'aide
du seul bras, ne pouvoit etre lancée avec
assès de precision, ni avec assès de force,
ni a une assès grande distance pour atteïn=
dre le volatile fugitif. On chercha un ins=
trument a l'aide duquel on peut lancer
le dard avec plus de force, de roideur, et
que l'oeuil put diriger plus surement.
Le modele en fut offert par la nature.

L'attention au ressort puissant d'une
branche d'arbre courbée avec force, lors
qu'elle se retablit d'elle même dans son
etat naturel, fournit vraisemblablement
la premiere idée de cet instrument de=
siré. On comprit qu'une telle branche
detachée de l'arbre, aux extremités de
laquelle on attacheroit un lien d'une
matiere plus souple, mais susceptible
aussi de ressort, tel qu'un tissu cordé
de filamens d'ecorce, on comprit, disje,
que cette branche, en tirant avec force
le lien, pourroit se courber considera=
blement, et qu'en relachant tout a
coup ce lien, la branche courbée feroit,
pour se redresser, un effort d'autant
plus violent, qu'elle auroit ete courbée
avec plus de force; qu'un dard simplement
<65v> appuié sur ce lien, participeroit a la vio=
lence du ressort, et continueroit a se mou=
voir avec une vitesse proportionnelle a cette
force, et dans la ligne selon laquelle l'oeuil
et la main auroit cherché a la diriger.

Ainsi l'homme inventa sans beaucoup de
peine l'arme redoutable de l'arc : bien
tot il imagina des moiens d'augmenter
la force du ressort et de donner plus de
legereté et de justesse au dard. L'arc
devint une arbalete  et le dard une
fleche  munie d'ailes pour la tenir en
equilibre, durcie au feu vers la pointe
ou armée 2 mots biffure de quelque corps poin=
tu plus dur que le bois et propre a trans=
percer la proie. Dès lors l'homme fut dis=
pensé d'approcher de celle ci; il se tïnt
en embuscade, il put l'atteindre de
loin et lui porter des coups meurtriers.

Tel fut l'instrument de chasse et de guer=
re que l'industrie humaine inventa,
chès tous les peuples, qui se retrouve chès
les plus Sauvages, même les Insulaires
les plus eloignés du continent.

PEUPLADES REDUITES A LA PECHE ET LA
CHASSE.

Plusieurs peuplades favorisées du côté des
productions spontanées, de la pêche et de la chasse du
gibier, ne penserent pas a se procurer d'au=
tres ressources substances, et de la encor ces hordes
qui n'en connoissent pas d'autres, et dès la
menent en consequence une vie le plus souvent desoeu=
vrée et oïsive. Tout chès eux se borne
a observer les choses dont ils peuvent se
nourir: point d'autre ressort d'activité
que celui de la faim; est elle appaisée,
ils n'ont plus de besoin; ils dorment,
ou ils vegetent sans aucune pensée
ni prevoiance pour l'avenir; jamais
ils ne s'avisent de faire 1 mot biffure des provisions.

<66> Ils vont de contrée en contrée et ne s'ar=
retent en aucun lieu qu'aussi longtemps
qu'ils y trouvent de quoi subsister; si tot
qu'ils apprenent que les ressources sont
epuisées, ils decampent et vont plus loin.

Mais dans les climats ou les ressources pre=
cedentes se sont trouvées ïnsuffisantes,
le besoin a reveillé l'activité et l'indus=
trie; les hommes en ont cherché de nou=
velles 2 mots biffure moins precai=
res, plus permanentes, sur lesquelles ils
puissent toujours conter pour leur four=
nir une nouriture abondante et tou=
jours, en quelque sorte, sous la main.
je veux parler de la chair des animaux
domestiques.

Jamais les hommes dispersés sur la terre ne se sont vus forcés
par les horreurs de la disette a se tuer
et se manger les uns les autres; jamais
des peuplades n'ont fait de la chair hu=
maine leur nouriture ordïnaire. S'il
est arrivé a certaines hordes sauvages de
de manger leurs ennemis, ils n'ont commis
cette action inhumaine que par l'effet
d'une rage ïmplacable, et d'une brava=
de feroce, dont on a vu des exemples chès
les Europeens même. Jamais aucun
peuple n'a preferé par gout la chair
humaine a celle des poissons et des oiseaux
et pendant qu'ils ont eu d'ailleurs aiant toujours eu de quoi
appaiser leur faïm, jamais il ne leur
sera venu dans l'Esprit de se manger
de sang froid les uns les autres. Dans
presque tous les climats, ils ont trouvé
une ressource bien plus naturelle et
abondante, celle des troupeaux.

QUADRUPEDES  CONVERTIS EN ANI=
MAUX DOMESTIQUES.

Les peuplades deja instruites du parti
qu'on pouvoit tirer de la chair des vola=
tiles pour la nouriture; et de leurs depouil=
les pour servir de couverture, purent aise=
ment 1 mot biffure presumer quelles utilités
<66v> resulteroient pour eux d'animaux beau=
coup plus considerables par la taille et
qui pourroient les aider même dans
leurs divers travaux.

Entre ces divers animaux, l'homme dis=
tingua bientot certaines especes de quadrupedes qui ai=
moient a se rassembler et vivre en troupes
pour paturer ensemble paisiblement,
et qui sans etre encor apprivoisées, etoient
cependant pour lui d'un accès plus asses facile; 1 ligne biffure
il se plut
a s'en approcher ou a les attirer; il vint a bout de les ac=
coutumer a vivre autour de lui sans
deffiance, et a recevoir même de la
nouriture de sa main.

ANIMAUX FAMILIERS.

La douce et timide brebis , animal
foible et poursuivi par les animaux
carnaciers qui la cherchoient de prefe=
rence, incapable même de leur echap=
per par la fuite, dut naturellement
s'attacher la premiere a l'homme comme
a son seul protecteur. L'homme dut bien=
tot aussi s'attacher a elle par pitié et par
interet; il ne tardat pas sans doute, a com=
prendre l'avantage qu'il pouvoit retirer
1 mot biffure 3 mots biffure de son laït et de sa chaïr,
et surtout de sa toison.

La chevre  fut aussi bientot familiarisée
avec l'homme, dont elle semble naturellement
rechercher les caresses, et celui ci comprit aus=
si bientot, combien elle pourroit lui pro=
curer d'utilités par l'abondance de son lait
4 mots biffure pour le nourrir;
et par sa peau son poil et sa peau
pour le couvrir.

QUADRUPEDES OMBRAGEUX MAIS QUI
ONT PU ETRE APPRIVOISES.

L'homme apperçut d'autres animaux d'un
naturel plus ombrageux qui fuioient a
<67> son approche, sans etre cependant abso=
lument inaccessibles. Il emploia avec
eux la rusee, la surprise, les pieges, les fossés,
les embuches dans des defilés: il parvint
a les saisir, a les assujetir au cavecon ,
au lien, et tantot par des caresses, des bïen=
faits, en leur presentant lui même leur nou=
riture, tantot par des tons et des gestes
menacans des aires de discipline, a l'aide
du frein, du mord du joug , il reussit a
les ploier a l'obeissance et a s'en faire res=
pecter comme un Maitre destiné par la
nature a domïner sur les autres especes.

Ainsi l'homme eut bientot accoutumé
ces animaux a aller et venir autour de
lui. Alors on vit la vache  et le boeuf , au=
paravant sauvages, devenir apprivoi=
ses et familiers, et soumis au gouvernement
de l'homme pour les faire valoir a son
profit. Alors Des On vit l'ane , le chameau 
le fier cheval  devenir les amis de l'hom=
me, obeir a ses volontés, se preter a ses
desirs, consumer leurs forces 2 mots biffure
pour le transporter lui et ses bagages
d'un lieu a l'autre, pour lui epargner la fatigue
en accellerant sa marche, et aller en
quelque sorte d'eux mêmes au devant de
ses besoins. Observons cependant que ces
animaux ne furent d'abord emploiés qu'a
porter ou trainer des fardeaux, sur des
traineaux, puis sur des chariots, quand ceux
ci furent inventés; 1 mot biffure ce ne fut que
au bout d'un certain temps que l'homme
osa s'en servir 1 mot biffure de monture.

<67v> FORMATION DES TROUPEAUX. BERGERIE.
SES AVANTAGES.

Avec cette industrie deploiée 1 mot biffure sur les ani=
maux pour les rendre domestiques l'homme
parvint a les rassembler autour de lui pour
en former des troupeaux  soumis a sa garde,
sa protection, et rangés sous son obeissance;
bïentot il les renferma dans des enclos ou
parcs, et sut les y faire multiplier, pour
en avoir toujours a sa disposition; par
la il vit accroitre considerablement
ses ressources, et devint possesseur de veri=
tables richesses.

Ainsi l'homme devint Berger, et fit
un 1 mot biffure grand pas vers la civilisation et
le bonheur. Le gouvernement de ses bes=
tiaux le rendit attentif, observateur,
contemplateur des cieux et des mouve=
mens celestes, oeconome , prudent; il
comprit que dans la saison productrice,
il falloit amasser des fourrages  pour
les nourir pendant la saison ou la
nature languit: il commança a
faire des magasins , et sans doute
qu'il pensa aussi a serrer des provi=
sions pour sa subsistance et celle de sa
famille, de tout ce qui pouvoit etre
gardé sans se corrompre: pour
lors il franchit les limites sortit reellement de la bar=
barie, il devint prevoiant, et par
la son Intelligence reçut un devellope=
ment très sensible, qui le rendit de beau=
coup Superieur a ce qu'il etoit lorsqu'il
ne vivoit que de chasse, de peche et
de productions spontanées.

<68> Que d'avantages l'homme ne retiratil
point de cette nouvelle ressource? Soula=
gement dans ses travaux, ses courses
peinibles, ses transports; matieres pour
former des tissus propres aux vetemens
aux couvertures, aux tentes; nourri=
ture exquise pour exciter son appetit
soutenir sa vigueur et son activité.

CHAIR DES ANIMAUX SAUVAGES ET
DOMESTIQUES.

L'usage en effet que l'homme pêcheur
et chasseur avoit fait de la chair des
poissons et des oiseaux, apprit a l'homme
devenu Berger, a se nourrir de la chair
des quadrupedes sauvages et domes=
tiques. L'homme par constitution car=
nivore, comme il est prouvé par la forme
de ses dents, et par la construction de son
estomac et de ses visceres, dut etre natu=
rellement invité a cette nouriture
solide et suculante, et l'experience ne
tardat pas a lui apprendre combien elle
etoit salutaire, propre a fortifier son
temperamment, et le soutenir dans ses
travaux. Dela, vient que les Sauvages
qui vivent de chasse font leur nouritu=
re habituelle de la chair d'ours, de
buffle, d'elan, de cerf, de castor, de
Racoun, de renne, de loutre &c. Ainsi
vivoient 1 mot biffure les anciens Grecs qui
se nourissoient de la chair de taureau 
de belier , de bouc , de verrat, car ils igno=
roient l'art de couper les animaux pour
en rendre la chair plus delicate. Les
nations policées mangent aussi de la
viande, de betes fauves, quant l'occa=
sion s'en presente, mais elles font leur
nouriture la plus ordinaire de la chair
de boeuf, de veau , de mouton , 2 mots biffure
et autres animaux 1 mot biffure domestiques.

<68v> C'est cependant une chose singuliere
qu'il y ait des peuples bergers qui ne
mangent point de chair de leurs trou=
peaux, et vivent uniquement de leur
produit.

LAIT. FROMAGE. BEURRE.

Je veux parler du lait que fournissent
abondamment la brebis, la chevre, la
vache, cette boisson si douce, si ra=
fraichissante, si salutaire, capable elle
seule de soutenir la vïe de l'homme lors=
qu'il y est accoutumé dès l'enfance.

Point de nouriture plus en usage chès
tous les peuples, qui 1 mot biffure possedent des troupeaux.
Il est bien etonnant que les sauvages
d'Amerique si a portée du buffle et
de l'elan n'aient point pensé a profiter
de leur lait, et soient encor dans le pre=
jugé qu'il ne convient qu'aux petits
de ces animaux.

On ne tarda pas a extraire du lait
par l'operation toute sïmple de la
coagulation  une substance plus 2 mots biffure
2 mots biffure nourissante que la simple bois=
son et a former des parties solides 1 mot biffure separées
du sereux, une pressure  qui se trans=
forme en fromages , et des parties grasses
une substance que nous appellons
beurre , qui est en lui même une bonne
nouriture, et de la plus grande utilité
pour l'assaisonnement des 1 mot biffure
vegetaux, des poissons &c. 1 mot biffure dont
il augmente la 1 mot biffure saveur et la vertu
nutritive.

<69> MANIERE DE SE NOURRIR.

Ainsi la nouriture des hommes devenus
bergers fut les fruits, les legumes, le pois=
son, le gibier, la volaille, le miel, la chair
des animaux, le lait, le gromage, le beur=
re. Homere, il est vrai, dans les descrip=
tions de festins, ne parle que des viandes,
parce qu'on les regardoit comme le mets
fondamental; mais cela ne prouve point
que les autres alimens n'y fussent pas aussi
en usage.

Les anciens peuples ignorerent pendant
bien longtemps lart de preparer les vi=
andes, comme de les mortifier, et les as=
saisonner selon l'usage introduit dans
les temps posterieurs. Vouloient ils man=
ger de la viande, ils tuoient un animal,
ils l'ecorchoient, le coupoient en morceaux
qu'ils faisoient 1 mot biffure grïller sur le
champs. Cette boucherie prompte se
faisoit avec un instrument pointu
et tranchant.

Ainsi vivent encor les peuples Sauvages
qui mangent tout separement, sans
appret, sans melange de mets, sans atti=
rail de service, sans heure fixe, saisis=
sant ce qui se presente partout ou ils le
trouvent, mangeant lorsqu'ils y sont
invités par l'appetit ou les circonstances
du moment.

Il a fallu que l'homme soit devenu cul=
tivateur pour prendre l'idée de l'appret,
et d'un service de table regulier et decent.
C'est lui aussi qui a pris l'idée du rucher
pour rassembler les abeilles et en avoir
le miel sous sa main. Suivant Hesiode,
3 mots biffure les anciens Grecs n'appri=
rent cette oeconomie que lorsqu'ils fu=
rent fixés dans leurs demeures.

<69v> CHAPITRE XIV.
Moyens par lesquels les peuplades pour=
vurent a un autre besoin de premiere
necessité, celui de la couverture  et de l'abri.

COUVERTURE. MATIERES EMPLOIEES
A CET USAGE. VEGETAUX.

Les premiers emigrés, aiant usé leurs
vetemens, eux ou leurs descendans furent
reduits a l'etat de nudité , qui est celui des
sauvages qui n'ont point de commerce
avec les Europeens: Ceux a qui les injures
de l'air firent sentir le besoin de quelque
couverture, eurent d'abord recours a des
matieres brutes, telles que la nature
pouvoit les leur offrir et qui deman=
doient le moins de preparation.

Telles furent d'abord les matieres vegetales
comme le feuillage  qui fait encor
la couverture de quelques hordes Sauva=
ges, dont plusieurs y joignent des plu=
mages  d'oiseaux; mais c'est plutot en
guise d'ornement.

On ne tarda pas a tirer parti de quelques
matieres soupples et flexibles, telles que
des feuilles, des herbes longues, des joncs 
menus, des ecorces tendres &c. pour en
former des tissus, propres a couvrir au
moins certaines parties du corps, sembla=
bles aux pagnes que font les Sauvages
avec des herbes dont la longueur fait
la largeur de la piece, et qu'ils travail=
lent sur leurs genouils, sans metier,
sans navette, en passant avec les doigts la
trame, entre chacun des fils de la chaïne
de la même maniere que les vaniers
font les claies

<70> Mais les hommes placés hors de la zone 
torride  sentirent bientot la necessité d'une
couverture plus complette pour garantir
leur corps de froid et y maintenir le degré
de chaleur essentiel a la vie. Ceux même
qui habitoient des climats chauds sen=
tirent le besoin de couverture pour
se preserver des rayons brulans du So=
leil et des attaques des insectes.

LES PEAUX. TANNERIE. COUTURE.

Leur premiere idée fut de profiter de la
depouille des animaux, ou des fauves
tués a la chasse, ou des domestiques de=
voués a la boucherie. Ainsi font encor
les sauvages qui s'habillent de peaux
d'oiseaux, de loutres, de veaux Marins,
de rennes, de martres, &c. Leurs femmes
s'habillent de même, avec la difference
que leur habillement les couvre un peu
davantage. Les hommes porterent d'a=
bord les peaux toutes brutes, telles quel=
les etoient enlevées a l'animal ecorché,
le poil tourné en dehors, comme cela
se voit encor chès quelques peuples gros=
siers: mais ces peaux en se sechant se
durcissoient, se retiroient, s'erailloient
se pourrissoient, et se gatoient en peu de
temps: l'usage en etoit aussi desagrea=
ble que court. Bientot ils chercherent
a les rendre plus soupples, plus manïables,
plus durables, par certains apprets tout
simples, et prattiqués même parmi les
peuples Sauvages: ceux ci en effet mace=
rent ces peaux dans l'eau, ensuite ils
les raclent, ils les battent vigoureuse=
ment avec de grosses pierres, ils les assou=
plissent a force de les manier, enfin ils
les frottent avec de la graisse et de l'huile
de poisson, pour les rendre douces, flexi=
bles, propres a revetir toutes sortes de
formes, a la servir a toutes sortes d'usages.

<70v> C'est aussi a quoi se reduisit primitive=
ment tout l'art de tanner  et de corroier .

Mais les peaux sont par elles mêmes peu
propres a couvrir les hommes d'une manie=
re commode. Pour remedïer a cet incon=
venient, il falloit ou en reunir et ajustter
plusieurs ensemble, ou en decouper une
en pieces, et rassembler celles ci sous une
forme appropriée au corps humain.

On emploia pour cet effet la couture 
et le fil tel que nous l'avons decrit au
chap. XIII, et en guise d'aiguille  ou
d'alesne , on se servit comme font encor
les Sauvages, d'arretes de poisson, d'épi=
nes, d'os pointus; ce furent les premïeres
origines de l'art du tailleur, ainsi
que des premiers vetemens  chès tous
les peuples qui commancoient a sortir
de la barbarie, sans excepter ceux de la
Grece et de l'Italie.

LAINE ET POIL. FEUTRES.

On decouvrit peu a peu des matieres
preferables aux peaux pour faire des
vetemens commodes, plus mieux ajustés a
la figure du corps humain, plus pro=
pres a le garantir en entier sans gener
en aucune maniere la liberté de ses mou=
vemens. On fit des essais avec la lai=
ne  et le poil separés des animaux pour
en former des tissus tout aussi chaud
que les fourures, et beaucoup plus
legers et plus soupples. On emploia
<71> le poil de chevre mais surtout la toison 
des moutons. Dans le temps ou l'on man=
quoit encor de ciseaux pour les tondre ,
on profitoit de la saison ou la laine se
detache d'elle même pour l'arracher en
entier, ce qui etoit une operation nuisi=
ble a l'animal et ne donnoit qu'une lai=
ne de fort mauvaise qualité: c'est pour
cela que du mot vellus signifiant
peau, 2 mots biffure toison, on tira le verbe
vello, arracher, parce qu'on arrachoit la
toison.

Avant l'invention de la tisseranderie,
on ne sut faire autre chose avec ces
matieres brutes que ces etoffes grossieres
appellées feutres , composées de brins me=
langés de laine et de poil unis et liés
par quelque gluten , comme cela se prat=
tique encor chès quelques peuples grossiers
et pauvres, chès qui il n'y a ni luxe ni
argent pour attirer des ouvriers, et
qui sont reduits a travailler leurs etof=
fes chacun pour ses besoins. La tuni=
que des anciens Grecs et Romains ne fut
vraisemblablement pas autre chose.

On ne doit pas etre surpris dès la du grand
soïn que les hommes prirent toujours des
animaux a poil et a laine surtout des
brebis. Chès les Romains les censeurs
furent chargés de l'ïnspection sur cet objet:
ils punissoient les negligens, et recompen=
soient ceux qui signaloient leur industrie
en ce genre. La laine fut toujours parmi
eux en grande estime, ils tiroient de tous
les pays les plus belles toisons et les faisoient
servir pour toutes sortes d'equipages.

<71v> CHAUSSURE

Les hommes penserent aussi a se preserver
les jambes avec des especes de guêtres  ou
de bottes  et les pieds avec des sandales 
ou souliers : cet usage est très ancien
et on le trouve chès les Sauvages d'Ame=
rique qui ont leur façon de chaussure .

ABRI NATUREL, ARTIFICIELS.
HUTTES. CABANES. TENTES.

Les hommes ne pouvoient se passer d'abris
pour se garantir des injures de l'aïr, des
orages, de la pluie, de l'incommodité des
insectes, pour serrer leurs provisions, y 1 mot biffure
manger et dormir en sureté, et même pour
leur servir a eux et a leurs troupeaux
de retranchement contre les attaques des
animaux carnaciers.

La vie errante et la barbarie ne leur per=
mirent d'abord aucune operation regu=
liere pour construire des demeures. Leur
premiere idée fut sans doute, de se refu=
gier comme les ours et les blaireaux dans des cavernes , des antres , des
rochers, ou dans des halliers  très difficiles a pe=
netrer. On voit encor au=
jourdhui dans plu=
sieurs endroits de
lEurope des habi=
tations creusees
dans linterieur
des rochers. 2 mots biffure
5 lignes biffure
  Mais ces azyles offerts par la
nature ne se trouvoient pas partout;
le sejour en etoit sombre, humide, mal=
sain. L'idée put leur venir d'en cons=
truire eux mêmes de pierres brutes  grossie=
rement arrangées, renduites de terre, com=
me les barraques  que construisent les
habitans de l'Islande 1 mot biffure sans autre materiau que des morceaux
de roc brut liés avec de la boue et de la
mousse.

<72> Ils firent sans doute aussi des cabanes  tou=
tes de terre argilleuse, ou de chaume comme les faisoient
les anciens Grecs; car le premier batiment
destiné aux assemblées de l'Areopage fut
construit d'argille, et le Temple de Delphes
ne fut originairement qu'une chaumiere
couverte de branches de laurier.

On ne manqua pas non plus de prattiquer
des huttes  creusées en terre et recouver=
tes de branches ou de chaume, comme 2 mots biffure font encor des
peuples Europeens pauvres, les Russes,
les Lappons, les Groenlandois qui vivent
dans des reduits presquentierement
enterrés, et recouverts d'ecorce ou d'os
de poisson.

Des halliers preparés par la nature elle
même dans les forets fournirent encor
aux hommes un modele a imiter; ils
rapprocherent les branches des arbres
voisins, ils les plierent, les entrelacerent,
pour en former une enceinte, dont
ils recouvrirent la partie superieure de
feuillages epais, de mousse et de terre.

Mais la difficulté de trouver partout
des arbres propres a former de tels abris,
leur fit penser a de nouveaux expediens,
pour en construire de plus commodes,
et partout ou ils seroient appellés a s'ar=
reter.

Dans les pays ou il n'existoit aucun
bois de haute futaye, on emploioit de
menus branchages  d'arbustres, de brous=
sailles, de petites tiges ou pailles melées
avec de la boue, de la terre grasse, com=
me font encor les Abyssins.

Dans le nord, on emploia pour la cons=
truction des cabanes, des peaux et des os
de chiens de mer, ou autres grands
poissons.

<72v> Dans les climats fournis en bois commo=
des, on sut aussi mettre a profit cette pre=
cieuse ressource. On arrachat de jeunes
plantes des forets, ou l'on detachat des
branches des gros arbres, pour en former
des palins  ou pieux. On plantat 2 mots biffure
ces pieux en terre, a distances con=
venables, et aussi profondement que pos=
sible, afin qu'ils eussent assès de solidité
pour resister aux orages: c'etoit la la char=
pente du batiment; le reste de la construc=
tion n'etoit qu'un entrelacement grossier
de menu branchage ou de joncs avec
des perches de traverse; on 1 mot biffure ren=
duisoit le tout de terre, et on couvroit
la partie superieure de gazon ou de
feuillage. Dès qu'on fut pourvu
de peaux, cette couverture se fit com=
munement avec les peaux les plus
dures, entr'autres celles des Taureaux.

Telles furent les premieres habitations
des Scythes et des Slaves, qui les 1 mot biffure ap=
pellerent palatka, des anciens peu=
ples d'Italie et des Romains, qui les
appellerent palata, c.a.d. habitations
construites avec des pals; d'ou vint le
nom du mont Palatin: qui etoit semé
de pareilles habitations; et comme
dans les anciens temps, c'etoient les plus
belles, appartenant a gens opulens, d'ou
l'usage vint dans la suite de reserver ce mot dans la
suite
aux plus beaux batimens, qui
furent appellés Palatia, Palais.

1 ligne biffure
Ces cabanes recurent ensuite 1 mot biffure une forme circulaire terminée
encore comme nos glacieres. Un cercle
<73> de pieux enfoncés et entrelacés de bran=
chage en formoit l'enceinte. Cette
construction est encor en usage chès les
Sauvages. Ils se pourvoient d'abord de
deux grandes perches  et ils commancent a
les attacher par les extremités avec des
liens d'ecorce d'arbre: ensuite ils les ele=
vent, et etendent, comme ils le jugent
a propos, les extremités libres pour em=
brasser une plus ou moins grande en=
ceinte; après quoi ils elevent d'autres
de même hauteur, et ils les fixent de
maniere, quelles soutiennent les pre=
mieres; ce qui donne a leur assemblage
la forme d'un cone ; sur cette enceinte
ils placent des peaux d'elan ou de
daim cousues ensemble en quantité
suffisante pour couvrir les perches
et pour fermer la porte en se repliant.

L'idée vint sans doute aussi de cons=
truire des cabanes plus solides avec
des troncs d'arbres rangés les uns sur
les autres en quarés, comme on en
voit en Russie et en Pologne, en Suisse, pour
servir de hangar  ou de reduit pour
les bestiaux. Ceux qui n'ont pas des
outils, abattent les arbres en les mi=
nant peu a peu avec des tisons allu=
més, et pour les reduire en billes, ils
placent aussi des tisons allumés de
distance en distance sur le corps de
l'arbre qu'ils veulent diviser. Cette
methode aura été suivie par les an=
ciennes peuplades, et Vitruve croit
que les premieres cabanes ainsi cons=
truites furent posées sur de gros troncs
d'arbre, qui leur servoient de piliers.

<73v> Dans les pays abondans en roseaux  et
en cannes , on les aura soumis a des
entrelacemens, comme cela se prattique=
quoit en Egypte et se voit encor ailleurs. Les
sauvages font leurs cabanes de bam=
bou.

Les peuplades bergeres, exposées a des
changemens continuels de station, pen=
serent de très bonne heure a se pourvoir
d'abris portatifs, faciles a transporter et
a etablir promtement en chaque lieu.

Les huttes portatives des Indiens sont
construites de perches flexibles, qu'ils
fixent en terre et ploient en demi cercles
pour les rapprocher et les lier au som=
met, en recouvrant le tout de nattes
de jong ou d'ecorces de bouleau.

Les anciens peuples emploierent a cet
usage des assemblages de peaux; en=
suite des tissus de laine grossierement
fabriquées: ce qui fut la premiere origi=
ne des tentes  dont la construction se
perfectiona dans la suite.

Les cabanes furent, comme celles des
Sauvages, pourvues de sieges  et de
dortoirs , composés avec de la terre, des
feuilles, de la mousse, qu'on couvrit
ensuite de peaux qui servoient de mate=
lats et de couvertures. Les plus anciens Ro=
mais n'eurent pas d'autre lit.

Les La lumiere n'avoit d'autre entrée
que la porte dont l'ouverture etoit même
basse et serrée, comme chès les Sauvages.

<74> USAGE DU FEU DOMESTIQUE

Quoique l'usage du feu  domestique
tienne de si près aux besoins de premiere
necessité, les peuplades n'y sont pas ve=
nues si tot. Du temps de Pline, il etoit
encor ignoré de plusieurs nations, com=
me on la trouvé inconnu aux Isles Ma=
rianes, aux Phillipines, aux Canaries,
chez les nations de l'Amerique meridio=
nale et de l'Afrique; ce qui les mettoit dans
le cas de manger la viande toute crue,
comme cela se voit encor chès quelques
peuples.

De tout temps cependant la nature a du
donner aux hommes quelques indications
sur le feu et ses proprietés soit par les
feux du Ciel, soit par ceux qui s'exhalent
de la terre, a la suite de quelque fermen=
tation. Mais ils ont pu ignorer longtemps
la maniere de se servir de cet element, le
moien d'en obtenïr, de le transporter et
le reproduire a volonté. On put voir
des etïncelles  sortir de deux cailloux 
heurtes l'un contre l'autre, et ne point
comprendre encor quel parti l'on pou=
voit tirer de ces etincelles pour com=
muniquer le feu a des corps et les allu=
mer.

Quelqu'un aiant observé que le frottement 
violent des 1 mot biffure arbres par l'action du vent avoit
mis le feu a la foret, s'avisa peut etre
de frotter avec violence deux batons
de bois l'un contre l'autre, et parvint
a les enflammer; il n'en fallut pas d'a=
vantage pour concevoir comment on
pouvoit obtenir du feu quand on
le voudoit et ensuite l'entretenir: il
est des Sauvages qui ont recours a cette
prattique et n'en connoissent aucune
autre. 

Peu a peu on parvint a tirer
parti de l'etincelle, en la faisant tom=
ber sur des matieres seches et qui pren=
nent feu, pour le communiquer
<74v> a d'autres avec facilité.

On comprit bientot de quelle importance
cette decouverte pouvoit etre pour se garan=
tir du froid, pour preparer les alimens,
entr'autres la chair que l'homme ne peut
manger crue sans inconveniens. Avant
qu'on connut l'usage du feu, les alimens
ne pouvoient recevoir aucune prepara=
tion convenable. Tout se reduisoit a
broier entre des cailloux, les herbes, les
legumes pour les exposer ensuite a l'ar=
deur du Soleil, comme font encor certains peu=
ples. Tous ceux qui ont connu l'usage
du feu, ont mangé leur viande rotie
ou bouillie  et fait leur regal de son
jus.

FOIER, MATIERES POUR L'ENTRE=
TIEN DU FEU.

Instruits de l'usage du feu, ils les hommes auront
senti la necessité d'en entretenir dans cha=
que cabane: on lui aura assigné un
foier  au milieu, et on aura prattiqué
au sommet une ouverture pour donner
passage a la fumée , comme cela est
d'usage chès la plupart des peuples même
sauvages. Dans les gros temps qui les
obligoient a la fermer, ils auront eu
beaucoup a souffrir de la fumée, comme
cela arrive chès ces peuples Europeens qui
prattiquent encor ces cheminées  a lar=
ge conduit que nous appellons a la
Savoyarde.

Pour entretenir le feu on se servit du
bois  que la nature fournit en abondance
dans la plupart des lieux. 1 mot biffure La
<75> ou l'on en manquoit, on emploia la
broussaille , le chaume, la fiente se=
che, ce ne fut que dans des temps pos=
terieurs qu'on en vint a l'usage des char=
bons  de terre et de pierre.

PREPARATION DES ALIMENS PAR
LE FEU. UTENSILES

Il s'ecoula encor du temps avant qu'on
sut emploïer le feu utilement et com=
modement a la preparation des ali=
mens. On grillat  les viandes sur des
charbons, on les rotit  en les exposant
a la flamme, comme font les Sauvages
qui les tournent a la broche par un
mouvement continuel, ou se conten=
tent quelque fois d'en presenter succes=
sivement par intervalles les diverses parties a la flam=
me. L'idée vint ensuite de faire servir
le feu a la coction des alimens dans
l'eau en donnant a celle ci un degré
suffisant de chaleur. On s'avisa
d'abord de remplir d'eau une pierre
creuse et d'y jetter des charbons ou des
caillous rougis au feu et renouvellés
successivement, jusques a ce que cette
eau fut suffisamment rechauffée.

A la pierre on substitua une auge 
de bois plus facile a transporter. Mais
la longueur et la mal propreté d'une
telle operation firent imaginer des
vases propres a recevoir directement
l'impression du feu pour la transmettre
ensuite a l'eau qui y etoit contenue.

Il falloit pour cela quelque matiere
commune, facile a travailler, et a
remplacer, mais capable cependant
de resister asses fortement au feu, pen=
dant quelque temps, afin de donner
un temps suffisant pour la coction
des alimens.

<75v> On put emploier a cet usage des peaux
de poissons, ou d'animaux fraichement
ecorchés, ou des chaudrons  grossierement
fabriqués avec certaines ecorces d'ar=
bres, ou du bois de roseau, de bam=
bou &c. ou d'autres matieres qu'il fal=
loit renouveller a chaque coction.

Pour deffendre ces vases combustibles
plus longtemps contre la flamme, on
s'avisa de les revetir en dehors de terre
grasse, et l'epreuve de la resistance de
celleci au feu, amena vraisemblable=
ment les premieres idées de la poterie .

On chercha des terres grasses qui resis=
toient le plus longtemps au feu, et
avec des formes de bois, on fit des
formes de terre grossierement moulées,
on les secha au soleil, puis pour
leur donner plus de solidité, on les
fit cuire au feu. Telle fut l'origine
de la terre cuite , dont l'art se per=
fectiona dans la suite, surtout de=
puis qu'on eut trouvé le secret du
vernis  et de la plombée.

Des lors aux utensiles emploiés jus=
ques la pour serrer les provisions, les
boissons, les servir, tels que les cornes ,
les coquilles , les calebasses, les pa=
niers , ou vases grossierement tra=
vaillés avec des bois tendres, des
excroissances noueuses &c, on
<76> commanca a substituer des vases
ou pots  de terre, de diverses formes,
quoique maussadement faconnés,
pour les divers usages; ce qui con=
duisit bientot a l'idée des briques
cuites pour batir.

5 lignes biffure

<76v> CHAPITRE XV
Moyens par lesquels les premiers hommes pourvu=
rent a un autre besoin essentiel, leur
sureté vis a vis des especes ennemies
.

DEFFENSE CONTRE LES BETES FERO=
CES. HAUTE CHASSE. AVANTAGES
QUI EN SONT RESULTES.

Les abris que les premiers hommes s'etoient
formés par leur industrie ne pouvoient en=
cor les mettre a couvert ni eux ni leurs
troupeaux des atteintes formidables des be=
tes feroces qui, par leurs excursions et leurs
ravages, portoient la terreur presques dans
leurs demeures et les exposoient a des dan=
gers sans cesse renaissans. L'espece na=
turellement foible et desarmée eut été
même menacée de leur part d'une totale
destruction, eu egard a leur nombre et
leur multiplication, si secondé par son
industrie, par son Intelligence, et surtout
par son association avec ses semblables,
l'homme ne fut enfin venu a bout d'en
tuer une partie, d'en eloigner l'autre, et
même 1 ligne biffure d'en plusieurs les
empire
prevenir les attaques de plusieurs
quil ne pouvoit chasser.

L'homme par sa position s'est vu dans
la necessité de donner sans cesse la chasse
a toutes les especes ennemies, et de cet art
appellé la haute chasse sont resultés
pour son espece des avantages inombra=
bles, non seulement pour sa sureté et sa
tranquillité, mais encor pour le libre exer=
cice de son activité et le devellopement
de toutes ses facultés naturelles.

Excité et tenu sans cesse en haleine par
des ennemïs redoutables, l'homme habi=
tuellement exercé, du acquerir natu=
rellement beaucoup de vitesse a la course,
d'agilité  a monter a grimper sur les ro=
chers ou les arbres, d'adresse  a manier
<77> une masse, a lancer une pierre avec la
fronde, un dard avec l'arc &c. 1 mot biffure
Nous pouvons en juger par les peuples sau=
vages qui surpassent tous les autres, dans
ces diverses operations, parce que leur po=
sition au milieu des forets et des deserts,
leur en fait un besoin de premiere neces=
sité et une occupation habituelle.

La frequence des retours inopinés du
même danger dut aussi accoutumer
l'homme chasseur a un sommeil fort
leger, donner a sa vue la plus grande eten=
due, a son ouie et a son odorat la plus
grande finesse, autant de qualités com=
munes a tous les peuples sauvages. Voies
ce que nous en avons dit (Anthrop. S. 1. ch VIII) 

Les Indiens distinguent les pas des ani=
maux qu'ils poursuivent a des signes qui
echappent a tous les autres yeux, et ne
les perdent pas au travers des forets les
plus epaisses. Ils ont l'art de suivre la
trace d'un homme ou d'un animal,
qu'il ait marché sur la terre, sur l'herbe,
sur les feuilles: d'ou vient qu'il est très
difficile de leur echapper par la fuite.

Lexercice continuel de la chasse et de la
course leur donnent des facultés incon=
nues aux Europeens. Aïnsi un Indien
traversera une foret ou une plaine de
200 miles de longueur et il arrive=
ra avec la plus grande vitesse et exac=
titude au point qui est le but de son
voiage; il parcoura cet ïmmense che=
min sur une ligne droite, et il le fera ega=
lement que le temps soit clair ou nebu=
leux. Avec une egale precision, il indi=
quera, a chaque heure du jour, le lieu
du ciel ou le Soleil se trouve, quoique
la vue de cet Astre soit interceptée par
les plus epais brouillards. Rien n'egale
<77v> aussi leur sagacité lorsqu'il s'agit de diriger
leurs operations de chasse, de tendre des embu=
ches  aux animaux dont ils tirent leur subsis=
tance ou des fourures, de decouvrir la proie 
et de s'en saisir.

Par la chasse l'homme exposé sans cesse aux
intemperies de l'air, exercé a la fatigue de la
course, dut acquerir un temperamment ro=
buste, capable de supporter les plus grandes
fatigues, et un courage intrepide pour af=
fronter les perils. C'est ce qu'on voit chès les
sauvages; quoique ordinairement froids
et indolens, dès quils sont engagés dans une
course de chasse, ils montrent une activité
une energie, une perseverance inexprima=
bles. Ni buisson, ni fossés, ni torrens, ni ma=
rais, ni rivieres ne les empechent de marcher
par la ligne la plus courte, pour atteindre
leur proie, au travers de mille perils. Les
Hotentots, diton, devancent les Lions a la
course; certains Sauvages poursuivent
les cerfs avec tant de vitesse quils les lassent
et les attrapent. Ceux de l'Amerique Septen=
trionale achevent des voiages de 1200
lieux en moins de deux mois, par les chemins
les plus difficilles.

ESPECE AUXILIAIRE. LE CHIEN.

Pour faire la guerre aux especes ennemies
l'homme avoit un besoin indispensable du
secours de quelque espece amie, qui put de=
couvrir de loin l'approche de l'ennemi, l'aver=
tir, le conduire a lui, et lui aider a le
vaincre. Il trouva tout cela dans le chien ,
cet animal si interessant, si sensible a
ses caresses et a ses bienfaits, plus rappro=
ché de lui que toutes les autres especes par
une sorte d'Intelligence, plus susceptible
d'education pour lui rendre toutes sortes
<78> de services au premier signal du geste
ou de la voix. Le chien fut le premier ami
de l'homme, il devint le gardien fidele de
sa personne et de ses troupeaux. Ennemi
declaré de toutes les especes qui sont enne=
mies de l'homme ou des animaux attachés
a 1 mot biffure son service, le chien fut, de en tout
temps, de nuit encor plus que de jour, le surveillant et la sentinelle, de
pour donner l'alarme et avertir du danger, soit le
Maitre qui dort appellé a proteger ses troupeaux, soit
les troupeaux eux memes qui, au premier signal de
detresse, ne manquoient pas d'accourir
1 mot biffure vers leur Protecteur et de se rendre
dans l'azyle qu'il leur avoit preparé.

ARMES DE CHASSE.

1 mot biffure Pour soutenir cette guerre, l'homme
deploia tout ce qu'il avoit d'industrie, pour il
se munit d'armes 1 mot biffure et de courage
pour les manier avec succès. Averti par
son ami fidele de l'approche de l'ennemi ou
des cachettes dans lesquelles il se tenoit en
embuscade, le chien le conduisoit droit
a l'animal feroce, pret a le seconder de tout
son courage, de son adresse, de sa dent
redoutable, par laquelle il pouvoit blesser
l'ennemi jusques au sang, quelquefois
l'etrangler, toujours le harceler, et facili=
ter a l'homme l'emploi de ses armes meur=
trieres. C'etoit ou une pique vigoureuse
armee d'un corps dur et poïntu pour
transpercer l'animal, ou une massue
lourde et pesante pour l'assommer, dans
les cas ou il pouvoit en approcher.

Precedé de son ami, il osoit penetrer
jusques dans l'antre de la Lionne pour
y etouffer le Lionceau, et dans le repaire
<78v> de la Tigresse pour y ecraser ses petits.

Et si la mere s'y trouvoit gîtée, il pro=
fitoit de l'instant de la surprise pour
lui donner le coup de mort.

Si l'homme ne pouvoit ou n'osoit ap=
procher de l'ennemi, il faisoit usage de
sa fronde, de son arc, de son arbalete
pour le percer de traits, quelquefois le
blesser jusques a la mort, ou du moins
l'ecarter et le faire rentrer dans la foret.

Souvent il lui tendoit des embuches par
des fosses  1 mot biffure profondes 1 mot biffure ou l'ani=
mal alloit se precipiter, ou par des filets
ou il alloit imprudemment s'embarasser
ou par des trappes  pourvues d'amorces
ou l'animal etoit sur l'instant ecrasé
par la chute d'un gros bloc de bois; autant
de methodes que les sauvages emploient
dans leurs expeditions.

IMPORTANCE DU SUCCES DE CETTE
GUERRE: MAIS IL DEMANDOIT UN
CONCOURS D'HOMMES.

Rien de plus important aux hommes que
le succès dans cette guerre; il falloit tuer
et detruire les animaux feroces et carnaciers
pour 2 mots biffure se mettre a couvert de leurs
atteintes et garantir leurs troupeaux, et
profiter en même temps de leur chair et de
leurs depouilles; il s'agissoit du moins de les
expulser loin des habitations et de les rele=
guer dans la profondeur des forets; il
importoit encor de saisir vivans des
animaux sauvages, quoique superieurs
en force, en celerité a la course, pour
les domter, les soumettre au joug, les rendre
domestiques, et les faire servir a leurs
besoins et a leurs usages.

<79> Mais malgré toutes ses ressources armes offen=
sives ou deffensives, l'homme seul, ou
secondé de sa famille, ne pouvoit gueres pas
reussir dans cette guerre, ni même s'y ex=
poser sans le plus grand danger. Le
succès dependoit, comme le prouvent les
chasses des Sauvages, du concours d'un
assès grand nombre d'hommes, occupés
de diverses operations necessaires et agis=
sant tous de concert. Que demandoient
en effet ces expeditions de chasse? il
falloit observer les differentes routes que
les animaux suivoient et les y attendre;
il falloit connoitre les lieux ou ils aimoient
a s'arreter et les y surprendre; il falloit
s'assurer a certaines distances de l'appro=
che ou de la fuite de l'ennemi; il falloit
un plan lié de marches et de courses
pour l'envelloper, lui tendre des embu=
ches et l'y faire tomber, ou le forcer
dans les defilés; il falloit une reunion
subite de forces et d'armes pour le
tuer aussi promtement que possible.

Tout cela demandoit une multitude
d'hommes et un concert bien combiné de mouvemens,
d'operations, de moiens raisonnés pour
vaincre la force par l'adresse, la vitesse
par la ruse, et s'assurer du triomphe.

Cela supposoit encor des signes conve=
nus très promts, comme des cris differem=
ment modifiés selon les avis qu'on avoit
mutuellement a se donner touchant
le lieu ou etoit la proie, les mouvemens
qu'il convenoit de faire pour l'approcher
ou l'eviter, les momens dont il falloit
profiter pour accourir et fondre tous
ensemble sur elle: aux cris il falloit
même pour varier l'expression joindre
des sons articulés; il falloit un Langage
connu d'une peuplade tout entiere.

<79v> Et de tout cela il nous est permis de conclure
que les expeditions de chasse, qui ont pour=
vu efficacement a la sureté des hommes,
n'ont jamais pu etre executée que par le
concours des familles reunies en commu
=
nauté, qui se sont appuiées mutuellement
de leur industrie, de leurs forces et de leurs
armes, et qu'ainsi nous avons eu raison
d'avancer qu'une des premieres causes du
besoin indispensable ou les hommes se sont
trouvé de se reunir en communauté a
été la necessité de se deffendre contre les
especes ennemies
, d'en triompher, et de
reprendre la domination et l'empire que
les bêtes feroces avoient partout usur=
pé (Anthrop. S. 1) .

Ce qui vient d'etre dit est confirmé par les
relations qu'on nous a données des expedi=
tions de chasse parmi les peuples sauvages.

Ils tiennent des assemblées generales pour
fixer la composition des troupes qui doivent
partir et la route qu'ils doivent suivre; en=
suite ils s'acheminent par troupes et pren=
nent la route la plus directe pour arriver
aux lieux designés, selon le plan convenu.

C'est de la qu'ils prennent leur enceinte
pour se rapprocher ensuite et envellop=
per leur proie. Chassent ils p. ex. a l'ours?
ils cherchent a decouvrir les lieux que ces
animaux frequentent habituellement, ils
forment un cercle proportioné a leur
nombre, et se mettant en mouvement, ils
tachent a mesure qu'ils avancent vers le
centre, de decouvrir le lieu de retraite
de l'animal; pour lors ils sont surs de le
faire partir et rarement peut il echap=
per. Pour chasser au buffle, ils forment
aussi un cercle ou un quaré, et aiant
pris leur station, ils mettent le feu a
l'herbe seche, et les buffles fuiant avec
<80> precipitation devant le feu qu'ils redoutent
ils se rapprochent enfin dans un espace
resserré et aucun n'echappe. Ils chassent
l'Elan lorsque le soleil commance a avoir
assès de force pour fondre la neige et que
la gelée de la nuit forme sur sa surface
une espece de croute, parce que cet animal
fort lourd la brise avec son pied fourchu
et s'en debarasse difficillement, ce qui
permet de l'atteïndre. Si c'est dans le voi=
sinage d'une riviere, les uns vont en ca=
rer, les autres font sur la terre un demi
cercle, après quoi ils lachent les chiens
font partir l'animal et en se rapprochant
le chassent contre la riviere, ou il est
devient la proie de ceux qui sont dans
les canals.

EMPIRE REGAGNE PAR LA CHASSE.

C'est sans doute par de telles expeditions,
et par des moiens tout semblable, que les
hommes reunis en communauté sont
parvenus a chasser les especes ennemies
des regions cultivées. Les animaux fero=
ces assaillis une fois par des forces redou=
tables, avertis par des frequens et nom=
breux massacres du danger qu'ils cour=
roient en s'approchant des lieux frequen=
tés par les hommes, s'eloignerent peu
a peu de ceux ci pour se cacher dans
les forets et les deserts: privés par la
des subsistances abondantes qu'ils trou=
voient auparavant dans les lieux ou ils
pouvoient fondre a leur aise sur l'ani=
mal paisible, sans cesse exposés aux
coups meurtriers d'une espece nouvelle
especes si formidable 2 mots biffure chaque
fois qu'ils hazardoient de sortir de leurs
repaires, leur population ne cessa des lors
<80v> de diminuer progressivement par une
suite des premieres Loix du regne animal
(Anthrop. S. 1.)  et dans tous les pays
cultivés, ce qui en resta fut relegué
dans des sombres forets, d'ou ils ne purent
que bien rarement sortir pour inquieter
le Berger et ses troupeaux. D'ou est enfin
resulté le triomphe complet de l'espece
humaine
sur toutes les autres dans tous
les lieux ou elle s'est etablie.

Des lors la haute chasse cessa d'etre pour les
peuples une occupation aussi indispensa=
ble pour leur sureté quelle l'avoit été au=
paravant. Elle ne fut plus necessaire que dans
certaines contrées plus semées d'epaisses fo=
rets et lors que certaines intemperies d'air
ou de disette 1 mot biffure, ramenent les animaux
feroces près des habitations. Enfin chès
les nations policées, elle ne fut plus regar=
dee que comme un exercice de recrea=
tion pour les gens opulens, comme
cela a lieu de nos jours.

<81> CHAPITRE XVI
Comment les hommes pressés par l'ins=
tinct qui invite les sens a s'unir pour
la conservation de l'espece, furent amenés
naturellement a former des societés con
=
jugales et domestiques.

RETOUR A LA SOCIETE CONJUGALE

Les colonies emigrantes furent compo=
sées d'hommes et de femmes liés par des
unions conjugales. Tombées une fois dans
la barbarie, errantes par petites troupes,
et malheureuses elles oublierent les douceurs et les obli=
gations de l'etat conjugal; et On ne con=
nut plus parmi elles que les unions passageres et
et momentanées; on en vint au commerce
vague. C'est ainsi que les Grecs avant
le crops, assouvissoient indistinctement leur
brutalité, au point que les enfans provenant
tous de commerces vagues ne connoissoient
plus que leur Mere dont ils portoient le nom.

Toutes les anciennes peuplades furent
amenées a cet etat de grossiereté qu'on
observe chès quelques tribus sauvages ou
on ne decouvre aucune tendresse entre les
sexes, ni aucun soin des enfans.

Revenus une fois de leur stupidité, dès que
les hommes commancerent a deploier quel=
que lueur d'Intelligence, et acquerir assès
d'ïndustrie pour assurer leur subsistance,
se construire des abris pour y reposer en
sureté, et y serrer des provisions, et jouir
de quelque repos. Ces hommes par la deve=
nus plus accessibles aux sentimens du
coeur et aux douceurs de la tendresse, sen=
tirent le besoin de former entre les sexes
des unions durables et permanentes, et
conçurent le gout pour les liens de la
societé conjugale dont les avantages 1 mot biffure
etoient trop frappans pour n'etre pas sentis.
L'instinct presques alors borné a une sen-
<81v> sensualité du moment devint en eux le
germe d'une vie Sociale, ou d'une Societé
de cohabitation et de reciprocité de secours
(v. Anthropol. S. 1) .

Ces societes conjugales se multiplierent
a mesure que l'humanité vit diminuer ses
miseres et augmenter ses ressources. Quel=
ques anciennes peuplades, non encor civi=
lisées, conçurent même une si haute idée de
cette union, que ceux qui s'en dispençoient
tomboient dans le mepris, et qu'une veuve
ne pouvoit, sans exposer son honneur, subs=
tituer un second mari a celui dont elle
devoit, toute sa vie, pleurer la perte. Ainsi
elles obeirent, comme cela se voit aussi chès
les certaines hordes sauvages, aux Loix du lien con=
jugal, qui fut partout du plus ou moins respec=
tées, ches les peuples sortis de la barbarie.

CE QU'EST LE LIEN CONJUGAL CHES LES
PEUPLES SAUVAGES.

Il est vrai que chès les nations Sauvages les
doux sentimens de tendresse qui doivent
cimenter l'union conjugale, semblent
etre absolument ïnconnus. La 1 mot biffure
l'homme ne s'occupe que de sa sureté et
de sa subsistance; rien ne le sollicite a
l'amour que l'aiguillon de la chaïr et le
voeu de la nature qui veille a la perpetu=
ité de l'espece. La l'union des deux sexes
formée par l'attrait du moment, prendroit
rarement consistence. Si une tendresse plus
animale encor que reflechie n'attachoit
les deux conjoints aux fruits de leur union,
et si les soins donnés a celui ci, ne leur for=
nissoit de nouvelles occasions de reiterer
leurs ebats de volupté, qui chès eux font
toutes les douceurs de l'hymen . La les hom=
mes 1 mot biffure grossiers par education et par habitude
ignorent ce que c'est qu'aimer, proteger
un sexe foible et timide, et n'exercent en=
vers celui ci qu'un despotisme barbare; les
<82> les femmes vivent dans l'opprobre et les
pleurs; elles sont chargées des travaux
domestiques les plus peinibles; elles accou=
chent sans secours et au bout de quelques
heures, elles reprennent leurs occupations
ordinaires: jamais elles ne paroissent de=
vant leurs maris que dans une posture
humiliante: elles le servent a table, et
vont ensuite manger a part ce qu'il a
rebuté. Les hommes ne s'occupent que
de leurs courses et de retour, ils ne pensent
qu'a se gorger de leur proie, s'enyvrer,
1 mot biffure dormir, et ils ne se reveillent que pour
quereller et maltraiter ceux qui sont au=
tour d'eux. Tel est le sort des femmes chès
les Sauvages de l'Amerique, de l'Asie et
la Guinée. Il y a tout lieu de presumer
qu'il fut a peu près semblable chès les an=
ciennes peuplades avant qu'elles fussent
sorties de la barbarie. Ainsi ches les premiers anciens
Grecs, les femmes etoient chargées de tous
les travaux peinibles, moudre le grain,
puiser l'eau, netoier les appartemens &c
elles etoient même appellées a des fonctions
indecentes, habiller et deshabiller les hom=
mes &c, elles vivoient toujours renfermées,
et les hommes n'avoient aucun com=
merce de Societé avec elles; autant de
traits qui caracterisent des hommes
fort ressemblans aux Sauvages.

CHES LES PEUPLES BERGERS.

Les femmes ont été toujours moïns mal=
heureuses en proportion des progrès que les
hommes ont fait vers la cïvilisation. Les
peuples nomades aiant plus d'aisance
et de secours pour s'instruire, ont pu pren=
dre quelque idée de beauté et de merite,
de quelque regle pour l'apprecier, ils ont
pu s'attacher par choix et par gout et se
livrer jusques a un certain point aux
jouissances du coeur. Quoique les femmes
<82v> aient été parmi eux, comme dans tous l'o=
rient, assujeties a toutes les fonctions du me=
nage, leur sort a toujours été bien preferable
a la condition du sexe chès les peuples sau=
vages: on en trouve la preuve parmi
les Arabes du desert et chès les Tartares.

CHES LES PEUPLES AGRICOLES

Chès les peuples agricoles, l'inegalité des for=
tunes et des conditions a produit de nouvelles
relations, et de nouveaux motifs d'attention
pour faire des mariages assortis: on a
ambitionné la reunion de la beauté, du
merite et de la fortune: pour obtenir
tout cela, il a fallu s'etudier a plaire et
cela même a donné au sexe du relief,
de la dignité, et lui a valu beaucoup
d'egards. Les femmes ont eté traitées avec
d'autant plus de menagemens qu'il a
fallu plus de peine pour les obtenir.

CHES LES PEUPLES INDUSTRIEUX ET
COMMERCANS.

Chès les peuples Industrieux et commer=
cans, les femmes se sont trouvées encor
plus heureuses, parce que les hommes sont
dans la necessité d'associer a leurs affaires
et leur fortune et leur vigilance, et a 1 mot biffure
qu'a cette confiance que les maris leur temoi=
gnent, elles se piquent de repondre
par un retour de fidelité et d'exactitude,
qui leur assure l'estime et l'attachement
de leurs epoux.

CHES LES NATIONS OPULENTES ET QUI
AIMENT LE PLAISIR.

S'excepte ici les Etats despotiques ou les
femmes doivent naturellement etre esclaves,
parce que chacun porte dans sa maison
l'esprit qu'il voit etabli dans tous ses alen=
tours, et que la politique même demande
que les femmes soient resserrées. Mais chès
toute autre societé, ou l'on jouit d'une certaine
<83> liberté, ou l'opulence a favorisé le gout
pour le desoeuvrement et le plaisir, les
femmes y sont fort recherchées; De leur
côté, elles s'etudient a jouer un rôle, et a
prendre l'ascendant, et a la fin elles de=
viennent l'ame et le mobile de tout. Leur
amour propre en est flatté, elles se croient
heureuses, mais tous les maux qui resul=
tent de leur dissipation et de leur frivolité
1 mot biffure pour la maison et la famille
retombent sur elles mêmes, et elles en
portent une juste peine de misere d'ou
de mepris, ou d'oubli.

SOCIETES DOMESTIQUES

Des unions conjugales naquirent les
Societés domestiques, de 2 mots biffure
parentage, d'alliance, et dès ce moment
La Loi naturelle commanca a etre 1 mot biffure
sentie et prendre quelque ascendant sur
les coeurs. On conçut l'idée d'un bien com=
mun et de l'obligation ou sont les Indi=
vidus d'y concourir pour prendre part
a sa jouissance: ce fut la le premier
germe des dispositions sociales.

POUVOIR PATERNEL.

Dans les premieres societés domestiques,
on ne vit pas se devellopper d'abord ces
sentimens mutuels qui doivent en etre
le lien. Le premier lien connu fut la
subordination envers le chef qui comman=
ca toujours par un despotisme tyranni=
que 1 ligne biffure qui
leur fit croire 1 mot biffure aux Peres qu'ils etoient les
maitres de la vie de leurs enfans, qu'ils
pouvoient les tuer, les vendre &c; atrocité
qui se voit encor parmi les peuples sau=
vages barbares, entre'autres ceux de la Guinée.

<83v> Il fallut Ce sont les 1 mot biffure
1 ligne biffure pro=
gres vers la civilisation, 1 mot biffure qui ont
reveillé les entrailles des Peres et les ont
disposés a traiter leurs enfans avec
bonté. Depuis même la formation des
societés, la rigueur de la subordination
se maïntint au point que les Peres etoient
toujours maitres de la liberté de leurs
enfans, qui pendant leur vie ne pouvoient rien contracter
sans eux, comme cela se prattiquoit chès les
Romains, chès les Egyptiens, et se prattique
encor chès les Chinois.

Ches les premiers peuples l'usage fut
toujours qu'ils restoient auprès des Parens jus=
que a leur etablissement, comme cela
se prattique encor chès les sauvages,
quoique les enfans y soient plutot
que ailleurs en etat de se passer de se=
cours; de leurs Parens: ce qui semble
annoncer que c'est ici la une impulsion de
l'instinct, et la voix du sang.

POPULATION. ADOPTION.

La multiplication des mariages, ainsi
que la population, augmenta toujours
en proportion des ressources, des circons=
tances, des obstacles plus ou moins grands
que les peuples eurent a surmonter pour
leur etablissement et pour obtenir des
subsistances. Dans les climats chauds,
les pays d'un bon sol, tout a coucourut
a favoriser la population, même
depuis la formation des societés regu=
lieres, et malgrè les vices du gouver=
nement. De la vient le cas qu'on a
toujours fait chès les orientaux de la
fecondité et l'honneur qu'on a attaché
a etre Pere d'une famille nombreuse. 
3 mots biffure
1 ligne biffure
3 mots biffure L'opprobre attaché
au contraire a la sterilité et au celibat 
<84> a produit dès les temps anciens l'usage
de l'adoption , qui s'introduisit aussi chès
les anciens Grecs, et les autres peuples.

POLYGAMIE. DIVORCE.

L'usage de la Polygamie  2 mots biffure s'introduisit aussi
d'assès bonne heure 2 mots biffure; chacun
put avoir autant de femmes qu'il pou=
voit en entretenir et même il fut per=
mis d'epouser plusieurs soeurs a la
fois; les plus jeunes etoient soumises
au plus agées, et celles qui restoient sans
enfans servoient celles qui etoient fe=
condes. Les Mingreliens et les Georgiens
ont cru de tout temps qu'il etoit très lou=
able d'avoir plusieurs femmes et concu=
bines ; cela n'est pas surprenant chès
des peuples qui vendent leurs enfans
argent contant, ou les echangent
contre des hardes et des vïvres.

Sans doute aussi que chès les anciennes
peuplades le divorce  fut en usage
comme chès les Sauvages, ou il se prat=
tique sans ceremonie en partageant
les enfans, quoique les exemples en
soient assès rares 1 mot biffure

<84v> CHAPITRE XVII.
Comment les hommes cederent enfin au
besoin de se former en communauté de
familles, et a quelles Loix ces Societés,

quoiqu'imparfaites, durent necessaire=
ment obeir?

PREMIERES COMMUNAUTES. SOCIETES
IMPARFAITES.

Dès que la population et les ressources le
permirent, les hommes formerent des asso=
ciations de familles en communautés qui
furent dans l'origine a peu près telles que
les hordes des anciens Germains, Gaulois,
&c et les tribus actuelles des Sauvages, c'est
a dire, des Societés imparfaites sans Legis=
lation ni institution d'ordre civil, ni forme
de gouvernement reguliere. Elles durent
leur origine non a un pacte Social dans
les formes, mais aux circonstances qui
inviterent les familles a se reunir pour
leur interet commun. Elle n'eurent
pour fondement qu'un consentement,
sinon 3 mots biffure tacite et sousen=
tendu, comme lié inseparablement
au fait même de la reunion et presumé
de la part de chaque Individu aussi long=
temps qu'il demeuroit dans le sein de la
communauté pour en partager les avan=
tages. Les conditions ne furent determi=
nées non plus que par la nature même de
l'association et des obligations qui en resul=
toient pour les individus envers le corps, et pour
le corps envers les Individus: Tout devoit
se faire conformement a ces conditions
sousentendues, et certains usages genera=
lemens adoptés par la communauté com=
me regles de conduite.

<85> FONDEMENT DE CES SOCIETES. LIEN
SOCIAL

Les fondements de ces Societés etoit donc
le consentement presumé de la part de tous
relativement a la fin generale de la reunion
et aux conditions ou obligations sousenten=
dues qui en etoit la consequence necessai=
re. Quel etoit cette fin generale a laquelle
toutes les volontés etoient censées se rappor=
ter? Une reunion de forces, peu conside=
rables etant separées pour leur donner un accroissement
et une intensité suffisante contre les espe=
ces ennemies de leur repos et qu'il s'agis=
soit de soumettre, les un assortiment de
moiens efficaces pour prevenir dïvers
maux ou dangers, un concours de tra=
vaux pour assurer a tous des ressources
suffisantes necessaires a leurs divers besoins et de=
velloper leur industrie de concert
en vue d'un interet general, un bon=
heur commun d'ou devoit resulter
le plus grand bien de chaque particu=
lier. Quelle etoit 1 mot tache l'obligation que
cette fin supposoit necessairement et
L'obligation qui ne pouvoit etre meconnue
d'aucun d'eux? L'obligation non seulement
de s'abstenir de tout ce qui pouvoit etre
contraire au bien general, mais encor
de concourir chacun de son côté de
tout son pouvoir pour le procurer
et l'avancer. Quelque puisse etre la
nature ou l'objet d'une association, ce
lien social ne sauroit jamais etre igno=
re d'aucun de ses membres, et jamais
il n'a pu se faire aucune réunion des
hommes en communauté sans qu'ils 1 mot biffure
aient clairement compris que, par ce
fait, ils renoncoient a une partie de
leur liberté auparavant illimitée
pour la soumettre a une regle essentielle
a toute societé, et toujours
<85v> sousentendue lorsqu'elle n'est pas exprimée.

LOIX DE CES SOCIETES.

D'ou il resulte que ces premieres Societés,
toutes imparfaites qu'on les suppose, n'ont
jamais existé sans quelque Loi, et celle
qui est fondamentale et essentielle a
toute association.

Sans doute que ces premieres associations
ne furent pas precedées de longues reflexions
ou deliberations, ni sur la necessité de s'unir,
ni sur la forme et les conditions de cette uni=
on: elles furent l'effet 1 mot biffure necessaire
des rapports naturels des hommes entr'eux,
et du sentiment vif et profond du besoin
qu'ils avoient de se rapprocher pour s'entrese=
courir: on ne s'occupa ni de preliminaires
ni de formalité de contrat; il fut dit et ecrit
dans tous les coeurs, qu'on se reunissoit
pour la deffense et la prosperité commune
et qu'on seroit disposé en toute occasion a
y concourir de concert
, ensorte que cha=
que chaque Individu servant a la commu=
nauté, pourroit aussi comter d'en d'etre pro=
tegé par elle.

Cette Loi generale d'association ne 1 mot biffure
pouvoit detruire l'egalité primitive des mem=
bres, puisqu'ils avoient tous la même obliga=
tion a remplir et le même avantage a preten=
dre. Ce sentiment d'egalité profondement
enraciné chès eux ne leur permit pas de
soubsconner que l'un chercheroit a domi=
ner sur l'autre, ou a le priver de ses avanta=
ges, de ses proprietés, ni qu'il fut necessaire
de prendre des mesures pour mettre le sort
de l'un a couvert des entreprises de l'autre.

On ne pensa encor moins a decerner des pei=
nes pour ceux qui se rendroient coupables
envers la communauté ou envers quelqu'un
de ses membres, ni a etablir des gens d'office
pour veiller a l'ordre public et reprimer le
desordre. Il n'y eut aucune Loi promul=
guee, aucun Tribunal etabli pour
tenir main a son execution.

<86> Pendant que les Individus restoient
dans la communauté, ils ne pouvoient
violer les conditions sousentendues, ni les usages
generalemens adoptés, sans encourir la
disgrace de tous les autres membres, et
sans s'exposer au risque d'etre ou mal=
traités ou ignominieusement expulsés.
Mais ce n'etoit point ici un acte judici=
aire, c'etoit plutot un acte de guerre exer=
cé contre un ennemi commun. Les in=
justices ou les violences exercées de parti=
culier a particulier, n'etoient l'objet d'au=
cune recherche publique, d'aucun
pouvoir reprimant; le soin de la satis=
faction etoit un affaire d'arrangement
entre les particuliers ou plutot entre les
familles, comme cela se prattique encor
parmi les peuples barbares.

Dans ces Societés, il n'y avoit aucun frein
que l'education, l'exemple, les moeurs,
les usages, les opinions; aucune subor=
dination que celle du respect porté a
l'age, l'experience, la valeur, aucune
autorité que celle de la persuasion de la
part des vieillards experimentés qui pou=
voient servir de guides dans les delibera=
tions publiques.

CHEFS OU ROIS.

Les anciennes peuplades eurent, il est
vrai, la plupart un Chef, souvent
avec un titre eminent, telque celui de
Roi; avec une espece d'autorité avouée
et des marques exterieures pour la faire
reconnoitre. Mais ce Chef n'etoit pas un
souverain; il n'etoit qu'un Conducteur,
un Capitaine experimenté, connu
par ses talens, son habileté, sa valeur,
choisi et appellé par le voeu general pour marcher a la tete
de la communauté dans toutes les operations importantes,
qui demandoient un concours de forces
<86v> bien dirigées a un but; c'etoit un homme
que la confiance generale appelloit 1 mot biffure invitoit natu=
rellement a commander, et auquel une sor=
te de consentement par acclamation una=
nime deferoit l'autorité pour le temps qu'elle
seroit necessaire au bien general selon les
circonstances. D'ailleurs l'obeissance a
ses volontés pendant le cours de l'expedi=
tion, ne detruisoit point l'egalité primitive,
subsistante entre tous; cette obeissance
ne duroit qu'autant que son autorité
pouvoit etre utile et agreable; elle n'em=
pechoit point que les peuples ne se gouvernassent
d'ailleurs a leur gré pour tout ce qui n'etoit
pas relatif a l'expedition: celle ci passée,
toute autorité cessoit, et le chef ne
la reprenoit que lorsqu'un peril com=
mun les forcoit de se rassembler de nouveau sous sa
conduite.

EXEMPLES.

Telles furent les premieres Societés chés les
Grecs, et tels furent leurs premiers Rois,
avant qu'ils eussent etabli des gouver=
nemens reguliers. J'en dis autant des hor=
des barbares du nord et de leurs premiers
Chefs. Il en est encor ainsi des Tribus
Sauvages. Chaque nation est divisée
en bandes ou Tribus dont chacune fait
communauté avec la nation. Chaque
nation, comme chaque tribu, a ses carac=
teres distinctifs. Dans chaque Tribu, il
y a un chef qu'on appelle le grand Guer=
rier, comme appellé a diriger toutes les
expeditions militaires. Il y en a aussi
un autre qui est preposé sur toutes les
affaires interieures de la communauté,
et porte un titre analogue a celui du
Roi. Mais malgré ces deux dignités
<87> il n'y a chès ces peuples aucune subordi=
nation proprement dite ni militaire ni civile.
Tous jaloux de leur independance, ils sont
tous prets a rejetter avec dedain toute in=
jonction accompagnée de quelque apparen=
ce de commandement, et les chefs sont assès
prudens pour ne donner jamais aucun
ordre. Mais la simple proposition de leur
avis reveille a l'instant l'emulation et
chacun s'empresse a l'executer: l'autorité
persuasive produit chès eux un beaucoup
plus grand effet que ne le feroit chès d'au=
tres une autorité menaçante. D'ailleurs
on y ignore ce que c'est que gouvernement,
Magistrats, loix positives, reglemens
pour maintenir l'ordre; toute la politi=
que s'y reduit a conserver cette union
d'interet et d'egalité d'ou depend leur force
contre les ennemïs. Aucune Loi de con=
trainte pour forcer quelquun a faire
ce qu'il ne veut pas: aucune Loi pour
fixer la punition des crime. Le meur=
tre est laissé a la vindicte des parens
du deffunt, qui est bientot appaisée
par des presens. Des assemblées sont for=
mées des chefs de familles qui sont comme
les assesseurs du chef principal pour delibe=
rer et pour agir, qui et celui ci ne sauroit parconse=
quent, rien faire sans eux le concours de
ceuxla.

LOI NATURELLE PRIMITIVE RAPPELLEE

La Loi fondamentale des associations pri=
mitives ne fut que l'application d'une Loi an=
terieure et generale pour toute l'espece hu=
maïne, qui a toujours pu etre envisagée
comme formant une Societé generale,
4 mots biffure independante 1 mot biffure
de toute association particuliere, comme et
1 mot biffure qui est le resultat naturel de la constitution
des hommes, de leurs relations, et des circonstances essen=
tielles et communes a leur position sur la terre. Cette Loi
a laquelle tous les hommes sont soumis, qui
<87v> a pu etre connues de tous ceux qui ne sont
pas arrivés a l'etat complet d'abrutissement
que qui ont pu s'en relever. Cette Loi par=
tout etablie sans convention, a été appellée
Loi naturelle, generale, commune, et
Loi divine entant que la volonté dïvine
se manifeste par elle
et que les hommes
tous disposés, ainsi
que nous le montre=
rons dans la Mytho=
logie , a reconnoitre
une Divinité su=
preme, ont pu
tres bïen 1 mot biffure

regarder comme etant 1 mot biffure
1 mot biffure l'expression de
la volonté d'un
Superieur elevé
sur eux par sa
nature et son au=
torité 1 mot biffure in=
contestable.
  Les hommes purent
et durent donc connoitre cette Loi, et respecter cette
Loi; des qu'ils prirent assès d'Intelligence pour
se reunir en communautés, puisque alors
ils purent comprendre que, quoique na=
turellement egaux et independans, ils
etoient neanmoins obligés a respecter

mutuellement leurs Droits, a s'abstenir
de faire aucun mal a leurs semblables
,
a leur faire au contraire tout le bien pos=
sible, a les aïmer, les interesser en leur fa=
veur, pour en obtenir un juste retour
de bienveillance et d'affection.

Cette premiere Loi de nature, loi d'egali=
te, de justice, de fidelité, de bienfaisance
mutuelle; appliquée aux circonstances
ou les hommes se trouvoient lorsqu'ils
formerent les premieres communautés,
cette Loi vint a l'appui, et s'identifia avec
aux la Loi fondamentale, dont nous
avons parlé plus haut; qui ne fut ainsi autre
chose que l'application de la Loi generale
au cas de l'association. De la vient que
cette Loi n'est point ignorée des peuples
sauvages, qui savent tous du plus au
moins, qu'ils doivent se traiter mutuelle=
ment comme egaux, qu'aiant tous besoin
de secours, tous aussi doivent secourir et
tous s'entraider &c.

Ces premieres obligations furent aussi
appliquées aux communautés qui com=
prirent par la seule Loi naturelle ce qu'elles
se devoient les unes aux autres, lors du moins
qu'elles n'etoient pas en guerre ouverte, et
comment elle devoient respecter mutuelle=
ment leur egalité et leur independance
reciproque.

<88> Ainsi par ex: elles comprirent que l'une
n'avoit aucun droit sur les terres aupara=
vant occupées par d'autres, et encor moins
sur les personnes relevant de cellesci; qu'au=
cun droit ne pouvoit etre fondé sur la seule
conquête, ou sur le seul exercice de la force
majeure; que s'emparer des terres d'un peu=
ple auquel on a fait une guerre injuste,
est une occupation injuste, et qu'aucune
prise n'est legitime que lors qu'on puit repe=
ter un dedomagement, ou qu'il s'agit d'af=
faiblir le peuple ennemi, pour le mettre
dans l'impuissance de revenir injustement
a la charge.

D'ou il resulte que les communautés pri=
mitives n'ont pu se former ni se mainte=
nir sans la Loi naturelle, qui impose a tous
les hommes l'obligation de travailler au
bien commun, et que les conditions d'au=
cune association en communauté n'ont
jamais pu deroger a cette obligation
generale, dont elles n'ont jamais du
etre autre chose qu'une application aux
cas particuliers ou se trouvoient les
hommes appellés a se reunir.

LOI NATURELLE INSUFFISANTE.

Il est vrai que la Loi naturelle toute seule
n'a jamais pu suffire pour accomplir le
but de toute societé
, sa sureté, la tran=
quillité, la prosperité commune. Elle au=
roit pu suffire peut etre, pendant que les
objets de conflict entre les hommes furent
en petit nombre: mais il n'en fut plus de
même des qu'ils vinrent a se multiplier
et paroitre assès importans pour exalter
les passions. Cette Loi d'ailleurs n'exerçeoit
pas son autorité et son efficace sur cha=
que particulier avec la même force: cette
efficace dependoit uniquement de l'usage
<88v> qu'il faisoit de sa maison, et combien de
fois ne lui arrivoit il pas d'abuser de celleci
3 mots biffure pour se livrer aveuglement a ses passions. Dans
les cas de conflict entre les particuliers, il
falloit recourir a un arbitre pour faire
l'application de la Loi naturelle, et cette
application d'une Loi non ecrite, etoit très
difficille et sujette a etre eludée par divers
Sophismes. L'insuffisance de cette Loi
se faisant tous les jours plus sentir, on cher=
cher a y suppleer par d'autres moiens, qu'on
crut propres a reprimer les conflicts, les
essorts des passions, et tout ce qui pouvoit
nuire a l'union sociale.

LOI D'OPINION.

Le premier moien, et qui etoit le plus accom=
modé a l'esprit de liberté et d'egalité, ce fut
une mesure d'appreciation pour l'estime
düe aux qualités ou avec actions des Indi=
vidus relativement au bien social, ce
qu'on a appellé la Loi d'opinion. Voiès
ci dessus Chap. 111.

Pour les peuplades non civilisées, cette Loi
d'opinion
fut la même a peu près que celle
que nous voions regner parmi les nations
sauvages
. Chès cellesci on ne fait cas que
de la force du corps et du courage; 1 mot biffure
5 lignes biffure
1 mot biffure
. Quel est l'homme le plus vanté
parmi elles peuples? Celui qui est en etat de
courir avec la plus grande agilité, qui
est habile a la chasse, qui bande facilement
un arc, qui atteint juste au but, qui ma=
noeuvre habilement sur un canot, qui
entend bien la guerre &c.

<89> Parmi les nations qui purent sortir de la
barbarie, la Loi d'opinion devint tout
autrement raisonnable et rapprochée de
la Loi naturelle. Elles donnerent toujours
la preference aux qualités les plus distin=
guées parmi celles qui convenoient a leur
situation et au genre d'occupation auquel
elles s'adonnoient: mais elles surent ap=
precier aussi celles qui tendoient au plus
grand bien social, et qu'on pouvoit re=
garder comme un vrai merite. On rendit
hommage a l'industrie, aux talens, au
courage, a la bonte et la bien faisance: on temoi=
gna du mepris pour les ignorans, les
paresseux, les laches, les mechans et les
perfides.

Dela on vit naitre les differens degres d'es=
time accordés ou refusés aux particuliers
dans l'opinion publique, et les premieres
dïstinctions introduites entre les hommes,
des diversités de rang reglées sur les Degrés
de consideration dont on jouissoit parmi
ses associés.

Malheureusement les hommes toujours
trop sensibles a ce qui eblouit, le confon=
dirent bientot avec le vrai merite. Une
reputation surprise, ou seulement heritée,
un relief de naissance ou de fortune,
fonderent une superiorité, et l'on vit
naitre peu a peu une grande inegalité des condi=
tions et de rang entre les familles, qui est devenue une
source melangée de biens et de maux. En effet

il en resulta quelques avantages; les
uns flattés de leur proeminence furent
encouragés par l'interet de leur honneur
a deploier leurs talens, selon l'opinion
publique; d'autres furent forcés par
le besoin a se vouer a des travaux
rebutés, quoique indispensables, ou exci=
tés a sortir de leur obscurité par l'eclat
de leurs talens et de leurs actions.

Mais a côté des avantages on vit sortir
une foule d'inconveniens et de maux,
<89v> l'amour propre, l'orgueil chès les uns,
la rivalité, l'envie chès les autres; chès tous
l'esprit d'interet; et de la les divisions, les
haines, les violences, et tous les excès pro=
pres a pervertir l'ordre et le bien social.

EFFICACE DE LA LOI D'OPINION.

Malgre ces abus produits par la Loi d'o=
pinion, celleci toujours inclinée a recom=
penser le merite par l'estime, et a punir le
demerite par le mepris public, fut de la
plus grande influence, deja avant les insti=
tutions politiques, pour contenir les travers
et les essorts de passions; et même depuis
les etablissemens civils, pour suppleer
aux Lois dans les cas ou celles ci n'avoient
rien prononcé, crainte des inconveniens qui
auroient pu resulter de la contrainte
exercée relativement a certains genres
d'actions. Le pouvoir de l'opinion a été
d'autant plus utile aux hommes qu'il
s'est etendu sur toutes sortes d'actions,
sans excepter même les principes et les
ressorts qui les meuvent; 3 mots biffure
3 lignes biffure
conduite,
partout les actions ont été
qualifiées d'estimables ou meprisables,
de decentes ou d'indecentes, de bienseantes
ou d'honteuses, nobles ou basses, selon
l'opinion adoptée, et ces noms ont tou=
jours été entre les mains du public autant
de recompenses ou de punitions 1 mot biffure envers
4 lignes biffure
les particuliers. Il est vrai que quand
cette opinion, ches
un peuple sest trou=
vée fausse ou en
contradiction avec
la Loi naturelle, ce
peuple n'a pu etre que
tres [vicieux]* et malheureux, mais
quand elle a été vraie
ou d'accord avec
cette même Loi, elle
a extremement con=
tribue a rendre une
nation vertueuse
et heureuse.
 

Il 5 mots biffure faut convenir aussi que l'efficacité de
cette Loi d'opïnion peut devenir, 1 mot biffure souvent
très funeste. Cette opinion peut n'etre que
l'effet de certaines circonstances ou une
nation s'est trouvée et qui l'ont engagée
a juger avec precipitation; ce qui a
<90> produit ches elle une habitude gene=
rale et inveterée de dispenser inconside=
rablement son estime ou son mepris. L'opi=
nïon pouvoit etre même vraie dans ses
principes, et la nation etre accoutumée
a en faire de fausses applications dans
le detail. L'opinion est 1 mot biffure elle defec=
tueuse, elle ne peut se corriger que très
lentement; est elle saïne, elle peut se cor=
rompre avec rapidité. Une opinion fausse
et dangereuse a toujours pour elle le
credit de l'ancienneté, et dans les un
siecle eclairé, on ose a peine s'elever con=
tre elle. Pour la detruire, il faut souvent
emploier des remedes pires que le mal
et la prudence ne permet pas de l'atta=
quer: il faut bien des circonstances reu=
nies pour se promettre du succès. Tous
les inconveniens de la Loi d'opinion ont
ete verifiés par l'experience, et les hommes
de tout temps en ont reconnu l'insuffi=
sance pour l'ordre et le bien social.

LOI D'USAGE.

Le second moien emploié comme sup=
plement a la Loi de nature, ont a été
les moeurs et les usages, ou certaines
regles de conduite sociale successivement
introduites chès une nation a la suite des
circonstances, adoptées par un consen=
tement tacite, transmises des Peres aux
enfans, inculquées par les Leçons et re=
commandées par les exemples. Ces
regles non ecrites tenoient pour lors
lieu de Loi ecrites; le simple bon sens
suffisoit pour en faire l'application et
pour decider de tous les differens qui
pouvoient s'elever dans la Societé qui
les avoit admis pour regles.

On peut donc dire que les usages ont été
les premieres Loix des anciens peuples, et
d'orient encor aujourdhui qui n'en
ont absolument aucune autre.

<90v> Introduites d'abord parmi les peuplades
errantes, ces Lois d'usage s'y maintinrent
encor lorsqu'elles furent cantonnées, et
quelles commancerent a se transformer
en societes regulieres. Dela vient que c'est
dans ces Lois non ecrites qu'il faut encor
chercher les premieres origines et les fonde=
mens des Lois ecrites, et l'eclaircissement
des codes anciens des nations. Parmi
ces Lois d'usage, il en fut beaucoup de
raisonnables, fondées sur les besoins de
l'ordre social, plusieurs même sur lesquelles
les nations se sont assès generalement ac=
cordées, comme fondées sur des raisons
qui durent frapper egalement tous les
hommes. Il y en eut aussi de propres
a chaque nation, et qui subsisterent bien
longtemps par l'habitude qu'on avoit
prise de les suivre: l'ancienneté mit le
sceau a leur autorité pour leur don=
ner force de Loi.

INCONVENIENS DE CETTE LOI.

Les hommes dans les temps anciens aiant
encor peu d'experience et de prevoiance, il
ne leur arriva que trop souvent d'adopter
des usages fort a la legere: plusieurs furent
l'effet des circonstances ou le fruit du ca=
price et des passions; les diverses nations
en adopterent souvent de contradictoires,
et ches la même nation, les usages quelque
fois furent changés sans raison, par
Esprit d'inquietude et même pour aller de
mal en pis. Chès quelques unes la succession
des usages a été une reforme utile, mais
chès dautres, elle n'a été qu'une suite d'abus
et de desordres. Chès les nations même les
plus privilegiées a cet egard les temps heu=
reux ont eu un terme après lequel les
usages n'ont plus été que des vices transmis
d'une generation a l'autre, et qui ont accelere
<91> leur ruine. Les nations même qui avoient
conservé le plus longtemps de bons usages,
parvenues a un certain degré de perfec=
tion et de prosperité, elles les ont abandon=
comme pour courir après des nou=
veautés qui n'ont abouti qu'a les perdre.
Souvent ces usages sont devenus une
source d'altercations, et ils n'ont pu se maïn=
tenir qu'autant que ceux qu y trouvoient
leur conte, etoient assès puissans pour
y assujetir les autres. Les Loix d'usage
n'ont jamais été assès precises et notoires
pour que le commun des hommes pussent
s'en former des idées en actes, et par la
elles epprouvoient des variations conti=
nuelles sans meme qu'on s'en appercut.

Il etoit presque toujours au pouvoir
des plus accredités de les expliquer et de
les appliquer a leur gré; elles servoient
de pretexte a leurs pretensions et de titre
pour etendre leurs Droits ou restraindre
leurs obligations. Elles etoient presque
inutiles dans les demelés soumis a des
arbitrages; parce que ou il n'y a rien
d'ecrit, tout demeure incertain comme
la memoire labile des hommes, et vague
comme leurs principes, tout reste sou=
mis aux interets du plus fort. Entre
les nations, les Loix d'usage ne pourroient
etre qu'une source de pretensions in=
justes pour la nation la plus puissante
et un pretexte pour ecraser la plus foible;
temoin celle qui autorisoit la nation
victorieuse a exterminer l'autre a
la façon de l'interdit ou a la reduire
toute entiere en servitude.

INSUFFISANCE DE TOUTES LES LOIX
PRECEDENTES.

La Loi naturelle, auroit pu suffire aux
communautés dans leurs premieres
origines, si elle avoient été mieux connue et
<91v> suivie quelle pouvoit l'etre par des
hommes a peine sortis de la grossiere
barbarie. Les peuples nomades au=
roient pu aussi se maïntenir par la
seule Loi naturelle, suppléée par la Loi
d'opinion et quelques usages raisonnables;
mais le gout de ces peuples pour les courses
et le pillage, suffisoit pour rendre ces Loix
inefficaces par rapport a l'ordre social.

Ces memes Lois auroient encor pu a la
rigueur suffire aux nations agricoles, du
moins dans les premiers commancemens; mais
a mesure qu'elles virent naitre chès elles
plus d'objets de proprieté, plus de besoins
factices, plus de gouts divers, plus de dis=
tinctions de fortune et de rang, plus de
conflicts d'interets et de disputes, plus elles
sentirent aussi l'insuffisance de ces regles;
regles sans precision, qui ne pouvoient sauroient
servir de frein aux mechans accredités,
1 mot biffure 1 mot biffure quand ils peuvent les violer impunement;
regles qui une fois soumises a l'arbitrai=
re ne font que multiplier les ïnjustices
et les obstacles a l'ordre social.

Aussi Pendant que les societés n'eurent d'autres Loix,
elles ne purent jamais venir a bout d'introdui=
re aucune adminïstration reguliere des affai=
res publiques. Les assemblées generales ne pou=
voient rien amener meme de precis pour la condui=
te des membres relativement au corps et
a l'interet general.

NECESSITE DES LOIX POSITIVES

Lassés de la foule des abus, les hommes com=
prirent enfin la necessité de donner a leur
communauté une forme reguliere, d'en
determiner expressement les conditions, d'y
etablir une autorité permanente, et une
subordination a un gouvernement
fïxe, de soumettre a l'examen toutes les Loix
non ecrites, pour les corriger, les modifier,
y suppleer par des nouvelles, et leur donner
une forme et une sanction imposante, en
<92> prenant toutes les mesures necessaires pour
en procurer l'observation: d'ou naquirent
les Loix appellées positives , parce que leur
objet fut expressement posé, et determi=
né.

Cette revolution fut sans doute d'autant
plus lente, qu'il y eut toujours des hom=
mes interessés a s'y opposer, et qu'il fallut
bien du temps pour passer en revue
les anciennes Loix non ecrites, reflechir sur
leur origine, leur fondemens, leur neces=
sité, pour les eclaircir, les fixer, les lier entr'elles
les rapporter a certaines classes, et en faire
un corps, un code de Legislation regulier.

Ces Loix positives durent aussi se mul=
tiplier successivement a mesure que les
hommes virent multiplier parmi eux
les besoins, les occupations, les objets
de proprieté et de conflict.

Ainsi la Loi naturelle, la Loi d'opinion
la Loi d'usage preparerent les fondemens
des Loix positives, et les Legislateurs
n'eurent autre chose a faire ne s'occuperent qu'a ras=
sembler des materiaux ïndigestes pour
en construire un edifice regulier
Ainsi naquirent les codes de Loix
positives, appellées aussi civiles  par=
ce quelles servent de regles aux citoïens
et le Droit positif et civil.

LES SOCIETES IMPARFAITES TRANS=
FORMEES EN REGULIERES PAR
L'AGRICULTURE ET LES ARTS.

Ainsi les Societes imparfaites apporterent
des changemens très avantageux a
l'etat primitif de l'espece. Mais avant
que de se transformer en Societés re=
gulieres qui supposent la reunion
d'un grand nombre d'hommes dans
<92v> un district, il fallut recourir de toute neces=
site a la ressource de l'Agriculture et des
arts qu'elle exige, et il fallut que cette Agricultu=
re fut même poussée jusques a un cer=
tain degré. Voila pourquoi, avant que
de parler de la formation des societés poli=
tiques, il 2 mots biffure importe de presenter les
faits generaux relatifs a l'etablisse=
ment de l'Agriculture et des arts qu'elle
suppose ou amene naturellement et
des changemens qu'elle a introduit
parmi les hommes pour les rapprocher
de la civilisation. Ainsi après avoir
consideré les hommes depuis leur etat
de barbarie jusques a celui de Socie=
te imparfaite, nous allons montrer leur
passage graduel dela jusques a la Socie=
te reguliere et civile: après quoi nous
exposerons l'etablissement de celle ci
et quelles en ont eté les suites par rap=
port aux sciences et aux arts.

<93> TABLE

Premiere Section

Chapitre 1.

Des differences nationales qui distin=
guent les divers peuples dans les=
quels l'espece humaïne est actuelle=
ment divisée et premierement des
differences locales et physiologiques
p.1

Differences Geographiques ou locales
p. 2-3.

Differences Physiologiques 3-6.

Toutes ces differences sont accidentel=
les, l'espece est essentiellement unique
p. 6.

Causes naturelles des varietes acciden=
telles 8-11.

Differences nationales qui tiennent au
naturel interieur 11-13

Differences relatives a la vigueur 13. 14.

Chapitre II.

Differences nationales qui ont trait
au genre de ressources industrieuses
que les nations ont mises en oeuvre pour
pourvoir a leurs besoins et a leurs gouts
.
p. 15

uniformite dans le but, varieté dans
les moiens p. 15. 16

Differences quant au genre de ressour=
ces: de la nations sauvages-bergeres
-errantes-agricoles-industrieuses
-commercantes-mixtes p. 16-20

Chapitres III.

Autres differences des nations relati=
ves a leur maniere de penser, d'agir,
et de parler
p. 21

Differences relatives a la maniere de
penser p. 21. 22

Differences par rapport a leur merite reel
p. 22 23

Differences relatives a la maniere d'agir
aux moeurs, aux usages, aux opinions
prattiques p. 24-29.

Differences relatives a la constitution reli=
gieuse p. 29 30

<93v> Differences relatives a la constitution poli=
tique et civile p. 30-31

Differences relatives au Langage p. 31

Chapitre IV.

autres differences relatives qu'offre
ce qu'on appelle le caractere national
par lequel tous les Individus d'une na
=
tion se ressemblent p. 32

Caracteres generaux de l'espece p. 32

Caracteres particuliers nationaux p. 32

Connoissance de ces caracteres difficille
mais utile - observations importantes
p. 33-35

Caracteres nationaux marques a l'exterieur
p. 35 36

Caracteres nationaux melange p. 36 37.

Chapitre V.

Differences nationales resultant des
divers progrès que les peuples ont fait
vers la civilisation
p. 38.

Differences relatives au degre de civili=
sation 38.

Peuplades barbares dès leur premiere
origine 38-39

Peuples sortis de la barbarie 39.

Peuples civilises au plus haut degre. 39

Peuples retombés dans la barbarie 39-40

causes de ces differences 40

si tous les peuples furent originairement
barbares 41 42

Chapitre VI

Ce que nous connoissons de la premiere
origine de l'espece humaine
43.

Recit de Moyse 43. 44

Civilisation de l'espece humaine apres le
deluge 44. 45

Recit de Moyse sur la dispersion 45-49

Chapitre VII

Tous les peuples sont venus originaire=
ment de l'orient, et de ces contrées ou les hom=
mes vecurent toujours dans un etat pri=
mitif de civilisation. p. 90

<94> civilisation primitive des peuples orientaux
p. 50

Tous les peuples sont venus originairement
de l'orient p. 50-51

La civilisation primitive conserve dans la
mere - patrie et les contrées voisines p. 51 -
preuves - ressources des peuples orien=
taux. p. 51-66.

Causes pour lesquelles ces anciens peuples
ont ete toujours civilisés p. 67-68

Causes pour lesquelles les progres des orientaux
ont été lents p. 68.

Chapitre VIII

Comment diverses autres peuplades sorties
comme autant de colonies de la mere
Patrie civilisées, ont pu tomber dans la
barbarie, et plusieurs y croupir meme
pendant si longtemps.
p. 69

Les colonies se sont toujours poussées les
unes les autres en avant p. 69 70

Plusieurs auront pris une direction mal=
heureuse - suite de leur position, la
chute dans la barbarie - commune
a tous les peuples placés a un certain
eloignement de l'orient p. 70-76.

Chapitre IX.

Conjectures sur les emigrations parties
successivement de l'orient
p. 77

Antiquité de ces emigrations p. 77

Cours geographique de ces emigrations -
et conjectures au sujet des anciens peuples
issus de ces colonies p. 78-87

Rapports entre les nations tombées dans la
barbarie p. 88

Faits divers qui viennent a l'appui de tout
ce qui a ete dit p. 88-90

Chapitre X.

Population du nouveau monde p. 91

Hordes du nouveau continent origi=
naires de l'ancien - comment a pu se
faire l'emigration d'un continent a
l'autre p. 91-96

<94v> Chapitre XI.

Idées sur la maniere dont les peuplades
tombées dans la barbarie ont pu se relever
de cet etat.
p. 97

Causes diverses du relevement de la bar=
barie p. 97. 98

Des nations y sont toujours restees plon=
gees - et d'autres s'en sont sorties que
fort tard - d'autres se sont civilisées assès
rapidement p. 98-100

Mais elles ne se sont elevées a un certain
degre de civilisation qu'en renouant
commerce avec l'orient p. 101-103

Combien il importe de connoitre la maniere
dont les peuplades se sont relevées de la
barbarie p. 103-104

Chapitre XII

Etat primitif de la plupart des contrees
de nôtre globe, tel que durent le trouver
les colonies parties de l'orient qui sy
repandirent.
p. 105

Etat primitif du globe p. 105-107.

Ce que le globe offroit d'especes animees
- Loix de leur multiplication - empire
des animaux 107. 1112

Chapitre XIII.

De la situation ou durent se trouver la
plupart des colonies; et ce qu'elles firent
pour pourvoir a leurs premiers besoins;
premierement celui de la nourriture: ori
=
gïnes de la peche, de la chasse, de la bergerie
p. 113

colonies favorisees par le sort - colo=
nies disgraciees p. 113- 114

ressources qui restoient 114 115

Quels besoins ont reveillé l'industrie des
hommes 115-116

Besoin de la nouriture 116-117

ce que les hommes firent pour y pourvoir.
premiers alimens, les vegetaux et les fruits
117-118.

<95> les poissons la peche - instrumens de
peche, fil, cordes, filets, harpons
- ressource des plus anciennes et des plus
generales p. 118-122

la chair des oiseaux - la chasse - ins=
trumens - armes - la fronde, la fleche
l'arc p. 122-124

Peuplades reduites a la peche et la chasse
124 125.

Quadrupedes convertis en animaux
domestiques - animaux familiers
- animaux ombrageux, mais qui ont
pu etre apprivoises 125-127

Formation des troupeaux, bergerie
ses avantages 128 129

chair des animaux sauvages et do=
mestiques 129 130

lait fromage beurre 130

Maniere de se nourrir 131.

Chapitre XIV.

Moyens par lesqueles les peuplades pour=
vurent a un autre besoin de premiere
necessité; celui de la couverture et
de l'abri.

Couverture, matieres emploiees a cet
usage, vegetaux 132 133

Les peaux, tannerie, couture
133 134

Laine, poil, feutres 134 135

Chaussure 136

abris naturels, artificiels, huttes
cabanes, tentes 136-140

usage du feu domestique - foyer
matieres pour l'entretien du feu
141 142

preparation des alimens par le feu,
ustensiles 143-145

<95v> Chapitre XV

Moiens par lesquels les permiers hom=
mes pourvurent a un autre besoin
essentiel, leur sureté vis a vis des
especes ennemies
p. 146.

Deffense contre les betes feroces, haute
chasse, avantages qui en sont resul=
tés p. 146-148

Especes auxiliaires, le chien 148. 149

armes de chasse 149 150

Importance du succes de cette guerre
Mais il demandoit un concours
d'hommes 150-153

Empire sur les animaux regagne
par la chasse 153-154

Chapitre XVI

Comment les hommes pressés par l'ins=
tinct qui invite les sexes a s'unir pour
la conservation de l'espece, furent ame
=
nés naturellement a former des socie=
tes conjugales et domestiques.
p. 155.

Retour a la Societe conjugale
155-156.

Ce qu'est le lien conjugal chès les peu=
ples sauvages - ches les peuples
bergers - chès les peuples agrico=
les - ches les peuples industrieux
et commercans - ches les nations opu=
lentes et qui aiment le plaisir
156-159

Societes domestiques - pouvoir
paternel 159-160

Population, adoption 160-161

Polygamie, divorce 161

Chapitre XVII

Comment les hommes cederent en=
fin au besoin de se former en com=
munautes de familles, et a quelles
Lois, ces Societes, quoiqu'imparfaites
durent necessairement obeir
p. 162

<96> premieres communautes, Societes
imparfaites 162

Fondement de ces Societes, lien social
163

Loix de ces Societes 164 165

Chefs ou Rois 165 166

Exemples 166 167

Loi naturelle primitive rappellee
167-169

Loi naturelle insuffisante 169 170

Loi d'opinion 170 172

Efficace de la loi d'opinion et Dan=
ger de cette efficace 172. 173.

Loi dusage - inconveniens de cette
Loi 173-175

Insuffisance de toutes les Loix prece=
dentes 175-176

Necessité des Loix positives 176-177.

Les Societes imparfaites, transformees
en regulieres par l'Agriculture et
les arts.

<96v> 

<97> [Index ]

A

Abdomen 1. 54
aberger / -e IV. 193
ablatif IX. 99
abri 1. 153
absolu V. 20
abstraction / abstraire 1. 203

Accent / -uation II. 105
accident 1. 208
accord IV. 138
accusatif IX. 99
acoustique 1. 143
acquiescement VII. 173
action / activite / agir 1. 49

ADagio II. 107
addition V. 125
adjectif VI. 73
admiration / -er VII. 173
adolescence 1. 78
adoption III. 161
adoration VII. 175
adresse III. 147
adverbe IX. 77
adversite VII. 83.
adultere V. 67

AFfection VII. 4
affirmer IV. 152
affinage IV. 22
affirmatif VI. 125
afin IX. 89
afrique III. 2

AGilité III. 147
agir 1. 19
agones IV. 145
agrafe IV. 60
agraire V. 92
agreage IV. 200
agrement IV. 80
agricole. III. 18.

AIgu II. 89
aiguille III. 134
ainé V. 79
ainsi IX 80
airain IV. 25
aire IV. 34
ais. IV. 197.
aisance IV. 172

ALeph VIII. 33
alesne III. 134
algebre V. 133
alkali / -escence IV. 9
alimens I. 48
allegorie VIII. 128
allegro II. 107
alliage 1. 25
allusion VIII. 129
alphabet / -ique II. 160
alterer V. 67
alveole 1. 50.

AMbition VII. 36.
ame 1. 3
amerique III. 2
amitie VII. 30
amovible IV. 167
amour VII. 5
amphibie III. 102
amphore IV. 48.
ampoule IV 128

<97v> A

ANalogie II. 72
analyse 1. 203
anatomie V. 220
anarchie V. 20
ancture IV. 203
angte
animauxe III. 127
angle V. 143
animaux III. 110
annee V. 166
anneau IV. 97
antagoniste 1. 19
antenne IV. 200
antiseptique 1. 65
antithese VIII. 92
Antre III. 2 chiffres biffure. 136

AOrte 1. 28

APherese VIII. 92
apocope-VIII. 107
apogee-V. 190
apologue IV. 131
apostrophe VIII. 192
IX. 180
apparens VII. 82
appellatif IX. 25
appetit 1. 152
appret IV. 50
approbation VII. 12
approximation II. 121
aprenti IV. 73
apres IX. 71.

AQuatique III. 122

2 ARbitraire II. 66.
3 arbitrer V. 84.
2 arbalete III. 124
arbre-uste III. 106
arcade III. 124
arcade II. 97
arco IV. 207
archal IV. 27.
archetype VI. 65
architecture IV. 77.
argent IV. 25
argile IV. 112
argumentation VI. 133
apriori VI. 133
aposteriori VI. 138

aristocratie V. 21
arithmetique V. 121
aromates IV. 177.
2 mots biffure
arme / -ure IV. 236.
armoiries 238.
arpent / -age V. 139
arquebuse IV. 237.
art II. 72
artere 1. 13.
articulation II. 81
artificiel II. 72
artisan IV. 73.

ASie III. 2
assaisonnement IV. 50
assaut IV. 251
assemblee IV. 156.
assiete IV. 51
association VI. 33.
assuré I. 216
astre V 171
astronomie V. 161
astrologie V. 161

ATome 1. 7
atre IV. 39
attendu IX 74
attente VII 40
attention 1. 198
attouchement 1. 108
attribut 1. 211
attrition 1. 51
atramentum II. 166

AVant IX. 71
avarice VII. 58
avec IX. 73
aveine IV. 8
aversion VII. 6

<98> A

aveugle 1. 132
avocat V. 85
autour
3 mots biffure
aumone VII. 187
aunage IV. 184.
auparavant IX. 79
aureste IX. 90
aussi IX. 87
autel VII. 114.
automate 1. 2
autorite V. 8
autour IX. 73
autre V. 67
auxiliaire. IX. 106

AXiome VI. 129

AZyle V. 65.

B.
BA

bague IV. 97
baillement II 36
bain IV. 62
bal / balance / balancer V. 149
bale IV. 34
ballet V. 149
ballistique V. 147
banc IV 69
bandage V. 215
baraques III. 136
barbares III. 38
barbe IV. 62
bardes IV. 130
barils IV. 48
barque IV. 196.

B

bas II. 89
1 mot biffure
base IV. 67
bassin IV. 102
basso II. 89
bateau IV. 196
batiment IV 196
baton III. 123
battoir IV. 58

BEaucoup IX. 80
beaute VII. 9
beaux arts IV. 107
begayement II. 97
belier III 130
berger-es. III. 16
besoin 1. 152
betti, beta. VIII. 35
beurre III. 131.

BIen. VII. 13
bienveillance / bienfaisance VII. 29
biere IV. 45
bile 1. 60
bille IV. 147
billet IV. 188
bissextile V. 172

BLame VII. 12
blanc / -chir IV. 59
bled IV. 36
bluteau IV. 42

BObine IV. 56
boeuf III. 127
bois III. 143
boisseau IV. 179
boisson 1. 48
bon VII. 13
bonnetier IV. 87

<98v> B.

bord IV. 95
bornes / bornage V 93
botanique V 217
botines IV 61
bottes III. 136
bouche III 130
bouche 1. 49
boucle IV 62
bouclier IV. 238
bouillir III. 144
boulanger IV. 86
boule IV. 147
bourgade IV. 154
bourre IV. 57.
boutique IV. 194
boyau 1. 65

BRacelet IV. 97
brancard IV. 89
branchage III. 137
bras 1. 168.
brasser / -ement IV. 45.
brebis III. 126
breche IV. 251
breuvage IV. 43
brins IV. 56
briques IV. 65
brievete VI. 208
broderie IV. 95
broier 1. 51
bronches 1. 36
brousailleette IV. 31
brousaille III. 143.
brute. II. 15.

BUrin IV. 109.
but. VII. 74.

C.

CAbane III. 137
cable IV. 200
cabriolet IV. 90
cadence II. 108
cadran V. 177
caducee IV. 256
caducité 1 84
caillou III 142
calciner
cale IV 67 / caler IV. 200
calendrier V. 158
calculer / calcul V 125
calebasse IV. 48
calme IV. 200
calomnie V. 69
camp IV. 252
canal II. 87.
candeur VII. 193
canelé V. 152
canine 1. 50
canne III. 140.
canon IV. 237
canot III. 119
cantique IV. 130
canton IV. 165
cap 1. 9
caph Kappa VIII 38
capitas IV 152
car IX 86
caracteres 1. 206
carcasse IV. 197
cardinaux V. 199
cargaison IV. 204
carnacier III. 110
carosse IV. 90
cartes V. 200
cartilage-1. 11
cas IX. 94
casque IV 238
catachrese VIII. 124
catapulte IV. 251.
catopinque V. 195
cave 1 29
caverne III. 136
cavecon III. 127

<99> C.

cause V. 34
cautionement V. 95

CEdule IV. 153
ceinture IV. 61
celibat III. 161
cellier IV. 54.
cellulaire 1 56
cendres IV. 39
cene IV. 50
censes IV. 152
cependant IV. 89
cerner IV. 34
certain / certitude 1. 216
cerveau / -elet 1. 40
cervoise IV. 46
ceuiller IV. 51

CHagrin VII 40
chaine IV 56
chair III. 110
chalumeau IV. 136
chameau III 127
chance VI. 195
chansotte IV. 53
chanson IV. 138
chant II. 103
chanvre IV. 57
chapelier IV. 87
chapiteau IV. 67
ch
char / chariot / charette / charue IV 31
charbon III 143
charlatan V. 202
charpente IV. 65
charron IV. 90
charite VII. 187
chasse III. 122 chasse V. 149
chaudron III 144
chaume IV. 64
chaussure III. 136.
chaux IV. 67.

C.

chemin IV. 191
cheminee III. 142
cheval III. 127
chevre III 126
cheveux I. 21
chèz IX 73
chien 1. 50
chiffre V. 130
chirurgie V. 213
chuintante II. 102.
chyle 1. 68.
chymie V. 218.
chimerique VI. 85

CIdre IV. 46
cils I. 134
cime III. 107
ciment IV. 65.
cintrage IV. 48
circonstance V156
circulatïon
cironspection VII. 184
circulation I. 32
cire 1. 117
cirque IV. 145.
ciseau IV. 67.
cisele. IV. 102.
civilisation III. 39

CLaires VI. 88
clairon IV. 244
classe / classification 1. 205
clavicule 1. 70
clef IV. 68
clepsydre V. 180
climat III. 1
clignoter / clin 1. 135
cloison II 97
clou IV. 19

<99v> C 

1 folio biffure

<100> C

coussin
1 mot biffure
coutume
couture
couverture

CO

coagulation III. 130
coche IV. 90
code V. 57
1 mot biffure coeffe / coeffure IV. 97
coeur 1. 27
coffre IV 69
cogitation 1. 194
coin V 153.
coitre IV. 79
coledoque 1. 60
colere VII. 57
collateral VI. 58
coller IV. 120
collier IV. 97
colline III 107
colonie III 49
colonne IV 67
colosse IV. 115
colporteur IV 194
combat VII 59
combinaison VI. 36
comedie IV 132
commander VII. 167
commencer
comment IX. 80
commerce III. 19
commode / -ite IV 79
communaute 1. 182
comparaison / -er 1. 204
compas V. 147
compassion VII. 29.
compatible VI. 128.

C

con
complement IX 133
complete VI. 89
complexe IX. 134.
composition 1 202
comprendre VI. 101
conception 1. 75
concernant IX. 74
concert IV. 138
conclusion VI. 133
concomitante VII. 203
concordance IX. 126
concrete VI 51
concubine III. 161
concurrence VII. 57
condition / conditioner IV. 86
cone / -ique III. 139
confederation V. 47
confession VII. 175
confiance VII. 173
conflict VII. 59
confuse VI. 88
conglobee / conglomeree 1. 49
conjecture VI. 199
conjugaison IX. 93 103
conjugal 1. 174
connoissance 1. 215
conque 1. 117
conquete IV. 230
consanguin V. 75
conscience 1. 194
consecration VII. 175
conseil V. 38
consequence 1. 212
consideration 1. 199
consonne II. 81.
construction IV. 65
contempler / -ation 1. 199
constellation V. 187

<100v> C.

contenance / contenir / -u II. 55
content / -ement VII. 181
continent / -al III. 1
contingent VI. 127
contour IV. 108
contract V. 95
contradiction VI. 125
contrainte VII. 78
contre IX. 72.
convergeant 1. 131.
copule 1. 212
coque III. 118
coquille III. 145
corde III. 120
cordonnier IV. 87
cormier IV. 46
corne / cornee 1. 125
choroide 1. 126.
corps II. 1.
corroyeur III. 134
corrompre VII. 108
cosmologie V. 249
côte / côté 1. 11
coudee V. 137
couche / -ette / -er IV. 70
coulee IV. 114
couler IV. 23.
couleur III. 3.
coupe IV. 102
cour IV 68
courage VII. 183
courbe V. 141
courge IV. 48
couronne IV. 143
courrir / course IV. 143

C

courrier IV. 194
course
coussin IV. 70
couche IV. 29
coutume III. 26
couture III. 134
couverture 1. 159

CRachat 1. 36
crane 1. 9
crase VIII
createur / creature / creer VII. 113
creuset IV. 23
cri II. 79
crible / -er IV. 34.
cristal / cristaline V. 61
crise V. 208
cristal / cristaline 1. 128
croc / crochet III. 118
croix
croix et pile IV. 184
croute. IV. 101.

CUbe V. 144
cuirasse IV 238.
cuire III. 144
cuisine / -ier IV. 50
cuivre IV. 25
culte VII. 114
culture IV. 164
cupidite IV 79
cure V. 208
curieux VII. 16

<101> C.

Curiosité VII. 16
Curiologique II 145
Cuve IV 48
Cystïque I. 60
Cycle V 167
Cylindre V 144.

D

DAtif-IX. 100
dague IV. 236
dailleurs IX 91
Daleth. Delta VIII. 36.
damasquinure IV. 101
dans IX. 71.
danse IV. 142
dard III. 123.

DEcimal V. 123
declamation II. 208
declin 1. 83.
declinaison IX. 93
decoration IV. 68.
decrepitude 1. 85
dedain VII. 34
deffendu VII. 167.
deffiance VII. 41
definir VI. 114
defrichement IV. 4
deglution 1. 52.
degout VII. 179
degres IV. 245
delassement IV. 147
delineation. IV. 108
delire II. 32
deluge III 44
demagogie V. 50
demain IX. 70
demarche II. 55
de meme IX 80
demeure IV. 63
democratie V. 19
demontrer / -stration VI. 156.

D

denree IV. 180
dents I. 50
dentales II 102
dependance VII. 38
deperissement 1. 84
deponens IX 121
depuis IX. 73.
derivation II. 125
derober V 68
dès IX. 73
desert V. 199
desespoir VII. 41
desir VII. 40
desinteressement VII. 181
despote V. 19
dessin IV 107 / destin / destinee 1. 149
deteriorer VI. 90
determination 1. 206
devoir VII. 167.
devotion VII. 224
deuil V. 87
dez.

DIagnostique II 49
diagonale V 141
dialecte II. 188
dialectique V. 248
dialogue IV. 132
diamant-IV. 100
diapason II. 96
diaphragme I. 37
diastole I. 29
difference
diete / -ique V 207
dierese VII. 92/ IX 180
difference III. 1.
digestion 1. 49
digue IV. 13
dilemme
diner IV 50
dioptique V. 195
dipthongue II. 112

<101v> D

discipline IV. 243
discours 1 215
dispersion III. 49
disque IV. 143.
dissipator 1 47
distance IX. 72
distinct VI. 88
divergent 1. 131
divin / divinite VII. 103
division
divisible II.2
divorce III. 161

DOigts V. 123
doloire IV. 19
domestique 1. 175
don V. 78
donc IX. 86.
dortoir III. 140
dos 1. 10
dot / douarie V 78
douceur VII. 193
douleur VII. 82
doute 1. 217
doux II. 207

DRame IV. 132
droit IV. 162

DUel IV. 226
duodenum 1 62
dur / durant / duree / durer VI. 25
du reste. IX. 90

E

EChalas IV. 47
echange IV. 173
echeance VI. 195
echelle II. 96
echole IV. 120
eclipse V. 191
ecliptique V. 187
ecorce III. 120
ecriture II. 135

EDucation I. 76

EFfet
efficace VII 203

EGal V. 148
egoisme VII. 54.

ELastique II. 86
election V. 36
element 1. 196
elision VIII. 102
ellipse IX. 159
eloquence IV. 141

EMbolisme

EMail IV. 122
embolisme V. 172
embuches / embuscade III. 148
emigration III. 77
eminent IV. 181
emission II. 82
emonctoire 1. 26
emondé IV. 47
emplatre V. 215
empressement VII. 6
emulation VII. 37
emulgentes I. 62

<102> E

EN. IX. 73
enchre II. 166
enclos IV. 167
enclume IV. 23
encor
enfance 1. 78
enfin IX. 89
engrais IV. II
enïgmatique II. 145
ennemi VII. 186
enrouement II. 93
enseigne II. 245
ensemble
ensuite IX. 79
entant que IX 91
entendement I 202
enthousiasme IV. 127
entrailles 1. 54
entre IX. 71
entreprise VII. 184
envellope IV. 37
envers IX. 74
envie VII 56
environ IX. 73.

EPee IV 236
epenthese VIII. 107.
epi IV. 32
epices IV. 177.
epiderme 1. 20
epigastrique I. 55
epiglotte II. 85
epine I. 10
epingle IV. 97
epiploon I. 66
epique IV. 131
epreuve VII. 144

E

EQuarir IV. 65
equilibre V. 148
equinoxe V. 168
equitation IV. 146
equite VII. 191
equivoque VI. 105

ERrantes III. 17
erreur 1. 216
erudition V. 252

EScalier IV. 64
esclavage IV. 150
escu IV. 238
esophage 1. 54.
especes 1. 207.
esperance VII. 40
esprit 1. 3.
essain 1. 56
essence 1. 208
essieu IV. 31
estame IV. 58
estampe IV. III
estime VII. 34
estimation IV. 178
estomac 1. 55

ETable IV. 64
etage IV. 64
etamer IV. 104
etat V. 15
etendu II. 2
eternel VII 104
etincelle III 142
etoffe IV. 56
etoile V. 171
etoupper IV. 57
etrier IV. 146
Etymologie IX

<102v> E

EVacuant V. 211
evident I. 212
evolution IV. 243

EUrope III 2

EXcavation IV. 109
excepte IX. 73
exces VII. 179
excrement 1. 26
execution VII. 77.
exercice IV. 243.
expedition IV. 242.
expeditive II. 149
experience VI. 93.
exploitation IV. 22.
exterieur II. 87.

F

FAbles IV. 131
fabrique II. 113
face II. 56
facette IV. 100
facilite VI. 208
facteur / factorerie IV. 211.
faculté 1. 193
faim 1. 152
famine V. 71.
fantaisie
famille 1. 178
fantaisie VI. 39
farcis IV. 134
fard IV. 97
1 mot biffure
farine IV 30
faste IV. 84
faucille IV 32
faulx IV 19

F

faute VII. 218
faux 1. 216

FEcales 1. 67.
fecondation 1. 75
femme 1. 1.
feminin 1. 75
feodal IV. 151
fer IV. 26
ferme / fermier IV. 152
fermentation IV. 43.
feu III. 142
feuillage III. 132
feutre III. 135

FIbre 1. 7.
fidele VII. 191
fiel 1. 60
fierté VII. 55
figure II. 10
fil III 120
filage IV 56
filets III. 121
fin VII. 4
finalement IX. 89
fiscelle III. 120
fixité II. 120

FOetus 1. 76
foi VI. 180
foire IV. 94
folie II 32
fonciere IV. 166
fonction II. 149
fonderie IV. 166.
fonderie / fonte IV 21
forest IV. 2 chiffres biffure 13
foret IV. 59

<103> F

forge IV 23
forme II. 111
fort II. 107
fortune VII. 8.
fosse III. 150
foudre IV 18
fouille IV. 22
foule-age / foulon IV 58
four IV. 40
fourage III. 128
fourchette IV. 51.
foyer III. 142

FUmer III. 142
fus IX. 55
fuseau IV. 56
fusion IV 21
futaye III. 106
futur IX 64

FLageolet IV. 1366
flambeau IV. 53
fleau IV 34
fleche III 124
flechir IX. 55
fleur II. 120
flocons IV. 56
fluide I. 6
flute IV. 136

FRanche / franchise-ir VIII. 6.
frein IV. 146
frere-1. 177
fresque-IV 118
frivolité IV 84
fromage III 130
froment IV. 8
froncement II 57
fronde III. 122
frotter IV. 99
frottement III 142

F

frugivore III 41
fruits III. 118

G.

GAlette IV. 35
galon IV. 99
garantie V. 105

GEant 1. 80
Gencives 1. 50
1 mot biffure
generale 1. 206
generation 1. 73
generosité VII. 29
genie VI. 260
genitif IX. 101
genre 1. 206
gens V. 104
Geographie / -ique III. 1.
Geometrie V. 135
gerbe IV. 34.
1 mot biffure
germe 1. 74
gerondif IX. 117.
geste II. 55.

GIbier III. 110
gite IV. 193

GOrge II. 90
gosier 1. 53
gouloi IV. 207
gourde IV. 48.
gout 1. 109
gouvernail IV. 199
gouvernement V 17

GUerre IV. 225
guimel / gamma VIII. 38
guetres III 136
guitarre IV 136
gueuse IV 26
gutturales II 102
Gymnastique IV. 14

<103v> G

GLAce IV. 104
Gladiateurs IV. 145
gland / glandes 1. 14
glebe IV. 32
globe 1. 14
gloire / glorifier VII. 127.
glotte II. 85
gluten III. 135

GRades IV. 245
grains IV. 8
gramen IV. 8
grammaire IX. 3
grange / -er IV. 152
grappe IV. 47.
gratitude VII. 30
grave II. 89
gravure IV. 110
greffe IV. 6
grelees I 63
grenier IV. 152
griller III 144
groupe / -er IV. 112

GNomon V. 169

H

HABitude I. 235
hache IV. 19
haine VII 56
hallebarde IV. 235
hallier III. 136
hameau IV. 154
hamecon III. 118
hanches II. 167.
hangar III. 139
harpon III. 121
haut II. 89

HE VIII. 34
hepatique 1. 60
heraut IV. 239
hereditaire V. 38.
heritage / heritier V. 79.
heros IV. 231
herse IV 32
heta. het VIII. 33.

HIatus VIII. 102
hier IX 79
hieroglyphe II. 146
hirondelle III. 140

HOin VIII 34
homicide V. 65
homme 1. 1.
homogene
homonyme IX. 186
honneur VII. 34
hordes III. 16
horisontal IV. 71
horoscope V. 161.
horreur VII. 6
hormis IX 73
hors IX 71
hospitalite IV. 193
hote / hotelerie IV. 193
houblon IV. 45
houe IV. 12
horloge V. 181

<104> H

HUile IV. 52
humanite VII 29
humble / humilite VII. 182
humeur 1. 23.
hutte III. 137

HYdraulique V. 147
hydromel IV. 44
hymen III. 157
hyoide II. 85
hyperbale IX 168
hyperbole VIII. 130
hypocondre 1. 58
hypogastrique 1. 55
hypotheque IV. 153
hypothese VI. 169.

J.

JAlousie VII. 56
Jamais IX. 79
jambe 1. 167
Jardin IV. 4
Jargon II. 188
Javeline IV. 236

ICtyophages III. 121

JEttons V. 124
jeunesse 1. 80
jeux IV. 147

IDee 1. 197
identité VI 25
idiome II. 188
idiotisme IX. 156.

J.

Image / imagination 1. 199
imitation II. 78
immortel VII. 108
immuable-VII 104
imperatif IX 110
imperatives VII. 167
impot V. 34
imprimerie II. 170
improuver VII. 12
impulsive VII. 4

INadvertance VII. 209

INcendie V. 71
incisives 1. 50
incliné-V. 153
incorruptible VII. 108
incruster IV. 101
incurie VII 16
independance VII. 38
indifference VII 78
individu / -elle 1. 205
indicatif IX. 110
induction VI. 138
industrie III 19
inerte II. 9
infinitesimal V. 147.
infinitif IX. 116
inflexion II. 111
influence II. 19
infusion V. 211
ingenu IV. 100
ingratitude
inondation V. 71
insecte III. 107
insolence VII. 210
instant / instantane VIII. 18
institution II. 66
insulaire III. 2
instrument I. 143
instinct I. 157

<104v> J.

Intellect 1. 201
Intelligence 1. 194
intemperance VII. 51
intendant V 81
intensite II. 91
intercalation I. 167
interjection II. 115
interieur II 87
interet / interesse IV. 153.
intermediaire IV. 180
intestins 1. 54
intuition VI. 155
intussusception 1. 48
invention VI. 214
inversion IX. 157

Jod. iota VIII. 34

JOie VII. 40
Jonc III. 132
Jongleurs IV. 130
joug III. 127
jouissance IV. 162
jour V. 162
jours de la semaine V. 176
journalïer IV. 149
ironie VIII. 129
isolee II. 136

JUge V. 84.
jugement 1. 211
jusques IX. 72
juste / justice VII. 122.

L

LAbiales II. 102
laboratoire 1. 45
lac III. 106
lacets IV. 56
lachete VII. 179
lagune
laine III. 135
lait 1. 24.
lambris IV. 68
lamed / lamda VIII. 37
lampe IV. 53.
lance IV. 236
langue 1. 110
langage II. 1 chiffre biffure 67
lapidaire IV. 99
larcin V. 68
larmes 1. 135
larynx II. 84

LEgislation V. 59.
legume III. 118
lessive IV. 59
lettres II. 160
levain IV. 40
lever IV. 112
levier V. 151
levres II. 90

LIber / livre II. 167
liberaux IV. 107.
liberte VII 38
libra / livre IV. 179
licence / licite V. 22
liege IV 151
lieu. IV. 88
lieue V. 137
ligament 1. 12
ligne III. 42

<105> L.

Lime IV. 19
limites IV. 167
lin IV. 57
linge IV. 62
liqueur / liquide II 102
lit IV. 88.
litiere IV. 89

LObes 1. 34
lods IV. 152
loge / logement / logis IV. 88
logique V. 248
logomachie VI 104
loin IX. 72
loisir IV. 189
loix 1. 239
longimetrie V. 135
longtemps IX. 78
lot V. 79.

LUete II. 97.
lumiere IV. 53
Lune V. 167
lunettes 1. 145
lustre V. 174.
lutes IV. 23.
lutte IV. 143
luxe IV. 84

LYMphe 1. 24
Lyre IV. 136.

M.

MAcere 1. 57
macher / machoire 1. 49
maçon / maconnerie IV. 67.
magnificence IV. 84
mal / maladie 1. 162
malgre IV 74
malice VII 209
mains 1. 108
maintien 11 55
maison 1 175
mais IX 86
maillet IV 19
manche IV. 60
manche IV. 29
manege IV. 146
manifeste V 68
mante / manteau IV. 60
manufacture IV. 175
marais III 106
marbre IV. 67.
marc I. 67
marchand / marchandise / marché III. 19
mari / mariage V. 72
maritime III. 2
marne IV 113
marque III. 19
marteau IV. 19
martinet IV. 26
masculin 1. 75
masque IV. 133
mastication 1. 49
mat IV. 200
matelat IV. 70
matiere II. 1.
matine V 184
matiere IV. 200
mauvais VII 168
mathematiques V. 119

<105v> M.

MEchanïque I. 2
mecheance VI 196
medecin V. 206
mediocrite VII. 181
meditation 1. 215
medullaire 1. 41
melee IV. 242
melancholique II 44
melodie IV. 138
membrane / membre I. 12
Mem. Mi. VIII. 35
memoire 1. 198
meninges 1. 41
mepris VII. 34
mer III 2.
mercenaire IV. 149
merde 1. 67
mere Patrie III. 51.
Meridien / -onal III 3 meridiens V. 179
merite VII. 32
mesentere I. 66
mesure IV. 139. V. 135
metal / metalurgie IV. 17
metalepse VIII 131
metaphore VIII 127
metaphysique V. 249
metaplasme VIII. 91
metathese VIII 92
methode 1. 215
metier IV 73
metonymie VIII 131
metre IV. 127
metropole IV. 159
meuble
mets IV. 50
meuble IV. 69
meubler / meunier IV. 42
meurtre V. 68

M.

MIcroscope I. 145
midy III. 3
miel III. 118
milieu IV. 180
militaire / mille IV. 245
mine / minerai / mineral IV. 20
ministre V. 40
mirer / miroir IV. 104
misericorde VII. 122
mixte II. 9.

MObilier IV 69

MOde 1. 206
moderateur V 181
moderation VII 58
modestie VII. 182
modelication 1. 206
moëlle 1. 8
moeurs III. 26
moien IV. 180 V. 206
moyennant IX 74
moins IX 80
mois V 163
moisson IV 32
molaire I. 50.
moment V 176
monarchie V. 18
monnaie IV. 183
monosyllabe II. III.
monument II. 263
moque / moquerie VII. 32
morale V. 239
mour / mordant / mordre IV. 110
mors IV 146
mort I. 86
mortier IV. 37 237
morve I 26

<106> M

mosaique IV. 121
Motif VII. 74
mots II. III
moudre / 1 mot biffure moulin / mouture IV. 42
mouton
mouiller / mouillage IV 203
moule IV. 23.
moulure IV. 113 mouton III 130

MUable VII 104 mouvoir V 176

MUcosite I. 113
mucus I. 26
muet II. 69
muids IV 179
multiple / multiplier / multitude V. 126
muscle 1. 15
muse IV. 121
musique IV 136
musicien IV 140
Myope 1. 133.

N.

NAIn 1. 80
naissance 1. 76
nappe
nappe d'eau 1. 24
narines 1. 113
narration VI. 113
nation / national III. 1.
nature II. 9
navigation / naviger / nager / navire III. 19
nazale II. 97

N.

NEammoins IX 89
necessaire VI. 121
negation / -ives VI. 125
negligence VII. 209
negoce
negociant / negocier IV. 189
neige V. 166.
neomenie V. 163
neophyte VII. 144
nerfs 1. 14
nettoier IV. 59
Neutre IX 28
Nez. 1. 113

NIchtation II 52
nier VI. 125
niveau IV. 19.
nivellement V. 147

NOblesse IV. 160
noeud II 90
noix IV. 52
Nom IX 25.
nomades III. 17
nombre V 121
nombril 1. 55
nominatif IX 97
non / nonobstant IX. 74
notes IV. 140
notion 1. 204
novitias / -ice VII. 144
nouveauté VII. 16

NUance IV. 95
nudite III 132
nuit V. 162
nuisible VII. 61
numeraire IV. 184
numeration V. 121.
nun, ni VIII 36
nutrition 1 49
Nymphe 1 24

<106v> O

OBeissance VII. 173
obelisque V. 169
objet 1. 195
obligation 1. 238
obscur VI. 88
observation VI. 93
obstacle VII. 77
obtus V. 143

OCcasion VII. 77
Occident / -al III. 3
occupation
ocean IV. 201
odeur-odorat. 1 112 ode. IV. 130

OEconomie III. 128
oeuf 1. 74
oeuil / yeux 1. 124

OFfensive IV. 236
office / -ier V. 80

OIseau III. 122

OLfactif 1. 114
oligarchie V. 21
olive IV. 52.

OMbilie 1. 55
ombre V. 169

ONde / ondulation 1 117
ongles 1. 21
onomatopee II. 118
ontologie V. 249

OPera IV. 133.
operation 1. 193
opinion 1. 217
oppose VI. 128
optatif IX. 115
optique V. 95
oppulence V. 172

O

OR conj. IX 86
or met. IV. 25
oraison / orateur IV. 141
orbite 1. 134
ordre
oreille 1. 114
oreiller IV 74
orfevre IV. 101
organe / orgue 1. 95
orage IV. 8
orgueil VII. 54
orgue V. 137
oriental III. 3
origine II. 16
ornement IV. 97

OS 1. 8.
oscillation 1. 117
osteologie V. 220

OU conj. IX 84
ou adv.
oui IX. 80
ouie 1. 114.
outil IV. 18
outre IX. 72
outres IV. 48
ourse IV. 206
ouvrage / ouvrier IV. 73
oxymel IV. 44.

<107> P.

PActe IV. 188
palais
palais
paille IV. 34
pain IV 40
palais I. 110
palais / palins pals III. 138
pieux
palet IV. 147
palingenesie IV. 148
palme V. 137.
pancrace IV. 143
pancreas I. 61
panier III. 145
pantomime II. 76
papier II. 165
par IX. 73
par-tout IX. 79
par-mi IX. 71
parade IV. 84
paragoge VIII 103
1 mot biffure
parallelle
parallelograme V. 141
paraphernaux V. 78
parenthese IX. 158
paresse VII. 18
parchemin II. 166
parler / parole II. 103
partial V. 60
particulieres I. 207
participe VI. 73
parure IV. 97
passe V. 137
passé IX 64
passion VII. 42
passive II. 9
pastorale III. 16

P

Pâte IV. 30
patience VII 183
Patissier IV. 86.
1 mot biffure
patoi II. 188.
1 mot biffure
patrie III. 51
patrimoine IV. 167
paturans III. 111.
paume IV. 147
paupiere 1. 134
pause IX 177
pauvrete IV. 172
payer / payement IV. 188

PE pi VIII 35
peau 1. 20
pêche III
peché VII 216
pecune IV. 182
peigne IV 57
peine / -ale V. 61
peinture IV. 117
pelle IV. 12
penale
penetrant VII 4
pendant IX 73
pendre V. 145
pendule V. 182
pensee / penser 1 194
perception 1. 194
1 mot biffure perche III. 139
Pere III. 51
perfection 1. 172
perioste 1. 8
pericarde 1. 28
peristaltique 1. 65
peritoine 1. 54
periode / periodique V 163
periode disc. IX 175
periple IV. 214
perigee V. 190

<107v> P.

permettre / permises VII. 168
perpendiculaire IX. 71
personne IX. 49.
peste V. 71.
pestors IV. 42.
petition VI. 25
petrir IV. 40
peu IX 79
peuple 1. 158

PIano II. 107
pic III 107
pieds 1. 167
pierre IV. 67
piete VII. 224.
piler / pilon IV. 37.
pilote IV. 206.
pinces IV. 19
pinte IV. 179
pique III. 123.
piquet IV. 199.
pitie VII. 29
pituite I. 113

PHantome VI. 39.
pharinx 1. 52
pharmacie V. 218
phase V. 165
Philosophie V. 239
phlegmtomie V. 215
phlegme II. 44.
phrase IX. 175
physionomie / -mique II. 60
le Physique II 10.
le Physique V. 242.

P

Place IV. 157
plaideur V. 85
plaisir VII. 82
plan V. 153
planimetrie V. 139
planete V. 171
planche IV. 65
plante IV. 4.
plats IV. 50
platre IV. 113.
pleaonasme IX 160
pleure / pleuresie 1. 34
pleurs 1. 135
ploier V. 126
plumage III. 132
plus IX. 80

PNeumatologie V. 249

POeme / Poesie / Poete IV. 127
poids V. 148
poignard IV. 236
poils 1. 21
poing / poignet 1. 168
point IV. 140
poincon IV. 19
poisson III. 118
poire / poiré IV. 46.
poitrine 1. 10
pole IV. 206
polente IV. 38
police V. 70
poliment IV. 99
politesse
polygamie III. 161.
polygone V. 141
polytheisme VII. 103
politique V. 16
pomme

<108> P

pontons IV 199
population 1 158
pores 1 20
porte / portique IV. 68
positif III. 177. VII. 167
possession IV. 162.
poste IV. 248
poteau IV. 67
poterie III 144
pouce V 136.
poudre IV 97
poulie V. 152
poumons 1. 34.
pourpre IV. 94
pourquoi IX. 91
pourri IV. 45
pourvu IX 90
pour IX. 74

PRecipice V. 199
precipitation II. 82
prefet V 81
prejugé 1. 216
premier II. 122
premisses VI. 131
prendre VII 184
présbyte
presbyte 1 133
present
presomtion VII 94
pression / pressoir IV. 147
pressure III 130
prestesse II. 92
pret IV. 153
pretre V. 88
prevoiance IV. 54
preuve 1 217 VII 12
prez IX 72
priere VII. 175
primitif2 lettres biffure II. 122
primordial VI. 9
principe V 212
privation VII. 7

P.

prix IV 179
probable VIII 12
probité VII. 35
probleme VI. 129
prodigalité VII. 53.
production IV. 2.
profession IV. 73.
profil IV. 108
prohibitif VII. 167.
proie III. 148
promontoire
pronom IX. 49.
proposition 1. 211
propre / proprieté 1. 208
prose IV. 141.
prosodie II 109 IX 179
prosperite VII 87
prosthese VIII 92
providence VII 116
provision IV. 54
prudence IV 198
prudence VII. 93

Pseaume IV. 130

PUberté 1. 79
public IV. 144
pugilat IV. 143
pulsation / pouls 1. 31.
puis IX 73
puissance VII. 105
pupille 1. 126
purgatif V. 211

PYlore 1. 55
pyramide V. 144
pyrogue. III. 119.

<108v> Q.

Quadrupedes III. 126
Qualite 1. 206
Quand IX. 80
quant IX. 90
quantite
Quaré V. 141
Que, Qui IX. 84
Question VI. 121
Quipos II. 137
quoique IX. 86

R.

RAbot
racines
racines / radicaux II 122
radeaux III. 119.
rafinement IV. 50
ragout IV. 50
raisin IV. 47
raison / raisonnement 1. 213.
rame IV 199
rape V 67
raser IV. 62
rateau IV. 32
rayes / rayons IV. 31

REbus (in) II. 137.
recette V. 209
reciproque VI. 123
recitatif II. 109
recomposition 1. 203
reconnoissance VII. 30
reduction
recreation VII. 180
reduction
regard
1 mot biffure
regle
reel VII. 82

R.

regulateur
reflexion I. 214.
refranchible / refraction V 196
regard II 58
regime IX. 13
regence V 38
registre V. 82
regle I 238
regret VII 40
regulateur V. 182
regulier V. 12
reins I. 62.
relation I. 208
relever / relief IV 112
religieux / religion III. 30.
rembourre IV 88
remede V. 206
reminiscence 1. 197.
reparation 1 48
repetition VI. 25
representative II. 136
republique V. 18
repudier V 75
reptile III. 107.
resignation VII. 173.
resine IV. 53
resolution 1 203
resonance II. 288
respect VII. 34
respiration I. 37.
restaurateur IV 86
restitution V. 68 VII 191
ressort VII 76.
resultat VI 182
resurection VII. 132.
reticulaire I. 20
reveil II. 36
revelee VII. 161
revolution V. 163
retrograde V. 190
Resch. Ro VIII. 37.
retine I. 127
reputation VII 180
reserve IX 90

RHrume 1. 36

<109> R

RIchesses IV. 172
ridicule / rire II. 70
ris IV. 36
rithme II. 108
rivales IV. 227
rivieres V. 199.

Robe IV. 60
rocher III. 107
rompre IV. 31
ronces III 106
roseau III. 140
rotir III. 144
roue IV. 31
rouet IV 56
rouge / rougeole V 213
rouir IV. 57
rouleau / rouler IV. 31
roulis IV. 203
route IV. 191

RUdesse II. 129
rustique IV. 125.

S

SAbre
Sacerdoce V. 36
Sagacite VI. 259
Sagesse V. 239
Saignée V. 215.
Sain II. 42.
Saisir / Saison IV. 50.
Salade
Salaire IV. 149
Salivation 1. 52
Salut V. 46
Samah / Sigma VIII. 38
Sanction / Sanctioner V. 61
Sandales III. 136
Sanguin 1. 22
Sanguin II. 42
Sans IX 73.
Santé II. 42
Sarcler / Sarcloir IV. 4
Sarmens IV. 47
sas IV. 38
satieté VII. 9
satins IV. 58.
satisfaction VII 39
satyre IV. 134
saveur 1. 109
savoir IX. 86
savon IV. 59.
sauce IV. 50
sauf / saliver V. 46. IX 74.
sauvages III. 16.
sauver
1 mot biffure 1. 218

SEau IV. 48
secours VII. 77
seigle2 lettres biffure IV. 8
seigneur V. 45
selle IV. 146
sellier IV. 90

<109v> S

Selon IX. 75
semaille / semence IV. 10
semblablement IX. 80
Senat V. 24
sens / sensation / sentis / sentimens 1. 95
sep IV. 46
septentrion III. 2
Sepulture V. 86.
serrancer IV 57
serres I. 168
serment V. 82
sertissure IV. 100
service IV. 92
serviteur IV. 149
serum 1 23.
seve 1. 76
sexe 1. 74

SI. IX 86
siecle V. 174
Siege III. 140. IV. 251
sifflantes II. 102
sifflement II. 88
signe II. 65
simple 1. 196
simulacre IV. 112
simultane VI. 34
sincerite VII. 193
singulieres 1. 205
sistre IV. 136
situation IX. 71

SObriete VII. 181
Social / sociable / sociabilite VII 20
societe I. 172
SOC. IV. 29

S S

soeur 1. 177
soie IV. 92
soif 1. 152
soin 1. 152
soir V. 184.
sol soit IX 84
sol III. 136
soldat / solde IV. 240
sole IV 29
soleil V. 168
solides 1. 6
soliveau V. 151
solstice V. 174
sommeil / somnanbule II. 38
son, sons 1. 116
sonner / sonnerie V 182
sonore II 68
songe II 38
sorques IV. 61
sort V 71
sortir VII. 76
souclaviere 1. 70
soudure IV. 101.
souffle / -ee IV 104
sourcils 1. 134.
sous IX. 71
soustraction V 126
soulever V 151
soulier III 136
souper IV. 50
souverain / -ete V 17
souvent IX 79.

SU
subalterne VI 60
subordination V. 17
subjonctif IX 114
substance / substration I. 208
succer V. 215
succession V. 79.

<110> S

Sucre V. 213
sueur 1. 25
suicide V. 65
sujet 1. 208
suivant IX. 75
superieur V. II
suppositif IX. 113
suppuration V. 215
supreme V. II
sur IX. 71.
surdité 1. 122.
sureté VII. 87
surface III. 105
surtout IX 90
Syllabe II. III
Syllogisme 1. 213
Symbole / Symbolique II. 139
Symmetrie VII. 10
Sympathie VII. 27
Symphonie IV. 138
Symtomes V. 207
Synchise IX. 158
Syncope VIII. 107
Synecdoque VIII 131
Synonimes VI. 107.
Syntaxe IX. 125
Synthese VI. 161
Systole II. 29

SCandale VII. 221
Sacrifier V. 207
Scene IV. 133
sceptre V. 88.
Schin Sin VIII. 38
Scie IV. 9
Science VI. 154 I. 128
Sclerotique I. 125
Sculpture IV. III.
Scutiforme II. 84
Squelette. I. 8.

S.

SPectacle IV. 144
Speculaire IV. 103
Sphere / Spheristique IV. 147
sphincter 1. 68.
Spontaneité I. 99.

STade V. 137
statue IV. 112
stercorales I. 67
stereometrie V. 144
sternum 1. 10
stiptique V. 215
stipuler IV. 153
style IV. 109.

T.

TAble IV. 69
tact 1. 108
tactique IV. 239
taille III. 5
tailler IV. 47
tailleur IV. 87
taffetas IV. 58
talent / talens II. 31. 10-100
talion V. 62
tambour IV. 244
tamis IV. 38
tanner III. 134
tantot IX. 90
tapis IV. 70
taniere IV. 19.
taureau III. 130

TEint III. 3
teinture IV. 93
telescope 1. 146
temerite VII. 179
temoignage V. 69
temperamment / temperer II 40
temple I 199 VII. 114
temps II 40.

<110v>

tenailles T IV. 19
tendons / tendre 1. 17
tente III. 140
terminaisoncer IV. 31
terminaison II. 125
terrasse / terre IV. 64.
terreur VII. 41.
test / tete 1. 8. Thau V 129

TIller IV. 57
timon IV. 29
tintement 1. 120
tirer IV. 31
tisanne VIII. 17
tisserand / -erie / tissu IV. 56
titre IV. 184

TOge IV. 60
toile / toilette IV 97.
toise V. 137.
toison III. 135 toit IV. 64
ton II. 88
tondre III. 1 chiffre écriture5
tonneau IV. 48
tonner II. 88
torche IV. 53
torride / torrifier III. 133
touchant IX 74
toucher I. 108
toujours IX. 79
tour IV. 249
tourtiere IV. 40
toux 1. 36

TUbe / tubulaire 1. 13
tunique IX 60
tuilesIV 64
tuyau 1 13.

TYMPan 1. 118
tyran / -nie V. 21 VI 74

T

THau, Tau VIII. 36
Theatre IV 132 129
Theisme VII. 103
Theologie V. 249.
Theogonie IV. 131.
Theorie / -etique VI. 1.
Thorax 1. 10

TRachée 1. 36
trafic IV. 194
tragedie IV. 133.
traineau / trainer IV 31.
traits II. 54
transport IV. 190
transpiration 1. 25
traire III. 150
travail VII. 17
traversin IV. 70
treille IV. 46
trempe IV. 56
trente V. 131
très IX 46
tresse IV 56
tribunal / tribun / trigonometrie tribunal V. 84
trictrac IV. 147.
trigonometrie V. 143
tristesse VII. 40
trituration V. 211.
trompette / trompette IV. 244
trop XIX 79
trope VIII 125
troubadours IV. 130
troupeau III. 49
troupeau III. 128
trouver / trouveur IV. 130.

<111> V. U.

VAche III. 127
vague VI. 105
vaisseau IV. 102
vallee V. 199
valvules I 33.
van / vanner / vantilateur IV. 34
vanite VII. 55
vases 1. 12
vaste VI. 260
vau VIII. 34

VEau III. 100
vectis vict V. 151.
vegetal 1. 73
veille II. 32
veine 1. 13
vendange IV. 47
veneration VII. 34
vengeance VII. 57
vent II. 80
ventre / ventricule I. 55
verbalement V. 82 verbe
verger IV. 4
verge V. 150
vergue IV. 200
verite I. 215
vernis III 144.
verole
verres IV. 103
verrouil IV. 68
vers. C. IX. 72
vers IV 130
vertebre 1. 10
vessie 1. 62
vetement III. 134

VIbration II. 86
vice VII. 225
vie 1. 4
vigueur I. 83.

V

vigne IV. 5
vigneron IV. 152
village IV. 154
vindas V 153
vingt V. 131.
viol / violent / violer V. 67
visage II. 56
visceres I. 54
vision I. 128
vis. V. 153
vitesse II. 92
vitree 1. 128
vocatif IX 100

VOiage / voie IV. 191
voielle II. 81
voile-II 97
voir 1. 124
voiture IV 89
voix II. 79
volatile III. 110
volonte / voler V. 68
volonté 1. 228
volume V. 144.
vomir / vomissement I. 53
vomitif V. 211

VUe IX 74
vue 1. 124

UN / union II. 10.
unisson IV 138
univers / universaux / universelles 1. 207

URine 1. 62
urethre / uretheres 1. 63

US / usages III. 26
usufruitier IV. 152.

<111v> U

UTins IV. 46
utensiles IV. 88

UVee 1. 126

Y

Yvre VII. 181

Z

zajin zeta VIII 38
zele VII. 175
zodiaque V. 187
zone. III. 133

Note

  Public

Cette transcription a été établie dans le cadre du projet A. C. Chavannes et sa "Science générale de l'homme" (1788).

Etendue
intégrale
Citer comme
Chavannes, Alexandre César, Anthropologie ou Science générale de l'homme: Ethnologie, Tome I, [Lausanne], [1750]-[1788], cote BCUL A 909/1/2/1. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1088/, version du 28.05.2018.
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