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Anthropologie ou Science générale de l'homme: Anthropologie, Tome I, [Lausanne], [1750]-[1788]
ANTHROPOLOGIE
ou
Science generale de l’HOMME
pour
servir d’introduction a l’etude
de la Philosophie et des Langues
et de guide dans le plan
D’EDUCATION INTELLECTUELLE
ci devant proposé
p. A. C. CHAVANNES
Professeur dans l’Accademie
de Lausanne.
<2> ANTHROPOLOGIE
proprement dite
ou
Science de l’homme qui en presente
la constitution considerée sous tous
les traits qui le rapprochent et sous tous
ceux qui le distinguent des autres es=
peces.
<3> Avis
L’Auteur a assès grande opinion de
ses Lecteurs pour se persuader qu’aucun
ne sera surpris, et moins encor scanda=
lisé du parallelle qu’il se propose de
presenter, de l’homme avec les vegetaux
et avec les animaux, puisque ce parallele
n’aura d’autre but que de relever d’au=
tans plus les prerogatives de sa consti=
tution, et surtout de son Intelligence
industrieuse, accompagnée d’un gout
decidé pour tout ce qui peut la devello=
per et l’etendre; d’ou resulte sa perfec=
tibilité, avec le desir d’avancer dans
la carriere de la perfection 1 mot biffure aussi loin
2 lignes biffure que ses circonstances le permettent.
Le but de cette premiere partie de l’ouvrage
est de presenter d’une maniere lumi=
neuse le precis de nos connoissances
sur la constitution de l’homme consi=
deré sous tous les traits qui le rappro=
chent, et sous tous ceux qui le distinguent
des autres especes.
Elle sera divisée en deux Sections.
Dans la premiere, l’homme sera consi=
deré comme possedant une triple vie,
une vie vegetative, une vie animale,
une vie d’Intelligence.
Dans la Seconde, il sera consideré com=
me un Etre mixte ou composé d’un corps
et d’une ame; et l’on y traitera de l’union
de ces deux substances et des Loix de cette
union, ou des faits generaux qui y ont; ce qui
rapport, et qui en decoulent
conduira a la theorie la plus generale
du Langage.
<4> ANTHROPOLOGIE
proprement dite.
Premiere Section.
De l’homme consideré comme posse=
dans une triple vie, une vie vegetale,
une vie animale, une vie d’Intelli=
gence.
Chapitre 1.
De la constitution de l’homme en gene=
ral.
L’HOMME.
Ce qui caracterise l’homme , outre la
figure de son corps, c’est une activité re=
flechie qui le rend capable de toutes
sortes de travaux, 1 mot biffure le pouvoir d’y
faire concourir les Etres qui l’environ=
nent, et l’avantage de former avec ses
semblables une Societé soumise a des
arrangemens concertés.
ETRE MIXTE.
L’homme participe aux diverses qualités
de tous les Etres que nous connoissons, et
dès la même il est soumis a toutes leurs
diverses Loix.
MATERIEL.
Son corps est un composé des mêmes
elemens primitifs qui entrent dans la
composition de tous les corps, et a cet egard,
il obeit aux Loix physiques generales
du mouvement.
MECHANIQUE
C’est un automate dont les mouvemens
<4v> sont le resultat de l’arrangement de ses
parties et des forces interieures qui leur
servent de mobile: il est donc aussi reglé
par certaines Loix mechaniques particu=
lieres.
VEGETAL.
C’est un composé de vaisseaux, et de fluides,
qui circulent dans ces vaisseaux d’une
maniere uniforme pour procurer le devel=
lopement des parties solides, l’accroisse=
mens et l’entretien du tout; il est donc
encor un vegetal assujeti a certaines
Loix communes de la statique des
vegetaux.
ANIMAL.
C’est un tissu de fibres revetues de peau,
un composé de nerfs et de muscles mis
en jeu par un fluide appellé nerveux,
d’ou resultent la sensibilité et l’activité
qui caracterisent les especes animales:
l’homme est par consequent encor sou=
mis aux Loix du regne animal.
On peut donc l’envisager comme un tout
organique qui nait, vit, croit, se repro=
duit comme la plante, qui se sent et se
meut comme l’animal.
Il y a donc en Lui un principe de sensibi=
lité et d’activité par lequel il sent son etat
et ses besoins, et il se porte avec spontane=
ité aux divers mouvemens que ce sen=
timent fait naitre. Ce principe commun
a l’homme et aux autres especes animales
se nomme ame .
<5> INTELLIGENT.
Distingué des brutes par diverses prero=
gatives qu’il possede comme animal; l’hom=
me l’est encor d’une maniere bien plus glo=
rieuse par un principe qui a la conscien=
ce de soi même reunit la reflexion, l’In=
telligence, la raison et la liberté morale.
C’est ce principe Intelligent qu’on a ap=
pellé l’ame humaine ou l’Esprit de
l’homme.
L’ame animale ou Sensitive est donc
autant inferieure a l’ame humaine ou
Intelligente que la Sensation est inferieure
a la reflexion; autant que le penchant
a contenter ses appetits est au dessous
de la faculté d’apprecier les objets;
autant que l’inclination naturelle pour
le plaisir, l’aversion pour la douleur,
le cedent en dignité a la raison, qui
prevoit, qui prend ses mesures a l’avan=
ce, pour obtenir l’un, eviter l’autre, et
se tracer un plan de bonheur.
On ne doit pas cependant se figurer
deux ames separées dans l’homme: il
n’y a qu’un seul principe, mais consideré ici
sous deux faces, dans ce qui le rapproche
et dans ce qui le distingue des autres
especes.
<5v> SUPERIEUR.
Ce n’est donc pas sans raison qu’on a tou=
jours si fort exhalté la Superiorité de
l’homme. Au dehors, il presente le specta=
cle interessant de l’elegance, de la beau=
té, de l’harmonie des proportions; au dedans,
il renferme les ressorts admirables d’une
mechanique vivante, animée, et la seule
dans la nature qui soit aux ordres d’un
Etre doué de raison. Au dessus de tou=
tes les especes animales par les preroga=
tives de sa constitution, il l’est encor
par les influences de son activité in=
dustrieuse; il exerce son empire sur
elles, et pendant qu’il l’exerce avec Sa=
gesse, il repond aux vües du Createur
qui l’a etabli dominateur sur toutes
les œuvres de ses mains.
VIE DE L’HOMME.
On donne le nom de vie , a prendre ce
mot dans le sens le plus general, a toute
force permanente qui se deploie chès un
Etre par l’effet d’un principe ou ressort
interieur, et dela on distingue dans
l’homme une triple vie; vie vegetale
qui lui est commune avec les plantes et
les animaux, vie animale qui lui est
commune avec les animaux; vie d’In=
telligence qui lui est propre.
VIE VEGETALE.
On rapporte a la vie vegetale tout ce
que le corps humain offre d’analogue
a la vegetation des plantes, la circula=
tion des fluides dans les solides,
<6> l’entretien de ceux ci par les effets de la diges=
tion, et les autres fonctions vitales et natu=
relles qui s’executent continuellement et
independamment de l’homme, lors meme qu’il
est livré a un profond sommeil.
VIE ANIMALE.
On rapporte a la vie animale les proprie=
tes communes 1 mot biffure aux especes animales, la
sensibilité aux impressions des objets exte=
rieurs sur les organes des sens, lorsqu’elles
parviennent jusques a l’ame, l’activité que
que cette ame deploïe sur les nerfs et les
muscles, pour mouvoir les organes et les
membres, selon le besoin, par une force
dont l’homme est le maitre, sans en connoitre la
nature ni la maniere dont elle se devellope.
Telle est la vie qui dont les effets se
manifestent pendant qu’il veille, temps
ou il est continuellement en action.
VIE D’INTELLIGENCE.
On doit rapporter a la vie d’Intelligence
les operations de la pensée, les determinations
de la volonté et tous les actes de la liberté de
l’homme, tous les ressorts interieurs qui
sont propres a son espece, et qui la caracterisent
par leurs effets exterieurs. Telle est la vie
de reflexion, qui fait la gloire de l’homme,
qui ne devroit jamais etre interrompue
pendant qu’il veille, mais qui ne l’est que
trop souvent chès tous, et qui est même
a l’ordinaire si peu sensible chès la plupart.
Nous allons Le detail ou nous devons
entrer sur tous ces traits generaux les
rendront bien plus sensibles, mais pour
en preparer l’intelligence, nous ferons
preceder une notice abregée des parties
solides et fluides dont le corps humain
est composé dans sa totalité.
<6v> Chapitre II.
Des parties solides et fluides dont le corps
humain est composé dans sa totalité.
CORPS HUMAIN.
Nous nous bornons ici a ces connoissan=
ces elementaires que nous croions suffi=
santes pour concevoir quelque idée de la
constitution merveilleuse du corps humain
consideré comme un tout 2 mots biffure physique
1 mot biffure dont les parties, quoique dissimi=
laires, sont liées entr’elles par la plus etroite
correspondance.
PARTIES SOLIDES ET FLUIDES.
Ce corps est composé dans sa totalité de
solides et de fluides. Les solides forment
chacun un tout a part, ferme et coherent,
et ils entrent dans la composition des divers
organes ou membres. Les fluides sont des
composés de parties très petites, rassemblées
avec peu de coherence entr’elles, et qui se
meuvent toutes ensemble pour couler
dans les solides.
LES FIBRES.
Tous les corps sont composés de particu=
les elementaires, qu’on a appellées atomes ,
en les supposant indivisibles par aucune
force de la nature et de l’art.
De leur cohesion ont eté formés des Ele=
mens longitudinaux qu’on a appellés
fibres, en les considerant comme les pre=
miers materiaux qui entrent dans la com=
position des parties solides du corps ani=
mal.
<7> On 1 mot biffure les compare a des tuiaux infiniment
petits dont la cavité peut etre traversée par
un fluide; ils ces tuyaux peuvent etre ou inegalement
ou egalement calibrés, mais pour leur reu=
nion et adherence, ils peuvent formernt des
fibres plus ou moins epaisses et fortes, et
de la la distinction en fibres et fibrilles.
De toutes ces fibres differemment combinées,
repliées, liées les unes aux autres par des
fibres transversales, 1 mot biffure ont ete formés des tissus
de diverse consistence destinés a differens
usages, et d’ou resultent les diverses
parties solides, les os, les cartilages, les
ligamens, les membranes, les vaisseaux,
les glandes &c.
LES OS.
Entre les solides, ceux qui sont les plus durs
a leur origine, et qui se durcissent même de
plus en plus, a mesure qu’ils grossissent, ce
sont les OS . Formés par la plus forte
cohesion de fibres entrelacées, ils sont ca=
ves dans le milieu, et interieurements pene=
trés d’une substance liquide et onctueuse,
appellée medullaïre, ou moëlle , destinée
a les assouplir, les lubrifier, et les nourrir
au dedans; ce qui n’exclut pas la destina=
tion de la lymphe pour abreuver les parties
les plus eloignées du centre et en reparer
les echecs. Ils sont recouverts au dehors
d’une membrane extremement irritable
et sensible, qu’on nomme Perioste .
<7v> Les os sont destinés soit a garantir les parties in=
ternes essentielles a la vie, soit a former la char=
pente du corps humaïn et donner a ce bel edifice
1 mot biffure une solide consistence, soit a multiplier
les points d’appui de ses leviers, soutenir et
faciliter ses efforts, et le rendre propre a tous
ses divers mouvemens. Ils ne peuvent, il est
vrai, se mouvoir que par l’action des muscles
qui les tirent et les deplacent; mais la plus=
part recoivent le mouvement en differentes
directions. selon les divers mouvemens Rien
de plus admirable que les traits de Sagesse qu’on
voit briller dans leur nombre, dans la diversi=
té de leurs figures. Dans leurs diverses articula=
tions, dans leur position et leur correspondance
mutuelle, et en general dans toute leur ordon=
nance si bien appropriée a leur destination
et a leurs usages.
LE SQUELETE.
L’assemblage des os du corps humain se
nomme Squelete dans lequel on distingue
la tête, le tronc et les extremités ou branches.
LA TETE.
On a appellé tête la partie superieure et emi=
nente qui renferme les organes sensibles,
le cerveau qui est le Siege de l’ame, avec la
face qui lui sert d’expression.
<8> On y distingue
LE CRANE et LES OS DE LA FACE.
Le crane est cette boëte osseuse qui renferme
le cerveau, le cervelet et autres parties inte=
rieures. Il est composé de huit os separés
qui par leur engrenage et leur suture ad=
mirable, forment cette envellope ceintrée
qui garantit si puissamment le chef de
l’homme.
Les os de la face sont la machoire superieu=
re composée de 13 os sans comter les dents,
et la machoire inferieure formée chès les
enfans de deux os, mais qui se reunissent
en un seul chès les adultes.
LE TRONC.
Sous le tronc sont compris les vertebres,
et l’epine du doz, les os de la poitrïne, ou le
sternum et les côtes, et ceux du bassin.
LES VERTEBRES ET L’EPINE DU DOZ.
Sous le nom de vertebres on designe ces os,
au nombre de 24 qui, par leur emboiture,
forment une colonne osseuse au derriere
du corps, sur laquelle la tête et tout le corps
se tournent, appellée l’epine du doz . On
distingue 7 vertebres cervicales, 12 dorzales,
et cinq lombaires. La tête est fixée sur la
premiere cervicale qui est appellée Atlas
c a d. porteur. Le mouvement de la tête,
a droite et a gauche, s’execute par la seconde
vertebre, appellée tournoiante ou axe,
au moien d’une apophyse en forme de
dent, sur laquelle la premiere vertebre et la
tete conjointement, tournent comme sur
un pivot.
<8v> Rien de plus merveilleux que leur emboiture
et les trous sans nombre dont elles sont criblées
pour donner passage aux vaisseaux et aux
nerfs repandus par tout le corps.
OS DE LA POITRINE.
On appelle Poitrine cette portion du corps
humain qui s’etend depuis la partie infe=
rieure du col jusques au diaphragme, et
ou sont renfermés les organes vitaux, le
cœur et les Poumons. Elle est deffendue
au derriere par l’epine du doz, au devant
par le sternum, a droite et a gauche par
les côtes, ce qui permet aux organes inter=
nes d’executter en liberté leurs mouvemens
continuels. Elle s’appelle aussi Thorax .
STERNUM.
On appelle Sternum toute cette partie os=
seuse qui se presente au devant de la
poitrine et ou les côtes vont aboutir. Dans
la premiere enfance ce n’est qu’un cartilage;
elle se durcit avec l’age, et elle se forme
chès les adultes en trois pieces.
<9> LES CÔTES.
On a designé sous le nom de côtes les
os disposés en courbure de part et d’autre
du Sternum, avec lequel ils viennent s’arti=
culer. On en comte 24 de chaque côté,
7 superieures appellées vraies, 5 inferieu=
res appellées fausses.
LE BASSIN.
On a appellé Bassin la partie inferieure
du tronc formé par l’os sacrum, et le
coccyx, et les os appellés ilem, pubis,
et ischion.
LES BRANCHES
On a donné le nom de branches aux extre=
mités du tronc, savoir, au dessus, l’epaule
le bras, l’avant bras, la main et les doigts;
au dessous, la cuisse, la jambe et le pied;
chacune a ses os particuliers et en
grand nombre.
LES CARTILAGES.
D’autres tissus de fibres, dont l’entrelacement
a moins de coherence, donnent d’autres parties
appellées cartilages , solides et fortes, mais
beaucoup moins dures que les os, sans cavité,
ni moëlle, ni perioste, dont le propre est une
elasticité naturelle par laquelle, lorsqu’elles
ont eprouvé quelque deplacement, elles re=
prennent d’abord leur figure et leur situation
precedente. Elles sont principalement destinées
a faciliter les mouvemens des os dans les join=
tures, et en general ceux des organes dont
le jeu doit etre doux et aisé, comme les
oreilles, le nez &c.
<9v> LES LIGAMENS.
Sous le nom de ligamens on a designé des
parties solides blanches qui se trouvent a
coté des carilages, mais dont le tissu est
plus soupple, qui sont destinées a lier et
contenir les os dans leurs articulations,
pour empecher qu’ils ne se luxent ou ne
se deplacent part quelque mouvement violent, de leur cavité a laquelle ils
sont naturellement assujetis. 4 mots biffure
LES MEMBRANES.
On a appliqué le mot de membranes
a toutes les substances pelliculaires qu’on
distingue dans le corps animal, semblables
a des reseaux très soupples, qui servent
d’envelloppes a certaines parties pour les
couvrir, les garantir, conserver leur cha=
leur naturelle et même les fortifier, comme
aussi a lier les vaisseaux aux vaisseaux,
les nerfs aux nerfs et donner a la sensibi=
lité animale un plus grand degré de
force. Telles sont les Meninges, la pleure,
le pericarde, l'epiploon et le peritoïne,
les tunïques des intestins, le perioste, la
peau et la surpeau.
LES VAISSEAUX.
D'autres combinaisons de fibres ont produit
les canaux destinés a recevoir les fluides,
compris en masse sous le nom de sang, qui
doivent y couler comme dans des vaisseaux
ou vases.
<10> LES ARTERES.
Une partie de ces vaisseaux portent le sang
du coeur jusques aux extremités du corps,
et a mesure qu'ils s'eloignent de ce centre, ils
se divisent et subdivisent en ramifications
multipliées, qui deviennent a la fin si petites
qu'elles echappent aux yeux; c'est ce qu'on
appelle les arteres .
LES VEINES.
Une autre partie de ces vaisseaux rap=
portent le sang des extremités du corps au
coeur, et on peut les envisager comme au=
tant de vaisseaux extremement petits abou=
chés a autant de petites arteres, ou, si l'on
veut, comme autant de prolongemens des
extremités de celles ci, qui, a leur retour,
et au retours des precedentes, se reunissent
chemin faisant, diminuent en nombre
et augmentent en grosseur, a mesure qu'elles
se rapprochent du coeur, et a la fin se re=
duisent a deux gros vaisseaux qui vont
s'y rendre avec le sang; c'est ce qu'on appel=
le les veines .
LES VAISSEAUX TUBULAIRES.
Il y a enfin des vaisseaux semblables a
des tubes carrement petits et minces, qui
sont dispersés dans toutes les parties du corps
pour recevoir et distribuer des fluides
beaucoup plus subtils et sereux que le
sang, tels que les bilieux, chiliferes, lym=
phatiques &c. on les a appellés tubulaires .
<10v> LES GLANDES.
Il est aussi certaines parties repandues
dans tout le corps humain, de figure ronde,
molles et spongieuses, destinées a extraire
de la masse du sang des humeurs ou liqueurs
de differente qualité et saveur, qui ont dif=
ferens usages; on les a appelle glandes . Chaque
glande particuliere est renfermée sous une
envelloppe très fine pourvue d'un vaisseau
secretoire qui extrait la liqueur, et d'un excre=
toire qui la transmet au dehors, pour etre
conduite de la a quelque reservoir; et parce
qu'elle forme un petit globule on l'appelle
conglobée , ou glande simple; telles sont les
glandes de la peau, des intestins &c. Mais de
la reunion de plusieurs de celles ci sous une
même membrane commune, ou les conduits
excretoires en se reunissant forment des con=
duits evacuans plus larges, resultent des glan=
des composées qu'on a appellées conglomerées ;
telles sont les reins, le fois, la rate, le pancreas,
1 mot biffure les mammelles &c.
LES NERFS ET LES MUSCLES.
D'autres combinaisons de fibres de differens
ordres donnent encor ces parties solides qui
sont les organes de la sensibilité, et les instru=
mens de l'activité, propres aux especes animées.
On distingue les nerfs et les muscles .
<11> LES NERFS.
Les nerfs sont de longs faisceaux de fibres,
revetues d'une double tunique qui les lie
entr'eux, semblables a des cordons deliés et
mobiles, de differente grosseur et de couleur
blanchatre. Ils sont repandus dans toutes
les parties du corps, particulierement dans
les muscles qu'ils traversent; ils aboutis=
sent tous au cerveau comme a leur centre
de reunion ou d'origine, et de la ils portent
partout les Esprits animaux d'ou dependent
la sensibilité et l'activité.
Ainsi les nerfs sont les organes immediats
de la sensibilité animale, entant qu'ils trans=
mettent au cerveau et a l'ame les impres=
sions du dehors, et les instrumens imme=
diats de l'activité que l'ame deploie, entant
que l'impulsion quelle leur imprime se
communique d'eux aux 1 mot biffure muscles,
et qu'ils 1 mot biffure soutiennent ceux ci dans le devellop=
pement de leur force. car d'ailleurs ces
muscles sont
proprement les
instrumens im=
mediats de l'acti=
vité de l'ame con=
siderée par rap=
port aux effets
quelle produit
sur les membres.
Ainsi encor, sans le genre nerveux il n'exis=
teroit aucune vie animale, aucune ac=
tivité, ni aucun plaisir des sens.
Dans le corps humain on a comté 40 paires
de nerfs. Dix partent immediatement du
cerveau pour aboutir aux a chacun des
organes sensibles et même a d'autres par=
ties de la tête: on les appelle optique
auditif, olfactif, &c. Trente appellés verte=
braux partent de l'epine du doz, ou de
la moëlle spinale, pour aboutir de la a tous
les muscles et a toutes les parties du corps
qu'ils doivent rendre sensibles et mobiles.
<11v> On y distingue 7 paires Cervicales qui sor=
tent des vertebres du Col, 12 dorsales qui
viennent des vertebres du doz, cinq lom=
baires qui partent des vertebres des lom=
bes, cinq sacrées qui procedent de l'os sacrum
auxquelles il faut joindre le nerf intercos=
tal qui jette des branches dans la poitrine
et l'abdomen.
Neammoins comme la moëlle Spïnale est
elle même toute dependante du Cerveau, on
peut dire de tous les nerfs, qu'ils y ont 1 mot biffure
leur origine, comme ils y sont tous aux or=
dres de l'ame pour deploier leur action par
tout le corps.
LES MUSCLES ET TENDONS.
Les muscles sont des faisceaux de fibres
molles et de membranes entrelacées de nerfs,
avec lesquels elles forment un tissu rougea=
tre et charnu, d'une très forte consistence,
quoique très soupple et susceptible d'exten=
sion et de contraction. Chaque muscle est
recouvert d'une membrane, et il est comme
séparé en divers pacquets revetus aussi
chacun de sa membrane, et qu'on peut envi=
sager comme autant de muscles separés,
lesquels sont encor susceptibles de subdivi=
sïons.
Les fibres de chaque muscle se rapprochent
vers les extremités, et par la y forment des
tissus plus serrés, plus roides, de couleur blan=
chatre, qui sont comme les attaches par lesquelles
les muscle tient aux parties voisines et en par=
ticulier aux os, sur lesquels il s'appuie
comme sur un point de depart 3 mots biffure
d'ou vient qu'on y a distingué trois
parties, le corps ou le ventre, la tête, et la
queue. Ces attaches ont été appellées Ten=
dons comme etant susceptibles d'une très for=
te tension, ou parce qu'elles concourent le
plus a l'effort qu'exige la tension des
muscles. 2 mots biffure
<12> L'intime connexion des nerfs avec les mus=
cles les a fait souvent prendre les uns
pour les autres; d'ou vient que l'extension
des muscles et des tendons a été appellée
aponevrose. Mais on peut comparer les
muscles a des leviers, et les nerfs a de pe=
tites cordes, qui mettent ceux la en jeu, en
leur transmettant l'action qu'ils ont reçue
immediatement de la volonté, pour quelle
passe par leur moien aux divers organes
ou membres ou corps animal. Cette action
musculaire depend de la disposition du
muscle a se contracter et raccourcir par
l'une de ses extremités pendant qu'il se tient
fixe et ferme a l'autre sur un point
d'appui solide tel que l'os. Ainsi p. ex.
quand nous voulons flechir le doigt, l'ac=
tion des nerfs, auxquels l'ame commande,
develloppe celle des muscles flechisseurs
qui ont leurs attaches fixes a l'os du bras,
et a ceux de l'avantbras, et leurs attaches
mobiles, a l'extremite inferieure, entrent
incessamment en contraction, par ou le bout
du doigt est attiré contre la paume de la main.
Ceci ne regarde que l'action des muscles
volontaire, et non l'involontaire, comme
celle du coeur et des intestins.
Observons que ces muscles sont des leviers
du 3e ordre, ou le point d'appui se trouve
sur l'os, la resistence la ou le membre ap=
plique l'action, la puissance dans l'espace
intermediaire. D'ou il resulte que dans ces
leviers, la resistence ne peut etre vaineuse que
par une force de beaucoup superieure et
d'autant plus grande qu'elle se develloppe
plus près du point d'appui. Mais d'un au=
tre côté celle ci se devellope dans un espace
<12v> beaucoup plus resserré que celui ou se fait le
deplacement exterieur, et cette oeconomie
d'espace etoit indispensable pour que les forces
humaines pussent executer leurs effets prom=
tement et avec aisance. Or cette oeconomie
de l'espace et du temps ne pouvoit s'obtenir
que par une profusion de forces motrices
communiquées a chaque muscle; et pour
la procurer, le Sage auteur de la nature a
etabli la combinaison des muscles de telle
maniere qu'ils n'agissent jamais un a un,
mais toujours reunis, en plus ou moins
grand nombre, par un concours d'efforts
qui s'appuient reciproquement. Distri=
bués de la maniere la plus admirable, ils
correspondent presque tous a l'unité d'ac=
tion pour operer un même effet, lorsque
cela est necessaire. D'après les calculs de
Piorelli, un homme pesant 150 livres, s'il
s'eleve en sautant a la hauteur de 2 pieds,
deploie une force equivalente au poids
de 300000 livres. Qu'elle n'est donc pas
celle qu'exerce le portefaix chargé d'un
fardeau de 800 Livres pesant? L'adresse
chès lui, il est vrai, seconde beaucoup la
force en distribuant la charge sur tous les
membres proportionnellement a leur vigueur
propre, et a l'avantage de leur position.
Mais la force totale deploiée ne laisse pas
d'etre immense, et elle est d'autant plus mer=
veilleuse que l'homme est fort inferieur en
taille aux betes de somme qui portent
des 1 mot biffure fardeaux de la même
pesanteur.
Dans le corps humain on distingue 425
muscles, tous differens quant a leur figure
appropriée a leur position ou a leur desti=
nation, surtout quant a la disposition de
leurs fibres, rangées chès les uns parallel=
lement, chès les autres obliquement, quel=
ques fois même en peloton.
Il y a même des muscles antagonistes dont
<13> les forces opposées se balancent pour tenir
certaines parties en equilibre. Ainsi la
bouche est retenue au milieu du visage
par deux muscles qui la tirent de chaque
côté, d'ou vient que si l'un perd de sa force, l'autre
tire la bouche de son côté et elle se porte de
travers.
La force de chaque muscle et la direction
de son mouvement, dependent de sa disposition
et de sa structure, de celle des tendons, de leur
appui, &c. Voiès Borelli de motu ani=
malium .
LA PEAU. LES PORES.
De l'entrelacement d'une infinité de vais=
seaux sanguins et lymphatiques, de fibres
tendineuses et de filets nerveux, qui abou=
tissent a toutes les parties de la surface du
corps, se forme un tissu qui lui sert d'en=
velope generale; on l'appelle la peau .
La surface de cette envellope adherente
au corps est toute 1 mot biffure semée de
bouquets nerveux appellés mam=
melons, rangés selon un certain ordre,
et a la file, sur une même ligne; ce qui
forme les sillons de la surpeau: on
nomme ainsi une petite peau superieure,
fine, transparente, qui recouvre la prece=
dente avec les mammelons, mais qui
denuée de nerfs dans son tissu, est tout
a fait insensible. Elle sert a moderer les
impressions qui se font sur les mammelons
lorsque par leur force elles pourroient en al=
terer la finesse. On l'appelle aussi epiderme .
Quelques Anatomistes placent entre la peau
et l'epiderme, une membrane très fine et cri=
blée de trous assès larges, qu'ils appellent le
corps reticulaire ; d'autres veulent que ce
ne soit que la surface interieure de l'epider=
me garnie d'une espece de reseau formé
par un grand nombre de lignes saillantes.
<13v> sous la peau sont les glandes Sebacées qui
repandent sur les mammelons et tout le tissu
une lymphe huileuse. Destinée a y entre=
tenir la soupplesse et la mollesse, et celles
qu'on nomme milliaires parce qu'elles res=
semblent a des grains de millet, dont cha=
cune a un conduit pour servïr de passage
a la lymphe, qui fait la matiere de la trans=
piration insensible et sensible.
Ces petits trous imperceptibles dont la peau
est toute criblée se nomment Pores .
Le tissu merveilleux de la peau fournit une
envellope generale pour garantir toutes les
parties delicates du corps en même temps
qu'il donne a tout l'ensemble les graces des
contours et de la finesse du coloris. La
peau est aussi dans toute son etendue l'or=
gane du toucher, mais celui ci reside a
son plus haut point dans les mains et les
doigts, ou les nerfs sont plus nombreux et
serrés.
LES ONGLES
A l'extremité des doigts et des orteils, les
mammelons de la peau se trouvent plus rap=
prochés et plus nombreux; a mesure qu'ils
grossissent, leur adherence augmente, et a
la fin ils deviennent si etroitement serrés et
collés les uns contre les autres que les flui=
des ne peuvent plus les abreuver; ce qui
<14> produit ces substances compactes, dures et
seches, qui se durcissent toujours plus par
l'usage que l'homme en fait dans l'action
ou dans la marche: c'est ce qu'on a appellé
les ongles .
LES POILS ET CHEVEUX.
Des houppes nerveuses de la peau sortent
des corps longitudinaux, composés de filets
rassemblés et environnés de lignes noira=
tres; ces vaisseaux creux ont été appellés
poils , et ceux qui couvrent la tête se nom=
ment cheveux . Des mêmes houppes se
filtre un fluide moëlleux qui leur four=
nit la nourriture, et les fait croitre en lon=
gueur, en leur donnant differentes cou=
leurs, selon sa nature et son degré d'abon=
dance, chès les differens sujets; ce qui fait
que les cheveux sont foncés chès les adultes,
tandis que chès les vieillards ou ce fluide
se dissipe peu a peu, ils blanchissent et a
la fin tombent, mais a la verité, chès les uns
plus tard que chès les autres, parcequ'ils conser=
vent plus longtemps les humeurs dans leur
etat naturel. 1 mot biffure
LES FLUIDES.
On peut distinguer dans les fluides, le
sang, la serosité, le chyle, les humeurs,
la lymphe, les Esprits animaux.
LE SANG.
Sous le nom de Sang on comprend le plus
souvent tous les fluides reunis en une masse
qui circule continuellement 3 mots biffure
du coeur aux extremités du corps pour les
abreuver et les nourrir, et 3 mots biffure des
<14v> extremités du corps au coeur, comme a
un reservoir ou elle trouve de quoi repa=
rer ce quelle a perdu. De cette circulation
continuelle depend la conservation de la
vie qui cesse des qu'elle prend fin.
Cette masse n'est pas la même chès tous les
Individus, ni chès le même homme dans tous
les instans de sa vie. Son poids va de 15
a 25 livres.
Le Sang pris en masse est un liquide gras,
huileux, muqueux, d'un gout un peu salé.
Lorsqu'on le tire de la veine, il ne presente
d'autre couleur que celle d'un rouge foncé,
qui le feroit prendre pour un fluide homo=
gene, si l'on ne savoit d'ailleurs que c'est
un composé de diverses sortes d'humeurs.
Quand, après la saignée, le sang s'est reposé
et refroidi, il se separe en deux substances
bien distinctes, un caillot d'un rouge plus
ou moins foncé, et une eau claire qui
recouvre le caillot. Au microscope le
sang paroit aussi un composé de petits
globules rouges qui nagent dans un fluide
transparent et de couleur pâle. On
voit aussi que chaque globule est d'un
rouge pâle et que c'est de leur reunion
en plus ou moins grand nombre que de=
pend leur couleur plus ou moins vive.
Outre cela, chaque globule paroit composé
de six globules plus petits d'une couleur
moins foncée, et qui se rapproche de celle
du fluide aqueux, sans cependant se con=
fondre avec elle.
Ce sont ces globules rouges qui forment
le sang proprement dit, qui est de sa natu=
re glutineux, et ne demeure même fluide
que pendant qu'il circule; car des qu'il est
arreté, il perd sa chaleur et se fige: c'est
le mouvement seul qui est la cause de sa
fluidité, de sa chaleur; comme aussi vrai=
semblablement de sa constitution globuleuse
et de couleur rouge.
<15> LE SERUM.
Cette partie de 2 mots tache la masse des fluides aqueuse
et transparente, destinée a delaier le sang
et le faire couler, en même temps qu'elle le
decharge de particules suradondantes pour
les porter aux vaisseaux excretoires, a été
appellée le Serum qui, chès les Romains,
signifioit la partie liquide du lait sepa=
rée du Caillé.
De cette masse sereuse, la plus grande par=
tie est transportée des arteres dans les veines
ou elle subit diverses Secretions qui fournis=
sent differentes humeurs: une autre partie,
arrivée aux extremités des arteres, s'echappe
par les petits vaisseaux qui fournissent
la lymphe. Quant au chyle, ou suc nouri=
cier extrait des alimens par la digestion,
nous ne le distinguons ici ni du Sang ni du
Serum, parce qu'après son introduction dans
la masse, il appartient egalement et a l'un
et a l'autre, comme nous le disons plus bas.
LES HUMEURS.
Du Serum qui est en soi insipide, il se fait
par le moien des diverses glandes, des secre=
tions de liqueurs de divers genres, qui ont
des saveurs toutes differentes. Ces liqueurs
se nomment humeurs . Telles sont les humeurs
des yeux, des oreilles, du nez, de la bouche,
comme les larmes, la chassie, la cire, la muco=
sité ou morve, la salive, le crachat, les
humeurs du cerveau, de la poitrine, du peri=
carde, de l'abdomen, la bile, le suc gastrique,
pancreatique, l'urine &c. auxquelles on
doit joindre le sperme, le suc des mammelles
extrait des arteres mammaires, substance
chyleuse, de saveur douce et très blanche,
appellée a cause de cela lait .
<15v> Rien de plus merveilleux que la Secretion des
humeurs: mais par quelle Loi chaque glande
extrait elle telle ou telle liqueur qui lui est
propre, pendant qu'elle laisse passer les autres li=
queurs que d'autres glandes sont destinées a
extraire? est ce la un effet de certaines forces
attractives particulieres, ou de certaines propor=
tions etablies entre les diametres des ouvertures
des tuiaux, et ceux des particules elementaires
des divers fluides? c'est la, je pense, un mys=
tere jusques ici profondement caché.
LA LYMPHE.
2 mots biffure On a donné le nom de Lymphe a cette
serosité legerement acide, blanche et visqueuse
comme le blanc d'oeuf, qui introduite a l'extre=
mité des arteres dans des petits tuyaux appel=
lés vaisseaux lymphatiques, qui, par leurs ra=
mifications multipliées, la portent dans toutes
les diverses parties du corps, pour en prevenir le
dessechement, et leur conserver la soupplesse ne=
cessaire a leurs diverses fonctions. Lorsque la
partie la plus sereuse s'est dissipée, il n'en reste
que des particules visqueuses et gelatineuses,
qui forment un gluten dont les parties se
collent ensemble, se durcissent, se transforment
en calus et même en os; d'ou l'on peut con=
clure que la Lymphe est comme une mere
nouriciere de tout le genre osseux.
TRANSPIRATION. SUEUR.
Il y a dans l'homme une transpiration interieure
comme celle de la mucosité dans les narines,
celle qui se fait dans les vesicules du poumon,
dont on voit la preuve en soufflant sur la glace
d'un miroir, ou en considerant comment le souf=
fle s'exhale en vapeurs sensibles en hyver; mais
nous parlons ici d'une transpiration exterieure
qui se fait par le moien des glandes milliaires,
<16> dont chacune a son vaisseau en excretoire sur
la peau, et des pores dont cette peau est toute
criblée, pour donner passage a la lymphe
ou serosité qui s'echappe. Cette transpiration
est ordinairement insensible, et des qu'elle
se fait remarquer par son abondance, et que
ses parties viennent a se condenser par le
contact de l'air et s'unir entr'elles au point
de former sur la peau des goutes sensibles,
alors elle est appellée Sueur .
La transpiration insensible est très considera=
ble, puisque selon les experiences de Sanctorius,
sur 8 livres de nourriture et de boisson, il s'en
dissipe 5 par cette seule voie. Rien n'est aussi
plus essentiel a la santé du corps, puisque c'est
par elle seule qu'il peut se degager des humeurs
surabondantes, surtout des parties salines,
sulphureuses et huileuses, qui lui deviendroient
très nuisibles, si elles ne pouvoient s'exhaler
continuellement. 6 lignes biffure Si cette evacua=
tion se trouve sup=
primée ou seule=
ment diminuée,
pareillement si
elle devient trop
abondante, il
en resulte inevita=
blement des mala=
dies très mena=
cantes, contre les=
quelles on ne sau=
roit assès prendre
de precautions.
D'ou vient que
chacun, qui veut
conserver sa santé,
doit apporter une
grande attention
a la qualité et la temperature de l'air qu'il
respire, aux alimens et aux boissons dont il
use, aux habits dont il se couvre en cha=
que saison, a l'exercice qu'il prend, au degré
de travail et au sommeil auquel il se
livre, aux passions qui l'agitent, et en gene=
ral a toutes les causes externes et internes
qui peuvent influer sur la circulation du
sang et dès la sur le cours de la transpira=
tion insensible, qui depend du degré d'action
du coeur et des arteres au dedans, comme
celle ci reciproquement depend de la regu=
larité de celle la.
<16v> EMONCTOIRES.
Il est a remarquer par rapport aux Serosités
extraites du sang, que la plupart doivent etre
evacuées au dehors pour ne point rentrer dans
la masse, telles que la sueur, l'urine, les
humeurs stercorales, la morve; d'ou vient
qu'on les a appellées excrementielles, par=
ce que le corps doit en etre dechargé comme
superflues, et même nuisibles, si elles y
sejournent trop longtemps. Les parties
solides destinées a cette evacuation, se
nomment emonctoires . Il est aussi des hu=
meurs excrementielles qui doivent, au moins
en partie, etre repompées, pour rentrer dans
les canaux de la circulation. p. ex. la salive,
la bile &.
FLUIDE NERVEUX
Il faut joindre enfin a ce fluide impercep=
tible, appellé nerveux entant qu'il est
destiné a couler dans les nerfs et leur
fournir les Esprits animaux necessaires
a leurs fonctions. Nous en parlerons
au chap. suivant. Examinons presen=
tement les parties internes particulieres
d'ou dependent les fonctions vitales et
le mouvement vital ou la vie de l'homme.
<17> CHAPITRE III
Des parties internes du corps humain, et
des fonctions vitales d'ou depend directement
et principalement le mouvement vital et
la vie de l'homme.
PARTIES INTERNES. FONCTIONS VITALES.
Les parties internes d'ou depend principalement
la vie de l'homme sont le coeur, les pou=
mons et le diaphragme, le cerveau. Les
Fonctions vitales, ainsi appellées parce que
c'est de leur continuation que depend immedia=
tement celle de la vie, sont la circulation du
sang, la respiration, l'action du cerveau.
LE COEUR.
Le coeur est la piece essentielle du corps humain, est ap=, comme cause principale du
pellée coeur
mouvement vital. Le coeur est un vrai
muscle puisqu'il est un entrelacement de
muscles longitudinaux et transversaux,
et qu'il s'allonge ou se raccourcit en devellop=
pant son action. C'est un tissu extremement
serré, ferme et solide, de figure approchant
de la conique; il est placé au milieu du
thorax entre les poumons, dans une situa=
tion oblique, la base en haut, la pointe
en bas, inclinant un peu du côté gauche,
et s'avancant un peu par la pointe, sur
le devant de la poitrine.
LE PERICARDE.
Le coeur est comme envellopé dans un sac
membraneux qui le couvre sans le tou=
cher, et sans gener le moins du monde
ses mouvemens. On l'appelle pericarde .
Il deffend le coeur contre les humeurs qui
pourroient s'epancher dans la poitrine,
telle que le sang, le pus, la lymphe, contre
le froid de l'air qui entre dans les poumons,
au milieu desquels il est placé, et au
<17v> moien d'une liqueur dont il est humecté,
et qui se renouvelle, il sert a rafraichir ce
muscle sans cesse occupé a un effort vio=
lent et qui seroit bientot desseché par sa
propre chaleur, a addoucir et lubrifier
les parties 1 mot biffure dont il est composé
et en faciliter le devellopement et l'action.
LES VENTRICULES ET LES OREILLETES.
Le coeur a deux grandes Cavités, 1 mot biffure par les=
quelles la masse du sang passe et repasse con=
tinuellement; 1 mot biffure elles sont separées par une cloison.
On les nomme ventricules. Chacun est muni
d'une espece de Sac musculeux, mais de cavi=
té beaucoup plus petite appellée oreillete,
qui communique par un canal ou trou
avec le ventricule, et sert a decharger dans
celui ci le Sang qu'il reçoit immediatement.
LES GRANDES ARTERES.
Des deux ventricules partent deux gros
vaisseaux appellés les grandes Arteres, qui
se subdivisant en ramifications multipliées,
portent le sang du coeur aux extremités du
corps. Ces canaux sont composés de 3 tuniques,
l'exterieure nerveuse et tissue de petits vaisseaux
extremement deliés; celle du milieu musculaire
formée de fibres spirales très elastiques: l'in=
terieure fine et transparente, mais assès dense
pour contenir le sang.
Du ventricule droit part l'artere pulmonai=
re qui conduit le sang du coeur aux pou=
mons; du ventricule gauche part la grande
artere, ou l'aorte qui distribue le sang par
tout le corps.
LES GRANDES VEINES.
Aux deux oreilletes, aboutissent deux
grosses veines formées par la reunion des
petites destinées a rapporter le sang au coeur
5 mots biffure. Elles ne sont
<18> que des composés minces, parce qu'elles
souffrent peu d'effort, celle qui aboutit au
ventricule gauche pour y rapporter le sang
des poumons, se nomme veine pulmo=
naire. Celle qui aboutit au ventricule
droit pour y rapporter le sang des extremités
du corps, se nomme la veine cave .
LA SYSTOLE ET LA DIASTOLE.
Depuis le premier instant de la vie jusques
au dernier, le coeur est agité sans interrup=
tion par deux mouvemens alternatifs.
Par l'un appellé Systole , les fibres musculai=
res se raccourcissent graduellement, le coeur
se contracte, la pointe se rapproche de la baze
et les cavites des ventricules se retrecissent.
Par l'autre appellé Diastole , les fibres retour=
nent a leur etat naturel, le coeur se dilate,
la pointe s'eloigne de la base, et les cavites
des ventricules s'elargissent.
Les oreilletes ont aussi leur mouvement al=
ternatif de contraction et de dilatation, mais
a l'inverse de ceux des ventricules en sorte
que quand ceux ci se retrecissent celles la
s'elargissent et au contraire.
MOUVEMENT DU SANG.
A l'instant de la Systole, les parois des ven=
tricules, en se rapprochant, pressent le sang qui
y est renfermé et le poussent vers la base,
ou il heurte contre les valvules cad. des
soupapes qui jouent aux ouvertures du
coeur pour les ouvrir et les fermer; puis
il les ecarte, et par la se trouve forcé de s'echap=
per par les arteres.
Le Sang que la veine cave avoit porté [mais
non encor bien conditioné, a cause de son
<18v> melange tout recent avec le chyle] dans le ven=
tricule droit, est chassé de la dans l'artere
pulmonaire, qui le conduit avec une grande
rapidité par ses ramifications jusques dans les
plus petits vaisseaux des poumons, ou il est pene=
tré par l'air contenu dans les vaisseaux aerïens
qui exerce sur lui son activité pour le rafrai=
chir, l'impregner de ses principes vitaux, et l'ela=
borer au point ou il doit l'etre pour fournir
a l'entretien de la vie.
Au même instant, le Sang que la veine
pulmonaire avoit rapporté [auparavant
tout refait et purifié] dans le ventricule
gauche du Coeur, est chassé 1 mot biffure par
le même artifice de celui ci dans l'aorte, qui par
ses ramifications le distribue dans toutes les
parties du corps, pour y porter Ses principes
nouriciers.
Mais au moment ou succede la Diastole,
les cavités des ventricules s'elargissent pour
recevoir incontinent le sang ramassé dans
les oreilletes, qui doit occuper le vuide que
le sang chassé y a laissé.
Le Sang auparavant porté aux poumons
est rapporté par les diverses ramifications
des veines, et enfin par la veïne pulmonaire
pour etre dechargé dans l'oreillete et de la
dans le ventricule gauche.
Au même instant, le sang distribué par
tout le corps est rapporté par les diverses ra=
mifications des veines et enfin par la veine
cave pour etre dechargé dans l'oreillete et
de la dans le ventricule droit.
Tout cet artifice admirable s'execute par les
oreilletes qui en se contractant poussent le Sang
qu'elles renfermoient dans les ventricules dont
la contraction cesse au meme instant; après
quoi elles se dilatent pour en recevoir de
nouveau au meme moment ou les ventricu=
les se contracent pour chasser celui qu'ils
ont reçu.
Le ventricule gauche est plus gros et muni
de parois plus fortes que le droit, parceque le
jeu du premier demande plus de force que le
<19> jeu du second; qui se reduit a pousser le
sang seulement jusques aux poumons.
LA PULSATION
De la reiteration du même mouvement
alternatif, a intervalles a peu près equidis=
tans, nait le battement continuel du coeur
qui se propage dans toute la continuité de
l'artere, parce que le sang chargé avec une
force extreme et par secousses en presse les pa=
rois et y cause une dilatation intermittente,
mais toujours reiterée, tant par la même
pression du sang, que par l'elasticité du
vaisseau qui reagit sur lui: d'ou resulte
une alternative constante de dilatation
et de contraction qui se fait appercevoir, en
même temps, en dans plusieurs parties du corps par
un battement qui fait impression sur le tou=
cher, et quelque fois meme sur l'oreille et la vue, et
qu'on appelle pulsation , pouls. Le plus souvens
l'on indique par la le battement qui se fait
sentir vers le poignet, et aux indications du=
quel les medecins reconnoissent l'etat de
fermentation du Sang. On n'appercoit au=
cun battement dans les veines parcequ'elles
sont sans elasticité, que le Sang y coule d'une
maniere uniforme, et qu'il passe par des ca=
naux successivement toujours plus larges,
ce qui rend la pression du Sang contre les
vaisseaux comme nulle.
Les battemens sont plus frequens chès les
petits animaux, chès les enfans, par la raison
que les extremités du corps sont plus voisines
du mobile central; d'ou vient que la rapi=
dité du mouvement s'y rallentit moins, et
qu'il y a aussi un plus grand degré de
chaleur interieure.
LA FORCE DU COEUR.
Pour mouvoir et distribuer le Sang dans
toute l'oeconomie des vaisseaux, en surmon=
tant les frottemens prodigieux qu'il y
eprouve, le coeur doit deploier a chaque
<19v> contraction une force equivalente a une resis=
tance egale au poids de 100000 Livres. Cette
force reitere son effort a chaque battement
c.a.d. environ 80 fois par minute, 4800 fois
par heure, et 115200 fois par jour, et elle con=
tinue sans interruption pendant plusieurs an=
nées. Et tandis que d'autres muscles destinés
a produire des effets bien moins peinibles, se
fatiguent et se relachent assès promtement, le
coeur, dans son action continuelle, n'eprouve
jamais de fatigue ni d'affoiblissement un
peu sensibles.
CIRCULATION DU SANG.
Ce mouvement continuel du sang, effet de
la Systole et de la diastole, qui le force sans
cesse a prendre le même chemin du coeur aux
1 mot biffure extremites du Corps, et de celles ci au coeur,
pour en sortir et pour y rentrer par un me=
chanisme qui se reitere sans cesse, a été appellé
circulation du sang.
La rapidité de cette circulation est prodigieuse:
chaque ventricule du coeur contient une once
de sang; a chaque pulsation il en sort deux onces
a chaque minute 160 onces ou dix Livres, ainsi
toute la masse, evaluée a 25 Livres, sort du
coeur dans 2½ minutes, et par consequent, cette
masse passe au travers du coeur et circule dans
tout le corps 24 fois dans une heure et 576
fois dans un jour. 1 mot biffure
Cette rapidité n'est cependant pas la même
dans tous les vaisseaux: on a estimé qu'elle est
7000 fois plus grande dans l'aorte que dans
la veine cave, ou le sang marche dans sa plus
grande lenteur. Quelle imagination seroit donc
assès forte pour concevoir le degré de la vitesse avec
laquelle le sang s'echappe du coeur pour en=
trer dans la grande artere?
<20> Ce jeu merveilleux de la circulation conti=
nuelle du sang dans toutes les parties du corps,
destiné a y entretenir la chaleur et la vie, a
y porter les sucs nouriciers, les Esprit vitaux,
et a y reparer les pertes et les forces dissipées,
ce jeu, dis je, a Sa principale cause dans la
force immense du coeur: mais cette force
est aussi continuellement soutenue par le
ressort et la reaction de l'artere dans toute la
longueur de son cours, et jusques dans ses plus
petites ramifications, ou les vaisseaux sont
continuellement agités par des contractions
alternatives dont les forces peuvent reparer
en grande partie les diminutions de vitesse
occasionnées par le frottement, et conserver
partout au sang la rapidité necessaire.
On peut aussi considerer le coeur comme
une pompe refoulante ou chaque pression,
qui survient a chaque battement, est une
recharge de forces pour soutenir celle qui
qui a deja été imprimée et donner au sang
l'energie suffisante pour vaincre la resistance,
nonobstant que celle ci aille en augmentant
a mesure qu'il fait chemin dans des vais=
seaux plus multipliés et plus petits.
Mais ce qui soutient surtout 1 mot biffure et qui
soulage la force du premier agent, ce
sont les valvules.
VALVULES.
Outre ces soupapes du coeur dont nous
avons parlé, il en est d'autres repandues en
très grand nombre, dans tous les vaisseaux
pour aider continuellement a la circulation
des fluides. Par le plus admirable des me=
chanismes, elles s'ouvrent avec la plus grande
facilité au passage du Sang pour le laisser
avancer, mais incontinent elles se referment
pour l'empecher de retrograder, et en se rou=
vrant de nouveau, elles le forcent par une
nouvelle impulsion a continuer la route qui
lui est tracée. Ces soupapes se nomment valvules .
<20v> Comment concevoir que Hipocrate et Gal=
lien aient pu ignorer le Phenomene de
la Circulation du sang, qui paroit une
consequence necessaire de son mouvement
continuel qui ne leur a pas echappé? Mais
ils n'en ont pas bien connu les vraies Loix
que le Savant Hervey a mis le premier
au jour l'an 1628.
LES POUMONS.
A la force du coeur il faut encor joindre
comme cause principale du mouvement vi=
tal, le ressort et l'action des poumons et du
diaphragme, organes de la respiration,
fonction vitale si essentielle.
Les poumons sont une substance molle,
spongieuse, de couleur livide, divisée en
deux lobes , appellés les deux poumons, sem=
blables pour la figure, qui est celle d'un cone
oblique, quoique inegaux en grandeur. Ces
deux poumons sont situés dans la poitrine
de part et d'autre du coeur; et comme la mem=
brane appellée pleure , qui entoure tout le de=
dans de la poitrine, parvenue de chaque côté
aux vertebres, se porte de la en devant vers
le Sternum auquel elle va s'attacher, le tho=
rax se trouve ainsi separé par cette espece
de cloison, appellée mediastin, en deux
cavités, dont chacune contient un lobe ou
poumon, qui s'y trouve renfermé comme
dans une vessie, en telle sorte cependant que
les deux poumons a l'aide des parties inter=
mediaires sont liés entr'eux pour ne faire
qu'un corps unique.
<21> Chaque lobe est composé d'une multitude de
petits lobes, de figure et de grandeur differente,
dont les surfaces ne laissent entr'elles que des
intervalles fort petits. Chacun de ces lobules
contient sous une membrane qui lui est
propre, un nombre de vesicules rondes, ren=
fermées chacune encor dans de petites mem=
branes qui laissent entr'elles des intervalles dont
sa petitesse est en proportion. Chacune d'elles
est flexible, susceptible d'extension et de
resserrement.
Les petits vaisseaux sanguins, qui contien=
nent le sang, porté du coeur aux poumons,
sont distribués de maniere qu'ils accompagnent
par tout ces vesicules et s'etendent sur elles
en forme de reseau, afin que le Sang qu'ils
renferment puisse partout recevoir les im=
pressions de l'air contenu dans celles ci. Car
aux Cavités de ces vesicules, vers la partie
superieure des poumons, sont abouchés
nombre de petits tuiaux qui par diverses
communications, se reunissent peu a peu
les uns aux autres, et vont se rendre enfin
a un seul canal, un pour chaque pou=
mon, par lequel l'air exterieur lui est
transmis.
BRONCHES. TRACHEE ARTERE.
Tous les petits canaux par ou l'air exterieur
est conduit dans les poumons ont été ap=
pellés bronches . Aux angles de leurs rami=
fications, il y a des glandes appellées bron=
chiales destinées a separer de la masse
du Sang, la matiere des crachats, qui
prend differens degrés de consistence et de
couleur, suivant qu'elle sejourne plus ou
moins dans les vesicules bronchiques,
et que cette matiere est plus ou moins char=
gée de quelque autre humeur qui se mêle
avec elle. L'abondance et la qualité acre
ou visqueuse de cette humeur produisent
des rhumes ou il y a beaucoup de varietés.
<21v> L'irritation que l'humeur bronchiale ap=
porte aux poumons, cause le mouvement
convulsif et bruiant qu'on appelle la
toux .
Plus ordinairement le nom de bronches
est reservé a ces deux canaux auxquels
aboutissent tous les petits qui en recoivent
l'air pour le distribuer dans chaque lobe.
Mais ces deux bronches se reunissent
encor plus haut dans un seul canal qui
sert a conduire l'air exterieur depuis le
gosier dans les poumons, en aussi gran=
de quantité qu'il est necessaire pour en
penetrer toutes les parties, comme aussi
a donner issue a celui qui sort alterna=
tivement de cette machine pneumatique.
Ce canal a été appellé Trachée artere
c'est a dïre artere trachée ou raboteu=
se, parce qu'elle est un composé de carti=
lage annulaires liés ensemble et reve=
tus au dedans et audehors par des mem=
branes elastiques, ce qui offre l'aspect
d'une surface très rude. Il en sera par=
le plus au long ailleurs.
Lorsque l'air est expulsé des poumons,
il acquiert une force explosive qui aug=
mente en proporition du resserrement de
l'espace, et cette force doit etre a son plus
haut degré lorsqu'il se trouve reuni en
une seule masse dans le canal de la
trachée - artere - et surtout au moment
qu'il s'echappe par son ouverture etroite.
Les poumons recoivent l'air par celle ci,
mais ils tiennent leur mouvement de la
poitrine qui les dilate et les resserre par
le moien de 65 muscles, comme la poi=
trine recoit le sien du Diaphragme non=
moins necessaire au jeu de la respiration.
<22> LE DIAPHRAGME.
Il est une cloison musculeuse et tendineu=
se qui separe la cavité du Thorax de celle
de l'abdomen, et presente une figure con=
vexe du coté de la poitrine: on l'appelle
Diaphragme .
Au moien des nerfs et des muscles inter=
costaux qui obeissent a tous les mouvemens
alternatifs du coeur, le diaphragme se di=
late et se contracte, et des la même s'eleve
et s'abaisse continuellement et sans interrup=
tion. En s'elevant, il souleve les côtes qui
pesent sur la poitrine, et par la le bas de la
poitrine se rapprochant du haut, elle s'elar=
git en s'etendant dans le vuide que laissent
les côtes; ce qui donne a l'air la liberté
de deploier tout son ressort pour entrer,
par la trachée artere, dans les poumons,
s'insinuer dans les cavités, en remplir les
vesicules, et en distendre les parties.
Mais bientôt après les côtes qui ne se sont
soulevées qu'avec effort retombent par leur
propre poids, ou par le ressort de leurs car=
tilages; par la elles abaissent le Diaphrag=
me, et la poitrine cessant d'etre relevée
par ce dernier, et se trouvant resserrée
par les côtes, elle est forcée de s'affaisser,
de se contracter; par la elle chasse avec
force l'air dont elle s'etoit auparavant
remplie et le contraint de s'echapper
par la bouche et les narines.
LA RESPIRATION
Tel est le jeu alternatif de dilatation et
de contraction qui produit l'inspiration
par laquelle l'air est attiré du dehors au
dedans, et l'expiration par laquelle l'air
renfermé au dedans est expulsé au de=
hors, double operation exprimée par
le mot de respiration.
Ces mots viennent de spiro soufler, du
rad. SP. souffle.
<22v> Ce jeu de la poitrine, assès ressemblant a
celui d'un soufflet, s'execute continuellement
vers aucune action spontanée, parceque la
respiration nous est toujours necessaire,
dans le sommeil comme dans la veille, et
qu'il seroit bïen onereux pour nous de
concourir sans cesse a une fonction vitale
qui ne sauroit etre suspendue qu'au peril
de nôtre vie.
En effet la respiration commence avec la
vie et ne finit qu'avec elle. Dès que le foetus
est jetté tout a coup dans un fluide tout
nouveau pour lui, ce fluide vif et actif
agit incessamment sur les nerfs de l'odorat
et les organes de la respiration. Cette action
subite produit une espece d'eternument
ou mouvement convulsif, qui souleve
la capacité de la poitrine, et donne a
l'air exterieur la liberté d'entrer dans les
poumons, dont, en se rarefiant, il dilate
et gonfle les vesicules. Un instant après
le ressort des parties dilatées reagit sur
ce fluide pour le condenser, le resserrer,
et au même moment, le diaphragme pre=
nant son jeu, l'air expulsé s'echappe, et
les mouvemens alternatifs d'inspiration
et d'aspiration recommancent et continuent
sans interruption, independamment de
la volonté, comme ils prennent fin mal=
gré elle.
Ce ressort admirable, par une reaction con=
tinuelle, soutient celui du coeur qui sans
cet appui, perdroit dans peu toute sa for=
ce, ce qui aneantiroit toute circulation
du sang, qui ne pourroit plus retourner
a sa source. L'air inspiré sert a com=
primer, dans les vaisseaux sanguins des
poumons, les globules de sang, a les briser,
les attenuer, pour les faire couler plus
aisement dans les vaisseaux, et par la
respiration, le sang se rafraichit, se puri=
fie, s'impregne des particules vivifiantes
de l'air, qui deviennent paourtout le corps
une sorte de beaume de vie. Tel est 1 mot biffure
aussi le grand ressort de la transpiration insen=
sible, et même de toutes les evacuations
qui se font par les emonctoires.
<23> 2 lignes biffure
Joignés enfin l'avantage qui nous
revient de la respiration pour la voix
de chant et de parole; nous en parlerons
plus au long dans la IIe Section, en faisant
l'analyse de l'instrument vocal, ou des or=
ganes de la voix. C'est cependant le lieu
de dire ici quelque chose de l'epiglotte.
EPIGLOTTE.
La Trachée-Artere est construite de maniere
que rien ne peut y etre admis entrer que de l'air, et
rien même d'etranger ne peut etre admis a son
ouverture sans qu'on eprouve a l'instant une
toux convulsive qui peut devenir mortelle.
Neanmoins ce canal se trouve tellement
situé par rapport a l'oesophage, 1 mot biffure qui
transmet les alimens dans l'estomac, qu'il a
dans ce conduit même son orifice superieur,
de maniere que tout ce que nous avalons
passe necessairement par dessus. Pour mettre
l'homme a l'abri du 1 mot biffure danger dont il
seroit a tout instant menacé, la divine sa=
gesse a placé a l'entrée de cet orifice etroit, ap=
pellé glotte, un cartilage en forme de feuille
de lierre, ou de languette, appellé epiglotte,
qui en deffend le passage a toute autre chose
qu'a l'air inspiré et expiré. Les ligamens
par lesquels ce cartilage correspond a d'autres,
le tiennent toujours naturellement elevé com=
me une espece de pontlevis pour donner
libre passage a l'air; mais par le plus admi=
rable mechanisme, dès aussitôt que la plus
petite portion de solide ou de liquide se
presente a l'oesophage, ce pont s'abaisse
incontinent pour fermer exactement l'ou=
verture parce que la portioncule foule dans
sa descente des nerfs du bas de la Langue,
dont la moindre pression est toujours suivie
de l'abaissement du pont, avant que la
<23v> portioncule ait eu le temps d'y parvenir;
mais incontinent après, l'epiglotte par son
ressort, reprend sa situation precedente com=
me l'air son libre passage.
Mais pourquoi disent les raisonneurs, ces
deux canaux n'ont ils pas été plutot separés,
pour eviter tout inconvenient: Vraisem=
blablement c'est parce que cette voie eut été
plus compliquée et embarassante, dans le
mechanisme animal, que celle que la divi=
ne Sagesse a preferée.
LE CERVEAU
Une autre cause principale du mouve=
ment vital, c'est cette substance molle,
spongieuse et blanchatre, qui est contenue
dans le crane; composé merveilleux formé
par l'entrelacement d'un nombre infini de
fibres, de nerfs, de veines, d'arteres, de vaisseaux
de differente grandeur. On l'appelle cervelle
et cerveau , nom qu'on donne aussi a la partie
de la tête qui la contient.
On y distingue deux portions; le grand
cerveau qui occupe la partie superieure
et anterieure du Crane, et qui est divisé en deux
masses hemispheriques nommées lobes;
le cervelet plus petit, mais d'une substan=
ce plus ferme, qui occupe la partie inferi=
eure et posterieure du crane, et se trouve
comme caché sous le Cerveau.
La substance du cerveau est chès l'homme
d'un volume et d'un poids plus considerables
que chès les autres especes, a proportion de
sa taille: je ne dirai pas avec quelques uns,
que ce soit la la cause de sa grande Su=
periorité sur elles.
LES MENINGES
La masse entiere du cerveau est couverte
de deux membranes fines et transparentes
<24> appellees Meninges . La premiere très fine
et deliée, remplie de vaisseaux sanguins,
revet cette masse immediatement, en for=
mant diverses duplicatures qui s'insinuent
entre toutes ses circonvolutions; elle four=
nit comme une gaine particuliere a cha=
cun des filets nerveux, et soutient tous les
vaisseaux du cerveau afin qu'ils se distri=
buent plus regulierement pour repandre
les esprits vitaux d'une maniere partout
uniforme. On l'appelle la Pie-mere.
L'autre assès epaisse, d'un tissu serré et ferme,
semée d'arteres et de veines, tapisse toute la
surface interne du crane, et elle sert 1 mot biffure
a defendre le cerveau contre la compression,
ainsi qu'a y entretenir la chaleur necessaire
a ses fonctions. On l'appelle la dure-mêre.
Toutes les parties du cerveau communiquent
a ces envellopes par une infinité de vaisseaux
dont la plupart sont imperceptibles.
SUBSTANCE MEDULLAIRE.
Dans la masse du Cerveau on distingue deux
substances. L'une est externe ou corticale,
de couleur cendrée, molle, glandineuse, toute
semée de branches tubulaires, de veines et
d'arteres: de ses petites glandes partent un
nombre infini de fibres extremement deliées,
qui par leur reunion forment le tissu de
l'autre substance appellée interne ou medul=
laire qui occupe la partie interieure du
Cerveau.
De la substance medullaire du Cerveau et
du cervelet 1 mot biffure se forme a la base du
crane, celle qui a été appellée la moëlle
allongée, laquelle, des qu'elle a penetré dans
le trou vertebral, prend le nom de moëlle
de l'epine contenue dans le canal des ver=
tebres.
Cette substance medullaire est le rendèz vous
commun, le receptacle ou le centre d'origine de tous les
<24v> nerfs qui viennent tous de la par la moëlle
allongée et celle de l'epine. L'experience a
appris aussi que de Sa compression par
quelque cause accidentelle, resulte l'apople=
xie; et que lorsqu'elle est pïquée, offensée dechirée,
elle donne produit des convulsions horribles, et que
quand elle est offensée dans la partie infe=
rieure, il en resulte des paralysies dans
les diverses parties du corps.
INFLUENCE DU CERVEAU ET
DU CERVELET.
L'experience a appris Il est connu que si l'on comprime
le grand cerveau, ou qu'on le coupe jusques
a la substance medullaire, l'action spontanée
des muscles se trouve interrompue, la memoi=
re et le Sentiment s'eteignent, tandis que
le mouvement du coeur et la respiration
continuent. Mais si l'on vient a comprimer
ou offenser le cervelet, il en resulte les
plus violentes convulsions après lesquelles
la respiration et le mouvement du coeur
cessent avec la vie: de la on a conclu, et non
sans raison, que les nerfs qui aboutissent
au grand cerveau sont ceux dont le jeu
se deploie aux ordres de l'ame pour produi=
re les mouvemens spontanés; pendant que
ceux qui ont leur centre d'origine au cer=
velet sont desinés a exercer une action
independante de l'ame, pour produire les
mouvemens internes et les fonctions d'ou
depend la vie de l'homme.
FLUIDE NERVEUX ET
FORMATION DES ESPRITS ANIMAUX
On a supposé l'existence d'un fluide desti=
né a couler dans les nerfs pour et y entretenir
la proprieté qu'ils ont de servir a l'ame d'or=
gane de sensibilité, et d'instrument d'activité
pour mettre en jeu les muscles, et de la les
diverses parties du corps.
<25> Ceux qui ont contesté l'existence ont sup=
posé que les mouvemens l'action des nerfs et des mus=
cles pouvoient dependre de la force d'impul=
sion du Sang arteriel, ou de la force elastique
des fibres qui leur donnoit cette disposition
a se contracter avec violence et se raccourcir
apres avoir été tendus, ou du mouvement
de vibration des nerfs qui se propageant jus=
ques a certaines fibres du cerveau, avertis=
soit l'ame de ce qui affecte le corps, comme
le mouvement d'une corde de violon impri=
mé a un bout se propage a l'autre bout.
Quelques uns meme pour expliquer 2 mots biffure
ont eu recours a une matiere
etherée ou subtile, a un air rarefié, a un gen=
re particulier d'attraction qui attire les mus=
cles vers les os &c. 3 mots biffure
4 lignes biffure
Mais les physiologistes les plus habiles
3 mots biffure n'ont pu admettre aucun
instrument subordonné aux ordres de l'ame
qu'un fluide partant 3 mots biffure du
cerveau avec une promtitude semblable
a celle de l'eclair et se propageant suivans
toute la longueur des nerfs d'une extremité du corps
a l'autre, 8 mots biffure
lorsqu'il s'agit d'obeir
au pouvoir de celle ci l'ame pour procurer les
mouvemens spontanés, et retournant
des extremités du
corps au cerveau,
avec la même rapi=
dité, lorqu'il s'agit
de porter a l'ame
les impressions faites
sur les organes
par les objets du
dehors. On a comparé
ce fluide a une liqueur etherée, composée
de molecules similaires infiniment petites
et extremement elastiques, qui peut avec
une rapidité infinie se porter du cerveau
a la circonference du corps et retrograder
de même 4 mots biffure. On a attri=
bué aussi a ce fluide une grande electricité,
par laquelle il peut faire fermenter en un
instant toute la masse du sang, porter
au coeur la plus grande agitation 1 mot biffure
<25v> et deploier aussi son effet au moment ou
la volonté commande, sur toutes les par=
ties du corps. Peut etre eut il été plus simple
de supposer que les canaux etant remplis de
ce fluide comme d'une colonne continue,
ce fluide excité par une impression 1 mot biffure exterieure
peut la porter au cerveau, sans se deplacer
par une communication propagée avec une
promtitude instantanée. Ici, il faut en con=
venir, un voile epais couvre le secret de la
nature a nos yeux, la maniere et le com=
ment nous echappent: maïs l'existence d'un
fluide nerveux ne paroit pas moins etre
prouvée par divers faits.
Il est connu que la compression, la para=
lysie, la section, la ligature d'un nerf prin=
cipal, detruisent l'action de tous les muscles
ou il se distribue: Si on comprime alterna=
tivement un nerf, p. ex. le nerf diaphrag=
matique, on voit alternativement cesser et
renaitre le mouvement de la partie a laquelle
il aboutit. Si on lie ce meme nerf a une certaine
distance du diaphragme pour en faire
cesser le mouvement, et qu'ensuite on le frotte
ou presse avec le doigt au dessous de la liga=
ture, on redonne pour un instant l'action
a la partie, ce qui ne peut etre reiteré après
que le nerf a été evacué. Ces experiences
ont été faites sur un animal vivant; com=
ment les expliquer autrement que par un
fluide successivement intercepté et rendu
a son cours?
On convient que le mouvement spontané
s'effectue par les nerfs: mais il ne sauroit
etre transmis par des vaisseaux laches, qui
marchent par des lignes obliques, qui font
des circonvolutions, qui reviennent sur leurs
pas, qui sont attachés a divers points, s'il n'y
a pas en eux un fluide dont les particules
puissent les soutenir et leur communiquer
l'energïe et le ressort necessaire a leur
mouvemens.
<26> Si le cerveau est le rendèz vous commun
des nerfs, ce ne peut etre que pour qu'il y reçoi=
vent tous leur impression de quelque agent
qui y a son Siege, une sorte de prepara=
tion physique, qui les rende propres a
leur destination. Et c'est en consequence
de cela qu'on a toujours envisagé le cerveau
comme une espece de Laboratoire ou s'affine
et se consomme le fluide nerveux. Pourquoi
en effet se porteroit il du coeur au cerveau
une quantité si prodigieuse de Sang, sans
qu'il s'y fit aucune secretion de liqueur,
comme il s'en fait dans toutes les autres
parties ou le sang est porté, quoiqu'en moins
grande abondance? a quoi bon cet appa=
reïl qu'annonce dans le cerveau les plus
grandes operations, s'il n'etoit destiné a
preparer et fournir les Esprits animaux
a tout le mechanisme.
De la, on a supposé que le fluide nerveux
est le resultat de la portion la plus raffinée
du Sang, qui, après avoir traversé les pou=
mons, s'eleve de la par les carotides (1 mot biffure
deux 1 mot biffure arteres situées de part et d'autre du col)
et les arteres vertebrales, jusques au cer=
veau, ou deja attenuée, elle arrive vers
les glandes de la substance corticale qui
en separe encor les parties les plus subtiles:
après quoi celles ci, a l'aide d'une sorte de fer=
mentation ou coction, sont exhaltées en Esprits
animaux, lesquels sont ensuite reçus par les
vaisseaux infiniment deliés de la substance
medullaire, pour etre enfin conduits dans la moëlle
allongée et spinale et se distribuer dans tous
les nerfs.
On a distingué les vaisseaux conducteurs de
ce fluide, en arteres nerveuses qui le portent
du cerveau aux extremités du corps et
veines nerveuses qui le rapportent de celles ci
au cerveau pour produire les sensations.
<26v> On a distingué aussi les Esprits animaux qui
se repandent dans tous les nerfs pour les fai=
re servir d'organes de sensibilité et d'instrument
d'activité, et les Esprits vitaux ou les parties
les plus subtiles du sang, qui en animent le
mouvement et le rendent propre a porter les
sucs nouriciers dans toutes les parties du
corps.
Observons ici que le fluide nerveux doit
concourir a la nutrition, en facilitant la
distribution des sucs nouriciers, parce qu'il
entretient les parties dans leur elasticité
naturelle les rend plus mobiles, et penetra=
bles, et qu'il soutient le mouvement des
muscles occupés a attenuer les sucs, et
les rendre propres a leur destination.
On
CONCLUSION
Le cerveau est donc une des causes principales
de la vie humaine, puisque ses fonctions
sont un ressort aussi necessaire a sa con=
servation, que la respiration et la circu=
lation du sang.
Il est l'origine de tous les mouvemens spon=
tanés, lesquels a leur tour animent la cir=
culation en agissant avec force sur le cours
des fluides. Cette circulation animée fournit
reciproquement de nouveaux Esprits au flui=
de nerveux, et fait naitre de nouvelles forces
pour remplacer celles que l'action dissipe.
Tel est le concours d'actions qui contribuent a
conserver la vie de l'homme, mais plus ou
moins longtemps, selon la vigueur de sa cons=
titution, et la moderation qu'il sait observer
dans les devellopemens de ses forces.
Nous allons parler des parties internes d'ou
dependent les fonctions naturelles, qui quoiqu'
elles puissent etre derangées pendant quelque
temps sans que la vie s'eteigne, n'en sont pas
moins necessaires a la conservation de 1 mot biffure celle ci,
telles sont la digestion qui repare les sucs nou=
riciers, la nutrition qui les applique, l'accrois=
sement qui en est la suite, les secretions des
liqueurs.
<27> Chapitre IV.
Des parties internes du corps humain et
des fonctions naturelles qui, sans etre causes
principales de la vie, sont cependant essen=
tielles a son entretien, par leur influence
sur la metamorphose des alimens en sa
propre substance.
DISSIPATION
Le corps animal, qui ne vit et ne subsiste
que par une suite du mouvement des
fluides dans les solides, est necessairement
exposé a des pertes continuelles des parties
de sa substance. Il est impossible qu'il ne
s'en fasse une deperdition non interrompue,
soit par le frottement des fluides contre les
parois des solides, qui doit briser les parties
de ceux la, et les attenuer au point de les
rendre volatiles, soit par le principe de cha=
leur propre a l'animal, qui doit a chaque
instant procurer le dessechement des vais=
seaux par l'evaporation des fluides, et sur=
tout de ceux qui sont le plus aqueux, et
les plus propres a entretenir ceux la dans un
etat convenable. Cette dissipation se demon=
tre, aussi par les faits, tels que les effets
palpables des maladies qui produisent la
maïgreur 1 mot biffure d'un travail violent qui
produit 2 lettres biffure des sueurs fort abondantes, et
par les experiences qui constatent la trans=
piration insensible, par laquelle nous
perdons a chaque instant les parties subtiles qui
s'exhalent de nos corps.
REPARATION.
Le corps tomberoit dans bientot dans le depe=
rissement s'il n'eaistoit a sa portée quelque
moien de reparation capable de suppléer
journellement a ses pertes, et c'est a quoi
le createur a daigné pourvoir en placant
autour de lui toutes sortes de substances,
et l'invitant par un attrait invincible a
a se les incorporer et approprier par le
<27v> moien des organes dont il l'a muni pour
les dissoudre, les digerer, et les amener au
point ou elles peuvent devenir propres a
remplacer les parties dissipées, par une sus=
ceptïon interieure , en sorte que toutes les
parties du corps animal, conservent le vo=
lume, la consistence et la force qu'elles doi=
vent avoir pour exercer leurs fonctions res=
pectives, et que le corps entier se maintienne
dans sa totalité et son bien etre.
Le mechanisme dela reparation est d'une
necessité encor plus urgente pendant tout le
temps de la croissance du corps animal, par=
ce qu'il s'agit non seulement de remplacer les
parties dissipées, mais encor de faire servir
les substances etrangeres au devellopement
et a l'accroissement graduel de tous les orga=
nes et les membres.
ALIMENS
Les substances etrangeres que la nature offre
a l'homme pour en tirer les ressources necessai=
res a Sa conservation et Sa vigueur, telles
que les vegetaux, animaux, mineraux,
solides, fluides & ont été appellées alimens
et boissons .
NUTRITION
Les alimens ne peuvent servïr a leur des=
tination que par la 1 mot biffure nutritïon ou leur
changement en la propre substance du corps
et une nutrition ne peut avoir lieu sans une
suite de preparations effectives dans l'interieur
du corps, qui aboutissent a separer d'un as=
semblage grossier de parties heterogenes,
celles qui seules peuvent constituer la vraie
matiere nutritive, et en separant celle ci,
la faire passer par plusieurs elaborations,
qui lui donnent enfin ce degré d'homogeneité
<28> et de pureté necessaires pour qu'elle puisse
s'identifier avec le sang, et après avoir
circulé avec lui, devenir capable de s'unir
aux plus petits vaisseaux, aux fibres même
elementaires, en s'assimilant avec eux
sous une forme solide, soit pour en repa=
rer les pertes, soit pour en procurer l'ac=
croissement.
DIGESTION.
Les preparations que les alimens doivent
subir dans l'interieur du corps humain
pour devenir propres a la nutrition par leur
metamorphose en sa propre substance,
sont comprises sous le nom general de
digestïon qui se commance dans la bou=
che, se continue dans l'estomac, se
perfectione dans les intestins, se finit
dans les vaisseaux lactées, le reservoir
de Pecquet &c.
PREMIERE DIGESTION
Les alimens ne peuvent etre soumis a l'ac=
tion de l'estomac qu'ils n'aient été premiere=
ment introduit dans la bouche , ou les
substances solides sont retenues quelque
temps pour y etre machées par les dents,
et delaiées par le melange de la salive
que s'y filtre des glandes.
MASTICATION
La fonction naturelle par laquelle les alimens,
pendant qu'ils sont arretés dans la bouche,
sont machés, divisés, attenués, au moien des
machoires armées de dents, a été appellée
Mastification .
<28v> LES DENTS
Les dents 4 mots biffure,
sont des os très durs et tres forts, plantés pro=
fondement dans les alveoles des gencives
et qui sont de configuration differente, selon
qu'ils sont destinés a couper, dechirer ou
broier les alimens.
Les alimens sont coupés par les dents anterieu=
res, larges et plates, tranchantes, appellées in=
cisives . Ils sont dechirés par 4 dents, moins
larges, plus epaisses, et terminées irreguliere=
ment en pointe, qu'on appelle canines , parce=
qu'elles ressemblent aux dents du chien. Ils
sont enfin broiés et attenués par des dents
de forme quarrée, larges et serrées, l'une contre
l'autre au nombre de 20 appellées mache=
lieres, ou molaires , ou marteaux.
MACHOIRES.
Ce sont les Levres, les joues et la Langue qui
retiennent les alimens, et par une action con=
tinuellement variée, repoussent vers les dents
ceux qui en sont chassés par l'attrition , jus=
ques a ce qu'ils soient suffisamment broiés .
Mais cette derniere operation est due en entier aux
machoires qui mettent les dents en action
au moien de divers muscles par lesquels la
machoire inferieure est mue contre la supe=
rieure, qui reste toujours fixe, et par un 1 mot biffure
jeu alternatif d'eloignement et de rapproche=
ment avec force, execute des mouvemens diver=
sement combïnés, selon qu'il s'agit de faire
<29> agir les dents, pour couper, ou dechirer ou
broier. Si tot que les muscles releveurs de
la machoire sont mis en action, ils se contrac=
tent de chaque côté, la partie charnue se
gonfle et se raccourcit, et comme l'extremité
superieure est fixée a des parties immobiles,
il faut que l'inferieure se rapproche et entrai=
ne avec elle la machoïre inferieure pour
l'appliquer a la superieure qui est toujours
fixe.
SALIVATION.
On appelle Salive cette humeur aqueuse
mais sans acidité, lors du moins qu'elle est
dans son etat naturel, sans odeur, legerement
salée et savonneuse, dont la bouche est sans
cesse humectée par le moien des glandes qui
la separent du sang, la filtrent et la repan=
dent dans toute sa capacité. Pendant la
mastication, les muscles agissant se trou=
vent en contraction et comprimant par la
les glandes salivaires, ils en font couler l'hu=
meur en abondance, qui sert a humecter les
alimens, les delaier, les penetrer, les rendre
plus accessibles au broiement, et prevenir
meme l'alteration des dents en produisant a
leur egard un effet pareil a celui que la
graisse fait a l'egard de l'essieu et du moyeu
de la roue. Cette humeur est si essentielle
a la mastication que quand nous sommes
alterés, ou que nous avons a avaler un ali=
ment trop sec ou trop absorbant, 1 mot biffure nous
sommes obligés de suppleer a la salive
par quelque boisson. Il est apparent même
que la salivation produit sur la matiere ali=
mentaire, un effet analogue a celui du levain
sur la pâte, en y introduisant un principe de
fermentation qui devellopé ensuite dans l'esto=
mac et les intestins, peut contribuer beaucoup
a faciliter toute la digestion. Dans les temps
meme ou l'on ne mange point, 1 mot biffure la salive
<29v> est tres utile pour humecter 1 mot biffure la bouche,
et faciliter le jeu de la voix et de la parole.
Avalée sans cesse, comme elle doit l'etre,
a moins qu'elle ne soit viciée, elle ne l'est pas
moins pour humecter et netoier les conduits
pour mettre en activité les nerfs d'ou depend
le gout des saveurs et l'appetit, et pour se
reunir dans l'estomac aux sucs d'ou de=
pend en grande partie la seconde digestion.
DEGLUTITION
Les alimens une fois broiés, attenués, de=
trempés et en partie dissous, ou reduits en
pâte molasse, sont ensuite rassemblés
en une masse par le concours actif des
Levres, des joues et surtout de la Langue
qui en s'elevant, se courbant, s'allongeant,
se raccourcissant, et se portant en arriere,
les force d'entrer dans le Pharinx ou la
partie superieure de l'oesophage evasée
en forme d'entonnoir, mouvement suivi
incontinent de l'abaissement de l'epiglotte.
Cette operation naturelle se nomme deglu=
tition . Elle se fait avec la plus grande fa=
cilité lorsque l'appetit nous fait trouver
les alimens agreables, mais des qu'ils nous
repugnent, tout s'oppose a leur passage,
les parties entrent en couvulsion, et ils
sont rejettés au dehors par une evacua=
tion contre nature appellée vomissement .
Si les alimens ne sont pas suffisamment
machés et detrempés, la deglutition de=
vient douloureuse et annonce les preludes
d'une mauvaise digestion.
<30> GOSIER.
On entend par le Gosier ou l'embouchure
du Pharinx, ou la concameration ou se fait
la deglutition, a laquelle elle concourt
par une action compliquée, et surtout par
ses glandes qui fournissent continuellement
une humeur lubrifiante qui sert a facili=
ter le passage. Quand cette humeur manque,
ainsi que la salive, le gosier est depourvu
de l'humidité necessaire, et l'estomac eprou=
ve une secheresse sensible d'ou nait le
sentiment desagreable de la Soif qui
invite a humecter ces parties par quelque
boisson rafraichissante.
Le Voile du palais susceptible de divers
mouvemens musculaires, contribue aussi
a la deglutition, et la luette sert a par=
tager les alimens, pour les faire passer
sur les parties laterales de l'epiglotte,
et mettre la glotte en sureté.
ESOPHAGE
Les muscles du Pharinx une fois mis
en action par la presence des alimens
qui le distendent, forcent ceux ci a s'avan=
cer; en avancant, ils rencontrent d'autres
muscles qu'ils mettent aussi en action,
comme ces muscles a leur tour les obli=
gent de continuer leur chemin, d'ou il
arrive par cette repetition successive
d'actions qui se dirigent du haut en
bas, que ces alimens sont forcés de pe=
netrés toujours plus avant dans ce canal
membraneux, musculeux, et toujours
<30v> humecté qu'on appelle Esophage , qui
les conduit jusques a l'orifice superieur
de l'estomac, vers lequel ils se dirigent,
beaucoup moins par leur propre poids,
que par les compressions qu'ils eprouvent
de la part des muscles sans nombre qui
se contractent dans cette partie, et dont l'ac=
tion se devellope successivement de haut
en bas. Telle est la premiere digestion qui
conduit la matiere alimentaire au pre=
mier des visceres ou intestins.
INTESTINS. VISCERES.
Toutes les parties internes comprises dans
le tronc bas du corps humain ont été appellées
intestins , entrailles ou visceres .
Dans un sens plus resserré, ces noms expri=
ment les parties internes contenues dans
l'abdomen.
ABDOMEN.
Abdomen signifie toute cette cavité qui
s'etend depuis l'extremité inferieure du
sternum; ou ce qu'on appelle le creux de
l'estomac, jusques a la partie inferieure
du tronc; cavité revetue interieurement
d'une membrane soupple, assès forte, capa=
ble d'extension et de resserrement, appellée
peritoine .
Aussi l'abdomen comprend non seulement le
bas ventre, qu'on appelle aussi de ce nom,
dans un sens plus resserré, mais encor le
ventre , et la region epigastrique 1 mot biffure
<31> ou la partie superieure qui s'etend depuis le
sternum jusques a 2 doigts au dessous de
l'ombilic , dans laquelle sont compris l'esto=
mac et d'autres parties.
ESTOMAC
L'Estomac , autrement dit le ventricule ,
le premier des intestins, est une poche mem=
braneuse et musculeuse, qui ressemble
pour la figure a une bourse ou a une
cornemuse, située en travers a la partie
superieure de l'abdomen, un peu plus a
gauche qu'a droite.
Il a deux orifices, l'un gauche et supe=
rieur tenant au diaphragme et terminant
l'Esophage dont il n'est que le prolongement
pour servir aux alimens d'entrée dans cette
partie; l'autre placé au côté droit est ap=
pellé pylore ou garde porte, portier, par=
cequ'il laisse sortir les alimens de l'estomac
lors qu'ils y ont subi une preparation suffi=
sante, et les decharge dans l'intestin qui
suit auquel il est attaché.
L'estomac est composé des tuniques.
La plus interieure est composée formée de fibres qui
grossissent et se racourcissent quand l'estomac
est tendu par la nourriture, et ce sont ces fibres
qui, par une leur elasticité, naturelle, toujours
tendante a les retablir dans leur etat na=
turel, mettent sans cesse ce viscere en action,
<31v> et par la lui font broier et attenuer les
alimens. Cette tunique toute musculaire
et plus epaisse que les autres; elle est semée
de plis et de rides qui fontrment ce qu'on appelle
le velouté et arretent la matiere alimentai=
re aussi longtemps qu'il est necessaire. Elle
est aussi garnie d'une foule de petites glan=
des destinées a la secretion d'une liqueur qui
se repand dans toute la cavité de l'estomac;
d'ou vient que la tunique a été appellée glan=
duleuse.
La seconde plus mince et plus delicate est toute
semée de nerfs d'un sentiment exquis; on
la nomme tunique nerveuse.
La troisieme est composée de fibres muscu=
leuses, les unes droites qui s'avancent sur
la partie superieure de l'estomac, les autres
circulaires, qui vont obliquement jusques
au fond, une partie dirigée vers le côté
droit, l'autre vers le côté gauche; d'ou il
arrive que par leur action simultanée,
les deux extremités de l'estomac sont atti=
rées vers le milieu, et le tout uniformement
contracté en tout sens par un mouvement
continuel et violent qui, agissant sur lui
même, procure l'attrition et la trituration de
la matiere alimentaire. Cette troisieme tu=
nique est appellée musculaire.
La quatrieme n'est qu'une envelope des
autres; on l'appelle tunique exterieure.
Ces 4 tuniques sont liées entrelles par le
tissu appellé cellulaire a cause de la mul=
titude des petites cellules dont il est semé.
A l'estomac aboutissent une multitude de
petits vaisseaux partis de differens troncs,
qui y envoient differentes liqueurs dont le
melange forme le suc Stomachique ou
gastrique, sans cesse filté et introduit par
les glandes, et qui a a peu près le même
gout que la salive.
<32> SECONDE DIGESTION.
Dès que les alimens sont parvenus a l'estomac,
l'orifice se resserre, et ils ne peuvent en resortir
qu'avec effort, parce qu'ils doivent y subir une
nouvelle elaboration tres considerable qui est envisagée
communement comme etant la digestion
proprement dite. Pour s'en former une idée
on a comparé, l'estomac a un Laboratoire
chymique ou la matiere alimentaire est
1 mot biffure broiée, triturée, par la force des tu=
niques nerveuses et musculaires qui contractent ce viscere,
et qui, secondées encor par le mouvement du
diaphragme et l'action continuelle de l'air, lui
impriment divers mouvemens alternatifs en
differens sens, mais qui concourent sans cesse
a l'unité d'action et d'effet; ce qui nous fait
comprendre pourquoi le tissu de ces tuniques
est tout semé de nerfs et de muscles, et de quelle
influence sont les Esprits animaux sur la
digestion, ainsi que la raison pour laquelle
on doit eviter ce qui peut la troubler par
une trop grande dissipation des Esprtis.
Mais quoique cette attrition soit necessaire
pour disposer cette matiere alimentaire a
a etre mieux penetrée par les sucs, de même
qu'on augmente l'action du levain sur la
pâte en la maniant et la broïant, il est
evident qu'elle ne suffit pas pour la digestion,
et qu'il faut 1 mot biffure que 1 mot biffure cette matiere soit
3 lignes biffure
pour etre mieux
preparée a remplir
sa destination, soit
en partie cuite ou ra=
refiée par un effet de la grande chaleur
naturelle et concentrée que le mouvement
continuel doit produire dans le viscere, en
partie dissoute, macerée , soit par la salive
qui descend de l'esophage, soit par le suc gas=
trique dont les particules actives et pene=
trantes, secondées encor par un peu de bile
qui remonte du duodenum, sont assès effi=
caces pour attenuer cette matiere, changer
sa composition et la resoudre.
<32v> Aiant ainsi eprouvé dans l'estomac l'action
de diverses causes concourantes a la digestion,
la matiere alimentaire se change en une subs=
tance toute differente sous la forme d'une
bouillie epaisse ou d'une pâte très molle,
de couleur grisatre, dont le gout et l'odeur
tirent ordinairement sur l'aigre, et qu'on
peut envisager comme un composé de
particules aqueuses, salines, huileuses et
terrestres, destiné a subir de nouvelles elabo=
rations qui rendent la digestion plus parfaite.
1 mot biffure Cette matiere est en effet determinée par la pression
simultanée de toutes les parties de l'estomac
a descendre peu a peu vers le pylore d'ou elle
est reçue dans les intestins ou se forme la
troisieme preparation. Pour la concevoir
il faut connoitre les parties internes 1 mot biffure
laterales, situées dans la region epigastrique, 1 mot biffure
1 mot biffure autrement appellée les hypocondres 3 mots biffure
2 mots biffure qui sont sous les fausses côtes,
du côté droit et du coté gauche. Telles que sont le
Foie, la Rate, le Pancreas, les Reins.
LE FOIE.
On appelle foie une 2 mots biffure corps mol de couleur
rougeatre, placé dans l'hypocondre droit,
s'etendant jusques a l'estomac sur lequel il
deborde, convexe dans sa partie Superieure
et anterieure, qui repond a la voute des côtes
et diminuant presque en angle aigu du
côté gauche. Il est recouvert d'une produc=
tion du peritoine qui fournit des ligamens
par lesquels il est attaché aux fausses côtes,
au diaphragme, a l'extremité du sternum
et a l'ombilic. A la partie posterieure du
foie, on voit une grande scissure qui le fait
distinguer en deux lobes inegaux. Le grand
lobe est dans l'hypocondre droit, le petit
lobe est la partie qui recouvre l'estomac.
C'est une glande conglomerée, composée d'une
multitude de glandes tres petites, semblables
<33> a des vesicules veloutées interieurement,
ou des grains pulpeux dont chacun a son
conduit excretoire.
Tous ces conduits, qui se communiquent les
uns aux autres par une multitude de
ramifications, servent de passage a la bile
que les glandes du foie extrairent des vais=
seaux sanguins qui se trouvent dans
chacune; et comme elles sont liées par des
membranes en plusieurs lobes, lesquels sont
encor liés entr'eux par d'autres membranes,
il arrive de la que tous leurs vaisseaux san=
guins se communiquent aussi, et aboutis=
sent a deux veines, la veine-porte et la
veine cave.
LA VEINE PORTE.
On appelle veine-porte un vaisseau tout
a fait singulier puisqu'il fait tout a la
fois la fonction de veine et d'artere.
C'est un gros tronc veineux ou se reunis=
sent les veines qui viennent de l'estomac,
des intestins, du mesentère, du pancreas,
et de la rate. Il tient lieu d'artere qui
entre dans le foie et s'y distribue par
une infinité de rameaux, pour y con=
duire le sang avec la bile afin que celleci
y soit separée par le moien de ses glan=
des. Apres avoir fourni la bile, ces
ramifications se reunissent pour repor=
ter dans la veine cave non seulement
le sang que la veine-porte avoit con=
duit au foie, mais encor celui qui
vient au foie par l'artere nommé hepa=
tique, dont les ramifications appellées
arteres cystiques portent le sang a la
vesicule du fiel. Ainsi le sang, après
la secretion de la bile, rendu a la veine
cave, est enfin reporté par celle ci jus=
ques au coeur.
<33v> LA BILE
Separée du sang dans le foie, la bile est
conduite en partie par de petits vaisseaux
dans la vesicule du fiel , petit sac mem=
braneux, de la figure d'une poire, attaché
a la partie posterieure et presque inferieure
du grand lobe, dans lequel la bile est rassemblée
et retenue pendant un certain temps, jus=
ques a y devenir une humeur epaisse, jau=
natre, foncée, extremement amere et cor=
rosive, qui même chès certains animaux
se convertit en substance veneneuse.
Mais une autre partie de la Bile plus
claire et delaiée, moins amere, passe des
glandes dans un conduit commun, appellé
Pore Biliaire, autrement canal hepati=
que , lequel, en sortant du foie, se joint
au conduit cystique , qui n'est que le pro=
longement du col retreci de la vesicule
du fiel, et forme avec lui un canal commun
appellé choledoque , par lequel les deux es=
peces de bile, melangées et temperées, se ren=
dent a l'extremité inferieure du Duode=
num.
LA RATE.
Du côté gauche et vis a vis du foie, entre
l'estomac et les fausses côtes, se trouve placée
une partie substance aussi rougeatre, de figure convexe
dans la partie qui regarde les côtes et con=
cave dans la partie opposée, recouverte
d'une membrane par laquelle elle tient
a toutes les parties voisines, molasse, spon=
gieuse, facile a s'etendre, susceptible d'un
gonflement très considerable, mais qu'on
n'eprouve pas sans quelque douleur, comme
il arrive quand on court. C'est aussi une
glande conglomerée composée d'une infinité
<34> de petites membranes et de glandes rondes,
qui laissent entr'elles des cavités de gran=
deur et de figure differentes, qui commu=
niquent les unes aux autres, et sont tou=
jours remplies de sang. On croit que cette
substance, appellée rate , est un recep=
tacle des sels surabondans et des excre=
mens terrestres du Sang, qui sert a celui
ci d'emonctoire et contribue a sa bonne
constitution.
LE PANCREAS.
Derriere le fond de l'estomac, vers la pre=
miere vertebre des lombes, existe encor
une partie assès ressemblante pour la fi=
gure a une langue de chien, de 8 a 10
doigts de longueur, sur 2 ou 3 de largeur,
et un d'epaisseur, 1 mot biffure substance toute
charnue, et appellée a cause de cela Pan=
creas , molasse et spongieuse. C'est aussi
une glande conglomerée, composée d'une
infinite de petites glandes qui extrairent
du sang un suc, appellé Pancreatique,
peu different par sa couleur, sa consis=
tence et sa nature de la salive, et qui
est aussi porté par un canal au Duo=
denum.
LES REINS ET L'URINE.
On appelle Reins deux substances situées
dans les regions lombaires, derriere le foie
et la rate, au côté droit et au coté gauche,
attachées au diaphragme par leur mem=
brane exterieure et a la vessie par les urete=
res, d'une figure a peu près semblable a celle
d'une petite feve ou haricot. Ce sont aussi
deux glandes conglomerées composées d'une
infinité de petites glandes, et formées par
l'entrelacement des ramifications de leurs vais=
seaux, arteres et veines, qui sont disposées
<34v> en maniere de reseaux, et recouvertes de
deux membranes toutes semées de vaisseaux
sanguins. Les parties sereuses et salées du
sang, qui y est porté par les arteres appellées
emulgentes , y sont filtrées au travers des
glandes, et cette secretion produit un
fluïde ou humeur sereuse saline et
d'un gout un peu acre, qu'on appelle
Urine .
Dans les reins on distingue 3 Substances,
une exterieure, corticale, et glanduleuse,
une moienne qui est tubuleuse, une
interieure, qui est membraneuse. C'est la
premiere qui extrait l'urine, qui de la
entre dans la seconde composée d'une mul=
titude de petits vaisseaux qui vont enfin
se reunir dans une 12° de mammelons
d'ou l'urine tombe dans des especes d'en=
tonnoirs qui appartiennent a la substance
membraneuse, ou ils se reunissent enfin
tous ensemble pour ne former qu'une
cavité qu'on appelle le bassinet des reins.
C'est de la que l'urine se decharge, un
peu au dessous des vaisseaux Sanguins,
dans ces canaux qu'on nomme ureteres,
deux canaux epais et nerveux de la
grosseur d'une plume a ecrire, qui par=
tant des reins vont, en se courbant un peu,
se rendre a la partie posterieure et 1 mot biffure
inferieure d'un sac membraneux
appellé vessie , située dans l'hypogastre,
et liée a l'intestin rectum.
Quand le fluide urineux surabonde et
que la vessie est distendue, l'action de ses fibres
un peu irritées, et celle des muscles du bas ven=
tre, font surmonter a l'urine l'obstacle que
<35> le Sphincter oppose a sa sortie, et la forcent
de se decharger par le col de cette espece de
bouteille dans le canal appellé Urethre ,
ou elle ne fait que passer, servant ainsi
d'emonctoire a tout le corps.
D'ailleurs tout le sang porté aux reins est rapporté
a la masse par de petites veïnes appellées
emulgentes.
TROISIEME DIGESTION.
On appelle troisieme digestion celle qui se
perperfectione dans les Intestins par la prepa=
ration du chyle et l'ejection des excremens.
INTESTINS proprement dits.
A mesure que la digestion se fait dans l'esto=
mac, la matiere alimentaire suffisamment
preparée, ne peut plus y etre retenue, et se trouve
comme forcée aussi par la contraction des tu=
niques a s'echapper par le pylore dans les in=
testins proprement dits; canaux membraneux
assès larges, très mobiles et flexibles, qui,
par differentes circonvolutions dans le bas
ventre, s'etendent jusques a l'anus sur une
longueur d'environ 40 pieds.
Quoiqu'ils ne forment qu'un seul canal
appellé Intestinal on a donné differens noms
a differentes portions de ce canal.
La partie superieure se nomme les Intestins
greles , parce quelle a moins de capacité et
d'epaisseur dans ses tuniques que l'autre
partie inferieure qu'on a appellé gros-In=
testins.
On distingue trois intestins greles, le duode=
num, le jejunum, et l'ileum, et trois gros,
le coecum, le colon et le rectum.
Dans les membranes du canal Intes=
tinal, il y a un grand nombre de petites
glandes; il y en a moins dans les gros
<35v> Intestins mais aussi elles ont plus de volume.
Ces glandes separent une humeur appellée
Intestinale, qui se dechargeant dans le
canal, sert en partie a resoudre la ma=
tiere alimentaire et la rendre plus coulan=
te, en partie a lubrifier la surface inte=
rieure du canal. Les gros Intestins tirent
de leurs glandes une humeur plus epaisse
qui s'attache aux parois du canal, y for=
me un mucus propre a les munir contre
l'acreté des matieres qui causentroit des
douleurs d'autant plus aigues qu'elles
n'y sont plus melées avec le chyle capa=
ble de les addoucir.
DUODENUM.
La matiere digerée dans l'Estomac des=
cend d'abord dans le duodenum [ainsi
appellé parce qu'il a environ 12 doigts de
longueur], et la, sejournant pendant
quelque temps, elle est penetrée par diverses
liqueurs, la bile qui arrive par le canal
choledoque, le suc pancreatique, et le suc
intestinal des glandes, liqueurs qui agis=
sent chacune a sa maniere sur la substance
alimentaire pour la rendre plus propre a
former le Chyle.
La bile dont il s'agit, n'est pas celle qui a se=
journé dans la vesicule, dont elle ne sort que
lorsque celle ci est comprimée, ou qu'elle sura=
bonde, car cette bile descend par les intestins
d'ou elle est rejetée avec les excremens aux=
quels elle communique sa couleur et la mau=
vaise odeur qu'elle a contractée. Nous parlons
ici de l'autre bile qui n'est qu'un fluide legere=
ment amer, savonneux, un dissolvant pro=
pre a la digestion, car elle acheve de dissou=
dre les parties onctueuses, glutineuses, pour
les rendre miscibles a l'eau et faciliter l'ela=
boration du chyle avec lequel elle se mêle
fort utilement, et par ses sels, ses acides, elle
sert encor d'antiseptique , pour preserver la
substance alimentaire de corruption, comme
<36> aussi de stimulant aux ïntestins pour
favoriser le mouvement vermiculaïre
et la dejection des excremens.
Le suc Pancreatique agit aussi sur les
parties mucilagineuses, les rend mis=
cibles avec la bile, diminue l'acrimonïe
de celle ci, et en concourant a delaier
et detremper la matiere digerée, elle aide
2 mots biffure beaucoup a la Chylification.
Ici l'action des muscles du bas ventre,
du diaphragme, des intestins, contribue
puissamment au parfait melange de
ces liqueurs avec la substance digerée,
et par la cette pâte ou bouillie acquiert un nouveau
degré d'elaboration qui la rend plus liqui=
de, plus blanchatre, plus douce et plus
propre a fournir le Chyle.
BOIAUX
A la suite du Duodenum viennent les
autres intestins, appellés communement
boïaux , que la substance elaborée conti=
nue a parcourir, neanmoins en s'avan=
cant avec lenteur; ce qui se fait par un
mouvement continuel des Intestins appellé
peristaltique ou vermiculaïre, parce
que c'est un tournoiement assès semblable
a celui d'un petit ver. Ce mouvement pro=
vient de l'action combinée des fibres lon=
gitudinales qui, en se contractant, ten=
dent a redresser le canal et des fibres cir=
culaires, ou en forme de spirale, qui tendent
a diminuer son diametre, car cette action
successivement propagée doit produire
naturellement ce tournoiement qui sert
a favoriser la secretion du suc ïntestinal,
et a chasser toujours en avant la matiere
renfermée dans le canal.
<36v> MESENTERE.
Les boiaux tiennent tous a un corps com=
posé de deux lames membraneuses qui
sont une production du peritoine, et qui em=
brassent le canal intestinal dans leur du=
plicature; après quoi elles se reunissent en
s'appliquant l'une sur l'autre et s'attachent
aux vertebres des lombes. Cette partie ren=
ferme une quantité inombrable de veines,
d'arteres et de petits ligamens, par lesquels
les boiaux se trouvent liés etroitement
a elle et des la même entr'eux, et comme
elle se replie plusieurs fois sur elle même,
elle oblige par ses attaches les boiaux a
se replier de la même maniere les uns sur
les autres; ce qui les empeche de rouler
vaguement dans la capacité du bas ventre.
Cette partie a ete appellée Mesentere par=
cequelle est située entre les ïntestins et au
milieu de l'abdomen. Les plis qu'elle fait
sur elle même se nomment plexus mesen=
triques. Dans le veau, on l'appelle Frai=
se.
EPIPLOON.
Tous les intestins Superieurs sont recou=
vert d'un sac membraneux qui en renferme d'autres, semés de mor=
ceaux de graisse qui se repand de la
dans tous le corps
par les vaisseaux
adipeux . On l'appelle epiploon ,
chès les animaux coëffe. Il tient par des
attaches a l'estomac, au duodenum et
au colon.
DEJECTION
Pendant que la substance digerée conti=
nue a rouler dans les boiaux, elle se trouve
sans cesse penetrée de nouveaux sucs intes=
tinaux, et elle continue a s'epurer jusques
a ce quelle soit devenue propre a etre pom=
pée par les vaisseaux chyliferes; mais
ensuite pendant que ceux ci sont occupés a
<37> resorber cette liqueur, la substance qui
reste toujours plus depouillée de ses sucs, se
desseche, s'eppaissit, jusques a ce enfin qu'elle
est reduite en un composé de parties gros=
sieres, tenaces, fibreuses, impregnées de bile
degenerée et devenue fetide; ce qui peut
etre appellé matiere fecale , nom que les
chyraistes donnent a ce qui reste au fond
des 2 mots biffure et n'est bon a rien, ou
si l'on veut marc .
Cependant les glandes ne cessant de fournir
des sucs destinés a humecter encor cette ma=
tiere dessechée, et a lubrifier les conduits,
cette substance est toujours portée vers les
extremités des boiaux qui alternativement
contractés et relachés, et a l'aide de leur mouve=
ment vermiculaire, la font descendre de
plus en plus, jusques a ce qu'elle arrive sous
la forme de matiere stercorale dans le
Rectum.
Dans cet intestin plus large, plus epais,
plus susceptible de dilatation, recouvert
d'un enduit muqueux, froncé dans son
extremité, et terminé par des fibres cir=
culaires, les matieres stercorales s'accu=
mulent et sejournent jusques a ce que
leur putrefaction les durcisse, qu'elles se
moulent sur la figure de l'intestin, et que
leur quantité, leur poids, 1 mot biffure l'irritation qui en
resulte, avertissent de la necessité de la
dejection.
Alors les muscles du bas ventre et le dia=
phragme aidant a l'action vermiculaire
des Intestins et du Rectum, et surmontant
la resistence du Sphincter , muscle
<37v> constricteur qui en ferme ordinairement
l'issue, les excremens sont finalement ex=
pulsés, le plus souvent avec effort; après
quoi toutes les membranes internes se con=
tractent et l'anus se resserre: ce qui previent
l'inconvenient d'une issue continuelle de
matieres stercorales.
QUATRIEME DIGESTION, CHYLIFICATION
On appelle Chyle une substance liquïde,
oleagineuse, douce, blanchatre, semblable
a du lait, qui est exprimée finalement de
la matiere digerée, pour devenir finalement
la nouriture du corps animal. En l'exami=
nant au microscope, on y decouvre un
vehicule aqueux, des molecules jau=
natres, enfin des globules transparens
et huileux. Pendant que la matiere dige=
rée parcourt les intestins, elle ne cesse
de se separer des particules grossieres et
heterogenes quelle renferme, pour se for=
mer en un liquide toujours plus homo=
gene et epuré, qui donne le chyle. A
mesure que ce chyle se perfectione et se
conditione, pour devenir propre a sa des=
tination, il s'echappe dans des conduits
qui sont destinés a le recevoir, et le trans=
porter dans les diverses parties ou il
doit se rendre.
VAISSEAUX LACTES OU CHYLIFERES.
Sur le mesentere on voit une quantité
de conduits ou petites veines deliées et trans=
parentes appellées lactées a cause de leur
blancheur et vaisseaux chyliferes parce
qu'elles servent a pomper le Chyle des in=
testins auxquels elles s'appliquent par une
<38> intensité d'embouchures, et qu'elles servent
de canaux 1 mot tache pour le conduire a
un reservoir. C'est 1 mot biffure dans leurs orifices
que le chyle s'echappe, par une force
de resorbtion qui leur est propre ou
une attraction pareille a celle des vais=
seaux capillaires, ou par l'effet de la
contraction des intestins et des muscles du
bas ventre, qui force l'entree du liquide.
Mais ce chyle introduit dans les veines
lactées n'est pas encor arrivé a cet etat 1 mot biffure
de pureté ou il doit etre pour s'identifier
avec le sang; il faut qu'il subisse encor d'au=
tres preparations en passant par de nouvel=
les filieres. 2 mots biffure Ces canaux,
suivant toujours une direction qui va
aboutir au reservoir, chemin faisant,
s'unissent et forment des vaisseaux plus
gros qui suivent les arteres dans toutes
leurs inflexions; ils passent au travers d'une
multitude de glandes molles et spongieu=
ses ou ils repandent le chyle qu'ils con=
tiennent: sorti de la ce chyle rentre
dans de nouvelles veines et passe encor
au travers d'autres glandes: cette filtra=
tration se reitere ainsi quelque fois, et
a chaque fois le chyle est delaié et mêlé
avec des liqueurs qui suintent des
glandes et contribuent a le rendre plus
liquide et plus epuré. Enfin au sortir
des dernieres glandes, les vaisseaux par=
courus qui se sont reunis en route, se
trouvent en plus petit nombre, et plus gros,
et finalement, ils vont aboutir ensem=
ble au reservoir pour y deposer leur
liqueur.
RESERVOIR.
C'est un receptacle commun de figure
ovale, composé de trois cavités formées
par une membrane très fine, et placé
<38v> la ou commence la premiere vertebre
des lombes. On l'appelle reservoir de
Pecquet, le nom de celui qui en a fait
la decouverte vers la fin du siecle dernier.
C'est la aussi que le chyle se mêle avec
la lymphe.
LYMPHE.
Cette partie du serum, après s'etre repan=
due par des vaisseaux extremement petits
appellés arteres lymphatiques, est reportée
par ceux qu'on nomme veines lymphatiques,
qui se reunissant chemin faisant, forment
des canaux un peu plus gros, qui traversent
aussi des glandes de distance en distance
pour se rendre de la dans celles des me=
sentere, d'ou a la fin la lymphe est
portée au reservoir, ou elle se mele avec
le chyle pour lui donner un nouveau
degre de perfection.
CANAL THORACHIQUE.
Ainsi melangées ces liqueurs du reservoir
remontent par le canal Thorachïque
le long de l'epine du doz; mouvement
contraire dans sa direction a celle de la
pesanteur, mais qu'il faut attribuer a
quelque force comprimante du bas en
haut comme l'elasticité du vaisseau sou=
tenue par l'action des arteres voisines, qui
poussent le sang dans la meme direction, ou
la continuité de l'action qui fait que le fluide
actuellement introduit pousse en avant
celui qui l'avoit été auparavant; a quoi
il faut joindre l'appui des valvules qui s'op=
posent a la retrocession. Enfin ces liqueurs
portées par ce canal jusques au dessus de
la poitrine, près des 1 mot biffure clavicules, se dechar=
gent dans la veine souclaviere gauche,
ou elles s'unissent avec le sang et vont se
rendre ensemble par la veine cave dans
le ventricule droit du coeur.
Les veines soucla=
vieres sont deux
branches de veines
ainsi appellées par=
ce quelles sont sous
les clavicules, deux
petits os en forme
de S qui ferment
le haut de la poitrine;
de clavis, de claudis du rad. CLAV fermer
<39> METAMORPHOSE du Chyle.
Alors le Chyle mêlé avec le sang pour cir=
culer ensemble, se change partie en serum,
partie en globules rouges. Une partie du
serum s'ecoule par les urines et la transpi=
ration; l'autre reste en circulation pour de=
laier le sang. Ce qui se change en sang
proprement dit, devient un suc nouricier,
qui se distribue par tout le corps pour en
entretenir la consistence et les forces, et con=
tribuer même a son accroissement.
Mais comment une liqueur blanche peut
elle se former en globules rouges? On re=
pond qu'une multitude de molecules hui=
leuses, ramassées par l'action des vaisseaux,
et pressées egalement de tous côtés, doivent
naturellement se former en globules, et ceux
ci peuvent etre combinés entr'eux de manie=
re qu'ils ne reflechissent a nos yeux que
les rayons elementaires rouges.
SUSCEPTION INTERIEURE.
C'est sans doute une bien grande merveille
que la metamorphose des alimens en chyle,
et du chyle en sang, pour en reparer les
pertes, en renouveller la masse et conserver
le mouvement vital. Mais il semble qu'elle
est encor au dessous de celle que nous offre
la metamorphose des fluides en particules
solides qui a mesure qu'elles se forment,
doivent s'assimiler aux anciennes. Il faut
en effet que les parties infiniment deliées du
suc nouricier qui arrivent jusques aux fi=
bres elementaires, deviennent un avec celles
ci, ou pour procurer leur extension en lon=
gueur et largeur, ou du moins pour en
prevenir 2 mots biffure le deperissement.
Il faut encor que devenues parties solides,
elles s'incorporent dans un fond primordial
sans qu'il survienne aucun changement
<39v> a la disposition et aux propositions des
parties auxquelles elles s'associent. Il
faut même que ce soit la constitutïon essen=
tielle de ce fond qui determine l'espece de
particules qui doivent s'incruster dans
chaque portion du corps et l'ordre dans
lequel elles doivent s'y arranger. Il faut
enfin que chaque piece organique s'as=
simile les molecules qu'elle reçoit du dehors,
qu'elle les dispose et assujetisse de maniere
que non seulement elle se conserve la for=
me, les proportions et le jeu qui leur sont
propres a raison de sa place et de sa des=
tination, mais encor qu'elle puisse s'eten=
dre graduellement et s'accroitre en tous
sens par l'accession de ces particules, sans
eprouver aucune alteration a ces divers
egards, en sorte qu'on puisse dire qu'elle
est pour le fond toujours la même,
pendant une longue suite d'années.
Voila ce qui doit etre et qui est effecti=
vement; c'est la l'operation de la nature
que nous appellons susception interieure.
Mais qui sera tenter d'expliquer la cause
physique primordiale de ce phenome=
ne merveilleux? Ce Mystere profond
aussi de la nature, qui n'est peut etre
connu que de Son auteur adorable?
CONCLUSION
Telles sont les Loix de la vegetatïon du corps animal,
pourvu de tous les organes necessaires pour
reparer ses pertes, les uns destinés a recevoir
les alimens, les autres a les digerer, d'autres a
en extraire les sucs nouriciers, d'autres a faire
circuler ceux ci, et les distribuer pour l'entretien
et l'accroissement du tout.
Ceci nous conduit aux rapports de confor=
mité du corps animal avec la plante quant
a la vie vegetale, et aux prerogatives qui
relevent l'homme a cet egard sur les au=
tres especes.
<40> CHAPITRE V.
Rapports de conformité de l'homme avec
la plante, quant a la vie vegetale; et des les
prerogatives qui le relevent a cet egard
sur les autres especes.
VIE VEGETALE.
Dans les Etres naturels, on a distïngué
trois regnes, le mineral, le vegetal , dont
le propre est de croitre et se nourrir, l'ani=
mal caracterisé par la proprieté de sentir
et d'agir. Chaque Etre participe aux qua=
lités des especes inferieures; tout animal
est une espece de vegetal. Il y a donc
une vie vegetale commune a l'homme,
aux animaux et aux vegetaux. Mais
ses ressorts ne dependent point d'une acti=
vité spontanée, ses effets ne sont soumis
qu'aux Loix Physiques: elle est appellée
vie entant qu'elle suppose le devellopement
d'une force interne, et vegetale parce qu'elle
1 mot biffure ne se trouve 1 mot biffure essentiellement que dans le 1 mot biffure
regne vegetal.
Pour en concevoir une idée, suivons les
destinées communes de la plante et de
corps l'animal, a leur naissance, pendant
leur vie durant leur accroissement,
leur vigueur, lors de leur declin et de leur
deperissement.
GENERATION
Un des premiers caracteres par lesquels les
vegetaux et les animaux sont distingués
des mineraux, c'est la faculté de se repro=
duire qui est attachée a tous les Etres or=
ganisés. La generation est la formation
d'un individu semblable par sa nature
a celui qui le produit, a raison des princi=
pes preexistens qu'il en reçoit, cad. de
la matiere, et de la disposition a une forme
que l'Etre generateur fournit pour le
devellopement de celui qui est engendré.
<40v> GERME PREFORME.
Tous les vegetaux preexistent a leur nais=
sance dans un germe , un corpuscule qui
en renferme tout le dessin et la forme en petit,
en miniature, et ce germe est appellé prefor=
mé parce qu'on le suppose crée dans l'origine
des choses et indestructible, parce qu'il ne
peut etre aneanti que par le pouvoir imme=
diat du Createur. Il est toujours caché dans
un grain qui lui sert d'envellope, et qui, lors
qu'il vient a pourrir, devient pour le germe
le premier principe de son develloppement
et accroissement.
Le corps aimal preexiste aussi dans un
germe preformé renfermé dans une envellope
appellée oeuf , destinée a fournir au ger=
me sa premiere nouriture, pendant qu'il se
devellope et se metamorphose en foetus a=
nimal; même Loi pour toutes les especes, pour
les vivipares, comme pour les ovipares, ou
l'animal sort de sa coque que quelque
temps après qu'il est sorti de la matrice.
SEXES ET FECONDATION.
Dans les especes animales on distin=
gue deux sexes ou deux classes d'Indivi=
dus separées, distinguées, non par les or=
ganes essentiels a la vie, mais par les par=
ties qui doivent concourir a la reproduc=
tion et la conservation de l'espece. Un
des sexes est depositaire des germes pre=
formés qui doivent etre successivement
devellopés; la nature a preparé tous les
agens necessaires pour ce devellopement
merveilleux qui exige le concours
de l'autre sexe dans la generation. Au
sexe masculin appartient la fecondation
au foeminin , la conception .
<41> L'immortel Linneus a decouvert dans
les especes vegetales une distinction ana=
logue a celle des sexes chès les especes ani=
males. Il se fait dans les plantes une vraie
fecondation lorsque la poussiere des eta=
mines penetre dans les pistils.
PREMIER DEVELLOPEMENT.
Ce que la graine et le germe font a la
plante, l'oeuf et l'embryon le sont a l'ani=
mal. Le germe dans la graine, l'embryon
dans l'oeuf se develloppent tous les deux
par la nourriture qu'ils tirent de leur en=
vellope. Le premier ne perce au travers
de l'ecorce du grain que lorsqu'il est par=
venu a une certaine grosseur; le second
demeure attaché a son oeuf aussi long=
temps qu'il a besoin d'en tirer sa nourri=
ture pour arriver a ce degré de force
sans lequel il ne pourroit etre exposé
au grand air.
NAISSANCE.
On entend par la naissance ce qui
concourt a amener a la lumiere les
productions vegetales et animales. Du
germe devellopé dans le grain sort une
tige auparavant cachée, qui a assès de con=
sistence et de force pour percer le grain et
s'elever hors de la terre. L'embryon une
fois devellopé dans l'oeuf, lorsqu'il a acquis
assès de volume pour s'y trouver mal a
son aise et assès de force pour se debaras=
ser de ses liens, enfin perce sa coque et
fait effort pour sortir et penetrer dans
l'element que la nature lui a destiné.
C'est le moment ou il devroit proprement
etre appellé foetus ; cependant on lui
donne ce nom lorsqu'il est encor dans
la matrice, entant qu'il y est deja tout un
animal tout formé.
<41v> VIE proprement dite.
La plante une fois hors de terre devient un
composé de fibres longitudinales et transver=
sales, et de vaisseaux et de vaisseaux dans les=
quels coulent des fluides compris sous le
nom de seve , qui y circulent d'une mani=
ere uniforme et selon certaines Loix, pour
porter des sucs nouriciers dans toutes les
parties du vegetal, et en même temps procu=
rer le devellopement et l'accroissement neces=
saires pour produire, en la saison, les bran=
ches, les rameaux, les feuilles, les fleurs, les
fruits, qui doivent en etre les dependances.
Le corps animal une fois exposé au grand
air offre pareillement un composé de fibres, de
vaisseaux de toute figure et de toute grandeur,
et des fluides divers compris sous le nom de
sang, qui y coulent et circulent sans cesse, selon
des Loix constantes, pour entretenir les diverses
parties de ce corps et les rendre propres a
leurs diverses fonctions. Nous appellons ce
periode de la plante et de l'animal vie propre=
ment dite, parce que le mot de vie, dans le sens
general, pourroit aussi leur etre appliqué mê=
me avant leur naissance. proprement dite.
Pendant la vie de la plante, il se fait une de=
perdition continuelle de ses parties solides et
fluides par la transpiration insensible, l'eva=
poration, les productions, et ces pertes sont
sans cesse reparées par des sucs, des sels, que
la plante tire de la terre, qui passent par dif=
ferens canaux, ou ils subissent diverses prepa=
rations, jusques a ce enfin qu'elle se les approprie
<42> par une susception interieure, qui la
restaure, l'entretient, en les identifiant
avec elle. Cette nouriture dans les diver=
ses periodes de la vie de la plante se trouve
toujours analogue a sa constitution et pro=
portionelle aux progrès de son accroisse=
ment et de ses forces. Tout ce enfin que
la plante admet de surabondant, elle le
rejette au dehors par des excrescences ou
evacuations qui l'en dechargent.
L'animal est de même exposé a une deper=
dition continuelle qui ne peut etre repa=
rée que par l'usage sans cesse reiteré des
alimens, dont après les preparatifs de la diges=
tion et de la chylification, il s'approprie
les parties par voie d'intussusception pour
sustenter ses forces qui sans cela defau=
droient. Ces substances alimentaires doi=
vent aussi etre toujours proportionnelles a
son accroissement en taille et en vigueur.
Enfin tout ce qu'il en admet de surabon=
dant est expulsé par les emonctoires et
les dejections.
La plante ne sauroit vegeter sans le re=
cours de l'air dont elle aspire ou pompe
les sucs nouriciers et les principes de vie
qui y sont repandus, par le moien de ses
pores, de ses vaisseaux et de ses trachées
ou longs tuyaux, qui ne cessent d'aspirer
et d'expirer l'air ambiant, et qui sont sur=
tout très considerables dans les feuilles,
qui, dans le vegetal, font a peu près la
meme fonction que les poumons dans
le regne corps animal.
Celui ci en effet ne sauroit se passer de l'air
et de ses principes vitaux qu'il tire aussi
par la perspiration de ses pores et 1 mot illisible
par la respiration.
A l'un et a l'autre il faut encor une alter=
native de chaud et de froid, de chaleur
seche et d'humidité, une varieté de sai=
sons, 1 mot biffure qui influent aussi beaucoup sur la
transpiration insensible et sur 2 mots biffure
leur etat actuel, car la chaleur rarefie
<42v> les parties, ouvre les tuyaux, donne aux
fluides un passage plus libre, au lieu que le
froid resserre et condense, mais d'un autre
cote, durcit et fortifie les vaisseaux.
L'un et l'autre enfin peuvent recevoir du
dehors des principes morbifiques qui en
alterent la constitution.
ACCROISSEMENT.
Ce n'est que par des devellopemens successifs
et progressifs que la plante croit, et au bout
d'un certain temps, elle arrive a son plus haut
point de grandeur; et ensuite a son plus
haut periode de vigueur.
Il en est de même de l'animal; rappellons ici
les principales destinées de l'homme.
ENFANCE, ADOLESCENCE, PUBERTE,
JEUNESSE.
L'homme sort de sa prïson au bout de
neuf mois, rarement anticipe t il ce terme,
et pour lors, il nait petit et le plus souvent
avec quelque imperfection.
La grandeur de l'enfant né a terme est
ordinairement de 14 a 18 pouces. Sa tête
paroit d'abord disproportionée; mais après
la premiere enfance, elle se trouve reduite
a sa juste proportion. Sa dimension regu=
liere est la 8e partie de la longeur du
corps.
La forme du corps de l'enfant qui vient
de naitre, n'est pas d'abord bien exprimée;
toutes les parties sont gonflées, mais ce gon=
flement diminue a mesure que l'enfant prend
de l'accroissement.
Le devellopement de toutes les parties est
a peu près fini a l'age de 14 ans, et le perio=
de qui s'ecoule depuis l'enfance jusques
a cette epoque, se nomme adolescence .
Alors arrive ce qu'on appelle l'age de la pu=
berté , un peu plus tardif chès les garçons
que chès les filles, et avec lequel comman=
ce la discretion.
<43> Jusques a l'age de puberté, la nature sem=
ble n'avoir été occupée qu'a conserver,
et accroitre l'Individu, et lui fournir le
necessaire pour vegeter d'une vie toute
renfermée en lui même. Mais 1 mot biffure
dès qu'il a reçu son devellopement, elle
1 mot biffure s'occupe a multiplier en lui
les ressources de la vie, et a lui procurer
de plus en plus non seulement tout ce
qu'il faut pour son individu, mais encor
de quoi communiquer la vie a d'autres
Etres semblables a lui. La vie devient
chès lui en quelque sorte surabondante,
et demande avec importunité a sortir
hors de lui pour se repandre au dehors.
Alors des organes destinés a la reproduc= conservation de ses jours, aiant ac=
tion
quis la consistence et les forces necessai=
res pour l'assurer, ceux qui sont destinés
a la reproduction commancent a
annoncer les Sages vües de la nature.
Une nouvelle distribution de la substance
alimentaire produit dans son Etre ani=
mal une revolution universelle. Les
Une partie des Esprits vitaux auparavant emploiés
a l'accroissement des diverses parties du
corps, cessant de servir a cet usage, sont
repoussés ailleurs, et retournant sur
leurs pas, vont se rendre dans des recep=
tacles marqués pour y former ce stimu=
lant actif qui doit solliciter les deux
sexes a cette union d'ou 1 mot biffure depend
la fecondation des germes preformés,
et la generation de leur semblable.
Tel est le principe general du mechanisme
admirable de la reproduction, et le grand
ressort de la societé humaine, qui fait trou=
ver le bonheur a transmettre a une nom=
breuse posterité, le thresor de la vie qu'on
a recue de ses Parens par les
mêmes voies.
<43v> Quoique a l'age de puberté on puisse pas=
ser pour homme fait, cela n'empeche pas
qu'on ne grandisse encor et qu'on ne prenne
de nouveaux degrés de vigueur, comme
cela arrive a la plante qui, quoique devello=
pée dans toutes ses parties, ne laisse pas de
croitre, et de se fortifier encor pendant plu=
sieurs années, mais dans une progression
toujours decroissante.
Enfin le corps humain acheve de prendre
tout son accroissement en hauteur, pren=
dant les premieres années de la jeunesse
qui succede a la puberté; ce qui ne s'etend
gueres au dela de l'age de 20 a 22 ans.
Après cela les membres se moulent, et
s'arrondissent peu a peu pendant le reste
de la jeunesse qui dure jusques a 24
ans; et avant l'age de 30 ans le corps
a atteint toutes les proportions de sa
forme. Il est vrai que les progrés de
la femme sont encor ici plus accelerés,
mais a la fin l'homme devient generalement
superieur en taille.
Les proportions de la stature sont les mêmes
pour l'un et l'autre sexe. La hauteur du
corps est egale a la distance qui se trou=
ve entre les extremités des grands doigts
lorsqu'on etend les deux bras horisonta=
lement: on y trouve aussi 10 fois le
visage ou 10 faces, 5 faces depuis le
sommet de la tête jusques a la bifurca=
tion du tronc. La grande taille est de
5 pieds; 4 pouces jusques a 28 la
moienne de cinq pieds, a 5 pieds et 4
pouces; la petite est au dessous de 5 pieds.
Au dessus de la grande sont les Geans ,
tels que les Patagons, au dessous de la
petite sont les Nains , tels que les Lappons.
<44> EDUCATION PHYSIQUE.
Ce qui vient d'etre dit nous conduit a indi=
quer les precautions que des parens bien inten=
tionés doivent emploier a l'egard de leurs en=
fans pour seconder les progrès de leur ac=
croissement en taille et en vigueur.
La premiere c'est de leur fournir une
nouriture saine bien appropriée a leur
constitution et aux progrès de leurs forces,
afin qu'etant bien digerée elle leur de=
vienne salutaire. La nature a donné
ses instructions sur ce point par les inter=
valles bien marqués qu'elle a mis dans
la pousse successive des dents; ce n'est qu'au
7e ou 8e mois que les huit dents incisives
commancent a percer: 20 autres dents,
16 molaires et quatre canines, parois=
sent depuis la fin de la seconde; quatre
autres dents ne viennent qu'avec l'age de
puberté et même plus tard, d'ou vient
qu'on les appelle dents d'escïent. Cette
oeconomie de la nature montre claire=
ment que la premiere nouriture de l'enfance
doit etre du liquide, du lait, et même le
lait de la mere, le seul dont la consis=
tence et la qualité sont vraiment appro=
priées au nourisson, lors de sa naissance,
et continuent encor a l'etre par les chan=
gemens qui lui surviennent a mesure
que l'enfant se fortifie; ce qui n'empeche
pas qu'au bout de 3 mois, on ne puisse
suppleer a cette nouriture par quelque au=
tre analogue; mais on ne doit en donner
aucune qui demande a etre machée jus=
ques a ce que les dents aient acquis une
force suffisante pour le broiement, ni presenter
a l'enfant aucune viande d'une digestion
laborieuse, jusques a ce que les forces
des intestins lui permettent de les digerer et
convertir en bon chyle. Enfin on doit
<44v> veiller a ce qu'il ne surcharge pas son es=
tomac par une trop grande quantité de
nouriture, qu'il ne sauroit digerer conve=
nablement pour la convertir en sucs nou=
riciers, accommodés a son organisation et
propres a la fortifier; car ce n'est pas ce qu'il
mange qui le nourrit, mais seulement ce qui
est bien digeré.
A ce moien il faut en joindre un second,
un exercice regulier et moderé, indispensa=
ble pour animer la circulation, mainte=
nir le jeu des poumons, favoriser la diges=
tion, entretenir la transpiration insensible,
augmenter l'abondance des Esprits animaux
et par la les forces et l'activïté. Telle est
en general la constitution de l'homme
que, lorsqu'il est enfant, il lui faut un exerc=
ice presque continuel, et lorsqu'il est hom=
me fait, un travail assïdu, jamais interrom=
pu que lorsqu'il eprouve une Fatigue sen=
sible, et qu'il sent la necessité du repos.
C'est un fait d'experience que 1 mot biffure plus l'hom=
me exerce ses forces, mais sans excès,
plus il en acquiert de nouvelles, du moins
pendant qu'il est encor dans l'age de la vi=
gueur.
3° La bonne education physique demande
encor que les enfans soient formés de bonne heure
a l'habitude d'executer leurs divers mouv=
mens avec aisance et dexterité, sans
contracter de mauvais plis, ni s'exposer
a des inconveniens; mais surtout que
leur corps s'accoutume a tout, a la pri=
vation, a la faim, a la soif, a la fatigue,
a la course, au chaud, au froid, et s'en=
durcisse contre toutes les intemperies de
l'air et des saisons. Un enfant qu'on
eleve en reclus, devient, par comparaison
a celui qu'on laisse vivre en plein air, ce
qu'un arbustre enfermé dans une serre
chaude, est par comparaison a un
<45> chêne vigoureux de la foret exposé a tous
les frimats.
VIGUEUR.
Dès que la plante a acquis toute sa hauteur
et les dimensions, avec toutes ses forces vege=
tales, elle se maintient dans cet etat pen=
dant quelque temps, qui n'est cependant pas,
de si longue durée. Quant l'homme a
atteint aussi toute sa forme et son plus
haut degré de forces, il se trouve alors
dans ce qu'on appelle l'age de la vigueur;
ce qu'il ne faut pas confondre avec la vi=
gueur en general qui commance deja avec
la puberté. La vigueur dont il s'agit, prise
a son plus haut point, 1 mot biffure ne precede
gueres la 30e année, et dès l'age de
36 a 40 l'homme penche deja vers
son declin .
DECLIN.
Pendant que les sucs nouriciers abon=
dent; et que les forces sont encor molles,
soupples, susceptibles d'extension, le corps
recoit quelque accroissement en grosseur.
Que si ces sucs surabondent, ils acqui=
erent une tendance a augmenter la
masse par leur conversion en chair et
en graisse qui deviennent pour l'homme
un poids incommode, qui appesantit
ses membres et leur ote la liberté des
mouvemens. C'est la une leçon que la
nature lui donne sur la necessité d'une
vie frugale et laborieuse qui favorise
la transpiration et lui fournit un
moien assuré de se debarasser des par=
ties superflues et d'eviter mille maux.
Mais dès que les fibres ont acquis un
degré de consistence et de roideur qui
ne leur permet plus de s'etendre et de
s'aggrandir, alors tout se reduit a une
reparation qui compense la perte, et le
corps reste a peu près dans le même 1 mot biffure
etat. Vient ensuite peu a peu un temps ou l'homme
perd plus qu'il ne repare et commence
a decliner.
<45v> DECLIN. DEPERISSEMENT.
La Loi la plus generale de cet Univers est
que les especes se conservent par la reproduc=
tion successive des Individus. Cette Loi
suppose necessairement que les Etres, après
leur accroissement, ne demeurent qu'un
certain temps dans l'etat de vigueur, et
sont conduits par le declin a leur deperisse=
ment .
Ainsi au bout d'un certain temps le vegetal
s'appauvrit; ses vaisseaux devenant plus
compacts, perdent leur souplesse, ils ne peu=
vent plus tirer de la terre assès de sucs pour
reparer leurs pertes; de la un dessechement
progressif, qui en fait tarir peu a peu les
productions, les fleurs, les fruits, les feuilles,
les rameaux &c.; un ralentissement sen=
sible dans le cours de la seve qui ne peut
plus gagner le milieu, le coeur de la plante,
la decomposition successive des parties qui
le plus souvent dans les arbres commance
par le centre, lequel n'etant plus nourri
se reduit peu a peu en poudre; enfin le
deperissement universel, la pourriture,
la decomposition, et le retour de toute
la substance a la 1 mot biffure terre d'ou elle avoit
ete extraite.
Ainsi, dès que l'homme touche a la 40e
année, ses mouvemens deviennent moins
vifs, moins promts, et on apperçoit deja
les premieres nuances du dechet de ses
forces. Il est vrai que chès ceux qui ont
vecu regulierement les progrès du dechet
ne sont pas gueres sensibles avant l'age de
50 ans a 60 ans: epoque apres laquelle commance
l'age caduc.
CADUCITE.
A cet age les fonctions naturelles ne se font
plus avec la même regularité; elles fournis=
sent toujours moins de sucs nouriciers
et d'Esprits vitaux pour la reparation des
forces et celles ci diminuent progressive=
ment.
<46> Les solides etant moins abreuvés, les fibres
les nerfs et les muscles, les membranes, les
cartilages perdent graduellement de leur
soupplesse, de leur elasticité, et l'action de
tous les ressorts se rallentit. La reaction
des solides sur les fluides diminuant, et
ceux ci appellés a vaincre une resistence
toujours croissante, coulent avec plus de
lenteur et s'epaississent dans la même
proportion. Enfin arrive le temps ou
les inconveniens de la caducité parvien=
nent a leur plus haut degré; c'est celui
de la decrepitude.
DECREPITUDE.
A cette derniere epoque, les membranes
deviennent cartilagineuses, les cartilages
osseux; les os plus secs et plus durs, toutes
les fibres plus difficiles a ebranler: presque
toute la chair se consume, tous les os, les
veines se decouvrent a l'exterieure au travers
de la peau; les petits vaisseaux se resserrent,
cessent d'etre permeables, plusieurs s'oblite=
rent et la peau devient dessechée, ridée,
et comme ecailleuse, les lys et les roses
disparoissent de la surpeau: alors les
papilles nerveuses se durcissent, les impres=
sions du tact s'afoiblissent comme celles
de l'odorat et du gout s'emoussent, les
humeurs de l'oeuil s'epaississent, la vue
se trouble, la lame membraneuse du cond=
uit auditif se durcit; l'homme devient
insensiblement aveugle et sourd. La
face se deforme, les dents tombent, le
corps devient arqué, les jambes refusent
le service, ou succombent bientot sous le
poids; l'homme enfin ne fait presque plus
que vegeter, prendant que les alimens fournis=
sent encor quelques sucs. Tels sont les
compagnes de la decrepitude et les avan=
coureurs de la mort.
<46v> MORT.
Arrive enfin ce moment ou les fluides arre=
tés dans leurs cours, les solides affaissés, de=
pouillés de tout ressort, tout le mechanis=
me cede a la fois aux causes destructives
de la vie, et le corps se trouve reduit a
une masse inanimée, qui devient bientot
la proie de la corruption, de la pourritu=
re; de l'infection, qui est bientot suivie de
la dissolution, par ou la masse est rendue
a la terre d'ou la vie vegetale l'avoit succes=
sivement separée. Tel est le terme
final qu'on a appellé la mort . Mais,
a bien prendre la chose, le corps meurt
insensiblement depuis que le declin com=
mence, a mesure que le ressort interne
de la vie s'affoiblit par gradation, dont
la mort proprement dite n'est que le der=
nier terme, qui se consomme par l'extinc=
tion du mouvement et de la respiration
1 mot biffure qui a commancé avec la vie.
DIFFERENCE ENTRE LES SEXES
Les periodes d'accroissement, de declin et de
deperissement, offrent quelques differences
entre les sexes. La jeunesse des femmes est
plus precoce, elle est plus brillante que celle des
hommes, mais elle est aussi plus courte. Leur
vieillesse est plus hative et generalordinairement
plus facheuse; elle est aussi plus longue,
car quand elles ont une fois passé l'age
critique de leur sexe, elles parviennent ge=
neralement a un age plus avancé que les
hommes. La raison en est que la rigidité
des fibres, le durcissement des vaisseaux &c
se consomment chès elles avec plus de lenteur
parceque ces parties etant plus humides,
plus molles, elles arrivent plus tard a ce
point de dureté qui ameinent la mort;
ce qui fait qu'elles s'eteignent et meurent
plus lentement que les hommes.
<47> DUREE DE LA VIE HUMAINE.
Chès les animaux la durée de leur vie s'es=
time a peu près sur le temps de leur accrois=
sement. Le chien tout formé a 3 ans ne
vit gueres que 9 a 10 ans. L'homme
n'a gueres atteint toutes les proportions de
sa forme qu'a l'age de 25 a 30 ans et il en vit
80. La durée d'un animal est ordinaire=
ment septuple du temps qu'il a mis a
son devellopement; l'homme y emploi
14 ans. Ne pourroit on pas en conclure
que la nature l'avoit destiné a vivre envi=
ron cent ans et que c'est sa maniere
de vivre qui a abrogé ses jours?
2 mots biffure Comme dans le regne vegetal, la plante
qui n'a pas été 1 mot biffure deperit au bout
d'un certain temps, qui est assès uniforme,
ainsi le corps de l'homme 4 mots biffure
est devoué par la nature a
une destruction finale, quand il est arri=
vé au temps fixé par ses Loix, au dela
duquel il ne peut gueres esperer une pro=
longation de ses jours.
Mais il s'en fait bien que tous les Indi=
vidus parviennent a ce dernier terme ni
même a la vieillesse ni même a l'age viril,
ni même a la jeunesse et l'adolescence.
Tout comme il est une multitude de
plantes qui perissent dans leur bourgeon,
ou qui sont coupées sur leurs racines, ou
arretées par quelque autre obstacle au
milieu de leur vegetation, de même une
foule d'hommes succombent avant le
terme sous les coups d'une 1 mot biffure foule de
causes destructives, qui coupent la trame
legere de leur vie, avant que celle ci tou=
che a son terme. Le nouveau né devient
très aisement la proie de la mort; il tom=
be comme le bouton nouvellement eclot;
semblable a une fleur vivace qu'une
vapeur brulante desseche promtement, le
jeune homme assailli par une maladie
aigue, se voit couché inopinement dans
le tombeau. Enfin le levain de mille
<47v> maux que les excès ont amassé dans le
corps du jeune homme, pendant qu'il avoit
assès de vigueur pour en retarder les effets,
se devellope dans l'age viril et emporte
celui qui se croit encore bien loin de
la mort.
Une table tirée des registres mortuaires
4 mots biffure a appris que
des 24000 personnes mortes dans
un temps donné, 6000 sont mortes
l'année même de leur naissance, et
environ 1 mot tache six autres mille entre
leur premiere et leur septieme. Des
18000 entrés dans la seconde année
9000 seulement sont arrivés a la
33e. En fondant la dessus un cal=
cul des probabilités de la vie humaine,
on a trouvé que lorsqu'il s'agit d'un
nouveau ne, 1 mot biffure il n'y a qu'un contre un
a parier qu'il vivra jusques a 7 ans,
et il s'agit d'un enfant entré dans
la 2e année; il n'y a de même qu'un
contre un a parier qu'il vivra jus=
ques a 35. A l'egard de celui qui est
entré dans la 3e c'est le même pari
pour qu'il vienne jusques a 38,
et pour celui qui est entré dans la
4e, qu'il parviendra a 40.
PERMANENCE DES ESPECES.
Tout ce qui vit sort donc d'un germe pre=
formé, successivement soumis aux Loix
de fecondation, de naissance, d'accroisse=
ment, de vigueur, de declin et de deperisse=
ment, par lequel le germe est rendu a la
terre sans avoir subi aucune alternative
dans son essence, pret encor a revetir les
nouvelles formes et eprouver d'autres
1 mot biffure devellopemens si le Sage auteur de la nature
a trouvé a propos de l'y destiner.
Ainsi dans ce Theatre, ou ce Tableau mou=
vant, qui s'offre a nos regards, les Indivi=
dus de la même essence se succedent par le
deperissement et la reproduction, sans que
<48> l'espece elle même souffre d'alteration
dans ses germes indestructibles, destinés a
la perpetuer. Les germes qui n'ont
pas encor été devello=
pés peuvent tous etre
amenés au devello=
pement, et ceux qui
l'ont deja subi peu=
vent tous etre 1 mot biffure
rappellés a un nou=
veau.
MERVEILLES DU MECHANISME
ANIMAL.
La vie vegetale est bien plus parfaite et
plus admirable chès l'animal que dans
la plante, a considerer soit la construction
infiniment variée de ses vaisseaux,
soit la merveilleuse combinaison de ses
fluides, et des ressorts qui meuvent toutes les
pieces organiques de ce mechanisme vi=
vant et animé.
Si nous voulons en concevoir quelque idée
ne nous representons pas le corps animal
comme un composé de pieces de rapport qui
pourroient exister, chacune a part, avant
d'etre reunies pour former un tout sim=
plement mechanique. C'est ici un mecha=
nisme qui ne peut etre comparé a aucune
machine faite par l'industrie des hommes,
avec des materiaux rassemblés pour
etre soumis a l'action d'un premier mo=
bile qu'on demele au premier coup d'oeuil
dans l'assemblage. C'est ici un tout or=
ganique essentiellement composé de
parties dont la liaison reciproque est si
necessaire a chacune d'elles, qu'aucune
ne sauroit exister ni se conserver sous
la forme que par sa coexistence et son
union avec les autres pour participer
a une vie commune. Dans ce mecha=
nisme organique on ne peut assigner
aucun point ou l'on puisse dire que le
mouvement commance, ni aucun ou il
finisse; c'est comme un mouvement per=
petuel et circulaire qui revient continuel=
lement sur lui même, ou chaque piece
reçoit des autres l'impulsion qui la fait
mouvoir et sert en même temps de modele
pour agir sur toutes les autres. Ici un
ressort communique sa force a un autre,
celui ci la sienne a un troisieme; la reunion
<48v> de ces premieres reveille l'energie d'autres
ressorts: mais ceux ci reagissent a leur
tour sur les precedens; tous les ressorts
reunissent leurs forces pour les deploier
de concert sur chacun d'eux en particuler
comme l'action de ce dernier reagit a la
fois sur tous les autres, et leur distribuent
tous ensemble le produit de la force même
qu'il a reçue d'eux.
Le coeur semble bien etre un premier mo=
bile; ni le cerveau ni la poitrine ne peuvent
etre mus sans lui: mais d'un autre côté le
coeur deviendroit bientot immobile, si le cer=
veau cessoit de deploier son action; la reu=
nion des forces du coeur et du cerveau
est necessaire pour produire la respiration
mais aussi sans la respiration le coeur et
le cerveau perdroient bientot tout leur jeu.
On peut bien dire que la vie depend de ces
trois grands ressorts comme causes princi=
pales, mais il n'en est pas moins vrai que
ces ressorts la même dependent de tout le
reste du corps; car si les fluides sont prepa=
res et mus par leur action, ce sont aussi les
fluides qui soutiennent continuellement
le mouvement du coeur; qui animent le cer=
veau et entretiennent la respiration.
Sans l'action reciproque des solides et
des fluides, il n'existeroit aucune fonc=
tion vitale ni aucune vie chès l'animal.
Telles sont les merveilles de ce tout
organique qui nait, croit, se nourit
se reproduit comme la plante, et qui
joint a cela la sensibilité et l'activité
qui d'ou depend la vie animale, dont
nous parlerons au chap. suivant.
PREROGATIVES ET SUPERIORITE DE L'HOMME
Si les animaux ont tant de preroga=
tives sur les plantes, l'homme est bien aussi
1 mot biffure superieur a tous quant a la vie vegetale.
Parmi ses 1 mot biffure avantages on peut
comter 1° la vigueur de sa constitution
en vertu de laquelle il surpasse presque
tous les animaux en forces, a proportion
de sa taille, un grand nombre en
<49> agilité, et tous sans exception par l'activité
presque infatigable qu'il deploie dans le
travail, jusques la qu'il peut endurer des
travaux très peinibles pendant des journées
entieres sans prendre aucun repos, ce que
ne peuvent pas les betes de somme les plus
robustes.
Un 2° avantage lié au premier c'est la durée
de sa vie qui est plus longue que celle de pres=
que tous les animaux, surtout de ceux qui
le surpassent en grosseur et 1 mot biffure en forces.
Ces deux avantages tiennent vraisembla=
blement a un troisieme, savoir, la configu=
ration avantageuse des parties qui ont le
plus d'influence sur la conservation et le
soutien de la vie, comme la grosseur de
son cerveau qui fournit plus d'Esprits
animaux, la largeur de sa poitrine, qui
donne un plus grand jeu a la respiration,
la contexture admirable des parties solides,
et surtout la structure vigoureuse de son
estomac, qui, quand même il mange moins
et moins longtemps, que les autres animaux,
ne laisse pas de fournir une restauration
plus abondante; plus fortifiante, et qui
aussi se trouve capable dans l'occasion
de soutenir les plus grands excès dans
le manger et dans le boire.
De ces avantages en resulte un 4° bien
remarquable. Les autres animaux sont
tellement attachés par leur naturel et leur
instinct a certains climats, certaines demeu=
res, certains alimens particuliers a cer=
tains quartiers, qu'ils ne sauroient en changer
sans danger pour leur vie, ou sans perdre
leur vigueur et souvent même la faculté
de se reproduire. L'homme seul peut
vivre dans tous les climats, dans tous les
sejours, en changer presque impunement,
et avec quelques precautions, s'accoutumer
même a ceux qui sont peu salubres; il
peut se nourrir de toute espece d'alimens
de chairs, de fruits, d'herbes, se contenter
<49v> même de ceux qui servent de nouriture aux
brutes et trouver par tout pays qui fournit
quelque production de quoi pourvoir a sa
substance, et s'y maintenir assès sain et
vigoureux pour y perpetuer son espece;
il peut enfin voiager sur terre et sur mer,
changer de maniere de vivre, en un mot,
se faire a tout pourvu qu'il en prenne
l'habitude dans l'age de la vigueur et
avant qu'il soit atteint d'infirmités. Les
hommes transplantés en sol etranger, souf=
frent, sans doute, plus des incommodités du
climat que les naturels du pays; mais
la plupart y resistent. Il faut avouer
cependant que les habitans des pays chauds
peuvent passer dans les regions froides
avec moins d'inconveniens, que les habitans
de celles ci dans les climats brulans.
<50> CHAPITRE VI.
De la vie animale caracterisée principale=
ment par la sensibilité et l'activité qui resi=
dent dans une ame dont le corps n'est que
l'organe et l'instrument.
VIE ANIMALE.
Il ne s'agit point ici d'examiner s'il y a entre
le vegetal et l'animal une separation bien
nettement tranchée par la nature elle meme, ou s'ils ne sont point peut
etre rapprochés 1 mot biffure par une foule
de nuances intermediaires, en supposant que
dans cet univers, les classes d'Etres tiennent 1 mot biffure
4 lignes biffure
toutes les unes aux autres par des degradations
insensibles, et que l'echelle generale est
completement remplie de tous les Etres qui
peuvent exister. Il ne s'agit pas même de
determiner quels sont les caracteres auxquels
on peut sur le champ et sans equivoque
reconnoitre et decider que tel Etre donné doit etre
rapporté a la classe des vegetaux ou a celle des
animaux. Il est question simplement de
determiner en general en quoi consiste la vie ani=
male qui, aux fonctions et aux proprietés
de la vegetale, en reunit d'autres qui l'elevent
au dessus de celle ci, et donnent aux Etres qui
la possedent une superiorité marquée sur
ceux qui en sont depourvus.
SES FONCTIONS ET PRORIETES.
Nous ne parlons pas ici de l'irritabi=
lité connue depuis peu, parce qu'elle
n'est pas propre a l'animal, qu'elle ne
se manifeste qu'a l'aide de stimulans
etrangers, et quelle ne suppose que du
mouvement sans sensibilité.
Les fonctions et proprietés qui caracterisent
la vie animale sont:
1. La Sensibilité qui 2 lignes biffure
1. La SENSIBILITE
qui a son siege
dans une ame
qui sent elle même
son etat, mais ne
peut rien eprouver
du dehors que par
l'entremise d'orga=
nes composés de nerfs qui portent leur im=
pression jusques a elle.
2. L'ACTIVITE exercée par le même princi=
pe interne avec spontaneité sur les nerfs
et les muscles, et par leur canal, sur les org=
anes et les membres destinés a lui servir d'ins=
trumens pour agir au dehors.
3. L'UNION SPONTANEE DES SEXES incités
par le plus puissant instinct a se chercher
<50v> pour concourir a la reproduction; s'il est des
animaux qui multiplient par quelque au=
tre voie, qui se reproduisent de bouture;
par rejettons &c. Cette exception ne prouve
autre chose si ce n'est qu'il est des animaux
qui sont très rapprochés 2 mots biffure des vegetaux.
4. L'APPETIT ou la recherche des alimens con=
venables, et en general, des objets liés a la
satisfaction de quelque besoin senti. A ce
trait je reconnois en l'huitre un verita=
ble animal; il ouvre et il ferme sa coquille
pour y laisser entrer et saisir la nourriture.
5. LA MOBILITE LOCALE ou la Faculté loco=
motive par laquelle l'animal change
selon le besoin, l'appetit ou l'instinct, le local
de sa situation. S'il en est qui soient finis
invariablement a la même place, comme
la gale insecte; ils sont en petit nombre, et
toujours ont ils la faculté de produire quel=
que mouvement spontané.
ORGANES DE SENSIBILITE. SENSATION.
On appelle organe tout instrument desti=
né a produire un effet determiné. Ainsi les
nerfs sont l'organe du tache sentiment, les muscles
du mouvement. Dans un sens moins etendu,
ce mot a été appliqué a un assemblage de pieces
correspondantes et de ressorts cooperans pour
concourir au même but; ainsi nous disons
l'organisation d'un animal, l'organisation
de l'oeuil; on emploie aussi le mot d'organis=
me pour exprimer tout ce qui appartient
a un Etre organisé, et on l'applique même
au mineral quand on le suppose tel. Au
sens le plus resserré, on a donné le nom
d'organes aux diverses parties du corps
animal qui peuvent etre distinguées com=
me autant de canaux divers par ou l'ani=
mal reçoit des sensations de genres très
differens.
<51> Ainsi dans le corps animal, nous distin=
guons cinq organes sensibles ou cinq
sens, le toucher, l'odorat, le gout, l'ouie,
et la vüe. Ces organes sont constitués
sous divers rapports avec les objets exterieurs
en vertu desquels ceux ci peuvent agir sur
ceux la pour produire divers genres de
sensations. Ces rapports sont tels que cer=
tains changemens qui surviennent aux
objets sous certaines circonstances, produi=
sent ordinairement certains mouvemens
dans les organes, d'ou resultent certaines
impressions dont l'homme s'apperçoit en
lui même, et qui parce qu'elles sont le
plus souvent accompagnées d'un senti=
ment de plaisir ou de douleur, ont été
a cause de cela appellées sensations, com=
me la capacité de les recevoir, sensibili=
té .
L'organe immediat de la sensibilité se
trouve dans les nerfs tellement distribués
dans toutes les parties du corps animal
qu'il ne peut se faire d'impression sur au=
cune de celles ci qui n'affecte et n'ebranle
ceux la, et dès la même ne se propage dans
toute leur continuité jusques au cerveau
ou ils aboutissent tous. C'est la que l'ame,
a moins qu'elle ne soit distraite, fortement
occupée ou ebranlée par quelque impres=
sion antecedante, reçoit ordinairement
l'impression actuelle par une preception
immediate, qui l'avertit sur le champ des
ebranlemens causés dans telle ou telle par=
tie du corps. Cette perception la est la
sensation elle même.
Quoiqu'elle n'ait de siege que dans le
<51v> cerveau, et qu'elle appartienne uniquement
a l'ame, l'homme cependant, par un effet
de ses jugemens habituels, la rapporte, non
au cerveau, parce qu'il n'y voit point de
changement survenu, mais a l'organe
même sur lequel s'est faite l'impression,
quoiqu'il ne soit en lui meme qu'une matiere insensible.
Et c'est de la qu'il arrive que ceux qui ont
perdu le bras, disent qu'ils eprouvent encor
de la douleur dans la main et les doigts,
quoi qu'ils n'existent plus. Ces gens la
1 mot biffure eprouvent sans doute, une
douleur toute semblable a celle qu'ils
avoient autrefois eprouvée, et dont ils
rapportoient le siege a ces parties elles
mêmes. Mais comment la chose est elle
possible? Pour le comprendre, rappel=
lons nous que les sensations ne sont que
la conscience que l'ame a immediatement
de l'impression faite sur telle ou telle par=
tie, et propagée par le reflux du fluide
nerveux jusques au cerveau, qui s'y
porte en plus grande abondance par
tel nerf que par tel autre lorsque, celui
la a été ebranlé. En effet, lorsqu'on
pique la main, ce n'est pas la main qui
souffre, c'est l'ame, et c'est le reflux du flui=
de nerveux 1 mot biffure causé par la piqu=
re dans le tache nerf repandu sur la main,
qui porte l'impression au cerveau et
de la jusques a l'ame. Ainsi toutes les fois que
par une cause quelquonque, il se fera
le même reflux le long du même nerf,
la même impression sera naturelle=
ment reportée de nouveau jusques a
l'ame, et l'ame eprouvera le même sentiment
de douleur. Qu'on suppose maintenant
la main coupée avec une partie de l'avant
bras, le nerf correspondant ci devant
a la main et aux doigts, s'il vient a etre
<52> irrité dans l'endroit ou il est coupé par quel=
que cause interieure ou exterieure, de la même
maniere qu'il avoit été, 1 mot biffure lorsqu'il te=
noit encor a la main, donnera lieu au même
reflux du fluide nerveux, et ce reflux pro=
duira la même impression sur le cerveau, et
excitera le même sentiment de douleur qu'on
la main eprouvoit 1 mot biffure lorsque la main etoit encor en
son entier.
MOUVEMENS SYMPATIQUES.
Ce qui vient d'etre dit du fluide nerveux qui
se porte en plus grande abondance dans tel
ou tel nerf ebranlé ou irrité, et ce qu'on connoit
de la correspondance des differentes paires
de nerfs dont les ramifications sont repan=
dues dans les diverses parties du corps, sert
a expliquer une foule de Phenomenes qui
supposent des mouvemens sympatiques,
ou des affections douloureuses communes
entre des parties sensibles, fort eloignées les
unes des autres, ou qui, a en juger par les
dehors, sembleoient n'avoir entr'elles aucune
correspondance; c'est ainsi par ex: qu'on
explique pourquoi quand un oeuil est atta=
qué l'autre l'est ordinairement bientot
après? Pourquoi dans certaines maladies,
les yeux se boufissent et s'enflamment?
Pourquoi des douleurs d'oreille peuvent
rendre la la nuque paralytique, s'opposer
a la deglutition, causer des douleurs jus=
ques dans les bras? Pourquoi les maux de
dents causent des maux d'oreille, de yeux,
meme des diarrhées comme il arrive aux
petits enfans? Pourquoi des 2 mots biffure
blessures a la tête peuvent produire des
abces au foie? Pourquoi les poumons atta=
qués produisent des douleurs dans l'omo=
plate et de vives rougeurs sur les joues?
<52v> Les explications qu'on donne paroissent fon=
dées sur ces principes generaux que quand
le fluide nerveux se porte quelque part avec
trop d'abondance, certains nerfs s'irritent
avec violemment, et etendent leur influence
sur eux avec lesquels ils sont en connexion
pour les ebranler; que les nerfs gonflés et
dilatés compriment les arteres, en resser=
rent les ouvertures, s'opposent au cours
libre du sang, et le font s'affluer dans cer=
tains vaisseaux, tandis que la quantité
en est diminuée d'autant dans d'autres
vaisseaux sanguins; ce qui ne peut arri=
ver sans qu'il en resulte un derangement
ou dans la circulation, ou en telle partie
ou il se fait des engorgemens qui ne per=
mettent pas aux vaisseaux d'obeir a l'im=
pulsion generale, sont ou enfin dans la
secretion de certains liquides. Par ex.
les veines, qui chès quelques malades,
deviennent claires comme de l'eau, par
la raison que l'abondance du suc ner=
veux qui gonfle les nerfs, cause la contu=
sion des vaisseaux et des couloirs, dont
les orifices ne peuvent laisser echap=
per l'eau pure, et retiennent les par=
ties grossieres et terrestres.
INSTRUMENS D'ACTIVITE SPONTANEE.
Il n'est presque aucune sensation indiffe=
rente, et par rapport a laquelle l'animal
demeure entierement passif, ou qui ne fasse
naitre chès lui quelque mouvement actif
pour rechercher l'objet qui le flatte, ou
fuir celui qui lui deplait. Ce mouvement
n'est point le resultat d'une impulsion me=
chanique comme celle qui produit la commu=
nication du mouvement d'un corps a l'autre,
il ne suppose le concours d'aucune cause
physique exterieure; c'est le fruit d'un devel=
lopement de forces internes, d'une acti=
vité spontanée propre a l'animal, qu'il
deploie lui même, de son chef, sur son
propre corps pour le mouvoir ou sur
<53> quelqu'une de ses parties pour s'en faire
un instrument d'action sur quelque objet
exterieur. On ne peut rapporter cette activi=
té qu'au même principe a qui appartient
la sensibilité; lequel n'eprouve d'autre impul=
sion que celle qui vient de lui même c.a.d
spontanée; d'ou vient que nous attribuons
a l'animal la spontaneité .
L'ame, ce principe interne et spontané, en
qui reside l'activité d'ou derive l'action, s'exer=
ce, sans doute, immediatement sur les nerfs
et le fluide nerveux pour le porter avec
telle rapidité, en telle abondance, selon
telle direction, vers telle partie du corps
qu'il s'agit de mouvoir. Ce fluide penetre
les nerfs depuis le cerveau dans toute
leur longueur, par son affluence et son
expansibilité, penetre en même temps avec
la même force le tissu vasculeux des mus=
cles dans lesquels les nerfs sont entrelacés;
d'ou il arrive que les nerfs deviennent
comme autant de petites cordes qui font
jouer les muscles comme autant de leviers
destinés a agir plus immediatement sur
les parties qui doivent etre mises en jeu.
De plus en considerant chaque fibre mus=
culaire comme une chaine de vesicules
infiniment petites, on peut concevoir que
les nerfs qui se distribuent dans le muscle
y apportent une abondance d'Esprits ani=
maux qui s'insinuant dans toutes ces ve=
sicules les distendent, les forcent a se gon=
fler, ce qui doit necessairement 1 mot biffure
raccourcir les fibres entieres a peu près
comme l'eau dont on mouille une corde
attachée a deux poids raccourcit cette
corde en la gonflant. Or tout ainsi que
<53v> le gonflement de la corde force le corps le
moins pesant a se rapprocher de l'autre, de
même le gonflement d'un muscle, en rap=
prochant de force les extremités, produit
un deplacement dans l'extremité qui est
contrainte de ceder, et ce deplacement doit
necessairement forcer la partie ou l'os ad=
herent, de se porter vers l'endroit ou la
contraction deploie son effet; ce qui en=
fin produit le mouvement de tel ou tel
organe ou membre destiné a produire
tel ou tel effet, au dehors, repondant
a la determination spontanée. Voiés
les articles muscles et mastication.
Mais de quelque maniere qu'on pretende
expliquer la chose, rien n'est plus cons=
tant que ce fait; c'est que toutes les parties
du corps animal en santé, obeissent sur
le champ a chacune des impulsions spon=
tanées du principe qui l'anime.
CONNEXION DE LA SENSIBILITE ET DE
L'ACTIVITE.
Rien de plus marqué chès l'homme que
la connexion intime de la sensibilité et
de l'activité. Un objet s'offre a ses regards,
voila les fibres, les solides, les tuniques, les
humeurs, le fluide nerveux, le nerf opti=
que mis en jeu, et l'image de l'objet se
forme dans le cerveau. Si cette image
est agreable, riante, son ame qu'elle oc=
cupe se reploie sur elle même, et deploie
son activité; le premier effet se produit sur
les nerfs et les muscles du visage ou se
repand un air de satisfaction qui se fait
appercevoir surtout dans les yeux; cela
est bïentot suivi de quelque geste, et enfin
d'un devellopement de forces musculaires
sur les membres pour exercer quelque
action sur l'objet. Telle est la chaine qui
lie ordinairement les impressions des sens,
les fonctions du cerveau, la determination
spontanée de l'ame, et les mouvemens
qu'elle produit.
<54> PREROGATIVES DE LA VIE ANIMALE.
INSTRUCTION DES SENS.
Ce qui releve l'excellence de la nature ani=
male sur la vegetale c'est qu'etant destinée
a sentir et a jouir du bien etre, 2 lignes biffure, elle est
capable de veiller elle même a la conserva=
tion de son Etre et a ses jouissances, etre
qui lui donne cette capacité c'est la connexion
intime qu'il y a chès elle entre la sensibilité
et l'activité spontanée.
Chès l'homme, les organes sensibles sont les
seuls moiens de communication qu'il ait
avec les objets exterieurs, soit pour en eprouver
actuellement les impressions agreables ou
desagreables, soit pour etre averti a temps de
leurs influences bonnes ou mauvaises sur
son etat, et par la deploier ensuite son activité
dans la vue de rechercher et saisir ceux qui lui
sont salutaires, et de fuir ou eloigner ceux
qui lui sont nuisibles.
Ainsi les sens sont comme autant de senti=
nelles qui veillent a ses besoins et qui l'aver=
tissent lorsqu''il doit agir et comment il doit
agir, en même temps qu'ils sont les premieres
avenues de ses connoissances, qui sont toujours
proportionnelles au degré de perfection de ses
organes sensibles.
Les sensations desagreables qu'il eprouve
sont destinées a l'eloigner des choses qui pour=
roient nuire a son bien etre: ainsi par ex:
le deplaisir dont il se sent affecté a l'ouie de
sons aigres, rudes, discordans, ou a la vue
d'objets difformes, lui annonce quelque
chose hors de lui qui n'est point en rapport avec
ses organes, qui peut les fatiguer, dechirer
&c. et dont il doit se defier. Mais cela est
bien autrement manifeste par rapport aux
autres sens; le desagrement attaché aux
saveurs acres, aux odeurs fetides, aux
au toucher des choses apres, rudes, gluan=
tes, visqueuses, l'avertit sans equivoque
<54v> qu'il y a hors de lui des choses qu'il ne doit
porter ni a la bouche ni au nez, ou dont
il doit s'eloigner.
Observons cependant que cette instruction
des sens n'a pu ni du etre uniforme pour
tous les Etres animés. Il n'etoit pas été a pro=
pos qu'ils eussent tous le même degré d'aver=
sion pour les mêmes objets, ni la même in=
clination pour d'autres. Le plan de la Sa=
gesse divine demandoit une varieté infi=
nie d'objets, et en même temps une telle
varieté d'organisation chès les Etres animés
que le même objet soit agreable et utile
a l'un, desagreable et funeste a l'autre,
pour que chacun put choisir son mieux et
que tout fut mis a profit; il falloit que
le gramen, chiendent et le chardon
fussent pleins d'attraits pour l'ane, et en
même temps le rebut des autres animaux
paturans.
Et parmi les hommes même, il en est qui
sont 1 mot biffure agreablement affectés de la
vue, de l'odeur, du gout de certains objets qui
font des impressions desagreables sur d'autres;
il n'est pas même rare de voir des effets de
sympathie ou d'antipathie pour certaines
choses, qui sont tout a fait extraordinaires.
On peut attribuer ces phenomenes a certaines
constitutions particulieres de l'organisa=
tion et du genre nerveux 1 mot biffure ches certaines per=
sonnes, a la suite en vertu desquelles les particules
qui s'exhalent de certains corps quoiqu'ils
n'excitent que des impressions agreables, ou
du moins indifferentes chès le commun des
hommes, portent chès les premiers certaines
irritations sur les fibres sensibles, 1 mot biffure d'ou
resultent pour elles des sensations desagre=
ables. Cela vient le plus souvent aussi de
ce que 3 mots biffure les organes sensi=
bles ont eprouvés certaines alterations qui
ont porté atteinte a leur constitution natu=
relle, ou de ce que la mollesse et les excès,
<55> en emoussant ces organes, ont été a
ces personnes l'energie exquise du sen=
timent qui s'est conservée chès les autres
dans son integrité.
Observons aussi que par une suite de la
degradation de l'espece, de son assujetissement
a mille maux divers, il est arrivé que nom=
bre de choses qui affectent desagreablement
le palais et l'odorat, sont devenus des spe=
cifiques propres a detruire les principes de
certaines maladies opiniatres et peuvent
ainsi etre mises dans la classe des maux
qui deviennent des biens, en remediant
a d'autres maux plus funestes. Ainsi
l'amere et degoutante fougere qu'on ne
peut avaler sans faire violence a la nature
est devenue une plante precieuse depuis
qu'on a decouvert sa proprieté vermifuge.
Enfin tout ce qu'on pourroit dire ne
detruira jamais la verité de ce fait
general, c'est que les sens sont les inter=
pretes de la nature pour nous indiquer
ce que nous devons rechercher ou fuir,
et les ressorts d'activité que nous devons
mettre en jeu pour suivre ses instructions.
ORGANE UNIVERSEL.
Les nerfs de tous les organes sensibles
aboutissant tous au cerveau, pour y por=
ter les impressions qu'ils ont recues, et même
plusieurs de differens genres a la fois
dont l'homme s'appercoit au même ins=
tant, ces nerfs doivent necessairement
avoir des correspondances secrettes, qui
leur donnent une grande ïnfluence les
uns sur les autres, et doivent enfin les
amenent enfin tous ensemble vers a un point com=
mun de reunion, que l'on a appellé
le sensorium commune, ou rendes vous
commun de toutes les sensations, et l'orga=
ne universel ou se reunissent toutes les
impressions portées jusques la depuis les
divers organes sensibles.
<55v> C'est cet organe qui porte immediatement
a l'ame cette perception qui saisit toutes les
impressions a la fois, et c'est ce point com=
mun ou elles se fixent et s'arretent pour
etre gardées ensemble comme presentes, et
ensuite retrouvées et rappellées au besoin.
Chaque organe sensible ne reçoit qu'une
impression actuelle, mais l'organe univer=
sel 1 ligne biffure
saisit tout a la fois ce que l'oeuil a vu, l'oreille enten=
du &c. Il combine toutes les impressions
pour en former un tableau que l'ame
saisit en entier par une perception unique.
En même temps qu'il est 1 mot biffure l'organe commun
de sa sensibilité, il est aussi l'instrument
commun de son activité, celui sur lequel
elle deploie immediatement sa premiere
action spontanée, pour etre transmise de
la a tous les nerfs et toutes les parties du
corps qu'elle veut mouvoir.
Organe et instrument d'une delicatesse et
d'une mobilité infinies, a en juger par la
promtitude des impressions qu'il reçoit et
des effets qu'il produit.
L’AME.
Principe unique de sensibilité et d’activité.
Mais cet organe n’est lui même que de la
matiere; ses modifications ne sont que du
mouvement. Or la sensation qui suit le
mouvement, n’est point mouvement elle
même; elle n’est point une proprieté inher=
ente a l’organe; le plaisir que l’yvrogne
trouve a boire du vin, n’est nulle part dans
son corps; cette liqueur ne produit jamais
qu’une impression physique sur des fibres
qui la propagent jusques a l’ame laquelle
s'en trouve agreablement affectée tout comme
elle l’est par une image 1 mot biffure dessinée sur la retine.
Ainsi la sensation existe dans un sujet
qui n'a rien de commun avec entie=
rement distinct de l’organe uni=
versel, sujet que nous appellons ame.
<56> Ainsi nous sommes très fondés de distinguer
dans l’homme l’ame, sujet, principe uni=
que de sensibilité et d’activité, le corps,
organe de sensibilité, instrument d’acti=
vité. Telle est la premiere Loi du regne
animal, ou l’homme se trouve compris
sans aucune difference a l’egard des autres
especes, si ce n’est celle que peut offrir la
maniere et même la superiorité de ses
operations organiques. C’est ce dont
nous allons nous occuper; considerons
d’abrod ses divers organes sensibles.
<56v> CHAPITRE VII.
Des divers organes sensibles qui accom=
pagnent la vie animale de l’homme.
ORGANES SENSIBLES
Il y a une difference bien marquée entre
les divers organes sensibles et les diverses sensations qui
en derivent; et de la quand nous eprouvons
quelque impression, nous distinguons d'abord
le sens qui est a été affecté, et ensuite l'espece d'objet
d'ou elle est venue.
Cette difference provient suivant les uns
de la diverse constitution des fibres elemen=
taires dont chaque organe est composé et
qu'ils supposent appropriée a sa mechanique
et a sa fin: ils attribuent même a chaque
organe une diversité de fibres proportionnelle
a la varieté prodigieuse d'impressions que cha=
cun d'eux transmet a l'ame.
D'autres veulent que ces organes ne diffe=
rent entr'eux que par le tissu plus ou moins
serré des fibres elementaires, ainsi que par
leur porition relativement aux objets; d'ou
vient que les uns d'une structure plus gros=
siere et plus a decouvert sont affectés par
le contact des parties les plus grossieres qui
emanent des corps, tandis que d'autres d'une
composition plus delicate, et plus cachée, ne
peuvent recevoir d'impressions que des par=
ticules infiniment petites exhalées des corps
solides ou fluides.
Nous croirions perdre notre temps en nous occupant a discu=
ter des hypotheses sur lesquelles l'experience
ne fournit point de lumieres, et nous devons
ici nous borner aux faits generaux que four=
nit l'observation la plus commune.
LE TOUCHER
Le premier de nos sens, resultat de tout le gen=
re nerveux, repandu par tout le corps, c'est le
toucher ou le tact. Sans ce sens l'homme
seroit privé de tous les autres; jamais du
<57> moins il ne seroit averti des alterations
dont son corps est atteint ou menacé, ni
des causes d'ou elles proviennent, il seroit
dans l'impuissance de distinguer les corps
par le poli ou l'asperité, la dureté ou la
mollesse, le sec ou l'humidité, le chaud ou
le froid, autant de qualités qui lui ma=
nifestent leur rapport avec sa conserva=
tion et son bien etre. En supposant même
que les autres sens puissent exister sans
le tact, leur usage separé des instructions
de celui ci ne seroit aucune source d'illusions,
car ce n'est que par la comparaison des
1 mot biffure instructions du toucher et de celles de la
vue, que nous apprenons a faire un bon
usage de nos yeux comme nous le dirons
ailleurs.
Le toucher n'a point son siege comme les
autres sens, en quelque endroit de la tête,
mais il est repandu dans toutes les parties
du corps, ou par tout on trouve des ramifica=
tions de nerfs. C'est 1 mot biffure par ce sens universel que
1 mot biffure les impressions faites sur toutes
les parties du corps sont portées jusques
au cerveau et a l'ame.
Les parties interieures que la peau recou=
vre sont bien sensibles a la douleur lors=
qu'elles sont blessées ou derangées, et cette
sensibilité accidentelle etoit bien necessaire
pour avertir l'animal du danger, et
l'inviter a y porter un promt remede.
Mais une sensibilité constante dans ces
parties eut été fort inutile, 8 lignes biffure
puisqu'elles ne sont
pas exposées aux im=
pressions du dehors,
et que 1 mot biffure l'animal par
leur moien n'en sau=
roit recevoir aucune
sensation agreable. C'était
donc uniquement dans les parties qui
sont a la surface que la sensibilité ani=
male devoit se develloper d'une maniere
<57v> soutenue et constante pour avertir
sans cesse l'animal de ce qu'il a a eviter
et a rechercher. Telle est la vraie raison
pourquoi le siege du toucher proprement
dit se trouve dans la peau et les mamme=
lons nerveux dont elle est semée, qui s'agitent toutes
les fois qu'un corps
etranger est appliqué
a quelque partie du
notre.
Il est vrai encor que le tact n'est pas por=
té a un point de sentiment aussi exquis
dans toutes les parties du corps, qu'il les a
dans les mains et les doigts, surtout les extremi=
tes ou se terminent une
plus grande quantité
de fibres nerveuses: car quand
les corps etrangers sont appliqués sur
les autres parties il n'en resulte qu'une
impression vague de chaud ou de froid,
de doux ou d'apre, de mol ou de dur, de resistant &c.
Ce n'est que par l'attouchement des maïns
et des doigts 4 lignes biffure ou par l'habitude de
manier les differents
corps dès nôtre enfance,
que nous pouvons
acquerir la faculté
de juger des inegali=
tes de leurs surfaces,
de la disposition de
celles ci, ou de la fi=
gure, des dimen=
sions, des distances
et des la de leurs di=
verses especes comme ce n'est aussi que par eux que
nous pouvons les palper, et les soumettre
a l'examen sous toutes leurs faces.
C'est la raison pour laquelle le mot affecté
au toucher a été pris d'un primitif qui
n'exprimoit que l'attouchement de la main,
et entr'autres l'application de sa main sur
celle d'un autre avec un bruit qui repond
au son tac. toc.
La finesse ou tact propre a la main et aux
doigts provient en partie de leur cons=
titution qui est un tissu serré de fibres ner=
veuses ou le sentiment doit etre d'autant
plus vif qu'il est le resultat 1 mot biffure de
l'action simultanée d'un plus grand nombre
de causes en partie aussi de l'exercice
que l'homme donne continuellement
a ces membres, en touchant tout ce qui
se trouve autour de lui.
On peut en effet distinguer ici un toucher
passif qui ne suppose que l'impression des
objets sur nous, et un toucher actif qui sup=
pose de nôtre part une action sur eux, et
entr'autres de la main pour les palper.
<58> Tous les autres sens apportent leur tribut
a l'ame separement, l'odorat, les odeurs,
le gout, les saveurs &c. Ils nous decouvrent
des proprietés a la
connoissance desquel=
les le tact, ni même
la vüe, ne sauroient
nous amener:
souvent l'ouie, le gout,
l'odorat nous aident
a distinguer deux
corps que nous au=
rions confondu si
nous n'avions consul=
té que la vue et l'attou=
chement. Mais le toucher
est toujours de la partie, il dispose les
autres sens, il met les objets a portée d'agir
sur eux, il rectifie leurs rapports; il est
enfin comme la baze de tous les autres, le genre
dont ils sont des especes 2 mots biffure plus parfaites, car
1 mot biffure ils supposent tous un toucher plus ou
moins subtil ou etendu, et leurs impressions
ne sont que des ebranlemens de fibres
2 mots biffure nerveuses excités par le toucher.
LE GOUT ET LES SAVEURS.
On nomme gout l'organe par lequel l'ani=
mal portant des alimens ou des boissons
dans sa bouche pour les avaler, eprou=
ve des sensations agreables ou desagrea=
bles qu'on appelle saveurs .
Le gout est necessaire pour avertir l'ani=
mal de ce qui peut y avoir dans l'usage
de tel ou tel aliment, de permicieux ou de sa=
lutaire, et surtout pour l'inviter par l'attrait
du plaisir et par l'appetit, a une fonction
animale sans laquelle il ne sauroit con=
server ses forces et sa vie.
C'est celui de nos sens qui est le plus rapproché
du simple du toucher, et dès la même le moins parfait.
Les impressions ne sont que des ebranlemens
que les particules grossieres des alimens ou
boissons produisent sur toutes les parties
du Palais et de la Langue qui est ici le
principal organe, quoique le gosier con=
coure aussi a l'unité de sensation, et
qu'il y ait entre ces trois parties une telle
sympathie que ce qui deplait a l'une deplait
<58v> aussi aux autres, et que lorsque la repu=
gnance est un peu forte, elles se liguent
toutes pour le rejetter.
LE PALAIS.
On a appellé Palais la partie inferieure
de la bouche, qui est comme une concame=
ration palissadée par les dents superieures,
percée de deux trous par ou elle commu=
nique aux narines. Parce qu'on a supposé
que le gout avoit en bonne partie son siege
dans le palais, on a confondu celui ci
avec celui la, et on a dit un palais très
fin.
LA LANGUE.
On a donné le nom de Langue a cet
organe placé au milieu du palais et de
la bouche, qui concourt a la mastication
et a la deglutition, duquel procede principa=
lement le bruit qu'on fait en mangeant;
organe qui joue aussi un si grand rôle
dans l'articulation des sons. 2 lignes biffure
Sa composition de fibres charnelles lui
permet toutes sortes de figures, et le tissu
moëlleux dont elles sont entremellées rend
ce composé 1 mot biffure d'autant plus souple
et flexible. Une partie de ces fibres allon=
gées, hors du corps de la Langue forment
ces muscles exterieurs qui la portent de
toutes parts et le meuvent dans tous les
sens des ramifications d'un nerf repan=
du dans toutes ses fibres, se forment sur
sa surface des boucquets, des houppes,
mammelons, ou papilles nerveuses, qui
contribuent plus a la sensation du gout.
<59> Ces mammelons sont d'une structure un
peu differente de ceux de la peau; ils sont
plus gros, plus poreux, plus ouverts, et
abreuvés de beaucoup de Lymphe afin
que les particules savoureuses, arretées
plus longtemps par les asperités, absor=
bées par les pores, et comme fondues
par la lymphe, fassent une impression
d'autant plus profonde et durable.
De cet appareil de mammelons, variés
même pour la figure et l'ouverture, re=
sulte une continuité membraneuse
mince et douce, mais celle ci est recou=
verte d'une surpeau qui donne comme
des gaines aux mammelons, qui percent
au travers; ce qui rend cette membrane
exterieure rude et epaisse.
Ces papilles nerveuses se trouvent sur
toute la Langue, 1 mot biffure principalement a sa pointe, et
dans tout le palais et le fond de la
bouche. Elles pourroient etre toutes
l'epanouissement d'un seul nerf princi=
pal, comme cela a lieu a l'egard des
autres sens; Ce seroit le nerf gustatif
duquel dependroit l'impression des sa=
veurs, et leur propagation au cerveau,
et qui seroit proprement l'organe du
gout.
Au concours du palais, surtout de la
partie qui est a l'entrée du gosier ou
les mammelons se trouvent en plus grande
quantité, il faut joindre celui de l'esophage
et même de l'estomac, ou est le siege de
la faim et de la soif, lesquelles sont liées
si intimement avec le gout, que celui ci
est en quelque sorte toujours a l'unisson
avec elles.
Car c'est un fait qu'après la satieté, ou
la repugnance que la maladie inspire
pour les alimens, le gout se perd ou peu
s'en faut, qu'on peut trouver insipides
les choses les plus savoureuses, et qu'enfin
pour que cet organe reponde a sa destination.
<59v> On ne doit en faire usage que lorsqu'on
y est invité par l'appetit et le malaise
que la faim et la soif feroit eprouver.
L'ODORAT ET LES ODEURS
Le nom d'odorat a été affecté a cet
organe par lequel l'animal eprouve
ces sensations qu'on appelle odeurs, qui
different selon les diverses impressions
volatiles qui s'exhalent des corps.
Cet organe est aussi bien necessaire a l'animal
pour distinguer par les odeurs les divers corps
et l'avertir des choses dangereuses ou nuisi=
bles a sa santé, mais surtout de ce qu'il peut
y avoir de salutaire ou de pernicieux dans
les alimens avant que de les porter a la bouche
d'ou vient que les brutes même ne goutent
rien sans l'avoir auparavant flairé.
Il y a en effet une plus grande affinité entre
les sensations de gout et celles de l'odorat
qu'entre celles d'aucun des autres sens, et ces
deux organes se reunissent ordinairement
dans leur exercice pour exciter l'animal
a l'usage des alimens. L'odorat est 1 mot biffure une
espece de gout, c'est en quelque sorte le gout
des odeurs, et l'avant gout des saveurs. Il
est aussi comme le gout, une sorte de tou=
cher, mais plus delicat et plus fin que le
precedent, dont les impressions sont pro=
duites par l'action que les particules vola=
tiles et extremement subtiles, exhalées
des divers corps en l'air, exercent sur cette
partie que nous appellons le nez .
LE NEZ.
Cette partie a laquelle est rattachée le sens
de l'odorat, offre une cavité partagée en
deux fosses appellées narines , separées par
une cloison, dont la partie superieure est
<60> osseuse, l'inferieure cartilagineuse; Ces
fosses s'elargissent a mesure qu'elles s'eloignent
de l'entrée et se reunissent en une seule ca=
vité qui aboutit au fond du gosier et
communique avec la bouche.
Tout le haut des cavités est tapissé d'une
membrane epaisse, semée d'une multitude
de petites glandes qui filtrent une humeur
glaireuse, visqueuse, blanchatre, quelque
fois verdatre, appellée communement
pituite ; d'ou vient que la membrane qui
la reçoit est appellée pituitaire. C'est de
son obstruction, qui bouche les conduits de
la pituite, que provient l'enchifrenement.
3 mots biffure
La pituite appellée
aussi mucosité , mor=
ve, sert a humecter les parties du
Nez qui s'epanouissent sur cette membrane
et empecher qu'elles ne soient dessechée par
l'air qui passe sans cesse, ce qui offenseroit
l'odorat. 1 ligne biffure
Elle sert 2 mots biffure surtout a entretenir dans les mammelons
nerveux 1 mot biffure la souplesse necessaire
a leurs fonctions, en quoi elle est aidée en=
cor par les larmes que le canal lachry=
mal conduit dans le Nez.
Au dela des cavités sont les cornets os=
seux revetus de la membrane pituitaire,
et sur toute celle ci qui couvre les os spon=
gieux du Nez, aussi que sur toutes les
cavités sinueuses des narines, se repand
et s'epanouit comme un reseau, le
nerf fin et delicat qui se propage jusques
au cerveau pour y porter les impres=
sions, appellé nerf olfactif .
<60v> Lorsque les exhalations entrent dans les
narines avec l'air respiré, elles font des im=
pressions infiniment variées sur le tissu spon=
gieux et le velouté de la membrane pitui=
taire, sur ses mammelons nerveux, et par
la sur tout le nerf olfactif, dont les filets,
en nombre infini, portent au cerveau et
a l'ame autant de diverses sensations appellées
odeurs. Mais c'est toujours l'odeur do=
minante qui se fait distinguer et apper=
cevoir, nonobstant qu'elle soit confondue
avec une foule d'autres qui sont portées
en même temps.
Il est des animaux qui en finesse d'odorat
surpassent l'homme comme p.e. le chien,
parce qu'il a la membrane pituitaire plus
etendue, que son Nez est plus long, et presque
cilindrique dans toute sa longueur.
Mais parce que la membrane est chès l'homme
d'une texture fort deliée, il ne laisse pas d'avoir
l'odorat très fin et très sur.
La perfection de l'organe chès l'homme depend
de l'etendue des cornets, des membranes et
du nerf olfactif, de la delicatesse de leur tissu
et de l'habitude d'exercer ce sens sans en abu=
ser, par la recherche immoderée des odeurs
fortes qui en emoussent la fïnesse, en y joi=
gnant l'attention d'eviter les odeurs acres
ou fetides que ne peuvent qu'alterer des mem=
branes naturellement très delicates.
L'OUIE ET LES SONS.
On a donné le nom d'ouie a l'organe qui
produit les sensations appellées sons .
1 mot biffure L'usage de ce 4e sens est indis=
pensable a l'animal pour l'avertir du
<61> voisinage ou de l'approche des corps, et
des dangers qui peuvent le menacer, sur=
tout lorsqu'il est dans les tenebres; d'ou vient
que lorsqu'il veille pendant la nuit, il est
porté par instinct a tenir toujours l'or=
gane en tension, et qu'il s'appercoit du moin=
dre bruit.
Ce sens ne lui est pas moins necessaire comme
organe de communication avec les animaux
de son espece, pour se faire connoitre mutu=
ellement leurs besoins et leurs desirs, par
le Langage que la nature leur a donné, et
se liguer entr'eux pour leur defense com=
mune contre les especes ennemies.
Que l'homme en particulier seroit a plain=
dre sans cet organe! il ne pourroit former
avec ses semblables aucune societé interes=
sante par la communication mutuelle des
sentimens et des pensées. Qu'on juge de
l'horreur de cette privation par l'ennui
qu'eprouvent les sourds, et par le plaisir
inexprimable qu'ont eprouvé ceux aux=
quels quelque heureuse revolution a
fait recouvrer l'ouie? 3 mots biffure
L'ouie est aussi une espece de toucher
puisqu'elle reçoit les impressions des objets
par l'entremise de l'air dont elle est frap=
pée; car l'air interposé entre l'oreille et le
corps sonore, est comme une corde tendue
entre les deux, qui fait que le mouvement
de ce dernier ebranle les nerfs du conduit
auditif, et qu'on peut dire avec verité, un
son a frappé mon oreille.
Mais c'est ici un genre de toucher super=
ieur 1 mot biffure au gout et a l'odorat, puisqu'il
1 mot biffure s'etend a tout ce qui nous environne,
et même de fort loin, et que l'organe etant plus
delicat encor et plus voisin de l'ame,
il procure a celle ci des plaisirs plus vifs
et plus purs. Avec l'ouie l'homme distingue
<61v> les corps même très eloignés, non par l'ac=
tion de particules qui en emanent, mais
par l'entremise de l'air, qui en reçoit des ebran=
lemens de de divers genres 2 mots biffure,
lors qu'ils font explosion, ou qu'ils eprou=
vent un mouvement d'oscillation et de
fremissement dans leurs parties elastiques;
ebranlemens que l'air par une de ses pro=
prietés admirables, transmet fidelement
aux fibres de l'organe auditif, qu'il y
propage au cerveau et a l'ame, pour
produire chès elle autant de sensations
distinctes que nous appellons des sons.
L'OREILLE
La partie du corps animal ou reside le sens
sens de l'ouie a été appellée l'oreille. Elle se
trouve située a l'endroit le plus convena=
ble pour entendre les sons de loin: elle est
double, placée de part et d'autre de la tête
pour les recevoir de tous les cotés; elle est
a la plus grande proximité du cerveau pour
que l'impression y parvienne avec la plus
grande promtitude. On y distingue la
conque; le conduit auditif; le tympan, la
caisse, les osselets, &c.
1 mot biffure LA CONQUE.
Sa cavité exterieure, nommée la conque
a cause de sa figure 1 mot biffure pourvue
d'eminences et de cavités en spirales, com=
me l'entrée de la coquille d'un limaçon,
sert a double usage; par son etendue,
a rassembler une plus grande quantité
d'air ebranlé, comme dans un enton=
oir pour etre porté avec d'autant plus
de force jusques au fond; par ses contours,
a augmenter la force d'ebranlement, en
soumettant l'air a une multitude de
repercussions, dont le resultat produit ne=
cessairemment un degré superieur de reso=
nance. Cette conque n'a ni la dureté de
<62> l'os, ni la mollesse de la chair, c'est une subs=
tance cartilagineuse qui aux sinuosités
reunit la solidité, le poli et l'elasticité neces=
saires pour remplir sa destination.
LE CONDUIT AUDITIF.
Le son suppose dans le corps sonore un
mouvement de fremissement interne et
un mouvement de vibration, continués
quelques instans. Sitôt que le corps
a recu ce mouvement par quelque colli=
sion, il le communique a l'air environ=
nant, et par une suite de son elasticité
celui ci se trouve agité d'un mouvement
d'ondulation semblable a celui qui est
communiqué a l'eau par le caillou
qu'on y jette, et un mouvement d'oscilla=
tion ou d'allée et de venue, semblable
a celui d'un pendule, mouvemens qui
correspondent a ceux du corps sonore
dont il a reçu l'ebranlement.
Car ce n'est point l'air
mu immediatement
par le corps sonore qui
parvient jusques a
nous: le mouvement
se communique de
tous côtés, en ligne
droite, d'une particu=
le a l'autre, en la fai=
sant avancer a une
petite distance d'ou
sur l'instant elle re=
tourne pour rester
en repos a sa sa pre=
miere place, et ce
1 mot biffure même mouvement
se repete aussi long= souvent que se repete
temps
l'ebranlement; ce
qu'on appelle ondu=
lation, telle precise=
ment qu'elle s'effec=
tue dans l'eau par
les vagues.
Quand cet air agité vient frapper sur la
conque il y est reçu, rassemblé, reflechi
vers le fond, pour etre introduit dans un
canal en partie cartilagineux, en partie
osseux, appellé conduit auditif, par=
ce qu'il conduit l'air, dans une direction
oblique et coudée a la membrane du
tympan, dont 1 mot biffure l'accès est defendu aux
corps etrangers par des poils, tandis
que le fond est humecté et lubrifié par
une humeur epaisse, gluante, jauna=
tre et amere, fournie par des glandes
dont la membrane qui tapisse l'inte=
rieur de ce conduit est revetue; excre=
tion appellée cire , parce qu'elle a la
couleur et la consistence de cette subs=
tance.
<62v> TYMPAN, CAISSE.
Apres avoir traversé le conduit auditif,
l'air sonore vient frapper sur une
membrane tendue au fond de l'oreille,
de figure ovale, un peu obliquement
disposée au devant du passage, afin
qu'elle ne puisse pas etre si facilement
offensée par une pression violente d'air,
attendu quelle est fort mince, et même
transparente, parce qu'elle est composée de
fibres, extremement deliées et d'un tissu fort
serré. Ce qui etoit indispensable parce qu'elle
put etre susceptible de tous les divers de=
grés de tension. Cette membrane fort lisse,
un peu concave du côté du conduit audi=
tif qu'elle termine, est appellée le tympan .
Et comme elle recouvre une 3 mots biffure cavité interieure
qui est derriere et
qui contient aussi de
l'air , celle ci considerée comme fai=
sant un tout avec 1 mot biffure la cavité exterieure a été appellée
la Caisse du tympan a cause de son
analogie avec la caisse du tambour.
LES OSSELETS.
Dans la cavité in=
terieure se trouvent
divers tuyaux dis=
posés d'une façon
particuliere, et for=
més d'une matiere
osseuse et elastique.
Immediatement derriere le Tympan, il y a
dans la caisse 4 osselets qu'on a appellés
a cause de leur figure, l'os orbiculaire,
l'etrier, l'enclume, le marteau. Une
partie de ce dernier, qu'on a nommé man=
che, se colle un peu de biais sur la mem=
brane du tympan, et sert a le tendre plus
ou moins. Tous ces os contribuent par
leurs vibration a augmenter l'ebranle=
ment de la caisse causé par l'air agité,
et dès la même la resonance. Quand la
membrane est lache, les sons faibles, s'y
amortissent et deviennent si peu sensibles
que l'ame n'en est point affectée; mais si la
membrane est tendue, un leger son suffit
<63> pour lui imprimer un ebranlement qui
se communique aussitot aux 4 osselets,
a toute la caisse, et a l'air interieur qui
y est renfermé.
Il est même a observer qu'a ce premier tre=
moussement dont cette membrane est 1 mot biffure
ebranlée, elle est comme excitée a se mettre
a une sorte d'unisson au moien d'une
tension 3 mots biffure soumise aux ordres de l'ame
qui peut mouvoir le fluide nerveux
du côté du manche pour 2 mots biffure
l'operer, 2 mots biffure comme il arrive
lorsqu'on fait effort pour se rendre atten=
tif.
TROMPE D'EUSTACHE.
On appelle trompe d'Eustache un
canal par lequel la caisse du tympan
communique avec la bouche. Son em=
bouchure se trouve vers la partie ante=
rieure du bord de la caisse et il se termi=
ne dans la bouche auprès des ouver=
tures posterieures des fosses nazales.
Par ce canal l'air interieur dont la
caisse est remplie, communique tou=
jours avec l'air exterieur, et se trouve
en equilibre avec celui qui remplit le
conduit auditif; d'ou il arrive que
toutes les vibrations de ce dernier en pro=
duisent des correspondantes dans le premier.
LABYRINTHE.
Labyrinthe chès les Grecs signifioit un lieu
divisé en tant de chemins qui se coupent et
rentrent les uns dans les autres, qu'il est très
difficile a celui sy est engagé d'en trouver
l'issue. Ce nom a été appliqué a une partie
cave de l'oreille, placée au dela de la caisse,
ou il se trouve nombre de sinuosités et de
detours. Cette troisieme partie est separée
de la caisse par une cloison mitoienne, de
substance osseuse, percée de deux trous
appellés fenetre ronde et fenetre ovale,
par ou se fait la communication de l'air.
Elle est composée du vestibule, des trois
<63v> canaux semicirculaires et du limaçon,
canal ainsi appellé parce qu'il fait deux
tours et demi en spirale. Il est separé en
deux rampes par une lame moitié osseuse,
moitié membraneuse; la partie osseuse
occupe environ les deux tiers du diametre
du canal et est très delicate, la membraneu=
se extremement fine n'est que l'expansion
du nerf auditif.
NERF AUDITIF
L'air dont ces cavités sont remplies parti=
cipant au même mouvement que celui de
la caisse, fait une impression immediate
sur les fibres delicates de ce nerf auditif,
qui par son epanouissement tapisse toutes
les parties du Labyrinthe, particulierement
celles du Limaçon dont il forme la lame
membraneuse, ou se fait vraisemblable=
ment le dernier mouvement qui fait pas=
ser l'impression au cerveau et a l'âme;
d'ou il arrive aussi que quand les vaisseaux
sanguins qui accompagnent ce nerf acous=
tique viennent a se gonfler et agiter le
nerf par leur battement, l'ame entend
un son qui vient absolument du dedans
qu'on appelle tintement .
C'est par ce mechanisme admirable que
les modifications des corps sonores devien=
nent par le vehicule de l'air par l'entremise de l'air autant d'im=
pressions distinctes sur le nerf auditif,
qui determinent un reflux d'Esprits ani=
maux vers le cerveau, par lequel elles
sont rapportées a l'organe universel, pour
y devenir autant de sons que l'ame en=
tend et distingue.
Les 1 mot biffure modifications des corps sonores
simultanées se confondent dans l'air,
et impriment un mouvement composé
sur l'organe qui produit dans l'ame une
sensation aussi composée; mais par l'habi=
tude que celle ci acquiert de donner son
attention aux unes plutot qu'aux autres,
<64> elle s'accoutume, comme cela a lieu dans
le jeu de l'organe, a les reconnoitre et les
distinguer, quoique une a ete confondues;
et a mesure qu'elle avance dans cette
analyse, l'ouie devient plus fine et plus
delicate. Ainsi l'homme apprend par
l'oreille a distinguer les sons comme il
apprend a distinguer les couleurs, les
perceptions de grandeur, de figure, de
distance, quoique toutes ces choses fassent
leur impression a la fois sur la vüe et
ne se presentent a l'ame que comme une
perception com=
posée.
SONS ET TONS
Ces sons different entr'eux par des nuan=
ces de douceur ou d'aigreur et de rudesse
qui les rendent plus ou moins agreables et
portent chès l'ame la joie ou le deplaisir.
Ils different encor par des degrés d'inten=
sité et de force, de lenteur ou de prestesse,
et surtout par le ton plus haut ou plus
bas, aigu ou grave, dont le degré depend
du plus ou moins grand nombre d'impres=
sions que l'oreille reçoit du corps sonore
par le canal de l'air, dans des 1 mot biffure
instans egaux. Plus les vibrations sont
promtes et frequentes, plus les sons 1 mot biffure est
aigus; plus elles sont lentes, plus le ton
est grave. Dans les cordes sonores ten=
dues, le ton depend de leur diametre, de
leur longueur et de leur degré de tension,
et cette Loi peut s'appliquer a tous les corps
sonores. Les tons aigus sont produits par
les corps menus, ou courts, ou dont les
fibres sont fort tendues; les tons graves,
par des corps gros, ou longs, ou 1 mot biffure
qui n'ont que peu de tension.
Ces tons soumis a une echelle graduée
peuvent etre artificiellement melangés,
disposés en succession ou associés sous
des combinaisons variables a l'infini,
et produire ce qu'on appelle la melodie
<64v> et l'harmonie dont l'oreille ou plutot l'ame
est si delicieusement flattée.
Au sens de l'oreille correspond la faculté
de former des sons que l'homme peut mo=
difier a l'infini jusques en faire les Signes na=
turels de ses sentimens, ses besoins, ses
1 mot biffure craintes, ses desirs, et par la reveiller chès
ses semblables des sentimens analogues;
il a emploié la même ressource avec le se=
cours de l'air, pour former ce Langage
artificiel qui sert a l'expression de la mul=
titude inombrable de ses pensées.
SURDITE.
Le defaut de l'ouie en tout ou en partie,
qu'on appelle surdité , est causé le plus
souvent par le defaut de flexibilité de la
lame membraneuse du Limaçon; d'ou
vient que cette incommodité est si commune
aux vieillards, chès qui cette lame aug=
mente en rigidité, et que la surdité de=
vient complete lorsqu'elle s'ossifie. La
surdité partielle provient aussi quelque
fois de quelque embaras dans le conduit,
comme de l'abondance de la cire qui amor=
tit l'impression et empeche le tremoussement
du tympan, ou de quelque accident sur=
venu a cette membrane; il arrive même
dans ces cas que des personnes fort sourdes
entendent bien quand elles ouvrent la
bouche, parce que les modifications des
corps sonores entrent par ce canal dans
la caisse inferieure ou elles deploient 1 mot biffure
ment leur action.
LA VUE
LA VUE.
La vue 2 lignes biffure est d'une
necessité indispensable a l'homme lié par
tant de rapports aux objets prochains et
eloignés, pour lui donner connoissance
non seulement de leur couleur et de leur
<65> figure, mais encor, de leur grosseur, leur
position, leur distance entr'eux et par rapport
a lui pour le mettre en etat de les reconnoi=
tre et distinguer promtement, de les decouvrir, les chercher,
les saisir, ou les eloigner ou les fuir, et
ensuite de se transporter lui même de l'un a
l'autre; de se placer a des distances convena=
bles, dans le lieu le plus a portée, pour en re=
cevoir les impressions bienfaisantes, ou pour
en eviter les influences funestes, ou pour
exercer quelque action sur eux, ou par
leur entremise.3 mots biffure
Sans la vüe que le sort de l'homme seroit
deplorable! a quoi se reduiroit son commer=
ce avec ses semblables et avec le reste de sa
nature! Il ne manqueroit pas de soubscon=
ner qu'il existe autour de lui mille objets
propres a lui procurer des jouissances a=
greables, et il ne pourroit jouir d'aucun,
ni realiser aucune de ses chimeres ideales;
il seroit sans cesse obsedé d'un desir va=
gue de jouir, et il ne connoitroit point les
objets auxquels il pourroit adresser ses
voeux pour les satisfaire. Qu'on en juge
par la vie malheureuse que menent les
aveugles de naissance, quand même ils
trouvent dans la societé des clairvoians,
tant de consolations qui seroient ïncon=
nues si tous les hommes etoient privés
de cet organe precieux.
La vue est aussi une espece de toucher
qui nous fait distinguer les objets par la
diversité des impressions que font 3 mots biffure
les rayons differemment colorés de
la lumiere qu'ils reflechissent ou qu'ils
envoient aux yeux.
Mais c'est de tous les sens celui qui s'etend
sur un plus grand nombre d'objets a la
fois, et de ceux même qui sont placés au
plus grand eloignement. C'est aussi de tous
le plus delicat, le plus sensible, le plus acces=
sible a toutes sortes d'impressions, dont la
diversité infinie, par leur transmission au
cerveau et a l'ame, produit cette varieté in=
finie de sensations que nous appellons couleurs.
<65v> C'est aussi celui de nos sens qui est le plus
voisin du cerveau comme etant plus pre=
cieux, celui qui procure les plaisirs les plus
purs, dont il est très rare qu'on se lasse.
L'OEUIL
Rien n'est aussi plus admirable que cette partie
du corps qui est l'organe de la vüe; on
l'appelle oeuil , et le plus souvent les yeux
parce qu'il est double.
L'oeuil est un corps globuleux composé
de vaisseaux sanguins, de nerfs et de
muscles. On y distingue principalement
les tuniques ou envelloppes, et les hu=
meurs.
L'exterieur de l'oeuil est formé par trois
tuniques disposées l'une sur l'autre, qui
ne sont que le prolongement et l'epanouis=
sement du nerf appellé optique parce
que c'est de son 1 mot biffure action sur
le cerveau que resulte la vision.
LE NERF OPTIQUE.
Le nerf optique partant du cerveau,
vient aboutir au centre du globe de l'oeuil.
Il est composé de trois membranes princi=
pales qui s'epanouissent pour former l'en=
ceinte du globe, savoir la dure-mere qui
l'envellope exterieurement; la pie-mere,
<66> qui est la seconde envelloppe; la moëlle
qui forme une substance plus molle, ren=
fermée dans les deux autres, sur laquelle
se fait l'impression des objets et leur
peinture.
SCLEROTIQUE, CORNEE.
Ainsi de l'expansion de la dure-mere se
forme la tunique anterieure de l'oeuil
appellée sclerotique a cause de sa dureté
et cornée transparente parce qu'elle est
transparente, comme de la corne. Elle
est arrondie, convexe, faillante 1 mot biffure pour
recevoir les rayons lumineux qui partent
des objets placés en face et de côté jusques a une
certaine distance, en sorte que sans tour=
ner sa tête, l'homme puisse les voir et les
distinguer avec netteté. C'est une chose
admirable que sur une surface d'environ
7 lignes de longueur, sur 4 de hauteur,
cette tunique puisse rassembler sans con=
fusion, les raions de tous les objets conte=
nus dans une enceinte de quelques lieues
a la ronde; il y a quelque chose de plus
merveilleux encor c'est que ces raions
deviennent convergens, 1 mot biffure et vont se reunir sur un
point au fond de l'oeuil pour y former
une image distincte de tous ces objets.
CHOROIDE, UVEE, IRIS.
De l'epanouissement de la pie-mere
nait une seconde tunïque appellée
choroide parcequelle est toute semée de
vaisseaux distinctement separés, et
uvée , parce qu'elle est teinte d'une hu=
meur semblable au jus de raisin bien
foncé. Elle s'etend depuis le tronc du nerf
optique jusques aux bords de la cornée
transparente ou elle s'attache assès for=
tement. Et de la se jettant en dedans
de l'oeuil, elle y forme un plan circu=
laire <66v> percé dans son milieu.
Ce cercle qu'on appercoit au travers de la
cornée, appellé Iris , nom de l'arc en
ciel, a cause de ses diverses couleurs,
sert de tour a un trou rond qu'on appel=
le pupille ou prunelle qui sert d'ouver=
ture pour donner passage aux rayons
qui penetrent de la dans le cristallin.
L'Iris est un composé de fibres musculaires
susceptibles de contraction, les unes en cercles
concentriques, les autres en raions dont la
contexture est destinée a dilater l'ouverture
de la prunelle, lorsque cela est necessaire pour
recevoir plus de raions, et a la contracter pour
n'y laisser entrer les raions qu'en quantité
necessaire, et en defendre l'entrée a un super=
flu qui pourroit frapper trop vivement la
retine et par la obliger l'oeuil a se fermer.
C'est La dilatation de la prunelle est produite
par la contraction et le racourcissement
des fibres en raions qui vont de la a l'Iris,
et le resserrement est causé par la contrac=
tion des fibres circulaires. La dilatation de
cette partie chès l'homme lorsqu'il passe du
grand jour a l'obscurité, et son resserrement
lorsqu'il passe de l'obscurité au grand jour,
sont aisés a observer, mais ils sont encor
plus sensibles chès les chats dont la pupille
est etroite et ovale pendant le jour, mais
ronde et très ouverte pendant la nuit; de la
vient qu'ils peuvent recevoir assès de raions
pour distinguer les objets dans les tenebres
et remplir leur destination.
<67> D'une partie de l'epanouissement de la pie mere
se forme aussi le ligament ou couronne
ciliaire, selon d'autres, interstice, ou le
cristallin est comme emboité; quelques uns
en font une tunique separée qu'ils appel=
lent christalline.
LA RETINE.
Enfin de l'epanouissement de la partie me=
dullaire du nerf optique se forme une
tunique qui tapisse tout l'interieur du
fond de l'oeuil, laquelle humectée au
point d'etre baveuse, et d'un fond noiratre,
a cause de la couleur noire de la choroi=
de qui est derriere et qui sert en quelque sorte
a l'etamer pour en faire un miroir, d'ail=
leurs pourvu d'une finesse exquise, qui
la rend accessible aux impressions les plus
legeres, se trouve par ces circonstances precisement conditionée
comme il convient pour recevoir les ima=
ges des objets dont la perception consti=
tue la vision. Cette tunique se nomme re=
tine a cause de son tissu en forme de petits
rets ou filets: 2 mots biffure d'ou vient qu'on l'ap=
pelle aussi tunique reticulaire, retiforme.
LES HUMEURS.
L'Interieur du globe est divisé en trois
concamerations qui renferment 3 hu=
meurs de differente consistence. Dans la
concameration anterieure se trouve une
liqueur très limpide semblable a l'eau
quoique spiritueuse, puisque le grand
froid ne la gele point. On l'appelle humeur
aqueuse. Elle peut se reparer par des
vaisseaux destinés a l'extraire, lorsqu'elle
vient a s'echapper par la piqure de la
cornée. 1 mot biffure.
<67v> L'espace du milieu est occupé par une
humeur transparente, mais qui a beau=
coup plus de consistence que la precedente,
composée de lames très minces et disposées
les unes sur les autres, semblable pour la
figure a un verre lenticulaire convexe
des deux cotés. On l'appelle humeur
christalline ou le cristalin , qui est en=
chassé dans la couronne ciliaire, comme
un diamant dans un chaton, et tenu
par elle suspendu vis a vis de la prunelle
pour qu'il soit a portée de recevoir les raions
qui ont traversé celle ci: c'est aussi
pour cela qu'il est doué d'une certaine
mobilité par laquelle il peut suivre
les mouvemens de la prunelle, lors=
qu'elle parcourt ce champ, que nous
appellons le blanc de l'oeuil.
Au fond de l'oeuil est contenue une
liqueur très limpide, semblable au blanc
d'un oeuf, en plus grande quantité que
les deux autres, qui a plus de consistence
que l'humeur aqueuse, mais beaucoup
moins que la cristaline; on l'appelle
humeur vitrée parce qu'elle ressemble
a du verre fondu: Elle sert a tenir
toujours le cristallin a une distance
convenable du fond de l'oeuil.
VISION.
Cette description de l'oeuil suffit pour nous
montrer comment se forme la vision des objets et
des couleurs.
Les raions de lumiere, emanés ou reflechis
avant d'arriver au fond de l'oeuil, souf=
frent necessairement 3 refractions qui
changent leur direction primitive; la
premiere en passant de l'air dans l'hu=
meur aqueuse, la 2e en passant de l'humeur
<68> aqueuse dans l'humeur cristaline, et
la 3e passant de celle ci dans l'humeur
vitrée. La 1e et la 2e les rapprochent de
la perpendiculaire, mais la 3e les en eloi=
gne, parce que le cristallin est plus dense
que l'humeur vitrée. Mais parce qu'ils
sortent du cristallin par une surface
convexe, et qu'ils entrent dans l'humeur
vitrée par une surface concave, il arri=
ve de la, selon les Loix de l'optique,
qu'en s'eloignant de la perpendicu=
laire, ils deviennent en même temps
plus convergens. Ainsi le cristalin
fait la fonction d'une lentille qui rap=
proche les raions a un tel degré de
convergence, qu'après avoir traver=
sé l'humeur vitrée, ils se trouvent
tous, precisement au point commun
ou ils doivent se reunir pour y former
une image.
De chaque point de la surface d'un
objet exposé a la vue, il part un cone de
raions lumineux dont la pointe tou=
che l'objet et la base tombe sur la pu=
pille, ce qui suppose que jusques la les
raions sont divergens. Mais pour
former l'image dans un point, il faut
qu'ils deviennent convergens , et c'est
ce qui s'opere par les refractions qu'ils
eprouvent au travers des humeurs.
Ainsi ces raions lumineux forment
dans l'oeuil un second cone opposé
au precedent par la base et aiant sa
pointe au fond de l'oeuil sur la retine,
ou ils se reunissent en un point qui
fait l'image correspondante au point
de l'objet d'ou le cone est parti.
De tous les points de la surface de l'ob=
jet, il part tout autant de cones sem=
blables, et a ceux ci correspondent
<68v> au dedans de l'oeuil autant de points 1 mot biffure
qui font l'image; 3 mots biffure par la le
dessin de l'objet se trace comme en minia=
ture au fond de la retine, et d'une maniere
si exacte que les parties les plus petites y
sont rapportées sans confusion avec tou=
tes les couleurs et les ombres qui les sepa=
rent. Ce mechanisme pourroit etre compa=
ré a celui d'une chambre obscure au fond
de laquelle les objets du dehors se peignent
distinctement au travers d'un verre,
sans laisser neanmoins aucune traver=
ser le papier qui reçoit le dessin.
L'impression de cette image sur le nerf
optique, dont la retine n'est qu'une ex=
pansion, est portée par celui ci au Senso=
rium commune, et a l'ame qui en reçoit
cette perception, que nous appellons vi=
sion, et ces sensations appellées couleur,
qui nous font voir les objets sous des
apparences diverses.
Rien de plus merveilleux que les moiens
dont la nature a prouvu l'homme pour
concourir aux effets de la vision. Si la reu=
nion des rayons n'etoit pas encor faite lors=
qu'ils arrivent a la retine, ou si elle se fai=
soit avant qu'ils y soient parvenus, il
n'y auroit aucune vision distincte. 1 mot biffure
Or cela doit dependre de l'angle de diver=
gence des raions et des la même de la
distance des objets relativement a l'oeuil.
Quand les objets sont près, et par la même
les raions fort divergens, pour que leur
reunion ne se fasse pas après qu'ils sont
arrivés a la retine, il faut necessairement
un moien pour reculer celle ci, et c'est ce
moien que le createur a mis a nôtre portée
en formant les muscles obliques que nous
pouvons dans le besoin contracter, pour
allonger le globe de l'oeuil 1 ligne biffure
et en même temps rendre la
<69> la cornée plus convexe 2 mots biffure et plus eloignée de la retine.
Quand les objets sont eloignés et les raions
moins divergens, pour que leur reunion
ne se fasse pas avant que d'etre arrivés
a la retine, il faut necessairement quelque
moien pour rapprocher celle ci, et c'est en=
cor ce moien que le Createur nous a four=
ni 1 mot biffure dans la contraction de certains muscles
qui rapprochent le cristalin de la retine
par la compression de l'humeur vitrée,
et qui en meme temps applatissent le devant de l'oeuil.
La vision des objets se fait egalement
soit par les raions directs, soit par les
raions reflechis, ou rompus (refractés.).
La grandeur apparente des objets dans
des images sur la retine, peut varier ches
la même personne suivant les disposi=
tions ou se trouve l'organe, et chès diver=
ses personnes, selon les accidens de la
construction, mais les proportions de=
meurent toujours les mêmes, et sur
le plus petit espace, se peignent une
vaste etendue d'objets avec leurs cou=
leurs, leurs ombres, leurs distances
2 mots biffure respectives et leurs gran=
deurs apparentes.
Les objets se peignent sur la retine
renversés, et nous devrions, naturellement
les voir tels, mais nous les supposons
droits, parce que dès l'enfance, nous
contractons l'habitude de rectifier les
rapports de la vue par ceux du tou=
cher, et de rapporter chaque point du
dessin a la partie de l'objet, d'ou nous
savons que le point est parti.
Quoique l'organe soit double, il n'y a
qu'une vision, parce que les deux images
sont rapportées par les deux axes optiques
<69v> a un seul et même point d'impression
qui agit avec d'autant plus de force sur
le sensorium. Deux yeux etoient neces=
saires pour que l'homme put voir l'ob=
jet des deux côtés, embrasser un plus
grand angle visuel, et saisir un plus
grand nombre d'objets a la fois.
DEFFAUTS DE L'ORGANE
L'organe merveilleux de la vue est plus
ou moins parfait selon qu'il est constitué
de maniere a saisir un plus ou moins
grand nombre d'objets a la fois, avec
plus ou moins de netteté, a une plus
ou moins grande distance.
La privation totale de la vue, appellée
aveuglement , peut provenir ou de la
paralysie du nerf optique qui le met
hors d'etat de recevoir aucune impres=
sion de l'image, ce qui arrive dans la
maladie appellée goute sereine, ou
de l'epaississement des humeurs, qui leur
fait perdre toute transparence et
aptitude a ouvrir passage aux raions
entr'autres celui du cristalin, lorsqu'il
est attaqué de la cataracte, ou enfin
de l'opacité survenue par quelque ac=
cident a la cornée qui ne laisse plus
passer de raions.
Il y a aussi des deffauts qui font appeller
la vüe mauvaise. Telle est la vue des
myopes qui ne peuvent rien voir
sans fermer presque les yeux; ils ont la
vüe courte, ils ne voient distinctement
que de près, quoiqu'avec peu de lumiere
mais a quelque distance, ils voient tout
<70> trouble et n'appercoivent pas les objets dès
qu'ils sont un peu eloignés. Cela vient de
ce que leur oeuil est trop rond, le cristallin
trop convexe, et que les rayons se croisent
avant d'arriver a la retine. Pour remedier
a ce vïce il leur faut un verre qui les ren=
de moins convergens, c'est a dire, con=
cave, et dont la concavité soit graduée
sur le deffaut de l'oeuil.
A ceux la sont opposés les presbytes , c.a.d
ceux qui sont dans le cas des vieillards
qui voient mieux de loin que de près, [quoi
que toujours foiblement et d'une maniere
un peu confuse]. 5 lignes biffure Ce defaut vient de
ce que leur oeuil est
trop plat, ou par
une suite de confor=
mation naturelle de
la cornée ou du cris=
tallin ou par une
suite de l'age qui
ameine l'applatisse=
ment de ces parties
a mesure qu'elles se dessechent; d'ou il arrive que les
refractions sont trop foibles, et que les raions
ne peuvent se reunir qu'au de la de la
retine. Pour remedier a ce deffaut, on
emploie un verre lenticulaire convexe
qui fait converger les raions, et les reu=
nit au point ou il faut, en les rassemblant
même en plus grand nombre. Les variations
qui surviennent a la vue avec l'age ne vien=
nent que des changemens dont la convexi=
te du cristallin avec la cornée est susceptible.
APPENDICES DE L'ORGANE.
Les yeux sont munis de defenses exte=
rieures qui les mettent a l'abri d'accidens.
Ils sont placés dans la tête a une certaine
profondeur, dans une cavité formée par
<70v> des os durs, espece de chaton appellé
orbite .
Chaque oeuil est recouvert de deux mem=
branes qui en se fermant a tout instant
empechent l'action trop longtemps soutenue
des raions, et pendant la nuit, demeu=
rent constamment fermés pour favori=
ser le sommeil; on les appelle paupieres ,
la superieure et l'inferieure.
Elles sont garnies de petits poils nom=
més cils qui garantissent l'oeuil du
trop grand jour, et des corpuscules etran=
gés qui pourroient le blesser.
A la racine des cils sont de petits vais=
seaux qui filtrent une humeur glu=
ante et visqueuse propre a entretenir
la souplesse des cartilages des pau=
pieres, et empecher qu'ils ne se froissent
l'un contre l'autre dans les clignotemens.
Lorsqu'elle est abondante et epaisse elle
forme la chassie.
Les poils placés en demi cercles au
dessus des cils, appellés pour cela sour=
cils servent a empecher qu'il n'y tombe
de la sueur decoulant du front avec
de la poussiere.
Chaque oeuil a sa glande lachry=
male placée du côté du petit angle,
qui filtre une liqueur necessaire pour
entretenir la soupplesse des paupieres,
deterger les yeux, et faciliter tous les
mouvemens du globe. Ce n'est autre
chose qu'une humeur aqueuse, limpide
subtile, un peu salée et amere, 1 mot biffure
ce qui la fait appellée Larme. Elle est
<71> portée sans cesse par le mouvement des yeux
et des paupieres vers l'angle interne ou
elle est pompée par des ouvertures des
tuiaux appellés points lacrymaux et rever=
sée dans la partie superieure du Nez par
le canal Nazal. S'il se fait dans la glan=
de lacrymale une irritation violente par
l'entrée de quelque corps etranger ou par
quelque affection douloureuse de l'ame,
qui, en interrompant le cours du sang
dans les parties qui environnent l'oeuil,
y produisent un gonflement, d'ou suit
une compression des vaisseaux lympha=
tiques et de la glande même, qui procure
une secretion trop abondante pour etre
resorbée a mesure par les points, alors
l'humeur se forme en goutes qui coulent sur
les joues, et c'est proprement ce qu'on
appelle larmes ou pleurs .
MUSCLES. MOUVEMENS DES YEUX.
Les paupieres ont des muscles propres
par lesquels nous ouvrons et fermons les
yeux avec la plus grande facilité, ce qu'on
appelle clignoter .
Les yeux ont aussi des mouvemens frequents
et rapides, et pour empecher qu'ils ne se bles=
sent contre les os de l'orbite, celui ci est
garni interieurement d'une graisse qui
leur sert de matelas: d'ou vient que quand
le corps s'amaigrit les yeux s'enfoncent
par un effet de la diminution de cette
graisse.
Les mouvemens s'executent par le moien
de six muscles principaux, 4 droits, et
<71v> deux obliques. Les premiers servent a
1 mot biffure elever l'oeuil ou l'abaisser, ou le diriger
a droite ou a gauche sans l'incliner.
Le 1r est appellé le releveur ou le superbe
parce qu'il fait regarder le ciel; le 2d
l'abaisseur ou l'humble parce qu'il fait
regarder la terre; le 3e l'abducteur ou le
dedaigneux parce qu'il retire l'oeuil vers
le petit angle et fait regarder par dessus
l'epaule; le 4e est l'adducteur qui tire
l'oeuil vers le grand angle. Les deux
obliques embrassent et meuvent l'oueil
mais comme transversalement, en l'in=
clinant l'un vers la pointe du grand
angle, l'autre vers celle du petit angle;
ce qui sert a faire tourner l'oeuil un
peu sur son axe. On les a appellés ro=
tateurs ou circulaires parce que leur
concours fait mouvoir les yeux en rond,
et amoureux parcequ'on les emploie
pour former le coup d'oeuil 2 mots biffure
qui annonce l'amour reciproque.
Rien de plus expressif que les yeux;
l'ame vient s'y peindre en quelque sorte
malgré elle comme dans un miroir.
elle sait aussi se prevaloir de leur no=
ble et gracieuse mobilité, susceptible de
modifications infiniement variées, pour
les faire servir a l'expression des divers
mouvemens qui l'agitent. Cela ne peut
s'expliquer que par la communication
que la nature a mise entre les nerfs
aboutissans aux yeux, soit avec ceux
du coeur, soit avec les organes du
cerveau, dont l'agitation ne peut
que produire divers mouvemens dans
les nerfs d'ou dependent les regards
et les coups d'oeuil.
<72> CHAPITRE VIII.
Des prerogatives de l’homme par rapport
aux organes sensibles, dont il peut eten=
dre la portée et perfectioner l’usage.
PREROGATIVES.
Les cinq organes sensibles sont com=
muns a la plupart des especes animales
connues, auxquelles elles sont aussi
necessaires qu'a l'homme; mais a cet
egard, celui ci est très 1 mot biffure dis=
tingué par les prerogatives suivantes.
1° SUPERIORITE NATURELLE DES ORGA=
NES CONSIDERES DANS LEUR
ENSEMBLE.
Quoique l’homme soit surpassé par cer=
tains animaux pour la delicatesse, la fi=
nesse, l’etendue et la portée de tel ou tel or=
gane, selon la Sage proportion que le cre=
ateur a etablie entre la perfection de l’orga=
ne et les besoins ou la destination de l’animal,
quoiqu’il soit inferieur p. e. au chien
et au vautour pour la finesse de l’odorat,
a l’ane, et a la taupe pour la delicatesse de
l’ouie, a l’aigle pour l’etendue et la netteté
de la vue &c. Cependant il n’est aucun
animal qui reunisse tous les sens pris
ensemble a un degré de perfection naturelle
plus avantageux a son bien etre, sa tran=
quillité, son repos, ni qui puisse en faire un
usage aussi etendu, aussi frequent, aussi
varié, pour recevoir des impressions de
toute espece, de toute nuance, et de la part
de toutes sortes d’objets. Il se trouve favo=
risé a cet egard soit par la construction
particuliere et interne de ses organes, soit
par leur position externe dans la tête,
soit par les flexibilité de celle ci. Par sa posture
droite, elevée, la liberté des mouvemens de
tout son corps et l'aisance de sa marche
pour se transporter ou il veut.
<72v> 2° FACULTE D’APPLIQUER SES ORGANES
A L’OBSERVATION EXACTE DES OBJETS.
Les sensations que recoivent les brutes par
le même organe ou par divers organes a
la fois, sont autant de perceptions confu=
ses, sans aucune image des objets nettement
tracé. Elles nous donnent des traits mar=
qués de reminiscence, d'association de sen=
sations, mais aucun de la faculté de for=
mer tel ou tel assemblage de 5 lettres biffureperceptions
correspondant aux diverses parties ou
circonstances d'un objet dont il soit la
peinture exacte, ni de la sa memoire active
qui s'exerce a le fixer, le retenir, 1 mot biffure
pour le rappeller a volonté. Ainsi une
des belles prerogatives de l'homme est
la faculté de recevoir les impressions simu=
ltanées des objets sans confusion, de
reunir chès lui diverses sensations in=
duites par le même objet, sous une seule
et même image, formée de traits distincts,
qu'il peut retenir, fixer, rappeller au
besoin comme peinture exacte, et en
faire un a son gré l'objet de son atten=
tion. C'est de la que l'homme seul peut
faire usage de ses sens pour observer
les objets, c.a.d pour s'en former des
images vraies et exactes dont il puisse
se rendre comte a lui même, quand il lui
plait, et les faire reparoitre au be=
soin.
Joignés a cela le privilege exclusif que
lui donne son Intelligence de mettre
a profit une infinité de moiens et de
secours pour multiplier et diversifier
ses observations, en variant le temps
le lieu, la maniere, de joindre aux sien=
nes celles de ses semblables, et a cela encor
<73> des experiences ou les objets peuvent etre
observés sous toutes leurs faces, et par tous
ces moiens, se mettre en etat de saisir ces
objets exactement, de les prendre en note
avec tous les faits permanens ou passa=
gers qui y ont rapport, les enregistrer
dans son souvenir et les retrouver a
point nommé. Tel est le grand trait
de superiorité qui releve l'animal
observateur au dessus des brutes, pour
qui l'observation n'est que l'effet de
l'impression du moment; et ne produit
jamais que des images imparfaites
et le plus souvent passageres et fugitives.
3° LE PERFECTIONNEMENT DES
ORGANES.
Les sens sont des organes dont la nature
a pourvu les animaux pour les instruire
de ce qui se passe autour d’eux; mais les
brutes ne s’en servent que selon les Loix
d’un instinct aveugle, sans apprendre
jamais a en etendre et perfectioner
l’usage. L’homme seul sait augmen=
ter ses ressources et tirer le plus grand par=
ti de ses organes, pour les ramener au
plus près de leur destination. Avec l'ha=
bitude, l'exercice, une industrie propre
a son espece, il peut en augmenter la
figure et la portée, et en perfectionner
l'usage, a un point même qui etonne.
Ainsi on a vu des aveugles nès dis=
tinguer par le contact ce que d'autres
ne pouvoient jamais distinguer que
par la vision, des monnoies, des bois
de diverses especes, des figures dessinées,
colorées, des cartes, des ruban de diver=
ses couleurs. Ainsi on a vu des hom=
mes contracter par l'exercice une telle
finesse d'odorat, qu'ils pouvoient par
<73v> ce seul sens distinguer et reconnoitre
des corps qui 1 mot biffure communement ne
sont reconnoissables qu'aux yeux.
On sait que les Sauvages peuvent pour=
suivre un Europeen a la piste et que
les negres aux Antilles distinguent très
bien les traces d’un blanc de celles d’un
Africain. Il n’est pas sans exemple
parmi nous que des gens aient le nez
asses fin pour distinguer les personnes
de nuit par le flair seul.
Jusque ou l'etendue de la vüe n'est elle
pas portée par les chasseurs, et surtout
les marins, et les Sauvages qui decou=
vrent en mer des vaisseaux qui echap=
pent aux Lunettes d'approche.
Et a quelle finesse de vue ne parvien=
nent pas ceux qui travaillent 1 mot biffure
des ouvrages enfin, dont les traits sont
si petits et si deliés qu'ils echappent a tous
les yeux, exceptés ceux des ouvriers qui les
demelent très distinctement.
De tous les sens, il n’en est point que
l’homme ait trouvé plus perfectible
que l’ouie; il n'en faut d'autre preuve
que l'art du chant, et du langage.
Les animaux poussent des cris, rendent
des sons inarticulés, plusieurs ont un
chant: leur oreille est en correspondance
avec les organes de la voix, elle en dirige
les mouvemens, et elle sert d'organe
pour en recevoir des impressions; tout
cela est commun a l'homme et aux
brutes. Mais pendant que celles ci obeis=
sent uniformement aux Loix de l'Instinct,
l'homme n'a cessé et ne cesse de perfec=
tioner ses organes de l'ouie et de la
voix. Toujours attentif a saisir dis=
tinctement les divers sons naturels, dont
<74> son oreille est frappée, cet organe celle ci acquer=
ant sans cesse par la de nouveaux degrés de
raffinement, l'homme s'applique aussi sous
sa direction, a tirer des organes de sa voix,
dont les devellopemens sont si promts et
si faciles des sons combinés diverse=
ment, peut etre et rapprochés par l'imita=
tion de ceux des corps sonores dont il a pu
etre si diversement affecté. A l'aide de cette
correspondance interne des organes de la
parole et de l'ouie, en y joignant la refle=
xion pour en perfectionner l'usage, l'homme
est enfin parvenu a se former un Langage
articulé qui lui etoit si necessaire pour
lier commerce avec ses semblables. Sans
ce perfectionnement jamais il n'y eut jeu
1 ligne biffure de devel=
lopement des organes de la voix, jamais
de Langage artificiel suffisant a tous
les besoins, et a l'expression de la pensée.
C'est enfin au raffinement de l'ouie que
nous devons cet art enchanteur qui par
la combinaison des divers sons simultanés
et successifs, soumis a une marche reglée,
peut, en occupant delicieusement cet organe,
reveiller dans l'ame des sentimens si variés
et si doux.
4° LA FACULTE DE SUPPLEER A UN
SENS PAR L’AUTRE.
C'est encore le propre de l'espece humaine de
pouvoir suppleer a l'imperfection et même
au deffaut complet d'un sens, par le raffi=
nement etudié d'un autre sens, dont les ins=
tructions peuvent fournir une sorte d'equi=
valent de ce celles que le premier refuse. L'ex=
perience prouve que chès les sourds la
vue est ordinairement plus etendue,
et que les aveugles obtiennent une finesse
extreme d'ouie; le plus souvent ceux ci en=
tendent des bruits si legers qu'ils echappent
<74v> a tous ceux qui sont autour d'eux, et c'est
par la même raison que lorsque nous fer=
mons les yeux, nôtre ouie devient tout
a coup beaucoup plus fine. On observe
aussi 1 mot biffure chès les aveugles nès une finesse
de tact inconcevable qui les rend capables
de se former des objets qu'ils peuvent
toucher, des idées beaucoup plus exactes
que n'en ont ceux qui se contentent de
les voir. Qu'un tel homme se trouve favo=
risé par les circonstances, qu'il y ait des
objets variés a portée de ses mains, qu'on
lui fournisse des faits dont sa memoire
puisse prendre note, il acquera par la
meditation des connoissances plus justes
et mieux digerées que les autres parce
qu'elles seront moins chargées d'incidens
et d'accessoires, et qu'il s'en occupera avec
moins de distraction. Combien d'aveugles qui com=
me Homere, Milton, Saunderson, ont
brillé par leur genie, comme par leur ha=
bitude de mediter profondemens, même
au milieu du plus grand tumulte?
5° LA FACULTE DE VERIFIER UN SENS
PAR L’AUTRE.
L'homme est le seul animal qui puisse
comparer les instructions de divers sens
pour les verifier les unes par les autres. Ainsi
par l'exercice du toucher, il apprend a pre=
venir ou dissiper les illusions de la part
des autres sens, qui seroient inevitables si
celui ci ne le mettoit en etat de juger par
les apparences des objets de ce qu'ils sont en
realité. La seule vue en effet ne decouvre a
l'homme que l'apparence de l'objet quant
a sa figure, sa grandeur, ses traits, ses
contours, ses ombres; car l'image tracée
au fond de l'oeuil ne lui presente que cette
apparence, et une apparence qui chan=
ge même continuellement, selon la
position et la distance de l'objet, et selon
<75> qu'il est diversement eclairé. Cependant cette
image retracée et appercue devient
pour l'homme un moïen de juger saïne=
ment de ce que cet objet est reellement quant
aux dimensions, a la figure, a la dis=
tance &c. et comment cela? C'est que
l'homme peut comparer les sensations
des diverses images avec celles du tou=
cher qui lui a fourni les premieres per=
ceptions de la grandeur, de la figure
de la distance des corps qui l'avoisinent,
et qui se sont trouvés a portée de sa main
et 1 mot biffure se servir de celles ci pour reduire
les autres a une juste estimation. On
peut en dire autant de celle qu'il fait
de la distance des corps par l'intensité
diverse des sons dont ils affectent son
oreille, selon qu'ils sont plus près ou plus
eloignés.
6° INDUSTRIE POUR INVENTER DES
INSTRUMENS QUI SUPPLEENT AUX
SENS.
L'homme est enfin le seul des animaux
pourvu de cette industrie qui l'a mis en
etat d'aider encor a ses sens par le secours
d'instrumens qui suppleent a leur finesse
et leur force.
Ainsi il a scu aider a l'ouie par le cor=
net acoustique qui placé par sa partie
etroite a l'embouchure du conduit audi=
tif, embrasse par la large ouverture un
plus grand volume d'air ebranlé et aug=
mente en proportion l'ebranlement de la
caisse du tympan, ce qui rend sensibles
des sons qui sans cela seroient trop faibles
pour faire une impression suffisante sur
l'organe; cet instrument ingenieux 1 mot biffure
fut inventé par le P. Kircher en 1636
<75v> Joignés ici l'instrument qui sert a rendre
la voix plus eclatante, qui l'etend a une
plus grande distance, et donner a l'oreille
qui ecoute une capacité qu'elle n'auroit
pas sans cela. 2 lignes biffure
Telle fut cette trompette avec laquelle Ale=
xandre se faisoit entendre distinctement
d'une extremité du camp a l'autre, et tel
est ce qu'on appelle le Porte voix inventé par
le P. Kircher en 1645 et perfectioné
en 1670 par Morland; d'ou vient qu'il a
ete appellé la trompette du Chevalier
Morland.
On peut rapprocher ici les divers instrumens
de musique a vent, a cordes, a touches
dont les sons artificiels sont destinés a
soutenir la voix naturelle et a charmer
l'oreille par la varieté et l'harmonie
des tons.
C'est surtout pour soulager et etendre la
vüe que l'industrie humaine s'est le plus
exercée. Les anciens emploierent des tu=
bes sans verres qui en ecartant les
faux jours rendoient la vue plus nette.
Au XIII siecle on vit paroitre les Besi=
cles dont il est fait mention dans les
ecrits de Roger Bacon, et dans ceux du
Poete Meisner, vers l'an 1270; l'inven=
tion en est attribuée a Salvino degli
Armati de Florence.
La decouverte des effets de la Loupe
auroit, ce semble, du conduire promte=
ment a l'idée de ces instrumens qui auge=
mentent les refractions et les angles vi=
suels, mettent l'oeuil en etat de decou=
vrir des objets placés a une trop grande
distance pour qu'il puisse seul et nud
les saisir ou en distinguer nettement
les parties, ou de demeler chès les objets
voisins ce qui echapperoit sans cela
<76> a la vue par son extreme petitesse. Ce
n'est cependant qu'au commancement du
XVI siecle qu'on a connu en Italie le Micros=
cope destiné a grossir les petits objets,
et on n'a eu aucune idée des Lunettes
d'approche avant Fracastor. Le micros=
cope composé n'a paru que vers la fin
du même siecle, et il 1 mot biffure fut inventé suivant les uns,
par Zacharie Johnson de Middelbourg vers
l'an 1590, et selon d'autres a par Drebbel,
vers l'an 1627 [le même auquel nous de=
vons l'invention du Thermometre] mais
il a été considerablement perfectioné dès lors par
MM. Hombert, Hartzoeker &c. Quand
au microscope solaire il n'a été inventé
qu'en 1743 par Lieberkun de Berlin.
Les Lunettes d'approche ou la longue vue,
resterent comme dans l'oubli jusques a
ce qu'on trouva par hazard l'effet que
que produit un verre convexe placé
au devant d'un verre concave rappro=
ché de l'oeuil, et le degré de courbure que
la taille doit donner a ces verres.
Cette decouverte est attribuée par les
uns a Johnson, par d'autres, a Jean
Lippersheim de Middelbourg en 1600,
et par le plus grand nombre, a un fai=
seur de besicles nommé Metzires
Flamand en 1607.
Graces aux soins de
Galilée, de Celio, de
Campani, de Kepler,
ces Lunettes devinrent des Telescopes
pour contempler les objets très eloignés
comme les astres, les vaisseaux en mer
&c. 2 lignes biffure, mais
ils furent d'abord d'une longueur si
excessive qu'ils se courboient toujours
<76v> vers le milieu et que leur manipulation
etoit très incommode. Les corrections
apportées a l'instrument par MM. Huy=
gens, Bianchini &c, aiant paru insuf=
fisantes, Newton imagina et donna le
premier le Telescope a reflexïon, ou
a miroir percé, lequel fut executé avec
succés par MM. Gregory et Adely,
Antheaume, et Segard qui est parve=
nu a faire des instrumens qui n'ont
que 20 pouces de longueur.
Les nouveaux moiens de perfectione=
ment inventés par M. Herschel et
les decouvertes qu'il a faites par
son Telescope, ont fait trop de bruit dans
ces derniers temps pour qu'il soit neces=
saire d'en parler ici.
Nous concevons que ce que nous avons
dit des prerogatives de l'homme pourroit
a certains egards etre rapporté a sa
vie d'Intelligence, dont elles supposent
le devellopement, mais nous nous som=
mes cru fondés a le rapporter a la vie
animale, entant que ces prerogatives
appartiennent aux organes sensibles
qui sont communs aux hommes et
aux animaux. Nous allons pousser
le parallelle encor plus loin dans le
chapitre suivant.
<77> CHAPITRE IX.
Caracteres de conformité de l’homme
avec les autres especes: Loix communes du re=
gne animal: desavantages de l’espece
humaine a certains egards.
CARACTERES GENERAUX DE CONFOR=
MITE DES ESPECES ANIMALES.
On peut les reduire aux suivans;
CORPS ORGANISE ET ANIME.
Le premier c'est un corps organisé d'une ma=
niere admirable, un composé d'une multi=
tude prodigieuse de pieces de machines
diverses, de tuiaux hydrauliques, de leviers
de solides et de fluides sans cesse en action
pour executer une multitude de fonctions
combinées dans l'ordre le plus merveilleux;
un corps vivant et animé et qui, pen=
dant que le mouvement est en soi un
principe de destruction pour les autres
corps, d'autant plus actifs qu'ils sont plus
composés, ne se soutient au contraire et
ne se conserve, malgré la delicatesse de
ses parties, que par un mouvement con=
tinuel, en sorte que la moindre alteration
qui survient a celui ci, devient funeste
a tout ce merveilleux ensemble.
FONCTIONS VITALES NATURELLES ET
ANIMALES.
Un second caractere de conformité, ce sont
les fonctions diverses, et les organes princi=
paux par lesquels elles sont exercées:
Fonctions vitales, dont la vie depend et
qui ne cessent qu'avec elle; chès les animaux
comme chès l'homme, le sang coule du
coeur par les arteres, jusques aux extre=
mités du corps, et est rapporté au coeur
par les veines. Les poumons se dilatent
et se contractent pour faire entrer et sor=
tir l'air, tous respirent jusques au
<77v> moindre insecte, sans excepter même les
poissons quoiqu'ils vivent dans l'eau;
ches tous le Cerveau fonctionne pour pre=
parer les Esprits animaux.
Ches toutes les especes animales, on retrou=
ve aussi ces fonctions naturelles qui ne peuvent
etre derangées sans porter un coup essen= a leur santé; la digestion qui prepare
tiel
les sucs nouriciers, la nutrition qui
les applique, l'accroissement suite de la
nutrition et de l'extensibilité des parties,
la susception interieure, la secretion des
liqueurs. Chès tous les alimens sont
reduits en vrai chyle qui subit succes=
sivement diverses preparations pour etre
perfectioné avant que de se reunir a la
masse: on retrouve le suc gastrique,
la bile, la lymphe, l'urine, la transpi=
ration insensible; enfin les parties
grossieres de la substance alimentaire
degenerent en matiere fecale rejetée
2 mots biffure par les dejections.
Il en est de même des fonctions anima=
les; 4 mots biffure sensi=
bilité ou faculté de recevoir 1 mot biffure par le canal
des organes, les impressions exterieures,
et d'eprouver des sensations de divers
genres; activité ou puissance sponta=
née, exercée sur les nerfs et les muscles
pour mettre les organes et membres en
action; ce qui suppose l'organe uni=
versel, le Sensorium, le centre d'ori=
gine des nerfs, le fluide nerveux qui
fait jouer les nerfs pour produire les
mouvemens musculaires: mobilité
locale si prodigieusement diversifiée
chès les especes animales quant aux
methodes qu'elles emploient pour se trans=
porter d'un lieu a l'autre, plus ou moins
lentes ou rapides, les unes en marchant
<78> d'autres en rampant, d'autres en volant,
d'autres en nageant &c. mais qui offrent
toutes la même convenance avec les Loix
de la mechanique la plus exacte; 2 lignes biffure
fonctions communes
a toutes, qui comme
les particulieres a cha=
cune, sont 1 mot biffure chès
toutes, subordonnées a un principe qui se
sent etre meut par lui même, qui agit
sans impulsion coactive, et produit
des effets spontanés dont la matiere
est absolument incapable.
DESTINEES SUCCESSIVES.
Un 3e caractere general de conformité
c'est la communauté des destinées
successives, preexistence dans un ger=
me preformé, fecondation, conception
naissance, vie, accroissement, vigueur,
declin, deperissement, destruction, re=
tour de la substance a la masse primi=
tive, car, comme le dit le sage, l'acci=
dent qui arrive aux hommes et l'acci=
dent qui arrive aux bêtes, est un même
accident &c. Mais
CARACTERES PARTICULIERS.
Nous trouvons d'autres caracteres
plus particuliers de conformité dans
les qualités et affections naturelles
communes a tous les animaux, ainsi
que leur assujetissement a certaines
Loix du regne animal, constantes
et invariables.
QUALITES COMMUNES.
SENS INTERNE.
Tous les animaux ont comme l'homme
3 mots biffure un sens inter=
ne reunissant en soi toutes les impressions
des sens externes, qui les retient comme
en depot, pour etre ensuite rappellées dans
l'absence même de l'objet qui les a fait nai=
tre, ce qui produit la reminiscence et
l'imagination car l'animal peut aussi
<78v> voir et entendre dans son cerveau lors même
qu'il ne se fait sur la vüe ni sur l'ouïe au=
cune impression actuelle, et s'occuper d'i=
mages sensibles, a la verité confuses et
sans forme nette, les unes hideuses,
effraiantes, les autres agreables, attrai=
antes. Ainsi le chien endormi rêve qu'il
chasse, qu'il court, qu'il voit le lievre, qu'il
caresse son Maitre &c.
CONSCIENCE. PUISSANCE ACTIVE.
Chès tous les animaux, il existe dès la une
conscience d'eux mêmes, et des sensations
qu'ils eprouvent actuellement, une sensi=
bilité liée aux impressions qu'ils recoi=
vent ou qu'ils ont recues auparavant
et qui reparoissent dans le cerveau sous
quelque image flatteuse ou deplaisan=
te; une puissance active devellopée dans
ce même principe sensible, qui se deploie
avec spontaneité et met en action les mem=
bres pour saisir et ou rechercher tel objet,
fuir ou eloigner tel autre objet.
RESSORT D'IMPULSION.
Tous leurs mouvemens exterieurs sont
ainsi autant d'effets d'un ressort interne
d'impulsion qui agit sur le principe sen=
sible et actif, non point comme un corps
agit sur un autre corps, mais comme
une cause impulsive, dont l'effet n'est
point physique, agit sur un etre qui n'est
point materiel. Et ce ressort consiste
dans une affection generale et commu=
ne a toutes les especes animales, qui est
l'interet constant qu'elles prennent a
leur propre conservation et a leur bien
etre individuel. Cette affection inse=
parable de leur nature est chès toutes
sans exception le premier mobile de
leur activité et d'elle naissent necessaire=
ment les affections suivantes:
<79> L'aversion que tous les animaux ma=
nifestent pour tout ce qui peut menacer leur
existence et leur bien etre, tout ce qui peut
tendre a leur destruction ou leur devenir
funeste;
L'impatience, les mouvemens d'indignation
et de colere dont ils sont agités, transportés,
dès qu'ils se sentent dans quelque danger
ou poursuivis, attaqués, maltraités; 1 mot biffure
la promtitude avec laquelle ils deploient
les ressources que la nature leur a depar=
ties pour fuir ou eloigner le danger,
pour se deffendre et pourvoir a leur
sureté;
L'Attachement qu'ils temoignent pour tous
ceux qui les soignent; qui les nourissent et
leur font du bien. Le chien voit il un
homme armé d'un bâton, il l'aboïe,
il voudroit le mordre. L'homme l'ap=
pelle til avec douceur, lui presente til
du pain, incontinent l'animal s'ap=
paise, il s'approche, il fait signe de satis=
faction, il reçoit le pain, il donne des
temoignages d'amitié a celui qu'il ve=
noit de traiter en ennemi;
Enfin l'empressement a se porter aux
diverses fonctions naturelles que l'ani=
mal sent etre necessaires a la conserva=
tion de son etre et de son bien etre.
LE BESOIN ET L'APPETIT.
Pour les solliciter les animaux a ces fonc=
tions, le Createur les a soumis a la Loi
imperieuse du besoin qui consiste dans
un etat de malaise, un sentiment dou=
loureux ou inquiet, produit par la pri=
vation actuelle de certaines choses que
l'instinct leur indïque comme indispen=
sables a leur conservation et a leur bien
etre, et qui reveille naturellement chès eux
une impulsion violente d'appetit decidé
pour ces choses la, comme etant les seules
propres a calmer leur douleur ou leur
inquietude et a satisfaire le besoin.
<79v> Quelque fois l'appetit est excité par la pre=
sence actuelle de l'objet; d'autre fois il est pe=
riodique, ou il se reveille a certains inter=
valles, independamment de la presence de
l'objet.
L'appetit excite l'animal a la jouissance de
l'objet, et quand il obtient cette jouissance,
il se trouve satisfait; l'inquietude et la
douleur font place a une sensation agre=
able, et alors l'appetit est appaisé: mais le
plaisir eprouvé sert de nouvel aiguillon
pour reiterer la satisfaction, dès que
le besoin se fait sentir de nouveau.
Cette voix, Le cri du besoin et de l'appetit
se fait entendre chès tous les animaux, dès
qu'ils commancent a respirer, avant même
qu'ils aient eu le temps l'occasion d'eprou=
ver les suites agreables de la satisfaction
et il determine la direction de tous leurs
sens et de leur activité vers l'objet que
l'instinct leur suggere comme destiné a
calmer l'inquietude que le besoin a fait
naitre.
Ainsi le besoin qui nait du sentiment
importun de la faim et de la soif , et qui
produit l'appetit proprement dit, sollicite
naturellement tous les animaux a
prendre la nouriture qui se presente,
comme aussi a chercher celle qui leur
convient, et dans les lieux ou ils peuvent
la trouver, souvent a tendre même des
embuches aux autres especes dont la
substance est destinée a leur servir d'a=
liment quelque fois même a faire des
provisions, lorsqu'ils ne peuvent trouver
leur nouriture partout et en toute sai=
son, pour user de ces provisions en reserve
a chaque fois que l'appetit les y sollicite.
<80> L'ABRI.
C'est le même ressort qui les meut, lors=
qu'on les voit naturellement empressés
a user de toutes sortes de precautions pour
soigner leur corps, le preserver d'accidens,
des frimats, des intemperies des saisons,
des orages, a se retirer dans les abris
qui se presentent, 5 mots biffure
a les rechercher avec zêle, et lors=
que ceux que la nature a preparés ne
suffisent pas, a en fabriquer eux mêmes
par les moiens qu'elle leur suggere
et leur fournit, soit pour y mettre a couvert 1 mot biffure et
y jouir en secret de leur proie ou de
leurs provisions, soit pour y prendre
tranquillement leur repos, et y soigner leurs petits, soit pour
y soulager le sentiment incommode
tantôt de la chaleur excessive, qui
leur rend necessaire l'ombrage et la
fraicheur, tantot du froid rigoureux
qui demande 2 mots biffure quelque
1 mot biffure moien artificiel de
chaleur, tantot de l'insalubrité de
l'air, qui leur font sentir la necessité de
se derober a ses influences trop actives
ou malfaisantes.
LE REPOS ET LE SOMMEIL.
Une contention de forces trop longtemps
soutenue produit chès tout l'animal
l'epuisememt des Esprits, et la necessité
des alimens pour reparer les pertes.
Mais pour que ceux ci produisent leur
effet, il faut que les membres emploiés
a l'action se reposent par intervales, et
que les Esprits refluent vers l'interieur,
et s'y concentrent dans les organes des=
tinés a la digestion, afin de procurer
par la une nouvelle abondance des
sucs nouriciers qui remplacent ce qui
s'est dissipé, et fournissent a toutes
<80v> les parties du corps de nouvelles res=
sources pour l'action: de la vient que tous
les animaux sont sollicités au repos et
au sommeil par un etat de malaise
qui accompagne la lassitude et la pe=
santeur des membres qui 6 mots biffure
se trouvent comme forcés a dis=
continuer leur activité pour se livrer
au dormir dont le delai les jetteroit
dans l'accablement, la foiblesse, et le depe=
rissement.
Dans l'animal qui dort, il y a toujours
des parties internes en action pour
remplir les 1 mot biffure fonctions vitales et
naturelles, mais cette action ne vient
d'aucune activité propre a l'animal,
1 mot biffure qui pour lors demeure dans un etat absolument
passif. Les reves même qui occupent
le cerveau de l'animal endormi ne
sont que l'effet physique de l'action
continuelle du cerveau, ou du mecha=
nisme de la vie vegetale, la seule dont
jouisse l'animal plongé dans le sommeil.
LE MOUVEMENT ET LA VEILLE.
Après le dormir, les Esprits animaux aug=
mentés, et dispersés dans toutes les parties
du corps, exercent une action inquiete
sur tous les organes et les membres, par
une suite de laquelle ceux la demandent
a etre agités, par des impressions du dehors
et ceux ci s'impatientent en quelque sorte
d'obeir aux impulsions ou ordres de
l'ame et par qui l'animal est sollicité a sortir
2 mots biffure de l'etat d'inaction pour repren=
dre une activité qui lui est 1 mot biffure na=
turelle, et dont il ne peut etre privé long=
temps sans souffrir. Dans cet etat, il
veille, il est aux ecoutes pour deploier
ses forces, il en sent le besoin; tout ce
qui s'oppose a cet exercice le chagrine
et souffre de l'absence des objets sur les=
quels <81> il doit s'exercer; il attend sa sa=
tisfaction d'une activité qui le tiendra
en haleine, et il se plaira a soutenir
celle ci aussi longtemps qu'il ne senti=
ra pas la necessité de se livrer derechef
au repos et au sommeil. Ainsi le
repos et le mouvement, le sommeil et
la veille sont deux etats dont l'animal
sent alternativement le besoin, com=
me aussi essentiels l'un que l'autre a sa
santé et a sa vie.
L'UNION SEXUELLE ET LE SOIN DE SES
PRODUCTIONS.
Dès que l'animal après son devellopement,
des qu'il se sent assès de ressources de vie
pour repandre au dehors des principes
de fecondation, dès lors il s'occupe de la
reproduction ou propagation de son espece
qui lui semble lui tenir autant a coeur
que sa propre vie. Ce n'est pas ici un sim=
ple penchant, c'est un besoin, c'est un
aiguillon inquiet qui invite les sexes
a l'amour, a l'union, pour renaitre en
quelque sorte, et se perpetuer dans
leurs petits. Ce même penchant les solli=
cite a soigner ceux ci pendant tout le
temps qu'ils ont besoin de secours, ou
qu'ils ne peuvent pourvoir a leurs pre=
miers besoins par eux mêmes.
L'homme et la brute sont soumis au
même instinct, et partagent toutes les
affections precedentes; il en est de même
des suivantes.
LA SOCIETE.
Les besoins Chès les animaux, le besoin
des secours mutuels s'etend encor plus loin
que l'union passagere des sexes: dans
quelque especes, les sexes ne se separent
point qu'après que les petits sont elevés.
2 lignes biffure Ches la plupart le
male abandonne
a la femelle le soin
des nouveaux nes.
Il en est plusieurs ou les Individus for=
ment des associations
<81v> qu'on peut appeller
communautés.
Il en est, il est vrai, qui vivent solitaires
parce qu'ils peuvent se suffire a eux mêmes
4 mots biffure et que leur maniere
de se nourrir demande même qu'ils vivent
isolés. Tels sont les oiseaux de proie et
de nuit, la plupart des bêtes 1 mot biffure
carnacieres. Mais les autres sont portés
par instinct a rechercher ceux de leur es=
pece, et même a vivre en bandes ou en
essains . Les Elephans
Les uns semblent ne s'unir que par le
seul attrait du plaisir de vivre ensem=
ble: mais cela même est pour eux un
besoin, c'est le cas du commun des
oiseaux, des chevaux sauvages &c. La
plupart semblent mus par le sentiment
confus de la necessité ou ils sont de
se rassembler en troupes, pour s'avertir
mutuellement, se soumettre a des allures
communes et pourvoir plus aisement
et plus efficacement a leur sureté et a
leur subsistence; c'est le cas des Elephans,
des singes, des Loups, des corbeaux &c.
Plusieurs même reunissent leurs tra=
vaux selon les Loix de leur instinct,
pour jouir en commun du produit de
leur activité industrieuse, comme les
castors, les abeilles, les fourmis, qui
forment 1 mot biffure des especes de republi=
que ou l'on voit regner un ordre qui
etonne l'observateur.
L’homme est de tous les animaux celui
a qui la societé paroit etre du besoin
le plus pressant; plaisir, sureté, deffen=
se, interets communs, reunion de tra=
vaux pour assurer le bien etre de tous,
tous les ressorts de la nature se deploient
de concert pour le solliciter a la vie
sociable. Il abhorre la vie solitaire,
et l'humeur la plus sombre ne peut
etouffer en lui le penchant qui lui
<82> fait rechercher la societé a quelque
prix que ce soit.
LA LIBERTE. L’INDEPENDANCE.
De tous les penchans naturels communs
aux animaux resultent chès tous un
gout dominant pour la Liberté, qui
seule les met a portée de les suivre, et
l'independance qui les affranchit des
liens et des entraves qui pourroient gener
cette liberté: gout qui leur fait detester
tout ce qui embrasse le jeu spontané de
tous leurs membres, comme on l'obser=
ve chès tous ceux qui n'ont pas ete dom=
tés, et chès l'homme en particulier,
surtout dans son enfance, ou il n'a
pu encor etre dressé a l'obeissance, ni
en comprendre la necessité pour son
propre bonheur.
LOIX DE L’INSTINCT .
Suivant tout ce qui a été dit, les Loix
de l’instinct communes a tous les ani=
maux peuvent etre reduites a ces deux
Loix generales: penchant a conserver
son individu et se maintenir dans le bien etre: pen=
chant a conserver son espece et a
la soigner.
LOIX COMMUNES DE POPULATION.
Des circonstances plus ou moins favo=
rables par rapport aux Loix de l’instinct,
depend la multiplication de chaque
espece, 1 ligne biffure dont la
principale Loi est d’etre propor=
tionnelle a la facilité de se procurer des
subsistances, et a la tranquillité dont
l’espece jouit par rapport aux especes enne=
mies qui peuvent entrer en guerre avec
elle. Partout ou une espece trouve
l’abondance et la tranquillité, sa popu=
lation se soutient et le plus souvent
s’accroît: la ou les subsistances manquent
<82v> et ou l'espece a a se deffendre contre
des ennemis destructeurs, sa popula=
tion ne peut aller qu'en decroissant.
Mais D'ailleurs la nature a soumis cha=
que espece a une Loi de population qui
tient a sa conservation essentielle, et qui
ne lui permet pas de multiplier au dela
de certaines bornes. Chès les animaux
qui vivent fort longtemps, la multi=
plication est beaucoup plus lente; chès
ceux dont la vie est courte, ephemere,
elle est prodigieuse. Elle est incalcu=
lable chès les especes destinées a servir
de nouriture aux autres.
DESAVANTAGES DE L’ESPECE
HUMAINE.
On ne peut se dissimuler que l’espece hu=
maine ne soit privée de divers avantages
naturels dont les autres especes animales sont
pourvues, et qui semblent rendre la
condition de celles ci preferable a cer=
tains egards.
PRIVATION DE COUVERTURE ET
D’ABRIS.
Les animaux apportent en naissant
quelque couverture en poils, ou en plu=
me, ou en ecaille, &c qui sert a garantir
leur corps des injures de l’air et des accidens,
il ne faut a quelques uns d’autres abris
que des trous qu’ils trouvent tout formés
dans la terre, les rochers, les arbres &c;
d’autres construisent, sans peine, en
peu de temps, et a chaque fois que le be=
soin l’exige; d’autres sont pourvus par
la nature d’abris portatifs.
L’homme seul nait absolument nud.
Dans toutes les regions ou la chaleur n'est
pas excessive, il ne peut se garantir du
froid, soit de nuit, soit de jour, que par
<83> quelque couverture etrangere, qui empeche
la dissipation de sa chaleur naturelle, et
son refroidissement par le contact de l'air
exterieur, et qui entretienne la transpira=
tion insensible. Les abris naturels ne
se trouvent pas pour lui aisement, et ils ne
suffisent pas même pour deffendre sa 1 mot biffure
constitution contre les intemperies; il
faut qu'il ait recours a l'art, qu'il se cons=
truise des abris avec des materiaux,
qu'il a beaucoup de peine a rassembler
et arranger.
MANQUE DE DEFFENSES.
Tous Les animaux n’ont la plupart qu’une
espece pour ennemie: ils peuvent se dero=
ber au danger et aux attaques, ou par la
celerité de la fuite ou par la dureté de quel=
que cuirasse, ou par des piquans, ou par
des deffenses redoutables, des dents, des
serres, des cornes, &c.
L’homme a une multitude d’ennemis re=
doutables, entr’autres les especes carnacie=
res; souvent même il a tout a craindre
des autres individus de son espece, lors
que la passion les anime et qu’ils conspi=
rent pour lui nuire; et il vient au mon=
de sans agilité, sans deffenses, sans ar=
mes, sans aucune ressource pour mettre
a couvert sa personne et sa vie.
FOIBLESSE NATURELLE.
Plusieurs animaux peuvent se suffire a
eux mêmes des qu'ils ont vu le jour: ceux
qui continuent a avoir besoin de secours
ne tardent pas a pouvoir s'en passer; bien=
tot ils savent se servir de leurs membres,
conformement a leur instinct, pour veiller
par eux mêmes a leur sureté, et pourvoir
a leur subsistance. L'homme en naissant
<83v> est la foiblesse même. Les premiers signes
qui annoncent sa venue sont des cris de
detresse qui semblent solliciter la com=
passion de tout ce qui l'environne: nul
usage de ses membres delicats et tendres,
ses jambes, sont absolument impuissan=
tes pour le soutenir, ses cuisses habitu=
ellement pliées se refusent a tout mou=
vemens, et abandonné a lui même, il ne
connoit aucune situation naturelle que
d'etre couché sur son doz: les mains n'ont
aucune articulation decidée, et sont trop
foibles pour rien saisir; on ne demele
pas même chès le nouveau né des ten=
tatives pour chercher, et tous ses sens pa=
roissent engourdis et encloués comme
ses membres; on diroit même qu'il n'est
accessible a aucun sentiment qu'a
celui de la douleur.
Pendant 40 jours, son coeur, comme serré
d'angoisse, n'est pas meme susceptible de cette
dilatation qui peut seule produire des lar=
mes: il ne pleure pas, il ne fait que gemir
et crier. Cette situation douloureuse 1 mot biffure
peut etre attribuée au nouvel element qui
agit sur son foible corps avec une force
et une variation qui ne peuvent que l'eprou=
ver, ou aux sensations confuses et im=
portunes qu'il recoit de tous les objets
d'alentour, lesquels ne presentent a ses
regards qu'un cahos ou tout l'emba=
rasse et l'inquiete. Les images retracées au
fond de son oeuil ne lui offrant rien de
distinct, il ne peut fixer ses regards sur
rien, et ses yeux errans, non plus que
ses autres organes, ne sauroient porter
a son ame aucune impression flatteu=
se. Le toucher de la main est le seul
dont il semble faire usage comme
etant celui dont il doit recevoir ses
premieres instructions pour apprendre a
distinguer les objets, et a se servir utilemen
des autres sens.
<84> Passé 40 jours, les sensations de l'enfant
paroissent plus nettes, il commance a
exprimer sa douleur par de veritables
pleurs; il donne aussi les premiers traits
de sensibilité pour le plaisir; il contemple
avec interet la lumiere, il tourne sans
cesse ses regards vers la partie la plus
eclairée de la chambre; les coups d'oeuil
qu'il jette sur les objets qui le flattent ont
un air d'affection, il attache ses regards
sur sa mere, sa nourice; il fait de la
main des gestes qui semblent annoncer des desirs.
Mais il conserve toujours un air sur=
pris, etonné, comme un etranger qui se
trouveroit tout a coup transporté dans
une terre inconnue, ou un homme qui
après avoir passé 30 ans dans les mines,
verroit pour la premiere fois la brillance
spectacle des cieux. Cet air emerveillé
dure environ 18 18 mois, et ce n'est même
qu'a l'entrée de la 3e année que l'enfant
distingue avec netteté les objets, qu'il
conçoit des idées de leur figure, de leur
grandeur, leur usage, leur rapport
avec les sens, qu'il saisit nettement
les signes, et les articuler avec distinction.
Des qu'il a cessé de balbutier, ses mem=
bres prennent de la consistence, il com=
mance a marcher avec fermeté, et ses
forces se devellopent d'une maniere
sensible.
Il cesse enfin d'etre foible et impuissant,
certains mouvemens assurés, libres et
promts, annoncent cet age heureux
que nous appellons l'adolescence, bientot
suivi de la puberté et la jeunesse.
A en juger par cette progression, on voit
qu'il n'est aucun animal qui conserve
plus longtemps la foiblesse qu'il apporte
en naissant; mais lors même que cette
foiblesse semble disparoitre, il se trouve
encor bien loin de cette maturité de forces
<84v> qui met les animaux en assès peu de
temps en etat de pourvoir a leur su=
reté et a leurs besoins: il demeure très
longtemps dans le denument d'indus=
trie et de ressources pour se suffire a lui
même: d'ou vient qu'il vit plusieurs an=
nées dans la dependance par rapport
a ses parens et autres individus de son
espece dont le secours lui est indispen=
sable pour eviter les dangers et la
misere.
MALADIES
Tous les animaux sont sujets a certaines
maladies , mais 1 mot biffure pour la plupart
des especes, elles sont en petit nombre, et
rarement mortelles, et les animaux
1 ligne biffure
ne perdent gueres
la vie que par acci=
dent ou par les suites du deperissement naturel inevita=
ble. Mais qui pourroit dresser une
liste de tous les maux qui assiegent
l'espece humaine, qui derangent en=
tierement le cours des fonctions natu=
relles et même vitales, et frappent l'in=
dividu d'une mort prematurée ou
rendent sa vie plus amere que la
mort?
INFERIORITE A CERTAINS
AUTRES EGARDS.
Quelque soit la superiorité de l'homme
lors qu'on en considere les traits en bloc,
on ne peut nier qu'il ne soit inferieur a
certaines especes par rapport aux organes
ou membres, ou par l'odorat, ou par
l'ouie, ou par la vue, &c, et que d'autres ne
le surpassent par l'agilité et la velocité de
leurs mouvemens, ou par la force de leurs
membres, qui les rend capables d'effets, dont
l'homme, par lui même et isolé, est abso=
lument incapable.
Les animaux ont un genre particulier
de nouriture, ils s'en tiennent a celle la et
ils se la procure sans peine. Mais l'homme
<85> s'il a l'avantage de pouvoir user de toutes
sortes d'alimens, est par contre exposé a un
très grand inconvenient, c'est qu'il ne peut
se contenter d'un seul genre de nouriture;
telle est même la constitution de ses par=
ties interieures qu'il lui faut de la vari=
eté; il est naturellement herbivore,
frugivore, carnivore; et son estomac
demande le concours des diverses pro=
ductions naturelles pour sa nutrition,
sans qu'il tombe 1 mot biffure a la fin dans le de=
gout et la langueur. Or cette maniere
de vivre ne peut que lui etre fort onereuse,
il ne peut contenter son appetit et son gout qu'avec
beaucoup de travaux, et souvent même
de dangers.
Les animaux ne suivent que l'impulsion
du besoin naturel dans la recherche de
leurs jouissances, et chès eux, la jouissan=
ce cesse avec l'appetit, qui finit quand le
besoin est satisfait. De tous les animaux
aucun n'a autant de besoins naturels que l'homme
et il ne peut les négliger sans exposer,
sa vie ou la rendre miserable; mais
son plus grand mal, c'est qu'il ne s'en
tient jamais aux besoins naturels; il
aime a prolonger la jouissance au
dela du besoin, et des la même a passer
les bornes de l'appetit: ou il se crée des
besoins que la nature desavoue,
ou il se plait a se former un appetit fac=
tice qui n'a rien de commun avec elle,
et que l'habitude seule soutient.
A L’EGARD DE L’INSTINCT.
Chès les brutes, l’instinct determine inva=
riablement et promtement leur activité vers
les objets les plus convenables a leur constitution,
a leur conservation, a la satisfaction de leurs
besoins, et les plus salutaires a leur espece, et
cette impulsion produit dans leurs organes, et
leurs membres, le developpement le plus con=
forme a leur destination.
<85v> L’homme apporte aussi en naissant son
instinct naturel; mais combien de causes
qui conspirent a l’alterer et le rendre presque
meconnoissable. Les premieres instructions
que l’enfant reçoit semblent toutes desti=
nées a le combattre; autant de preceptes,
autant d’ecarts de la nature; partout celle
ci est entravée, contrariée en tous les sens
a force de traiter l’enfant comme une int=
elligence pure, il 2 mots biffure cesse d’etre
animal, et il ne doit plus apprendre et savoir ce qui
convient a sa nature que des Leçons
dont on l’accable. Son imagination
se reveille, mais ce n’est que pour etre assail=
lie par des images exagerées ou effraiantes
et des illusions sans fin. Et de la naissent
toutes sortes de gouts bisarres, capricieux,
en contradiction avec l’instinct, et qui le
font courir après de brillantes chimeres
dont la privation ne laisse pas que de le tour=
menter. Le gout ainsi perverti, toutes les
passions tombent en effervescence; la raison
qui devroit les contenir, ou du moins sup=
pléer a l’instinct, se devellope avec trop de len=
teur pour deploier son efficace; l’homme
cede enfin a la force des prejugés, a la vio=
lence des passions, et il n’est plus dirigé ni
par la raison ni par l’instinct; il devient
un animal vraiment monstrueux.
Chès ceux même en qui la raison prend le
dessus, l’instinct se trouve etouffé, et c’est
encor un mal, parce que les operations de
celle la sont lentes et demeurent souvent
indecises, tandis que les suggestions du
vrai instinct seroient toujours promtes et
sures. Heureux les hommes qui ont pu
le conserver dans sa pureté primitive!
Voions prescritement par combien de prero=
gatives les desavantages de l'espece humai=
ne se trouvent compensés.
<86> CHAPITRE X.
Superiorité de l’homme a d’autres egards
quant a la vie animale.
CARACTERES EXTERIEURS ET GENERAUX DE SUPERIORITE.
Les desavantages de l'espece humaine a cer=
tains egards sont bien compensés par les traits
qui relevent la superiorité de l'homme sur les autres es=
peces. Tels sont ceux qui l'annoncent deja
a l'exterieur. Sa tête regarde le ciel, il ne
touche la terre que par les extremités les plus
eloignées de cette espece de sanctuaire, ou
habite un principe qu'on peut appeller celes=
te. Son visage offre je ne sais quoi de grand
et d'auguste; son attitude, la dignité de
son port et de sa demarche, annoncent
qu'il est fait pour dominer, et qu'il est le
Roi de la terre.
Tous les animaux peuvent distinguer les
objets qui leur sont salutaires ou nuisibles;
ils peuvent se mouvoir d'un lieu a l'autre
pour aller au devant ou les fuir; ils peuvent
deploier leurs membres pour les 1 mot biffure ecarter ou les
1 ligne biffure saisir et en jouir. Mais quel animal plus favorisé a
tous les egards que l'homme?
RESSOURCES POUR L’OBSERVATION.
Suivant ce qui a été dit chap. VIII il n'est
aucun animal qui 1 mot biffure reunisse comme
lui tout ce qui est necessaire pour observer
avec exactitude et verité tous les objets exte=
rieurs et les rapports qu'ils peuvent avoir
avec sa conservation et son bien etre. Tout
chès lui coucourt aussi a faciliter l'observa=
tion, et etendre le cercle des objets sur lesquels
elle s'exerce. Pendant que les brutes trainent
la plupart leur corps dans une direction horizontale
et portent leur tête inclinée vers la terre,
pendant que leurs regards sont circonscrits
dans une enceinte très bornée, l'homme,
<86v> marche naturellement en situation verti=
cale, la tête haut elevée, portée sur le col
comme sur un pivot, ou elle peut se tourner
en tous sens, et a la faveur de cette cons=
titution organique, il dirige de tous côtés
ses pas et ses regards, et dans un instant
il peut decouvrir des objets très eloignés et
en saisir une multitude a la fois. Aux
avantages de la figure et de la liberté des
mouvemens, il joint la force, et la tenacité
de la memoire, la vivacité de l'imagination,
la faculté de comparer, de classifier les objets
et tout ce qu'il faut pour en obtenir une
connoissance nette et exacte. Tout en lui
annonce l'observateur par excellence, aux
yeux duquel la nature 1 mot biffure se presente comme en
spectacle, et qui saisit tout ce qu'elle offre d'in=
teressant soit pour le connoitre soit pour
l'imiter. Tel est ce contemplateur sublime
qui promeïne ses regards de haut en bas
sur les especes animées, tandis que celles ci
se rapprochent de la terre dans tous les
points de leur corps et semblent ramper
en quelque sorte a ses pieds, comme
pour rendre hommage a leur Maitre,
et leur protecteur.
FACILITE DU TRANSPORT.
Plusieurs animaux surpassent l'homme
en vitesse: mais avec son industrie, il est
venu a bout de soumettre les animaux plus
forts et plus legers que lui a la course et de leur
faire supporter les fatigues de son trans=
port dans les lieux les plus eloignés ou
ses affaires l'appellent. Et independamment
de ce secours, il peut de lui même se transpor=
ter partout a son gré sans essuier dans sa
marche d'incommodité, et même avec plai=
sir et les plus heureuses influences sur sa
santé. Lorsqu'il se promeine, quoique ap=
puié sur deux pieds seulement, il peut, par
une suite de la configuration large et espaciée
<87> espaciée de ces bases, de la merveilleuse
construction de leurs os, et de leurs emboi=
temens, surtout de leurs orteils destinés a
les mieux affermir, par un effet de la force
des muscles qui deploient leur jeu dans
les jambes , les cuisses, les hanches , il peut
marcher avec beaucoup de liberté et d'ai=
sance, sans etre exposé au danger ni a la
crainte de perdre son equilibre, et d'un pas
assès ferme et assuré pour n'etre pas dis=
trait des pensées qui l'occupent par une
attention continuelle a se preserver de
chute. Les lieux mêmes les plus scabreux
et les plus elevés qui servent de retraite
et d'azyle aux animaux fugitifs, ne sont
point inaccessibles pour lui.
HABILETE POUR ECARTER OU SAI=
SIR LES OBJETS.
L'homme n'est muni d'aucune deffense
redoutable pour 1 mot biffure repousser ou attaquer
l'ennemi, et se rendre maitre de sa proie. Mais
il est pourvu de deux mains et celles ci lui
tiennent lieu de tout. Ces organes du ne furent jamais
tact le plus exquis,
destinés par la nature a servir de piliers
perpetuels a la masse de son corps; cela
etoit incompatible avec la finesse du toucher
qui leur est propre; avec cette souplesse etonnan=
te de muscles, et cette facilité de mouvemens
qui annoncent sans equivoque qu'ils sont
fait pour executer toutes sortes d'effets
merveilleux aux ordres de la volonté.
Non, qui jettera le plus leger coup d'oeuil
sur leur construction, sur se composé mer=
veilleux d'une multitude d'osselets, d'em=
boisures, d'articulations, de muscles rami=
fiés <87v> dans toutes les directions, qui les ren=
dent susceptibles de toutes sortes d'infle=
xions et de mouvemens, ne pourra me=
connoitre la destination des mains pour
servir d'instrument a l'activité et l'indus=
trie de l'homme, qu'il deploie de toutes
manieres et sur toutes sortes d'objets.
D'abord en reussissant les mouvemens
de ses mains avec la flexion de ses bras ,
et la force musculeuse des epaules , l'hom=
me peut se charger de pesans fardeaux;
les transporter, les pousser devant lui
ou les trainer après lui, et même il peut
deploier tout a la fois les forces de tous
ses muscles pour les reunir en un effort
commun qui semble tenir du prodige
comme cela s'observe chès les portefaix.
Par la contraction de tous les muscles,
de toutes les jointures de la main, l'homme
s'en forme une masse, un marteau,
qui agité avec violence lui sert a repous=
ser l'ennemi, ou a frapper, casser &c
c'est ce qu'on appelle le poignet .
Par le même mouvement, il s'en fait une
serre pour saisir fortement ce qu'il
veut retenir, contenir &. ou pour reprimer,
et domter l'animal qu'il veut ploier a
ses ordres, ou pour manier toutes sortes
d'armes pour se deffensives ou 2 mots biffure offensives
baton, pique, epée, arc &c.
INDUSTRIE UNIVERSELLE.
De ses mains l'homme se fait encor un
instrument continuel d'activité industi=
euse qu'il deploie ou immediatement, ou
mediatement, avec le secours de quelque outil
<88> ou levier, aceré ou tranchant, ou crochu, pour agir
selon ses vües, 1 mot biffure sur les corps exterieurs, lors=
qu'il veut les frapper, les pousser, les deplacer
les eloigner ou les rapprocher; les saisir, les
embrasser, ou en changer les rapports en=
tre eux. Les separer ou les lier, en faire des
combinaisons diverses selon qu'il les juge convena=
bles. 1 ligne biffure
2 mots biffure De la cette Industrie ad=
mirable par laquelle il est venu a bout de
suppléer a sa foiblesse, de subvenir a ses
besoins, quelques nombreux qu'ils soient, et
se menager une multitude infinie de res=
sources pour la commodité et l'agrement
qui repandent tant de charmes sur son
existence. Que n'a t'il point fait par elle?
Il est parvenu a mesurer les Cieux et
la terre, a defricher celle ci, la cultiver
l'embellir, signaler la gloire de son espece
par l'invention des arts mechaniques et
liberaux.
Ce que nous appellons Industrie ne
peut etre attribué aux animaux que
dans un sens très impropre, puisque
ches eux elle est due toute entiere, non
a la reflexion, mais a l'instinct et que
la nature toute seule en fait les frais.
Cette industrie n'est susceptible d'aucun
devellopement ni perfectionement; ce
que l'animal execute dès sa naissance
il le repetera tous les jours de sa vie et
de la même maniere, et tous les Indivi=
dus de son espece, le repeteront après lui
pendant que l'espece subsistera. L'effet en
est admirable, jen conviens, mais c'est
l'oeuvre de la nature toute pure, c'est sa Loi
<88v> que l'animal suit, sans le savoir, ni le vou=
loir; appellès cela industrie j'y consens;
mais c'est une industrie bornée a un seul
objet, qui ne s'exerce que dans un genre
unique, qui ne gagne rien par l'exercice ni
la suite des generations; tout se reduit a
quelques moiens destinés par la nature a la
conservation de l'animal et a celle de son
espece.
L'instinct chès l'homme ne produit au=
cun genre d'industrie dont l'objet soit
determiné et renfermé invariablement
dans certaines bornes. Tout ce qu'il
execute porte l'empreinte de l'obser=
vation, et de l'Intelligence propre a
son espece, qui le rendent susceptible
de procedés infiniment variés, et de la
cette industrie universelle qui s'etend
a tous les objets, qui s'exerce en tous les
genres, qui produit chaque jour de
nouveaux fruits, qui se perfectionne
sans cesse. L'homme en tient les ele=
mens de la nature, mais il porte
dans sa pensée le principe genera=
teur de leur devellopement. Tel
est le grand trait distinctif de l'espece
humaine, une industrie inepuisa=
ble, qui la dedommage bien ample=
ment de tous ces avantages particu=
liers a certaines especes et de celui même
qu'elles semblent avoir toutes sur l'hom=
me par rapport a la promtitude et la
sureté de leur instinct. Qui peut dis=
cuter la Superiorité a un Etre qui
a pu par son activité industrieuse et
reflechie se procurer des ressources de
l'art si nombreuses et si variées, pour
<89> pourvoir a sa sureté, pour prevenir
ou eloigner le danger, pour se preserver
des maux ou y remedier, pour pourvoir
a tous ses besoins, contenter tous ses gouts,
joindre au necessaire, l'utile, le commode,
l'agreable, et s'assurer mille moiens pour
perfectionner son etat.
PERFECTIBILITE.
Les besoins de l’homme ne sont pas sou=
mis a la même uniformité que ceux des
autres especes; il les voit naitre, croitre,
se multiplier, et son industrie s’exerce
a mesure a trouver les moiens de les satis=
faire. Au premier coup d’oeuil, on diroit
que c’est la un grand desavantage de
son espece, mais il en resulte une de ses
plus belles prerogatives. La satisfaction
de ses besoins fournit a l’homme une
source de plaisirs variés et sans cesse
renaissans; ces plaisirs a leur tour
reveillent son activité industrieuse et
celle ci, par ses efforts et ses progrès succes=
sifs, devient le grand ressort du devellope=
ment des talens, des decouvertes, des recher=
ches avides, des progrès de l’Esprit humain,
de cette perfectibilité qui ne connoit
aucune borne, de ce perfectionnement
effectif qui croit avec d’autant plus de
rapidité que l’industrie est appellée
a se deploier avec plus d’ardeur pour contenter les
besoins et les gouts de l’espece humaine.
Tel est en effet l’aiguillon puissant qui
anime l’individu au travail, 4 mots biffure qui le tient sans cesse en
haleine, exerce ses forces, conserve
sa santé, previent l’ennui et la langueur
compagnes inseparables de l’inaction
<89v> qui rendroient sa vie fastidieuse et
1 mot biffure insupportable.
SOCIABILITE DECIDEE
Des deux desavantages indiqués cy dessus,
de la foiblesse naturelle de l’homme et ses
besoins multipliés, de la dependance natu=
relle ou il se trouve par rapport a ses
semblables, resulte enfin la plus belle
prerogative de son espece, celle sans laquelle
toutes les autres seroient comme nulles
et qui seule peut lui assurer une supériorité
complette sur les autres especes, c'est
1 ligne biffure je veux dire la 1 mot biffure sociabilité. 1 mot biffure L’in=
clination 1 mot biffure naturelle a former avec ses
semblables une societé réglée , soumi=
se a un certain ordre, 2 mots biffure et
a devenir, par cette reunion, un Etre
rangé, pourvu de qualités propres a
cette vie sociale, qui est pour lui la
plus parfaite et la plus heureuse.
Ici brille avec eclat la superiorité de
l’homme sur les autres especes sociales,
soit qu’on le considere dans l’etat de
societé domestique, soit qu’on le consi=
dere dans l’etat de communauté de
familles.
<90> CHAPITRE XI.
Avantages qui resultent de la foiblesse natu=
relle de l’homme et de la dependance ou elle le
met par rapport a ses semblables: inclina=
tion decidée pour la societé domestique.
LES DEUX SEXES
La Loi commune de la reproduction s'exe=
cute dans l'espece hmaine, comme dans les
autres, par la difference des sexes et leur
concours pour la fecondation des germes
preformés, dont le develloppement donne
naissance aux Individus appellés succes=
sivement a la lumiere.
Les deux sexes ne different sensiblement que dans les
organes destinés au concours et dans le
maintien exterieur. Le contour des mem=
bres fortement exprimé, de gros muscles
saillans, des traits bien marqués, une
demarche ferme et fiere, voila ce qui
caracterise l'homme. Des formes plus
arrondies, des traits plus fins et delicats,
plus d'eclat dans le teint et le coloris,
plus de douceur dans les mouvemens,
voila ce qui caracterise la femme.
Telles sont ces qualités distinctives qu'elles
semblent toutes avoir été destinées a
leur servir d'attraits reciproques pour
les solliciter a l'amour et l'union, et
fortifier le cri de la nature qui doit
amener l'entiere execution de son voeu.
SOCIETE CONJUGALE.
L'aiguillon de l'instinct qui sollicite les
sexes a s'unir chès les autres especes, se
reduit a un besoin physique qui ne de=
mande que la satisfaction du moment
et ne produit chès la plupart que des unions passageres,
1 ligne biffure qui même sont assujeties aux
influences des saisons.
<90v> Mais chès l'espece humaine, l'obeissance
aux Loix de l'instinct n'est pas le seul
ressort qui anime les deux sexes: il est
accompagné d'un sentiment tendre et doux
qui attache deux personnes l'une a l'autre
par un gout decidé de preference, et
produit l'union de deux coeurs qui se
lient l'un a l'autre par choix, et pour
trouver leur bonheur dans un amour
mutuel, independant de l'influence des
saisons et des circonstances.
A cette voix imperieuse se joint encor celle
du besoin de vivre en societé, de partager
avec quelquun ses plaisirs et ses peines, de
se lirer par reciprocité de Secours et en vüe
d'un commun ïnteret.
Ces voix reunies inspirent aux deux Sexes
le desir de rendre leurs liens fixes et constants,
de former entr'eux une Societé de coha=
bitation permanente, d'autant plus Inti=
me, qu'il y a plus de motifs d'attachement
reciproque. Ainsi se forme naturellement la Societé
conjugale .
SOCIETE DOMESTIQUE.
De la premiere union des deux sexes ame=
née 2 mots biffure souvent par le seul instinct, nait
d'abord un individu de leur espece, ce n'est
plus l'instinct seul qui les porte a le nourir
et le soigner; c'est un sentiment du coeur,
un amour tendre, et même reflechi, qui
distingue l'espece humaine de toutes les
autres. Les Parens voient dans leur
enfant, le fruit et le gage de leur union,
la source d'un renouvellement de tendresse
mutuelle, un germe precieux des plus
douces esperances pour l'avenir; Cet
enfant devient l'objet cheri dans lequel
leurs coeurs semblent se concentrer et se
<91> confondre. A ce premier lien de leur
tendresse en succedent d'autres qui donnent
a celle ci encor plus de vitalité et de constance
et qui serrent encor plus fortement les noeuds
de cette societé pour la rendre ferme et
indissoluble. Ainsi de la tendresse con=
jugale naît chès les Parens une tendresse
Paternelle pour leurs enfans, si vive et si
forte qu'ils semblent s'oublier eux mêmes
pour ne s'occuper que des soins de la conser=
vation de ceux ci; soins si assidus et si
multiples a cause de leur foiblesse, de leurs
besoins nombreux et sans cesse renaissans.
Ainsi se forme la Societé domestique qui
comprend les Parens, les enfans, et toutes
les personnes qui cohabitent dans la même
maison .
EDUCATION.
Aucun animal ne vient au monde plus
foible plus incapable de se soulager lui mê=
me, aucun ne croit et ne se fortifie avec plus
de lanteur que l'homme: aucun dès la n'a
un besoin aussi indispensable, ni d'aussi
longue durée, des soins de ses progeniteurs;
pour le porter, le proteger, le nourrir et
veiller a sa conservation. Chès les autres
especes les petits ne tardent pas a se separer
de leur mere, ou la mere ne tarde pas a les
abandonner parce qu'ils peuvent de bonne
heure se passer de son secours. Mais chès
l’espece humaine, les soins de l’education
durent aussi longtemps que les besoins
l’exigent, et pendant tout ce temps assès
long que les enfans sont les objets de la
tendresse de leurs Parens, ils s’attachent a
leur tour a ceux ci, non seulement par l’habi=
tude de vivre avec eux, par le sentiment du
<91v> besoin qu’ils ont de leur secours, mais
aussi par l’effet d’une sorte d’instinct qui
unit tout etre sensible a tous ceux qui
lui font du bien. La reconnoissance
s'y joint pour leur inspirer un tendre re=
tour d'affection, et ils prennent l'habitude
de se ploier a leur volonté avant même
que le devellopement de leur raison leur
ait fourni des idées d'obligation et de
devoir.
C'est ainsi que la foiblesse et la dependance
de l'homme dans sa premiere enfance
le force a se ploier au joug de l'instruction
et donne lieu a une education parti=
culiere a son espece par laquelle se devel=
lopent ches lui des facultés et des talens qui
sans elle resteroient oisifs, et ne l'empe=
cheroient pas de rest demeurer toute sa
vie un animal grossier et stupide.
ATTACHEMENT FILIAL.
A mesure que l'enfant croit, et lors que l'accrois=
sement de ses forces qui lui rend 1 mot biffure le se=
cours de ses Parens moins necessaire, sem=
bleroit devoir le detacher de ceux ci, 1 mot biffure
5 mots biffure pour devenir
son propre Maïtre, la reflexïon, heureuse=
ment se fortifie et vient suppleer a l'ins=
tinct: l'enfant sent qu'il 3 mots biffure
est encor bien eloigné d'avoir 1 mot biffure acquis l'ex=
perience, les lumieres, le savoir faire
dont il auroit besoin pour se suffire a
lui même: il comprend le besoin qu'il a
encor de protection, de conseils, de secours
de ressources pour sa subsistance, et com=
bien il seroit peu fondé a en esperer
ailleurs plus que dans la maison pater=
nelle; a cela il joint encor le souvenir de
tout ce qu'il doit a la tendresse de ses Pa=
rens, et l'idee de tout ce qu'il a encor a en
attendre s'il continue a la cultiver par un
juste retour de sentimens affectueux. Tous
<92> ces motifs reunis concourent pour le
lier a eux par le respect, l'attachement,
la confiance, et ce devouement qui n'at=
tend que l'occasion pour exercer envers
eux une reciprocité de soins et de Se=
cours, surtout lorsque la Caducité les
leur rendra necessaires. Tels sont les
liens naturels qui unissent les enfans
a leurs Parens dans la Socïeté domesti=
que.
FRATERNITE.
Les freres et soeurs , enfans des mêmes
Parens, qui partagent en commun
leurs soins et leurs bien faits, et doivent
eprouver pour eux le même retour d'affec=
tion filiale, trouvent dans cette relation
commune un lien d'attachement mu=
tuel qui doit les inviter a se reiterer
sans cesse les temoignages d'une amitié
reciproque. A cela se joint même un
lïen d'interet, puisque de leur union
et de leur concours pour travailler au
bien de la maison resulte le plus grand
avantage pour chacun d'eux. Enfin
la voix du Sang parle ici encor plus
fortement que celle du besoin et de
l'interet.
FAMILLES.
Les enfans des premiers Parens qui
s'unirent par le lien conjugal, durent
naturellemens aussi obeir au même
instinct, et de nouvelles unions se for=
merent pour donner le jour a d'autres
enfans qui suivirent a leur tour le même
exemple. Ainsi les generations se succe=
derent les unes aux autres, et chaque
famille Societé domestique vit renaitre des rejettons dans son sein;
<92v> ainsi s'etablirent les suites de descendans
issus de la même tige auxquelles on
a donné le nom de famille . Et de la
reunion de plusieurs generations vivan=
tes a la fois dans chaque famille, re=
sulta la multiplication de l'espece tou=
jours proportionelle 1 mot biffure a l'abondance des ressources,
3 mots biffure qui fut dans tous les
temps la mere et la mesure de la popu=
lation.
ALLIANCES
Dans les temps primitifs, ou lorsque des fa=
milles se trouvoient confinées a l'ecart
et isolées, elles ne pouvoient se conser=
ver que par des unions entre freres
et soeurs et ensuite entre des germains.
La necessité, et l'idée effraiante de voir
sa race eteinte, et de demeurer sans
secours, pouvoient, en pareil cas, l'em=
porter sur cette repugnance secrette
5 mots biffure qui eloigne
1 ligne biffure naturellement les freres et les soeurs de
2 mots biffure
l'union conjugale; re=
pugnance qui joint a d'autres raisons
très fortes, a fait toujours envisager
les unions entre les enfans de mêmes
Parens comme contraires a l'ordre et
au voeux de la nature; 4 mots biffure
1 ligne biffure
egard, car puisque dans chaque famille
il ne nait point un nombre egal d'enfans
des deux Sexes, la nature a clairement declaré par la, que
les unions devoïent etre contractées entre
des personnes de differentes familles; ce
qui est aussi reconnu chès toutes les nations
1 ligne biffure
Alliance qui ne ou l'abrutissement
n'est pas parvenu a son comble.
<93> PARENTAGE.
Du moment que les familles se sont
rapprochées, la nature et la raison les
ont conduit a se mêler et s'unir les
unes aux autres par des alliances conju=
gales et a former ainsi entr'elles une
espece de Societé qu'on peut appeller
parentage, mais et qui n'est dans le fond
qu'une Societé de familles considerées
comme reunies. 1 mot biffure
GERMES DE SOCIABILITE.
Ainsi n'aquirent ces premieres Societés
naturelles 2 mots biffure d'ou sont partis
tous les germes de Sociabilité, d'esprit
d'union et de concert, toutes ces affec=
tions sociales qui se sont devellopées chès
les hommes, a mesure que de nouveaux
liens se sont formés parmi eux et
ont produit differentes societés.
CAUSES NATURELLES DE LA GRANDE
POPULATION DE L’ESPECE HUMAINE.
Le nombre des Individus de l'espece hu=
maine subsistant a la fois sur la face
de la terre, est de beaucoup superieur
a celui des autres animaux d'une certaine
taille, et dont les productions sont même
plus frequentes et plus nombreuses. Selon
les Loix 4 mots biffure
Selon le calcul communement adopté
il y a sur le globe,
En Europe | 100000000 habitans |
Afrique | 100000000 |
Asie | 500000000 |
Amerique | 300000000 |
Total | mille millions |
Cette grande population doit etre attribuée
1° aux avantages de la Societé domestique
ou aux soins des Parens qui mettent les en=
fans a l'abri de mille dangers; 2° a cette
<93v> constitution propre a l'espece humaine qui
lui permit de se repandre sans inconve=
nient dans tous les lieux et les climats et de
s'y nourrir de toutes sortes d'alimens:
surtout 3° a la reunion des familles en
communautés nombreuses, d'ou les hom=
mes ont emprunté tant de forces et de
ressources, non seulement pour augmen=
ter les substances par la culture et
l'industrie, 1 mot biffure mais encor pour faire
la guerre aux especes ennemies, se li=
guer partout dans la vüe de les detruire
successivement, de les chasser et resserrer
dans les lieux steriles pour les faire perir
peu a peu par la privation des subsi=
stances, et par ce moien, accroitre l'espece
humaine au prejudice de toutes celles qui
auroient pu s'opposer aux progrès de cette
population.
LOIX ET VARIETES DE CETTE
POPULATION
L'accroissement promt ou lent du nombre
des animaux depend en general non
seulement des Loix ordinaires de leur
propagation, mais encor des circonstan=
ces plus ou moins favorables de leur
securité et des ressources de subsistances
a leur portée.
Les Loix de la propagation de l'espece hu=
maine peuvent varier selon les climats
eu egard a l'age ou les sexes commen=
cent a deploier leur fecondité et ou ils
cessent, ainsi qu'a la frequence des re=
productions: car de la depend le nombre
de ceux qui peuvent sortir d'une même
souche et le nombre des generations qui
peuvent vivre ensemble; deux choses qui
determinent le degré de population.
Mais ce degré depend encor plus des circons=
tances accidentelles, car toutes les fois que
les hommes sont appellés a disputer le ter=
rain ou les susbistances; aux animaux ou
aux hommes, partout ou ils retrouvent
<94> qu'un sol d'une culture peinible et peu
fructueuse, la population est toujours
retardée, comme plus avancée la ou
le sol est favorable et les circonstances
heureuses.
Les contrees septentrionales sont moins
peuplées par ces raisons que les Meridio=
nales, quoique l'espece humaine soit
plus vivace dans les premieres.
<94v> CHAPITRE XII.
Second avantage resultant de la foiblesse
et de la dependance naturelle de l’homme;
inclination a former des associations de
familles en communautés.
ASSOCIATIONS DES FAMILLES EN
COMMUNAUTES.
Quand on considere les ressoures que la
nature a fourni aux hommes pour pour=
voir a leurs besoins, le penchant qu'elle
leur a inspiré pour la liberté et l'indepen=
dance, on seroit d'abord tenté de croire que
ce n'est point elle qui originairement a
invité les familles dispersées a se reunir
entrelles pour former des associations
plus nombreuses.
Mais une fois instruites par l'experience des
avantages attachés aux Societés naturelles
de familles et de parenté, il n'a fallu aux
hommes ni beaucoup de reflexïon, ni
beaucoup de temps pour concevoir tout
ce qu'ils pourroient esperer d'utilité et de
secours d'une Societé plus etendue et plus
feconde en ressources, pour procurer le
plus grand bien de tous. Ne doutons pas
que dès que leur population, les circons=
tances, le devellopement de leurs facultés,
ont pu le permettre, ils n'aient eu assès
de bon sens pour sacrifier le charme trom=
peur d'une independance 1 mot biffure illi=
mitée, aux precieux biens qu'ils pouvoient
naturellement se promettre de la reunion
d'un certain nombre de familles en corps
d'association, qu'on a appellé commu=
nauté , dont les etablissemens multi=
pliés ont donné naissance a ce que nous
appellons peuples, nations, etats.
<95> FINS DE CES ASSOCIATIONS.
1. SURCROIT DE FORCES POUR LA
DEFFENSE COMMUNE.
Un des premiers buts de ces associations
fut sans doute de reunir leurs forces
pour se deffendre plus efficacement con=
tre les animaux feroces que leur voisina=
ge et leur population rendoient très redou=
tables a l'espece humaine, ou contre
l'oppression des hommes mechans et
violens, plus terribles encor que les lions
et les tigres, qui dans tous les temps ont
cherché a troubler le repos de leurs sem=
blables et a les surprendre au depourvu.
Dans l'Ethnologie nous montrerons, d'un
côté, que les hommes 2 mots biffure ont
été obligés partout a en venir a des
expeditions de chasses contre les bêtes carna=
cieres, pour les detruire ou les ecarter; de
l'autre, que ces expeditions n'ont pu se faire
que par le concours d'un grand nombre
d'hommes agissant de concert et usant
d'un Langage articulé, pour se commu=
niquer mutuellement leurs vües, pour
convenir d'un plan d'operations, et four=
nir les signaux necessaires pour a l'execution
de celles ci. 2 mots biffure Ce seul besoin
de concours auroit pu, dès les temps les
plus anciens, suffire pour forcer les
hommes a des reunions de familles
comme il est encor un ressort de rallie=
ment des plus puissans sur ces hommes
non civilisés qui composent les hordes
ou tribus sauvages, pour les engager
a vivre et marcher en troupes, a se ras=
sembler en nombre pour se donner des
secours mutuels et opportuns, soit dans
leurs operations de chasse, soit dans leurs
marches guerrieres contre les tribus ou
les nations ennemies.
<95v> 2. DOMINATION SUR LES AUTRES
ESPECES
L'homme se sentant privilegié et né
pour commander aux autres especes,
ne se sera pas contenté d'assurer son tri=
omphe sur les especes ennemies, il aura
cherché a assurer aussi son empire sur toutes
les autres dont la prise et la possessïon
pouvoient 1 mot biffure servir si utilement
a ses besoins. 5 mots biffure
Les Individus auront bien senti encor
ici la necessité du concours de forces,
et n'auront pas manqué de former
des associations nombreuses pour sou=
mettre toutes 1 mot biffure les especes qui pouvoient se
soustraire a la domination ou par
la force, ou par l'adresse, ou par la
legereté de la course &c.
Et 1 mot biffure a cet egard nous ne saurions jamais assès admirer
la Sagesse infinie du Createur qui a voulu
qu'il y eut sur ce globe une espece supe=
rieure a toutes les autres, et a laquelle
appartinssent les renes de cet empire
sublunaire. Il ne les a point confiées
a une espece dont l'ïndividu Seul et
isolé fut par lui même d'une taille et
d'une force assez imposantes et redoutables
pour faire trembler tous les animaux
des autres especes qu'il trouveroit sur son
chemin; 1 mot biffure un tel empire n'eut jamais été
qu'un empire cruel et destructif, et toutes
la terre n'eut été qu'un theatre de carna=
ge et d'effroï. Dans les vües d'un Dieu
tout Sage et tout bon, cette domination
ne pouvoit echoir qu'un animal natu=
rellement et par ceci même, foible, denué
d'armes meurtrieres, et dont la superiori=
té 1 mot biffure ne fut absolument que l'effet de l'indus=
trïe et de l'Intelligence. Cette domina=
tion devoit appartenir non a l'individu
homme, peu capable de triompher seul
des animaux qui le surpassent en coura=
ge et en forces, maïs a la reunion
<96> des Individus, a leur association en en
3 mots biffure communauté
ou Societé, qui seule peut accroitre
suffisamment leur puissance par
le concert d'une activité industrieuse.
Et c'est ici même un moien aussi excellent que
admirable que le Createur a voulu
emploier pour forcer les hommes a se reunir
en communauté en leur faisant comprendre
qu'ils ne peuvent vivre en societé et heureux,
ni exercer un juste empire sur les autres
especes, qu'autant qu'ils 3 mots biffure sont
unis entr'eux par le lien social, et que cha=
cun d'eux 1 mot biffure voit dans son semblable, un Etre
dont la vie est importante et precieuse a
la sienne propre.
Ne doutons pas meme que si le Createur a ordon=
né sur le globe la population de tant d'es=
peces feroces et carnacieres, il n'ait eu en
vüe principalement de procurer le plus
grand bien des hommes par en leur fai=
sant 1 mot biffure sentir par la la necessité de se
rapprocher et de s'unir entr'eux pour pour=
voir a leur sureté et a leur deffense commune.
Ce n'est en effet que par la que les hommes
ont pu venir a bout de detruire les especes
ennemies, ou du moins d'en diminuer consi=
derablement le nombre, et de les releguer
dans les forets et les deserts, ou elles ne lais=
sent pas encor que de leur etre utiles, en leur
procurant la ressource de la chasse pour
leur nouriture et leur vetement, et en leur
renvoiant dans leur voisinage les autres
especes non feroces qu'ils peuvent aisement
saisir, 1 mot biffure domter, tenir, sous leur garde, 1 mot biffure
et faire servir a leur entretien, leur habille=
ment, leurs travaux, leurs transports, leurs
commodités et leurs plaisirs.
Telle est l'admirable dispensation par laquelle
le Createur a jugé bon de les amener 1 mot biffure
3 mots biffure a cette union
<96v> sociale a laquelle il les destinoit d'ailleurs comme
a une source inepuisable de Secours
et de douceurs et de plaisir.
3. SECOURS DANS LES BESOINS ET LES
MAUX.
L'homme appellé a lutter non seulement
contre les autres especes qui lui disputoient
son sejour et ses subsistances, mais encor
contre les Etres ïnanimés et les elemens,
l'intemperie des climats, les orages
les inondadations, les embrasemens,
1 mot biffure contre la terre elle même avare envers
lui de ses productions, et n'offrant pres=
que partout que sterilité et disette,
l'homme environné et assiegé dune foule de maux
naturels suites même de l'ordre Physique,
frappé des inconveniens de sa situation,
ne tardat pas non plus a sentir la neces=
sité de se reunir avec ses semblables pour
opposer au cours de ces maux un
concert de forces, d'industrie, d'efforts vigou=
reux et soutenus, et se procurer par
la de nouvelles ressources 1 mot biffure dont aucun
Individu n'eut pu se 2 mots biffure pourvoir par lui
même et qu'aucune famille
même ou Societé do=
mestique n'eut pu
obtenir, dans sa sphere isolée d'activité.
Les premïers essais que l'homme fit en
ce genre, repondirent a ses voeux et a
son attente et il jugea que ce qui lui
manquoit de ressources dans la Societé
de famille, il le trouveroit dans l'etat
de communauté, je veux dire, des secours
pour se mettre a couvert des dangers,
des moiens pour prevenir les divers
maux, des remedes pour les guerïr, du
moins pour les rendre supportables, une
assistance promte et sure dans les besoins,
des consolations dans les disgraces, enfin
des avis salutaires et des instructions uti=
les pour ameliorer son sort.
<97> 4. RESSOURCES POUR LE BIEN ETRE.
Ce n'est pas assès de voir ses besoins ac=
tuels satisfaits, il faut qu'il s'assure en=
cor du necessaire pour l'avenir, et lors
meme qu'il pourroit etre tranquille de
ce côté la, il desire encor, il cherche, il
travaille a s'assurer des biens, des com=
modités, des aisances, des douceurs qui
puissent rendre son existence agreable:
les peuples même les plus sauvages nous
montrent un très grand empressement
pour tout ce qui peut flatter leurs sens.
Mais rien de tout cela ne peut se trou=
ver a portée de l'homme solitaire ou
reduit aux seules ressources de la vie
domestique. Ainsi le denument, joint
a l'ennui, inseparables de la vie isolée,
ont du encor solliciter les hommes a
former des unions en communauté,
qui par la reunion des forces et des talens
industrieux a pu seule les mettre en
etat d'imaginer tant d'expediens, d'entre=
rendre tant de travaux, de former
tant d'etablissemens avantageux,
de pourvoir enfin avec tant de succès,
non seulement a la deffense commune
et aux besoins pressans, mais encor aux
besoins factices, aux gouts, aux desirs
variés, par une multitude de moiens
dus aux institutions civiles et a l'exer=
cice des arts.
CIVILISATION. PERFECTIONEMENT.
Les connoissances ne peuvent s’etendre
parmi les hommes qu’a mesure que leurs be=
soins se multiplient avec leurs gouts, pour
reveiller leur activité industrieuse. C’est
un fait non moins certain que les de=
couvertes ne se conservent et ne se perfec=
tionent, qu’autant que les hommes s’en=
traident <97v>, qu’ils se lient par une commu=
nication reciproque, et surtout que, par
une education bien dirigée, ils transmet=
tent exactement ces connoissances d’une gene=
ration a l’autre. Que les hommes eussent vecu
toujours dispersés et isolés, ils seroient demeu=
res a jamais circonscrits dans le cercle des objets de
premier besoin, et des appetits animaux,
et les connoissances mêmes qu’un Individu au=
roit pu acquerir par quelque heureux
hasard, auroient été ensevelies avec lui, ou
seroient demeuré renfermées dans l’enceinte
de sa famille, sans se repandre au dela;
ainsi les lumieres de l’espece humaine
n’auroient fait aucun progrès, les der=
nieres generations se seroient trouvées
aussi ignorantes que leurs devancieres,
et la terre n’auroit offert partout que
le spectacle de la barbarie et de la
misere qui la suit. C’est ce que les hom=
mes n’auront pas manqué de comprendre
de très bonne heure ainsi que le besoin
d’un concours en Societés nombreuses
pour soutenir leur activité, ameliorer
leur etat, etendre leur Industrie et leur
Intelligence, et obtenir des moiens de
conserver leurs connoissances, et de les
perfectioner successivement avec la
suite des siecles, ce qui devoit servir a
1 mot biffure son tour a augmenter les heureuses
influences du lien social pour le bon=
heur de l’espece.
Qui ne voit aussi que c’est la Societé seule
qui a pu favoriser les soins de l’educa=
tion par rapport a la culture de l’Intelli=
gence, en faisant naitre des moiens mul=
tipliés d’Instructïon. Jusques a quel point
n’a telle pas varié aussi les objets d’obser=
vation et d’experiences, et les secours pour
en tenir note, les repandre, les transmettre
et par la etendre les resultats et les apper=
çus, develloper le genie et l’industrie des
hommes, ainsi que leurs prevoïance leur
<98> prudence, leur habileté dans tous les pro=
cedés et toutes les affaires de la vie humaine.
N’est ce pas a la societé seule qu’est due
la culture du talent pour l’imitation
que les hommes deploient tous dès l’en=
fance, ce talent si precieux qui a été le
premier germe de tous les arts, et en par=
ticulier de celui du Langage, qui suppo=
se des usages uniformes d’organes par
lesquels ils peuvent se communiquer
avec precision leurs besoins, et leur desirs,
etendre leurs observations et leur Intelli=
gence et faire chaque jour de nouveaux
progrès dans la civilisation.
Enfin quelque capable qu’on suppose l’hom=
me de s’elever au dessus des autres especes
par la noblesse de ses affections, n’est ce pas
l’etat de communauté societé qui seul a pu devel=
loper chès lui une disposition veritable=
ment sympathique pour ses semblables, qui
le met en quelque sorte avec eux a un
unisson de sentimens, en lui faisant eprou=
ver les mouvemens de la joie ou de la tris=
tesse, de l’esperance ou de la crainte, lors
qu’il en demele chès eux les caracteres et
les effets, qui est enfin le grand ressort de
la compassion, de la bienfaisance et de
toutes les vertus qui font les delices de
1 mot biffure l’humanité.
CONCLUSION.
Ainsi sans parler de cette foule d'evenemens
particuliers qui ont pu rapprocher des hom=
mes isolés, disons qu'en general tout a
concouru a les amener a l’union Sociale,
tous les germes de Sociabilité que la natu=
re avoit placés dans leurs coeurs, toutes leurs
affections sympathiques, leurs facultes ac=
tives et industrieuses, l’organisation propre
a leur espece, qui les a rendu susceptibles
d’un Langage naturel très expressif,
le sentiment de leur foiblesse naturelle
quand ils vivent dans la solitude, l’expe=
rience de leurs forces quand ils agissent
<98v> de concert, le grand interet qui revient
a chacun d’eux de leurs efforts reunis,
toutes ces voix ont pu s’elever a la fois
au fond de leur coeur, pour les disposer
a renoncer aux charmes seducteurs de
l’independance et s’assujetir a un etat
de communauté qui soumettant leur
liberté a quelque gene, leur offroit en
echange les avantages les plus essentiels
a leur sureté et leur bonheur.
Par le plus juste des calculs, ils ont compris
que l’etat isolé ne pouvoit etre qu’un etat de
denuement et même de trouble et de
disputes sans fin; et que le plus expediens
pour eux, comme aussi le parti le plus con=
forme a leurs penchans naturels et a leur
destinatïon, etoit de 1 mot biffure chercher
dans une reunion d’activité, de forces
2 mots biffure de lumieres et de vües, la seule
ressource efficace pour se procurer a
chacun d’eux en particulier la sureté,
la tranquillité, la Satisfaction de leurs
besoins et de leurs gouts et une continuité
de jouissances païsibles.
Ce n’est qu’en assujetissant ainsi sa vol=
onté a celle des autres, pour acquerir
un droit reciproque sur la leur, en se
soumettant a cette gene qu’exige une
regle convenue, en apprenant a obeir
a des Loix qu’il s’est lui même imposées,
et ainsi a se commander en quelque sor=
te a lui même. Ce n’est que dès lors que
l’homme est devenu veritablement grand
et puissant, capable de dominer sur la
nature, d’en forcer toutes les parties a
lui payer chacune son tribut; ce n’est
que dès lors que l’espece humaine a fait
reconnoitre partout sa superiorité et son
empire, et s’est pourvue d’une multitu=
de de ressources en tous les genres, qui
en occupant son activité, font actuel=
lement ses delices.
La societé est meme tellement essentielle a l’hom=
me Individu, que ce n’est point assès pour
lui d’appartenir a la Societé generale, de l’espe=
ce humaine, resultant partout des relations
que la nature a etablies entre tous les hom=
mes, et subsistant partout, independam=
ment de toute association particuliere. Il
n’en est aucun qui ne cherche encor a former des
relations plus etroites avec un certain nombre
de ses semblables, qui ne s’empresse a saisir
la premiere occasion qui se presente pour
se reunir a quelque communauté, sans se
laisser rebuter par la gene et les charges aux=
quelles cette reunion peut l’assujetir. Il
n’est point même de famille qui ne temoi=
gne le plus grand desir de contracter
des liaisons particulieres avec un nom=
bre d’autres familles dans la vüe de tra=
vailler de concert a leur plus grand
avantage commun. Tout 1 mot biffure ainsi
a concourru a la distribution de l’espece
humaïne sur le globe en diverses commu=
nautés particulieres, appellées hordes, tribu,
peuplades, peuples, nations, etat, selon
leur population, leur
etendue, ou selon leur
degré de civilisa=
tion.
<99> Tout ce qui a été dit jusques ici n'a
ete qu'un parallelle de l'homme avec
les autres especes quand a la vie ani=
male et sociale qui leur sont com=
munes, et nous avons eu pour but prin=
cipal de montrer partout la grande
superiorité de l’espece humaine.
Nous allons presentement considerer l’homme sous
les traits particuliers et propres a son espece et
qui le relevent d’une maniere bien
plus glorieuse encor. Il s’agit de sa
vie d’Intelligence par laquelle il se
lie a tous les objets de la nature par
les soins qu’il prend de les etudier et
de les connoitre, d’en faire un choix
sage et reglé, et d’en appliquer la
jouissance a l’avancement de
son veritable bonheur.
<99v> CHAPITRE XIII.
De la vie d’Intelligence, le plus beau trait
de superiorité qui eleve l’homme sur les
autres especes, et premierement de l’Intelli=
gence ou faculté de penser.
VIE D’INTELLIGENCE.
On ne peut contester aux brutes, ni la
conscience d'elles mêmes, et des impressions
de la sensibilité, ni la reminiscence et
l'imagination pour retenïr ces impressions,
et se les retracer sous des images confuses
ni une association d'idées qui permet a
l'animal de demeler entr'elles quelques
rapports sensibles, comme cela arrive
au chien lorsqu'il 1 mot biffure reconnoit son maitre
dans un grand eloignement, dans la
foule, et qu'il court a lui sans jamais
le confondre avec un autre. On ne sau=
roit 1 mot biffure nier non plus 1 mot biffure que les animaux n'eprouvent
des mouvemens d'inclination ou d'aver=
sion qui naissent des impressions que
les objets font sur eux, qu'ils n'aient une
activité spontanée pour rechercher ceux ci
ou les fuir; selon les suggestions de l'ins=
tinct et de leurs appetits naturels. 1 mot biffure
Tout cela chès eux est renfermé dans
la vie animale: toutes ces qualités se
retrouvent aussi chès l'homme conside=
ré comme animal: mais ce qui le dis=
tingue eminemment des brutes, c'est qu'elles
lui servent toutes de moien, ou de ma=
teriaux pour exercer sa vie d'Intelligence;
1 ligne biffure; c'est qu'elles concourent
3 mots biffure
dans leur exercice avec des facultés
d'un ordre superieur, propres a l'espece
humaine, et de qui depend principa=
lement cette vie qui fait sa gloire,
comme son caractere distinctif.
3 lignes biffure
<100> OPERATIONS FACULTES
La vie d'Intelligence s'exerce chès l'homme
par diverses manieres d'agir qu'on a ap=
pellées operations de l'ame, et par l'exercice
d'autant de pouvoirs qui ont reçu le nom
de facultés .
Ce principe de La vie d'Intelligence devel=
lope son activité de trois manieres repon=
dant a ces trois mots, penser, vouloir, agir
ou executer. Ces 3 actes offrent une
succession, la pensée precede le vouloir
et celui ci l'execution; mais le plus souvent la succes=
sion est si rapide qu'on les croiroit si=
multanés. A ces 3 operations ou actes
repondent l'Intelligence, la volonté, la
force active ou executrice, trois facultés
distinctes, quoi qu'appartenant a un
seul et même principe d'action en soi
unique et indivisible, appellés l'ame
humaine.
CONSCIENCE REFLECHIE.
Ce qui distingue essentiellement l'ame
humaïne, c'est la consience reflechie
ou ce sentiment interieur 1 mot biffure
accompagné d'un acte reflechi sur elle
même, par lequel elle s'apperçoit de ce
qui se passe au dedans d'elle, de ses opera=
tions et de ses facultés, 2 mots biffure
et de tous les etats par lequels elle pas=
se successivement. D'une maniere aussi
nette qu'elle distingue ses diverses sen=
sations, et avec une certitude egale a
celle qu'elle a de sa propre existence, car
la certitude qu'elle a de celle ci depend de celle qu'elle
a, qu'elle sent et qu'elle pense, comme celle
ci est inseparable de 1 mot biffure la perception qu'elle
<100v> a eprouve recoit de ses diverses manieres de sentir, de
penser, de vouloir et d'agir.
PENSEE.
Le mot penser exprime l'activité que
l'ame deploie pour soumettre des objets a
l'examen, pour en connoitre les rapports
et même ce qu'elle doit faire a leur egard,
car on dit; je pense a tel objet, a tel plan
a executer telle chose. En ce sens, le mot
pensée s'etend a l'ensemble des operations
de l'ame humaine 1 mot biffure pour parve=
nir a une connoissance claire et exacte
des choses; operations auxquelles doivent
repondreent autant de facultés distinctes
et differemment denominées, quoique
toutes comprises sous l'Intelligence
qui repond a la pensée en general.
INTELLIGENCE
L'Intelligence n'est donc autre chose que
la faculté de penser et de concevoir les
choses.
On pourroit distinguer dans l'Intelligence
autant d'operations qu'on peut distinguer
de differentes manieres de penser, et tout
autant de facultés correspondantes;
<101> mais l'usage a restreint le mot d'operation
aux divers procedés generaux par lesquels
l'Intelligence s'exerce pour parvenir a la
connoissance des choses, et celui de facultés
aux divers pouvoirs qu'elle deploie dans
la formation de la pensée.
Les operations de l'Intelligence sont la
pensée simple, le jugement, le raisonne=
ment, la meditation ou reflexion.
Les facultés sont la sensation, la remi=
niscance, l'attention, la memoire, la con=
templation, l'imagination, les facultés
de composer, decomposer, abstraire, ana=
lyser, comparer, generaliser, classifier.
PENSEE SIMPLE.
Dans son sens restreint, la pensée signi=
fie cette premiere operation par laquelle
l'ame apperçoit un objet, soit qu'il se pre=
sente a elle du dehors, soit qu'il soit 1 mot biffure
renfermé au dedans d'elle. Elle
distingue en 1 mot biffure soi autant de pensées
2 mots biffure qu'elle dïstïngue d'objets dont
elle peut dire que la conscience de l'un n'est
point la même que celle de l'autre.
PENSEES ELEMENTAIRES
La plupart des pensées dont l'ame s'occupe
sont divisibles ou resolubles en d'autres
qu'elle peut distinguer les unes des autres.
Ce sont donc des pensées composées qui se
sont formées en elle successivement par la
reunion de pensées non composées, ou simples ,
qui ne presentent aucun assemblage.
Celles ci sont été appellées aussi elementaires
parce qu'elles sont les premiers principes
ou materiaux qui entrent dans la compo=
sition de toutes nos pensées, et primitives
parce qu'elles n'ont été precedées d'aucune autre
<101v> et qu'elles viennent originairement de la
nature, comme elemens sur lesquels doit
s'exercer l'Intelligence; d'ou vient qu'on pour=
roit aussi les appeller racines philosophi=
ques de nos pensées, comme en Grammaire
les primitifs sont appellés racines des mots
derivés ou composés.
Dans l'homme pensant on distingue les
facultés par lesquelles il reçoit, retient, fixe
2 mots biffure en lui les idées elementaires,
et celles par lesquelles il arrange ces pre=
miers materiaux, et les soumet a diverses
combinaisons ou formes composées, pour
en tirer des connoissances plus etendues et
plus devellopées des objets.
SENSATION.
Toutes les pensées elementaires viennent
premierement ou de la sensation exte=
rieure cad. des impressions faites par les
objets du dehors sur les organes sensibles
et dont l'ame a eu la conscience ou per=
ception; ou de la sensation interieure,
autrement appellée sentiment interieur,
sens intime, cd. la conscience que l'ame
a des modifications qu'elle eprouve au
dedans d'elle, independament de toutes
impression actuelle du dehors.
IDEES
Les premieres pensées elementaires fournies
par la sensation exterieure, entant qu'elles
sont comme des images qui mettent les
objets en quelque sorte sous les yeux, ont
ete appellées idées . Ce mot s'est ensuite
<102> etendu aussi a celles qui viennent du sen=
timent interieur, et de la encor a toutes
celles que l'Intelligence forme et compose
elle même. En ce sens, idée, 1 mot biffure est synoni=
me de pensée, et signifie toute modification
de l'ame pensante, ou occupée de quelque
objet.
REMINISCENCE.
A la sensation d'ou derivent les idées elemen=
taires succede immediatement l'exercice de
la reminiscence , faculté par laquelle
ces idées continuent d'exister dans l'ame,
qui les y conserve, les y retient, les y fixe
de maniere qu'elle peut se les retracer, se
les rappeller, les reproduire, cad. se les
rendre de nouveau presentes, comme elles
l'avoient été la premiere fois. Cette faculté
s'etend aussi a toutes les idées composées
que l'ame a pu se former elle même
par la combinaison des premieres.
ATTENTION.
Si l'ame se trouve plus interessée a cer=
taines sensations qu'elle eprouve, a cer=
taines idées qu'elle se retrace, qu'a d'autres
qui se sont presentées a elle dans le même
temps, dès lors, elle fait effort sur elle même
pour obtenir une conscience plus vive
et plus distincte de ces premieres, et pour
se les rendre actuellement presentes de
preference a toutes les autres qui pour=
roient lui survenir. Ce pouvoir qu'elle
exerce sur elle même a été nommé l'atten=
tion , mot qui a signifié d'abord au physique, l'effort
appliqué des nerfs d'un organe comme
l'oreille, l'oeuil, pour recevoir l'impression
<102v> de quelque objet; et mais ensuite transporté a
l'Intelligence, il a été emploié pour exprimer ce que l'ame
fait lorsqu'elle veut s'occuper d'un objet
plutot que d'un autre; ce qu'elle ne peut
1 mot biffure en effet executer sans le concours des nerfs
du cerveau, auxquels elle est appellée a
imprimer une tension qui y fait refluer
avec rapidité le fluide nerveux.
MEMOIRE
De l'exercice simultané de la reminiscence
et de l'attention sur des idées simples ou
composées, nait le pouvoir de retenir une
suite ordonnée d'idées avec les signes qu'on
leur a associés, pour se les rappeller ensuite
4 mots biffure ainsi que les objets correspondants
avec leurs circonstances, dans un ordre
parallelle a celui dans lequel les idées
se sont presentées a l'ame, ou dans lequel
elle les a arrangées elle même: cette
faculté n'est jamais passive comme
la reminiscence, mais toujours active
et nous l'appellons memoire .
CONTEMPLATION.
Des facultés precedentes resulte le pouvoir
que l'ame a de donner une attention soute=
nue a une suite d'idées, ou a un ensemble
d'idées liées entr'elles par leur rapport a
quelque objet, pour s'en occuper actuel=
lement toute entiere, et s'y concentrer en
quelque sorte, pendant un certain temps
jusques a ce qu'elle soit parvenue a les
embrasser toutes, et acquerir une connois=
sance de l'objet aussi complette et detaillée
qu'il se peut; c'est ce qu'on a appellé con=
templation , et qu'on pourroit très bien
aussi appeller considération .
<103> IMAGINATION.
Des que l'ame a reçu diverses idées appar=
tenant a un objet et qu'elle a pu les fixer
chès elle, elle peut encor les reunir comme
autant de traits pour en former une sorte
de peinture qui lui presente cet objet,
quoique absent, comme s'il etoit present
avec toutes ces circonstances et depen=
dances. Cette peinture a été appellée
image , et la faculté de produire de
telles peintures, imagination.
A l'aide de cette faculté, l'ame lie et
associe les idées qu'elle a acquises dans
le même temps ou l'une a la suite de
l'autre: d'ou resulte ce phenomene si
frequent d'association entre nos idées, par
lequel, si l'une vient a etre reproduite,
les autres sont reproduites aussitot, sans
autre cause que cette 1 mot biffure liaison
primordiale qui s'est formée naturel=
lement par une suite des circonstances,
ou que l'ame a bien voulu etablir entre
elles dès leur premiere origine.
<103v> Cette faculté qui comme les precedentes,
tient beaucoup au physique du cerveau,
se trouve aussi chès les brutes; mais chès
celles ci elle est purement passive,
3 mots biffure et susceptible seule=
ment d'associations 1 mot biffure naturelles, inde=
pendantes de toute volonté, car on peut
se representer le cerveau d'une brute com=
me une espece de machine ou les impres=
sions que les sens y ont portées, 1 ligne biffure se
conservent, et reparoissent a la
premiere occasion qui les fait renaitre,
et toujours selon la même liaison entr'elles
qui s'y est formée lors de leur premiere
introduction.
Mais a cette imagination passive l'hom=
me en joint une active. Souvent il com=
mande a son cerveau pour y former
des associations d'idées comme il peut com=
mander aux objets et aux circonstances
d'ou ces idées ont pris naissance. Une
fois reçues et etablies, il peut exercer sur
ces associations comme sur les idées même
une activité independante des organes
et des occasions de rappel, il peut les
faire reparoitre a son gré et quant il
lui plait.
A l'aide de son imagination, il rassem=
ble les traits dispersés d'un objet pour
en former une peinture, et ces peintu=
res d'objets, il peut encor les modifier de
mille manieres pour en former toutes
sortes d'associations et de combinaisons
de differens genres, selon les vües qu'il se
propose.
Par elle, il lie toutes ses diverses idées a
des signes et il se forme un Langage pour
se les retracer a lui même et les commu=
niquer a ses semblables.
Par elle, il saisit et rassemble divers
traits pris ça et la dans la nature pour
orner et embellir ses peintures d'objets
reels, et en augmenter l'interet par
<104> la magie des couleurs. Il va plus loin
encor, et par les ressources inepuisables
de cette faculté, il se fait a lui même
des tableaux de fantaisie, dont l'ori=
ginal n'exista jamais nulle part et
n'offre tout au plus qu'une simple pos=
sibilité.
L'imagination fut donc toujours le princi=
pe generateur des beaux arts et entr'au=
tres de l'Eloquence, cet art merveilleux
qui charme les oreilles, captive l'Intelli=
gence, et porte son impression jusques au
coeur, cet art qui souvent est le seul
ressort qui puisse mouvoir les hommes
et les diposer a faire ce pour quoi ils
n'auroient d'ailleurs que de l'indifferen=
ce, ou même de l'eloignement.
C'est enfin l'imagination qui aide a la
memoire pour rassembler les idées ele=
mentaires et les disposer dans un ordre
d'association sans lequel elles ne sauroient
etre soumises aux influences des facul=
tés superieures occupées a les composer,
les combiner, les classifier, et en extrai=
re une connoissance plus approfondie
des objets.
ENTENDEMENT.
Le pouvoir que l'homme a de deploïer
l'activité de son Intelligence pour com=
biner les premiers materiaux de la pensée
a été appellé Entendement parce que
ce n'est que par son secours qu'il par=
vient a entendre les choses; Entendement
pur parce que cette faculté s'occupe,
non a former des images sensibles, mais
des combinaisons independantes des im=
pressions des sens, autrement Intellect;
d'ou vient que les facultés qu'on rapporte
a celle la, se nomment Intellectuelles.
<104v> Telle est cette noble faculté qui presente la
distinction decisive et tranchante de l'homme
et de la brute, le 1 mot biffure germe de la raison,
la plus belle des prerogatives de l'espece
humaine. Voions qu'elles sont les diver=
ses facultés Intellectuelles.
COMPOSITION.
Les facultés precedentes sont emploiées a
rassembler les idées elementaires appar=
tenant a un objet sous un composé idéal,
mais ou elles se trouvent sans ordre et en
confusion. La premiere faculté Intellec=
tuelle s'exerce a mettre de la distinction
et de l'ordre pour en faire un tout net
et exact, correspondant a l'objet: on
l'appelle faculté de composer .
Cette composition ne peut se faire sans
le concours des facultés suivantes.
ABSTRACTION.
Quand un 1 mot biffure assemblage confus
s'est presenté a l'ame, elle ne peut en rendre
la composition distincte sans exercer
le pouvoir qu'elle a d'en detacher les idées
partielles, correspondantes aux diverses
qualités ou circonstances de l'objet pour
fixer son attention sur chacune d'elles
en particulier, et la considerer a part com=
me si elle etoit reellement separée de
toutes les autres. C'est ce qu'on appelle la
faculté d'abstraction : l'acte se nomme abs=
traction, l'idée separée, abstraite, le mot
correspondant, terme abstrait. Tels sont
<105> les mots solidité, figure, mouvement,
vitesse &c. qui expriment des idées appar=
tenant au corps, mais saisies separe=
ment.
DECOMPOSITION.
Quand l'ame a fait usage de l'abstraction
pour donner successivement son attention
a toutes les idées partielles, elle peut se les
representer l'une après l'autre, et en faire
l'enumeration avec les signes correspon=
dans, pour les distinguer nettement
l'une de l'autre comme les parties cons=
tituantes d'un tout unique, ce qui donne
la resolution ou la decomposition de
ce tout. C'est la ce qu'on appelle faculté
de decomposer ou de deffaire ce que
la composition avoit fait.
RECOMPOSITION.
Par l'enumeration, l'homme est conduit
naturellement a reunir toutes les idées
partielles dans l'ordre le plus convenable
pour en former une composition reguliere
qu'il ne considere dans la suite que com=
me un seul tout ideal, 1 mot biffure cor=
respondant a son objet. Cet acte se nom=
me recomposition a laquelle repond
la faculté de recomposer cad. faire
succeder a la decomposition une
nouvelle composition plus distincte
et plus reguliere.
ANALYSE.
De la resulte l'Analyse de la pensée qui
executée par la faculté d'analyser qui
n'est autre chose que l'exercice reuni
des facultés de 1 mot biffure decomposer et recomposer.
<105v> COMPARAISON.
Dès que l'ame a acquis des idées des di=
vers objets, elle peut donner son attention
en même temps a deux idées, ou a leurs
objets presens ou absens, rapprocher ces
idées ou ces objets en les placant en quelque
sorte l'un a côté de l'autre, pour faire nai=
tre de cette attention simultanée la
perception de quelque rapport, et entr'au=
tres, de quelque qualité ou circonstance
par ou ces objets se ressemblent entr'eux,
quoique different a nombre d'autres
egards: cette faculté on appelle cela
comparaison executée par la faculté
de comparer .
CLASSE. CLASSIFICATION.
Apres avoir formé nombre d'idées, après
avoir fait nombre de comparaisons
entre les idées ou les objets, après avoir
decouvert entre ceux ci plusieurs traits
de conformité, l'Entendement s'exerce
a separer par l'abstraction ces caracteres
ou les detacher de ces objets pour fixer sur
eux son attention et les fondre en une
seule idée, qui ne correspond a aucun de
ces objets exclusivement, mais bien a tous
ensemble et egalement, en les presentant
tous sous une même face commune.
Les idées de cet ordre ont été appellées no=
tions parce qu'elles sont le resultat de la
connoissance des objets, et qu'elles offrent
même une grande ressource pour faci=
liter cette connoissance.
Ces notions peuvent etre envisagées comme
<106> des classes auxquelles on doit rapporter
tous les objets ou l'on decouvre des traits
1 mot biffure marqués de ressemblance; ce qui est d'une
necessité indispensable pour les distinguer
plus aisement et promtement. Le pou=
voir que l'ame exerce pour distribuer
les objets dans ces differentes classes ou
notions, se nomme faculté de classifier,
et l'acte classification.
De la sont venues les distinctions de
nos idées quant a leur objet.
IDEES INDIVIDUELLES.
Les premieres formées ont été des idées
correspondantes a des objets reellement
existans, separés, des touts en eux mêmes
composés mais considerés idealement
comme uniques et non divisés. De la
vient que ces objets ont été appellés Indi=
vidus et les idées qui les representent Indi=
viduelles ou singulieres .
Autant chaque idée Individuelle pre=
sentoit a l'ame d'idées partielles, autant
elle a distingué dans l'objet de circons=
tances ou dependances, et celles ci ont été
appellées tantot des modifications , entant qu'on les
concoit dans l'objet comme differentes
manieres d'etre ou d'agir; tantot des qualités ,
entant quelles manifestent ce qu'est l'objet
et qu'elles le qualifient; tantot des carac=
teres , entant qu'elles le font distinguer de
tout autre, tantot enfin des determinations ,
<106v> autant qu'elles en annoncent la mesure
ou les termes et limites, et indiquent ce
qu'il renferme en son enceinte.
IDEES GENERALES, FACULTE DE
GENERALISER.
Après avoir formé des idées individuelles
et avoir pris note des objets correspondans de
leurs modifications, qualités, caracteres, de=
terminations, après avoir comparé les Indi=
vidus entr'eux pour saisir leurs ressemblan=
ces, l'Entendement humain s'est occupé a
les classifier, et pour cela mettant de
côté les caracteres 1 mot biffure qui distinguoient
un certain nombre les uns des autres, il
a fixé son attention sur leurs determi=
nations communes, et 1 mot biffure reduit celles ci
sous une seule notion appellée abstrai=
te, entant qu'elle a été formée a l'aide de
l'abstraction, et generale , entant qu'elle
peut etre appliquée a tous ces Individus
revetus de caracteres communs, et consi=
derés comme appartenant a une même
classe ou participant a une même
nature, ou genre.
Après avoir rapproché et comparé plu=
sieurs notions generales, l'Entendement
peut encor demêler au travers de leurs
differences, certains traits communs, et
comprendre de même ceux ci sous une
idée plus generale, par rapport a laquelle
<107> les precedentes comprises sous elle, sont
appellées particulieres ou speciales, qui ne
sont que la generale restreinte a un cer=
tain nombre d'objets, pris d'entre ceux qui
qu'elle comprend auparavant.
Cette distinction de notions plus ou moins
generales subordonnées les unes aux autres
a fondé la distinction des especes qui com=
prennent les Individus d'une même classe
et des genres qui comprenent plusieurs
especes, et a fait remonter de genre en
genre jusques au genre supreme qui
comprend tous les autres: ce qui a servi
a etablir une distribution des Etres en
diverses classes, par divisions et subdi=
visions, et a former une echelle pour les
classifier tous, et les enregistrer avec
exactitude. Telle a été l'occupation
de la faculté de generaliser.
UNIVERSAUX.
Au mot general, on a substitué sou=
vent le mot universel , et on a dit no=
tions universelles.
On a cherché quelles etoient les notions
universelles qu'on pouvoit appliquer
a tous les Etres, et l'Echole a appellé
cela les universaux. Tels sont le gen=
re, l'espece, la difference qui distingue
l'espece des autres, ou l'Individu d'un
autre; le propre ce qui ne convient que
qu'aux Individus d'une classe, et non
aux Individus d'autres classes; l'accident
qui peut etre ou n'etre pas, ou changer,
sans que les Etres cessent pour cela d'appar=
tenir a telle classe.
<107v> Tout ce qui appartient au propre aux
Individus compris sous une classe et
exclusivement aux autres, a été appellé
proprieté d'une chose; entant que ces
proprietés font que la chose est ce qu'elle
est, ou appartient a une classe et non
a une autre, elles ont été appellées essen=
tielles: celle qui est la principale et qui
determine toutes les autres, se nomme
l'essence . Toutes les determinations qui
tiennent, non au propre, mais a l'acci=
dent, on les appelle accidentelles .
Celles qui ne supposent que des manie=
res d'Etre d'une chose par comparaison
a d'autres, sont appellées relations .
SUBSTANCE, MODES, RELATIONS.
Dans tout Etre on a supposé un sujet
ou substratum en qui resident ses
qualités et qui est qualifié par celles ci
c'est ce qu'on a appellé substance .
Les qualités considerées comme manie=
res d'etre de la substance ont été appellées
Modes et ses manieres d'etre par rap=
port a d'autres, relations . Les univer=
saux aiant été appliqués egalement
aux uns et aux autres, on a distingué
les notions generales en 3 classes,
substances, modes, relations. Ainsi
substance n'est pas la même chose
qu'essence, puisqu'il y a une essence
pour chaque substance, chaque mode
chaque relation.
<108> Tous ces mots appliqués d'abord aux corps,
ont été aussi transportés a l'ame, 1 mot biffure ou la cons=
cience de nous mêmes, nous decouvre 2 mots biffure aussi des
proprietés et des accidens, 2 mots biffure et l'on
a tres bien compris que l'ame est une substan=
ce distincte du corps.
Il est vrai que la substance n'est au fond
qu'un Etre inconnu auquel nous rapportons
des qualités connues. Nous ne connoissons
1 mot biffure l'essence reelle d'aucune substance, ou
ce qu'il y a de premier dont tout le reste de=
pend; mais dans cette substance nous connois=
sons des qualités qui ne nous permettent pas
de la confondre avec une autre, et qui dès la
en font l'essence par rapport a nous, et des
que nous voions que les proprietés essentielles
d'une chose ne pourroient coexister dans un
même sujet avec les proprietés essentielles
d'une autre chose, cela nous suffit pour affir=
mer avec certitude que ces deux choses sont
deux substances distinctes et separées, dont
l'une ne peut pas etre l'autre.
Telle est la premiere operation de l'Intelli=
gence humaine, par laquelle, au moien des
facultés enoncées cy dessus, elle forme des
idées simples et composées, individuelles ou
generales & et pendant qu'elle ne fait rien
de plus que se les rendre presentes, c'est
toujours la pensée simple.
NOMENCLATURE
Aucune pensée ne sauroit devenir distinc=
te et exacte sans l'analyse ou l'enumeration
successive et ordonnée de ses parties, pour
etre ensuite recomposée en un tout idéal,
qui puisse etre toujours rappellé sans risque
que 2 mots biffure rien ne s'echappe. Or pour faire
cette analyse, on ne sauroit se passer de signes
ou 1 mot biffure de mots qui correspondent a chacune de
ces idées et servent a les separer, distinguer,
1 mot biffure ensuite a les rassembler, combiner, pour en faire un
tout, qui ait pareillement son signe
<108v> correspondant qui serve a le rappeller dans
toutes les occasions. Tout comme on ne peut
operer sur les grandeurs et les nombres sans
le secours des signes algebriques ou nume=
raux, il ne seroit pas non plus possible aux hommes
de tirer parti de leurs idées elementaires
sans le secours des mots emploiés a les ras=
sembler, et les lier, pour en former des idées
composées, et en même temps a signifier
chaque combinaison a mesure qu'elle se
forme, pour en fixer la permanence et
en assurer l'integrité. Sans ce secours
toutes les idées des hommes eussent été
dependantes des impressions du dehors;
ils n'auroient pu exercer sur les idées ele=
mentaires aucune operation active et
leur Intelligence fut demeurée passive
et inerte.
On comprend aussi qu'il a fallu des mots
de diverses classes pour correspondre a
toutes les diverses classes d'idées, de 1 mot biffure
noms propres, appellatifs, substantifs,
abstraits, derivés, &c et les soumettre ces
mots a une marche reglée pour en former des
Tableaux de parole, correspondans aux
divers tableaux ideaux.
La liaison et l'arrangement des mots pour
former un tableau ideal, se nomme
phrase, la suite des phrases, discours.
La collection des mots et des phrases en
usage pour le discours, a ete appellé Langage.
Ainsi le langage n'est autre chose
qu'une methode pour analyser la
pensée par des mots. C'est la Grammai=
re generale, et la Grammaire particu=
liere a telle ou telle Langue, qui ap=
prennent aux hommes a bien faire
cette analyse, et la premiere chose
que celle ci demande, c'est une bonne
marche pour bien definir et bien divi=
ser tout ce qui est composé.
<109> JUGEMENT. PROPOSITION.
Dans une pensée composée, toutes les par=
ties sont presentées d'une maniere simul=
tanée et par la même confuse, et cette pen=
sée ne serviroit point a la connoissance exacte de
son objet, si nous ne cherchions a la rendre
distincte par la voie de l'Analyse. Mais
dans ce procedé, nous sommes souvent
appellés a rapprocher la partie de son
tout pour saisir distinctement le rap=
port de l'un a l'autre, et prononcer sur leur
union ou leur separation conformement
a la nature des choses. De la nait une secon=
de operation de l'Intelligence par laquelle,
comparant deux idées, si elle trouve en=
tr'elles un rapport manifeste de convenance
ou d'identité, de disconvenance ou d'oppo=
sition, qui fait que l'une ou s'identifie avec
l'autre ou l'excult, elle en vient a un acte
formel qui unit ces idées l'une a l'autre
par une affirmation, qui suppose qu'elles
peuvent se rapporter a une seule et même,
ou les separer l'une de l'autre par une
negation, qui suppose qu'elles ne peuvent
s'accorder ni subsister ensemble. C'est cet
acte qu'on appelle Jugement ; et 2 lignes biffure
l'énoncé de
ce Jugement par des mots s'appelle proposition .
Dans toute proposition on distingue le
sujet, ou l'objet principal dont on parle,
ou quod subjicitur sermoni, l'attribut , ou
ce qu'on en affirme ou nie, la copule , ou
un mot entre les deux termes, qui exprime
l'affirmation ou la negation.
<109v> Ainsi je juge quand je dis, cette maison est
belle. Aiés les deux idées presente a la
fois a l'Esprit, les idées de maison et de beau=
té, rapprochès les, comparès les, ce ne sera
point encor un jugement, mais si vous
en venes 1 mot biffure a decider qu'entre ces deux
idées il y a un rapport d'identité, qui
existe dans la nature des choses indepen=
damment, même de vôtre perception, alors
vous jugès, vous prononcès, c'est une
proposition.
RAISONNEMENT.
Quand l'Entendement saisit immediatement
le rapport des deux idées, ou qu'il voit dans
le sujet même la raison pour laquelle il
doit unir ou separer les deux termes, la
proposition est, dans ce cas, appellée eviden=
te , evidente par elle même; ce qui signifie
qu'elle porte avec elle tout ce qu'il faut
pour en faire appercevoir la verité des
qu'on comprend les sens des expressions
qui l'enoncent. On peut alors l'envisager
comme un principe incontestable, une
verité fondamentale de laquelle on
peut legitimement deduire d'autres
propositions, comme consequences neces=
saires et indubitables.
Que si l'Entendement ne saisit pas d'abord
le rapport des deux termes, pour lors, il
suspend sa decision, et il cherche quelque
troisieme idée intermediaire, qui com=
parée avec chacun d'eux, serve de mesure
commune pour manifester clairement
leur rapport de convenance ou de dis=
convenance, d'identité ou d'opposition.
<110> Cette comparaison donne des jugemens
separés qui doivent servir de principes
d'ou decoule necessairement comme con=
sequence une proposition, ou en vertu
du rapport mis a decouvert, l'Entende=
ment se voit comme
forcé 4 mots biffure d'unir ou separer decidement les
deux termes dont le rapport n'avoit pas
été d'abord apperçu. C'est ici la troisieme
operation de l'Intelligence qu'elle emploie
sans cesse pour tirer de quelque verité
connue des lumieres qui l'eclairent sur
celles qu'elle ne connoit point encor,
du moins avec certitude. On l'appelle
raisonnement parce qu'elle sert a devel=
loper la raison d'un jugement. Un
raisonnement ne peut etre enoncé que
par un assemblage de propositions qu'on
appelle Syllogisme . Par ex. Tout ce
qui n'est qu'une ruse artificieuse est
contraire a la Justice. Or la politique
des courtisans n'est qu'une ruse arti=
ficieuse. Donc la politique des cour=
tisans est contraire a la justice.
L'idée intermediaire ou moienne se trou=
ve d'ordinaire confusement envellopée
dans l'idée du sujet, et le raisonnement
existe deja confusement dans l'Esprit:
il ne devient distinct que lorsque l'idée
moienne se separe du sujet par l'enon=
cé verbal.
<110v> MEDITATION.
Sans cesse l'attention de l'ame se porte
a la fois sur plusieurs objets, ou plusieurs
parties d'un même objet, pour les consi=
derer dans leur detail, et parvenir a
quelque resultat qui l'interesse: pour
cela elle est appellée a rassembler des pensées,
des jugemens, des raisonnemens, selon
une certaine marche, qui la rameine
a son but et a la connoissance appro=
fondie du sujet compliqué dont elle
s'occupe. Cette combinaison des trois
operations precedentes peut etre envi=
sagée comme une 4e operation qu'on
peut appeller reflexïon , mot qui, au
physique, signifie le mouvement d'un
corps en differentes directions, lorsqu'il est
repoussé de ça et de la par d'autres corps
contre lesquels il se heurte, et transporté
a l'Intellectuel, exprime très bien cette ope=
ration de l'ame par laquelle elle se reflechit
en quelque sorte d'une idée sur une autre,
elle revient d'un objet a l'autre, par des
tentatives reiterées, jusques a ce qu'elle
soit frappée de quelque lumiere satis=
faisante sur le sujet 1 mot biffure qu'elle
cherche a debrouiller. Mais on peut aussi
très bien lui donner le nom de meditation
exprimant la situation d'une Intelligence
qui deploie toute son activité et tous ses
ressorts, pour parvenir au but qu'elle
se propose dans ses recherches. On l'a
appellée aussi methode , entant qu'elle
doit etre soumise a une marche regu=
liere, et discours , parce qu'elle demande
une suite develloppée de mots et de phra=
ses necessaires, des raisonnemens.
<111> VERITE.
Le but de l'exercice de toutes les operations
et des facultés de l'Intelligence, est de par=
venir a la connoissance des objets, par
laquelle elle puisse les saisir exactement
et les devellopper clairement dans toutes
leurs parties.
Mais aucune connoissance n'est utile
qu'autant qu'elle represente son objet
aussi fidelement qu'un portrait represen=
te l'original dont il est la copie, et c'est
ce qu'on appelle sa verité .
Ainsi on a dit d'une pensée qu'elle est vraie
lorsqu'elle retrace un objet exactement
tel qu'il est, d'un jugement qu'il est vrai
lorsqu'il presente les rapports des choses
entr'elles tels qu'ils sont; d'un raisonne=
ment, qu'il est vrai lorsqu'il presente
la connexion des propositions telle quelle
doit etre. Mais l'usage asses ordinaire 1 mot illisible la
qualification de vrai aux jugemens ou propo=
sitions par lesquelles on affirme ou on
<111v> nie conformement a la nature des choses
et a ce qu'elles sont reellement, et on a
dit des pensées qu'elles sont exactes, et des
raisonnemens, qu'ils sont justes, ce qui
arrive lorsque les principes sont vrais et
la consequance legitime, Ainsi la veri=
té proprement dite appartient aux juge=
mens.
Au vrai on oppose le faux , ce qui fait
decheoir de la verité, ce qui trompe en
faisant juger des choses tout autrement
qu'elles ne sont: et ce qui en provient se
nomme erreur , ecart de la verité, ou ecart
de l'Esprit qui admet pour vrai ce qui est
faux. L'erreur est aussi appellée prejugé
parce qu'elle suppose, qu'on a prejugé, ou
jugé avant le temps.
CERTITUDE.
En même temps que l'Intelligence cherche
la verité, elle aspire a la connoitre avec une
conviction intime, qui ne laisse aucun dou=
te, ou la persuasion qu'en jugeant de telle
maniere, elle est a convert d'erreur. En ce
cas, le son jugement d'une verité certaine;
son etat est appellé certitude, et elle est
certaine ou assuree de ce qu'elle dit.
Cette certitude n'est pas bornée aux verités
1 mot biffure evidentes par sentiment, par intuition,
par demontration; elle s'etend aussi a celles
qui sont du ressort de l'observation, de l'experience,
<112> du temoignage, de l'analogie, et elle existe
dans tous les cas ou l'on a de bonnes raisons
pour regarder une proposition comme
vraie, sans avoir aucun sujet de craïndre
qu'en l'admettant on se trouve en danger
de se tromper.
DOUTE, OPINION, PROBABILITE.
Souvent on n'a aucune raison pour
regarder une proposition ni comme
vraie ni comme fausse, ou bien, on a au=
tant de raisons pour l'un que pour l'autre,
et on se trouve dans une sorte d'equilibre,
alors on se trouve entre deux, sans savoir
ou se tourner, c'est l'etat du doute .
Mais quant l'equilibre cesse par le poids
de quelque raison en faveur de la verité,
et 2 mots biffure que l'on peut mettre en avant
pour la soutenir, alors elle devient suscep=
tible de preuve , qui, sans la faire recevoir
comme certaine, suffit 1 mot biffure pour qu'on l'ad=
mette comme probable , ou vraisembla=
ble, approchant du vrai, et le jugement
de l'ame qui l'admet comme telle se nom=
me opinion a laquelle on attribue la pro=
babilité. Cependant le plus
le plus souvent on don=
ne le nom de preu=
ve a une raison
qui etablit la cer=
titude.
Entre le doute et la certitude, l'opinion
admet une multitude de nuances ou de
degrés de probabilité que l'Intelligence se plait
a evaluer pour mesurer la dessus le degré de
confiance qu'elle peut asseoir sur son juge=
ment, et c'est ce qu'on a appellé le calcul
des vraisemblances.
<112v> ART DE PENSER.
Consideré comme une pratique habitu=
elle de l'Intelligence, l'art de penser consis=
te a bien regler l'exercice de ses facultés et
de ses operations pour atteindre au but
qu'elle doit se proposer, qui est la recher=
che de la verité. Ce sera observer les faits objets
avec attention, les comparer avec preci=
sion, les rassembler avec choix, les classi=
fier avec netteté, composer la dessus ses
pensées avec distinction et plenitude,
pour etre toujours en etat d'en faire une
analyse exacte, de former de la des ju=
gemens vrais et certains, des raisonne=
mens justes, enchainer enfin reguliere=
ment et avec ordre toutes ces operations,
pour arriver a une connoissance appro=
fondie des sujets sur lesquels on veut
s'eclairer.
Considéré comme science , c'est un systhe=
me d'observations et de regles qui a pour
but de former l'Intelligence a cet art
habituel, et la mettre en etat de s'elever
sur tous les objets qui l'interessent au
plus haut degré de lumiere et de certi=
tude qu'il est possible. Telle sera la
science que nous exposerons dans la
Noologie. 3 lignes biffure
ECHELLE DE PERFECTION DE L’IN=
TELLIGENCE HUMAINE.
Les hommes sont communement capa=
bles de s’elever a la connoissance des choses
dont ils ont interet de s’occuper, et au=
tant que cela est necessaire a leur conser=
vation et a leurs vües de bonheur. Dans
ce sens, tous ont de l’Intelligence, et ils s’en
trouvent qui n’en ont pas autant que le com=
mun des hommes. On dit qu’ils ont une
Intelligence bornée, peu de conception.
<113> Cette Intelligence qui met le commun des
hommes en etat de porter des jugemens
vrais sur les choses qui interessent genera=
lement l'espece et les Individus, se nomme
aussi le sens commun, et entant qu'elle
suppose assès de raisonnement pour ad= saisir comme certaines un grand nom=
mettre
bre de verités avec leurs consequences, on
lui donne le nom de raison, et de
raison humaine, en tant qu'elle est pro=
pre a l'espece et la releve sur toutes les au=
tres; dans ce sens on dit que la raison
est le partage de l'homme.
Mais ce n’est ici que le bas de l’echelle
de perfectionnement que l’homme peut
parcourir. Il est des hommes qui, favo=
risés par l’organisation, l’education, les
circonstances, l’exercice habituel et bien
reglé de leurs facultés, parviennent a
se distinguer de leurs semblables par
certaines qualités superieures appellées
talens, qu’on distingue sous diverses
denominations particulieres.
S'il en est qui se dïstinguent par un
degré superieur d'Intelligence, de sens,
de raison, on voit qu'ils ont beaucoup
d'Intelligence &c. Les autres talens s'ex=
priment par les mots discernement,
jugement, Esprit, sagacïté, profon=
deur, genie, prevoïance, habileté,
qui seront expliqués 1 mot biffure dans
la Noologie, avec ce qui regarde le
detail des operations et des facultés de
l'Intelligence humaine. Ce que nous
avons dit est suffisant pour donner
une idée juste de la vie d'Intelligence
et relever la grande Superiorité de
l'espece humaine sur toutes les autres,
ce qui etoit nôtre seul but dans cette
Partie. Mais avant de finir ce
Chapitre, nous avons encor des obser=
vations importantes a presenter.
<113v> OBSERVATIONS
2 mots biffure Ce que nous avons 1 mot biffure etabli dans ce cha=
pitre sert a confirmer tout ce que nous avons
dit dans notre Essai sur le plan d’education
Intellectuelle par rapport a la maniere dont
les hommes ont puisé leurs connoissances
dans la nature observée, et la marche qu’ils
ont suivie pour distribuer ces connoissances
en divers corps separés sous le nom de science,
en suivant la methode appellée synthese,
qui nous met a portée de saisir tout l’ensem=
ble des objets que les hommes ont embrassé
dans leurs travaux Intellectuels.
On y voit aussi que la connoissance que nous
acquerons des objets Intellectuels par une suite
d'operations Intellectuelles 3 mots biffure suppose partout
d'une analyse continuelle de la pensée, et
que pour nous instruire de la marche na=
turelle de notre Intelligence, nous n'avons
qu'a nous rendre attentif a ce que nous
faisons lorsqu'il s'agit de rendre distinct un
Tableau ideal qui ne se presentoit aupa=
ravant que d'une maniere embarassée et
confuse; nous souvenant d'ailleurs que
nous ne pouvons rien faire en ce genre sans
le secours des mots dont l'usage est indis=
pensable pour debrouiller le cahos de la
pensée par l'analyse.
Nous trouvons enfin la confirmation de
ce que nous avons dit dans nôtre Essai que
5 mots biffure ce cahos existait
deja chès les enfans, il ne leur manque que
des mots et une marche reguliere pour en
faire sortir des Tableaux distincts, et que
aiant reçu les germes de toutes les operations
et facultés de l'Intelligence, ces germes n'at=
tendent qu'une education raisonnable
pour etre devellopés avec fruit; ce qui pour=
roit se faire beaucoup plutot qu'on ne le
fait par la methode ordinaire qui sem=
ble 1 mot biffure destinée plutot 1 mot biffure a les etouffer qu'a
1 mot biffure les faire prosperer.
<114> EDUCATION INTELLECTU=
ELLE.
La bonne education intellectuelle de=
mande qu'on presente aux enfans
une bonne nouriture pour leur Intel=
ligence, assortie a l'etat actuel de leurs
facultés, qu'on donne a celles ci un
exercice soutenu et moderé, et qu'on
leur fasse prendre de bonne heure l'habitude de deploier
leurs forces avec aisance et promtitu=
de. C'est ce que nous avons suffisa=
ment montré dans ce meme Essai sur l'education. Sect. 11. chap. 11.
IntellectuelleMais
Nous ajouttons ici des observations importantes sur les
destinées que l'Intelligence humaine
subit ordinairement dans les differens
ages, chès les personnes qui s'occupent
des Sciences et des Lettres; destinées qui
ne paroissent avoir leur source que
dans des ecarts de la nature, et une edu=
cation ou ses directions sont peu ecou=
tees et suivies. Voici ce qu'on observe
le plus generalement depuis la premiere enfance jusques
a 12 ans; l'ame est susceptible de toutes
les impressions qu'on lui donne, retenant
les choses comme elles se presentent, sans
y apporter beaucoup 2 mots biffure d'exa=
men, et sans exercer d'autre activité
que celle que produit une curiosité
toute bornée aux objets sensibles, dont,
a cet age, on est continuellement occu=
pé.
Dès lors jusques a l'age d'environ 25 ans
l'esprit devient plus actif, on commance
a saisir par soi même des rapports, on
compare, on juge, on prononce, 1 mot biffure on don=
ne même volontiers dans les generalités,
les principes abstraits, on raisonne,
et même beaucoup trop; car jusques la
<114v> on n'a que très peu d'idées nettes, complexes,
mais surtout liées entr'elles. Ce ne sont en=
cor que des idées decousues, egrenées, flot=
tantes, sans assiete fixe; on juge, mais c'est
le plus souvent au hazard sur des oui dire
d'après les derniers auteurs qu'on a lus.
Malheureusement encor, on n'apperçoit
point ses deffauts, on ne soubsconne pas
meme qu'on soit dans le cas de s'egarer
presque sans cesse: on n'a encor aucune
idée de la bonne nouriture de l'ame, ni
de la vraie maniere d'exercer son activité;
avec cela, on croit deja tout savoir a fond,
on decide magistralement de tout, et par=
ce qu'on sent accroitre ses forces physiques,
on se croit aussi superieur en Intelligence
a ceux qui sont sur le declin; on se figu=
re qu'on en sait plus que les personnes
agées, plus que ses maitres, on se croit
capable de grandes choses; et on se livre
a toutes les chimeres d'un orgueil in=
sensé.
Vers les 30 ans, on commance a s'apper=
cevoir de la confusion de ses idées, de ses pre=
jugés, on comprend qu'on ignore une mul=
titude de choses, et que ce qu'on croioit
le mieux savoir, on le sait mal. Alors on se met
en devoir de verifier ses principes, mais
on en trouve une multitude d'adoptés
a la legere, sur parole, d'après des obser=
vations peu sures. Alors on commance a
se defier beaucoup de ses lumieres, a mar=
cher doucement, et en quelque sorte a
tatons, on en vient même jusques a
reprendre toutes ses connoissances depuis
leurs premiers elemens, 3 mots biffure
ces faits primitifs, ces observations sim=
ples et communes, dont tous les principes
generaux ne doivent etre que des resultats.
<115> Dès lors et pendant assès longtemps, on
passe en revüe les faits même dont on
se croioit le mieux instruit, pour s'en pro=
curer une connoissance plus exacte,
on profite de tous les secours que peuvent
fournïr les auteurs pour etendre ses lu=
mieres historiques, et en etudiant les faits,
on s'applique a les disposer dans un ordre
plus lumineux, qui mette en etat de les
rapprocher avec plus 2 mots biffure de facilité, et d'en
tirer des resultats plus precis et plus surs.
Enfin on se fait un point essentiel de
distinguer par tout le vrai du faux, le
certain du probable, d'apprecier même
les degrès de vraisemblance, et par
la on arrive a quelques principes in=
contestables qu'on se croit fondé a
prendre pour base de ses raisonnemens
3 lignes biffure
et de ses procedés
dans l'art de penser.
Ce n'est gueres avant
l'age de 50 ans, que
l'homme Lettré et
pensant arrive au
plus haut degré
d'habileté auquel
il peut atteindre.
Pendant la jeunesse
il etoit rebuté par
la secheresse et l'obs=
curite des Lecons;
il etoit trop distrait et trop dissipé, il vouloit
jouïr de tous ses sens a la fois et vivoit
dans l'illusion. Pendant une partie de
l'age viril, il etoit encor jeune au fond
de son coeur, d'ailleurs tout occupé des
affaires et des tracasseries de la vie; il
manquoit même d'experience. Mais
a l'age que nous avons indiqué, les pas=
sions s'amortissent et l'ame reprend son
empire, les forces 2 mots biffure de l'homme
soutenues par l'habitude, le mettent en etat
d'expedier plus promtement les affaires,
et lui laissent plus de loisir pour la
reflexion; une experience plus longue
jointe a l'usage du monde, lui fournis=
sent plus de ressources d'instructions.
Alors l'Esprit prend une marche ferme
et assurée, il s'etend, il s'aggrandit, il
parvient a son plus beau periode; sur
des fondemens solides, il eleve un
<115v> Systheme regulier de connoissances vraies
et certaines, dont il peut se rendre comte a
lui même et faire une application juste a
tous les objets dont il a fait son etude; tou=
tes ses operations sont aisées et promtes, et
il peut faire en peu de temps et avec facili=
té, saisir nettement ce qui s'offre a lui de plus com=
pliqué. C'est alors que l'homme savoure
a longs traits les delices que procure la medi=
tation des verités sublimes que la nature,
la Societé, et la Religion lui offrent de con=
cert pour nourir son ame, et en l'ele=
vant a la premiere source de tout, le
ramenera sa destination primitive.
Mais qui le croiroit! après 70 ans,
les forces de cette intelligence se rela=
chent, l'homme semble abandonner sa
marche methodique pour se livrer
a une sorte d'habitude machinale
dans sa maniere de juger et de discou=
rir; on diroit qu'il fuit jusques a
l'appareil du raisonnement, et telle
est même la disposition actuelle de son
ame, qu'il lui en couteroit infiniment
de remonter aux premieres origines de
ses connoissances, et de reprendre un
fil qu'il a presque laissé echapper.
1 ligne biffure
Enfin, ce qui semble encor plus etran=
ge, la chaïne de ses idées se romp; l'hom=
me ne voit deja plus les objets que un
a un: ses pensées se succedent avec
lenteur, son attention est d'abord epui=
sée; incapable d'effort, son Esprit ne
peut plus saisir un ensemble. L'imagi=
nation s'eteint, la memoire se perd, les
idees se brouillent, et l'homme rede=
vient enfant avant que de mourir.
Telle est la suite des destinées de l'Esprit
humain chès 2 mots biffure la plupart des person=
nes qui se sont appliquées le plus peini=
blement a le cultiver et qui ont eu
les plus grands succès.
<116> 3 lignes biffure
Si nous recherchons
les causes de ce
triste Phenomene,
nous trouverons
qu'une des princi=
pales, est la mar=
che d'education
ordinaire adop=
tee contre le voeu de la nature, qui s'en eloigne, qui la contraint,
et qui jettant l'ïntelligence dès l'entrée
de la carriere dans divers ecarts, la met
dans la necessité de rebrousser sur ses
pas, de reprendre un autre fil de devel=
lopement, de reconstruire un edifice
de connoissances sur des fondemens
tout nouveaux; ce qu'elle ne peut faire
non seulement sans 1 mot biffure perdre beaucoup
de temps, mais encor, sans faire les plus
grands efforts, et cela même dans un
age, ou, suivant le cours de la nature,
tout le peinible devroit deja etre fait,
ou l'homme ne devroit plus etre appellé
qu'a jouir de son travail, sans fati=
gue, 3 mots biffure se bornant a per=
fectionner ce qui est deja bien avancé,
1 mot biffure dans un age enfin ou il lui importeroit de menager
les forces du cerveau pour ne pas les
accabler et accellerer le declin de l'homme
1 mot biffure entier. D'ou pourroit venir en effet cette imbecillité
d'Esprit si prematurée chès la plupart,
si ce n'est d'une suite d'efforts de cerveau
trop violens et soutenus auxquels ils ont
été comme forcés, dans un age ou le
physique ne le permettoit plus, et ou il
etoit temps de gouter les douceurs du
repos 4 mots biffure Intellectuel.
Et qui a pu amener la necessité de
tels efforts, si ce n'est l'accumulation des
obstacles qu'il a fallu vaincre pour ren=
trer dans la bonne route dont on se
sentoit ecarté? et quels etoient ces obsta=
cles? des idees confuses, indeterminées,
des prejuges, des sophismes, des mots vuides de sens, des tenebres,
dont on avoit rempli son cerveau
depuis sa premiere enfance; et ces
obstacles enfin a quelle source faut il les
<116v> rapporter? a nulle autre sans doute
qu'a une education Intellectuelle qui
avoit 1 mot biffure fait de ce cerveau un magasin
de pensées indigentes et de mots inintel=
ligibles, d'ou ont pullulé les erreurs et
les prejugés; une education qui a fait placer dans
l'ordre des etudes les mots avant les
choses, les idées generales avant celles
de detail, les objets composés avant les
simples, et pris en tout le contrepied
de la marche que la nature avoit tra=
cée a tous les hommes pour instruire.
Qu'est il en effet resulté de tout cela?
la necessité ou se trouvent tous les gens
de Lettres vraïment dignes de ce nom,
qui ne font cas que de la lumiere pure
de la verité, de recommancer de nou=
veau tout l'ouvrage qu'ils ont fait,
de tout detruire pour tout reedifier,
et d'emploier une partie de leur vie
a demolir l'edifice mal construit dans
leur jeunesse, et une autre partie, a le
reconstruire a frais tout nouveaux,
avec les efforts les plus laborieux, les
plus capables d'epuiser toutes les forces
du cerveau, d'accellerer le declin, et
amener cette imbecillité qui fait
est si humiliante pour des ames
elevées et sensibles.
Une observation de cette importance ne
devroit elle pas ouvrir enfin les yeux de
toutes les personnes distinguées par leur
lumieres et leur credit, et les disposer a
faire l'essai d'une nouvelle methode plus
rapprochée de l'ordre de la nature, et 1 mot biffure
qui, dans l'education de la jeunesse, seroit
la plus propre a poser des fondemens
solides auxquels il n'y auroit plus rien
a retoucher, et sur lesquels on pourroit ele=
ver un edifice regulier et permanent qui
ne demanderoit qu'a etre conservé et per=
fectioné <117> d'un jour a l'autre; ce qui epar=
gneroit a chacun le temps et la peine de
se consumer inutilement a detruire et a
refaire, faciliteroit et applaniroit la car=
riere, et conserveroit a l'Esprit humain
son energie, 3 mots biffure pour
se perfectionner jusques au dernier terme
de la vie humaine.
Mais nous en avons deja assès dit parlé
dans notre essai , et nous abandonnons
1 mot biffure le reste a ceux qui ne cherchent que
la verité, d'après les instructions de la nature,
et qui savent que des instructions ne doi=
vent pas etre respectées uniquement par=
ce qu'elles sont anciennes, et que ce qui
est deraisonnable en soi, ne peut ja=
mais reclamer en sa faveur le droit de
prescription.
<117v> Chapitre XIV.
De la volonté, l’activité et la liberté
morale.
VOLONTE.
Toutes les operations par lesquelles l'ame
2 lignes biffure
donne la preferen=
ce a un etat ou
a un objet sur un
autre, se porte ou
se determine vers
l'un ou s'en eloigne
selon qu'elle sent pour
lui de l'inclination ou
de l'aversion, sont comprises sous le nom general de volonté
ou faculté de vouloir.
VOLONTE D'IMPULSION.
L'ame humaine se determine le plus souvent
sans avoir eu le temps ou pris la peine de
reflechir, de se retracer des idées ou motifs
distincts, et d'après certains sentimens con=
fus de besoin, ou de desir, qu'on appelle
causes impulsives. Une telle determination
se nomme volonté d'impulsion.
ANIMALE
Dans la plupart des cas, cette volonté se
porte par inclination vers certains objets, ou
s'eloigne par aversion d'autres objets, sans
autre cause impulsive que la sensibilité
actuellement affectée par les impressions
du dehors, ou quelque appetit ou instinct
aveugle qui sert a tous les animaux de
mobile pour toutes les actions qui ont
rapport a leur conservation ou a celle de
leur espece. C'est la une volonté ani=
male.
RATIONNELLE.
Mais il est une volonté d'impulsion
determinée par des causes ou la refle=
xion ne deploie pas actuellement son
influence, mais qui la presupposent
telles que celles qui naissent des pen=
chans rationels, qui ne se trouvent que
chès l'Etre raisonnable, tels que le gout
du beau, le sens moral, 3 mots biffure
<118> 7 lignes biffure
la curiosite, le desir
de la nouveaute, tou=
tes les affections sym=
patiques, et autres
penchans egalement
applicables aux ob=
jets sensibles et non
sensibles, que l'homme eprou=
ve avant même que sa raison soit
devellopée au point de l'eclairer sur
le devoir.
DESIR. MOUVEMENS.
C'est a la volonté d'impulsion qu'il faut
aussi rapporter le desir, la passion,
l'esperance, la crainte, la joie, la tristesse.
Quand les penchans ont deploié leur
efficace sur l'ame pour lui donner une
impulsion vers tel ou tel objet, il en
resulte une determination generale
vers cet objet, que nous appellons desir,
qui est plus ou moins fort, selon que
l'inquietude causée par la privation ou
le retard de la jouissance, est plus ou moins
grande sollicitante.
Si le desir est vif et soutenu ainsi que
l'inquietude, et que les puissances de
l'ame se dirigent avec plus d'energie et
de continuité vers le même objet, alors
le desir, devient passionné, et tous les pen=
chans liés avec lui, autant de passion,
auxquelles l'habitude ajoute encor de
nouvelles forces.
Au desir se joint souvent l'esperance
de posseder l'objet, et si le desir est pas=
sioné, l'esperance participe a la passion.
Le desir devient joie quand l'esperance
est suivie de la possession.
Au desir est opposé l'aversion pour un
objet; a l'esperance, la crainte detre
livré a l'objet qu'on abhorre, ou de man=
quer celui qu'on desire; a la joie, la
tristesse qu'on eprouve lorsque la crainte
s'est realisée, ou l'esperance a été trompée.
<118v> Ces divers mouvemens 2 mots biffure liés aux
divers penchans sont chès l'homme, les
grands et continuels ressorts d'impulsion
qui procurent sans cesse le devellope=
ment de ses forces.
VOLONTE DE REFLEXION.
Il arrive souvent que l'homme avant
que de se determiner a encor assès de temps
pour reflechir et qu'il se rappelle retrace quelque
idée distincte de l'objet qui se presente,
2 mots biffure par laquelle il peut connoitre
si c'est un bien 1 mot biffure qu'il doit rechercher
ou un mal 1 mot biffure qu'il doit fuir.
Cette idée distincte presentée par l'Intel=
ligence devient pour sa volonté un
motif a rechercher un objet ou a le
fuir, et une raison determinante pour
faire ou ne pas faire telle action. Pour
preferer telle action a une autre, selon
ce qui paroit le plus expedient. C'est
ce qu'on appelle cause finale de de=
termination, parce qu'elle est toujours
relative a une fin, un but de l'ame, qui
est un effet qu'elle se propose de produire
par telle ou telle action, qui est ici 1 mot biffure
le moien qui conduit a la fin.
Or toutes les fois que l'homme se determine
par un motif, une raison, une cause fina=
le, il fait usage de cette volonté que nous
appellons volonté de reflexion, par=
ce que la reflexion la precede et la dirige
en eclairant l'ame sur la valeur des objets.
FIN GENERALE. LE BONHEUR.
Toutes Les fins particulieres ou de detail
sont toutes subordonnées les unes aux
autres comme moiens, et toutes ensem=
ble correspondent, sous ce rapport, a
une fin generale et derniere, dans
laquelle elles se concentrent toutes,
comme dans la principale; c'est le bon=
heur, ou une jouissance soutenue de
toutes sortes de biens, aussi pure, eten=
due et continuée que la nature des choses
peut le permettre.
<119> BIEN. PLAISIR. MAL. DOULEUR.
On appelle bien tout ce qui procure
un plaisir, mal, ce qui cause de la
douleur. Ce qui garantit du mal est aus=
si un bien. Mais un bien passager, qui
entraine a sa suite des maux, n'est
qu'un bien apparent, c'est plutot un
mal reel. Ce qui prive du bien est aus=
si un mal; mais un mal passager,
qui est suivi de biens reels, n'est qu'un
mal apparent: c'est plutot un bien
reel.
Les biens sont susceptibles d'appreciation
en raison de l'intensité des plaisirs qu'ils
procurent, mais surtout de la durée
de leur jouissance, et de ce qu'il en coute
pour les obtenir. Tel plaisir extremement
vif, ne dure qu'un instant, et coute
une vie entiere de larmes. Cette valeur
comparative des biens est soumise a
un calcul dont l'homme doit sans cesse
s'occuper pour fonder solidement son
bonheur.
Il est des plaisirs de pure sensation ani=
male liés a la satisfaction de tel ou tel
appetit naturel. Il est des plaisirs de
sentiment 1 ligne biffure
qui tiennent a la satisfac=
tion des penchans rationels, et
selon les Loix d'un juste calcul, ceux
ci sont bien superieurs aux premiers,
parce quils occupent l'ame toute entiere.
BESOINS.
C'est de la satisfaction du besoin que
nait le plaisir. Il est des besoins de
sensation ou l'inquietude est renfermée
dans un seul appetit. Il est des besoins
de sentiment qui penetrent l'homme
tout entier. Chès un homme ou la
vie d'Intelligence n'est pas absorbée
par la vie animale, les besoins de senti=
ment sont bien plus pressans que ceux
de sensation, et leur satisfaction en est
bien plus delicieuse et durable.
<119v> Ainsi le bonheur depend de la satis=
faction des besoins. Avec des besoins
qu'on ne peut satisfaire, on ne sauroit
etre heureux; mais dans le sein de l'abon=
dance, on seroit malheureux sans le
sentiment des besoins, c'est le cas de ceux
dont les jouissances trop multipliées ont
emoussé la sensibilité, et chès qui le
besoin ne fait plus entendre son cri.
Le bonheur de l'homme sur ce globe n'est
ainsi que le resultat du passage alter=
natif des besoins a la jouissance sentie
et de celle ci au sentiment de nouveaux
besoins, dont la satisfaction continue
a affecter la sensibilité, sans jamais lui
oter sa pointe.
ORDRE MORAL.
Les animaux cherchent tous leur bien=
etre dans quelque objet exterieur deter=
miné par les Loix de leur instinct, et qui
paroit etre le terme, et le centre de toute
leur activité. Les hommes s'accordent
bien sur leur fin generale, même sur
certaines fins immediatement subordon=
nées a celle la, mais ils varient a l'infini
sur les fins de detail, ou les moiens d'ob=
tenir les fins superieures.
Ainsi tous se proposent de pourvoir a
leur sureté, mais quelle diversité dans
leurs idées sur les dangers et les precautions
a prendre pour les eviter.
Tous fuient la douleur, recherchent le
plaisir: mais quoi de moins concordant
que leurs opinions a cet egard, et leurs
gouts? l'un trouve son plaisir a amasser
de l'argent, l'autre a le dissiper, &c.
Tous aspirent a l'elevation, du moins, ils
redoutent l'avilissement; mais quelle
difference dans leur maniere de juger
sur ce qui eleve ou degrade?
Deux hommes se trouvent dans la même
position, l'un est content, l'autre se plaint.
Aspirent ils au meme but, l'un y tend
<120> par un moien, l'autre par un tout
opposé.
Mais la fin generale demeure la même
pour tous, et de plus, il est nombre de cau=
ses impulsives et finales qui determi=
nent tous les hommes de la même manie=
re dans la generalité des cas semblables.
Tel est le principe fondamental de ce
que nous appellons l'ordre moral qui
consiste en ce que dans la succession des
actions libres des hommes, il y a une suite
assès uniformes et constante 1 mot biffure entant qu'elles
sont determinées par des causes d'une
influence 1 mot biffure generale, et assès confor=
me a la nature des choses, pour produire
chès tous les hommes les mêmes effets
dans les mêmes circonstances. Telle
est la Loi de l'espece humaine 2 lignes biffure
sur laquelle reposent toutes les connoissances
qui derivent de l'analogie morale et
2 mots biffure ce genre de certitude que
nous appellons la certitude morale,
qui est pour l'homme de la consequence
la plus etendue et la plus importante.
ACTIVITE.
On appelle action tout changement
d'etat qui est l'effet d'une cause interne.
Il en est qui ne sont que le resultat de
ressorts internes purement physiques.
On les appelle actions naturelles; mais
il en est d'autres, qui sont l'effet d'une force
interne dont l'homme est le maitre pour
en disposer par lui même. On les appelle
spontanées; 1 mot biffure entant que celles ci sont deter=
minées par la volonté 3 mots biffure d'impulsion
1 ligne biffure ou de reflexion, on
les appelle volontaires.
L'activité est le pouvoir de faire ou execu=
ter des actions determinées par la volonté.
Cette activité propre a l'ame, elle l'exerce
tantot sur elle même, pour se porter a
l'attention, a la reflexion, au choix, aux
<120v> efforts dans l'exercice de ses facultés,
tantot sur son corps, pour en diriger les
organes, en mouvoir les membres a
son gré, enfin sur les objets exterieurs,
pour les saisir, les eloigner, les rappro=
cher, les deplacer, les arranger, en modi=
fier la composition ou les forces et y
produire tels changemens qu'elle juge
a propos. C'est par elle enfin que l'homme
surmonte les obstacles, saisit les occa=
sions, se prevaut des secours, se mu=
nit d'instrumens pour mieux assurer
le succes de ses vües, et deploie une dex=
terité 1 ligne biffure
aussi variée dans ses objets
que merveilleuse dans ses effets.
LIBERTE
Les actions volontaires dependant de
l'Intelligence, sont appellées libres, par=
ce qu'en les faisant l'ame fait ce qui
lui plait, et que dans son choix entre
les partis, elle donne a l'un la preference
sur l'autre sans y etre contrainte ni
determinée autrement que par des
causes finales qui deploient leur in=
fluence sur elle. On les appelle aus=
si morales comme etant seules suscep=
tibles de comparaison avec une regle
morale , ainsi appellée parce qu'elle
sert a diriger les moeurs de l'homme.
Le pouvoir de produire des actions
libres est a recu le nom de liberté
et l'homme qui possede cette faculté
est appellé libre entant que dans
la plupart des cas, il peut juger, choi=
sir, vouloir, et agir. Ainsi demander
si l'homme est libre, est une question
aussi absurde que si l'on demandoit
s'il a une intelligence, une volonté et
une activité, qui puissent concourir
pour produire une action.
<121> HABITUDE.
La reiteration des mêmes actes produit natu=
rellement chès l'homme une disposition
a les reiterer encor, avec une facilité a
les repeter en toute occasion, et même une
grande difficulté a s'en abstenir. Alors
l'activité se tourne en habitude , et les
actions que celle ci produit, se nomment
habituelles.
Pour Dès que l'habitude est formée, on
parvient a executer une action avec tant
d'aisance et de promtitude qu'on n'a pas
même besoin d'y penser. elle previent en
quelque sorte la volonté de l'homme, et
en la faisant il semble meme ne suivre
d'autre impulsion que celle de la seule
nature.
Le pouvoir de l'habitude est sensible par
rapport a ces mouvemens d'un corps qu'on
appelle plis: il ne l'est pas autant par
rapport aux actions internes, mais
avec un peu de reflexion, on s'en apper=
coit bientot.
D'ou vient cette facilité que nous avons
aujourd'hui a concevoir certains objets
qui auparavant etoient au dessus de
nôtre portée? D'ou vient que nous pou=
vons si promtement former une foule
de jugemens sur les objets et sur leurs
rapports avec nous? D'ou vient cette
facilité d'associer nos idées les unes aux
autres de telle sorte qu'une seule suffit
pour nous en retracer une multitude?
N'est ce pas l'effet sensible des habitudes
que l'Esprit contracte a mesure qu'il
se fortifie et s'etend.
Que sont encor les penchans qui se forment
chès l'homme pour certains objets si ce
n'est le fruit de l'habitude de voir ces
objets et d'y penser? Les penchans contri=
buent <121v> sans doute beaucoup a forti=
fier les habitudes deja formées. Mais
il n'en est pas moins vrai que la 1 mot biffure
plupart de 1 mot biffure ceux la doivent leur 1 mot biffure
force et leur premiere origine a la
seule habitude; d'ou vient que le pen=
chant et l'habitude se trouvent ordi=
nairement reunis chès l'homme.
Et ces penchans habituels d'ou vien=
nent ils encor? n'est ce pas de certains ju=
gemens habituels que nous portons d'a=
près une maniere de juger dont nous
avons pris l'habitude 2 mots biffure a la suite d'asso=
ciations d'idées qui nous sont devenues
habituelles; d'après une façon de voir,
et de concevoir, que l'habitude nous a
rendue familiere, au point qu'elle
devance presque toujours la reflexïon.
Que nous apprend enfin l'experience?
Que nous sommes des animaux d'ha=
bitude et que nos fonctions même natu=
relles dans leur origine, le manger
le boire, le dormir, marcher, ecouter &c
se tournent par l'exercice en veritables
habitudes.
Et telle est la raison pour laquelle nous
ne cessons de confondre nos habitudes
acquises de penser et de juger avec ce qui
nous vient immediatement de la nature
et que nous appellons chès nous naturel
toute disposition habituelle, parce
qu'elle s'est en quelque sorte, entée sur la
nature, et que nous ne pouvons fixer
le temps ou elle a pris naissance; ce
qui s'etend même a des habitudes qui ne
font que contrarier la nature. N'a
ton pas vu des yvrognes se retran=
cher sur ce qu'ils etoient nés avec une
disposition naturelle pour la boisson?
<122> De quelle influence ne sont donc pas
les habitudes sur les operations de l'ame
sur ses penchans et ses actions?
Quel avantage ne peut on pas en retirer
pour penser et agir avec energie et prom=
titude, et surtout lorsqu'il s'agit d'execu=
ter des choses compliquées qui deman=
dent la combinaison d'une multitude
d'actes simultanés ou qui se succedent
avec la plus grande rapidité? combien
ne peuvent elles pas nous seconder
dans la recherche du vrai, la pratti=
que du bien et l'etude de la perfection?
D'un autre côté rien de plus funeste
que les habitudes lorsqu'elles se trouvent
liées aux prejugés, a l'erreur, aux
egaremens de l'Esprit et du coeur
a la perversité morale, puisqu'elles
sont si difficiles a vaincre, et qu'on
trouve tant de charmes a se livrer
a leur impulsion.
Il depend toujours neanmoins de
l'homme d'eviter les habitudes mau=
vaises en les prevenant, et d'en con=
tracter de bonnes par un exercice as=
sidu. Il n'est pas même si difficile
de corriger les mauvaises par la dis=
continuation des actes et la reiteration
des actes opposés.
REGLES OBLIGATIONS
Un Etre qui peut se determiner librement
par des causes finales, peut aussi assor=
tir ses actions a des regles ou propositions
qui lui presentent certaines choses a faire
ou a eviter, avec les motifs ou les raisons
qui lui font comprendre la necessité de
l'un ou de l'autre. Dès que ces raisons
sont assès manifestes pour qu'il voie qu'il
ne peut s'ecarter de ces regles, sans agir di=
rectement contre sa fin principale, alors il
<122v> sent la necessité de s'y conformer et
elles deviennent autant de liens pour
sa volonté qu'on appelle obligations
morales.
Un Etre Intelligent ne sauroit reflechir
sur les inconveniens qu'il y auroit pour
lui a suivre toujours sans examen l'im=
pulsion aveugle de l'instinct, de l'appetit,
des penchans, des passions, des habitudes,
et au danger qu'il courroit par cette con=
duite de s'ecarter en mille manieres de
son but, et de tomber dans les travers, et
les vices les plus funestes, sans sentir
la necessité ou il est, pour se mettre a
l'abri de ces inconveniens, de ne se deter=
miner, autant que faire ce peut, que par
des causes finales distinctement appercues
et dès la même chercher dans les res=
sources de son Intelligence, des principes
lumineux, qui puissent fournir a ses
penchans cette direction eclairée et sure,
et les contenir dans de justes bornes. Ce
sont ces principes qui doivent lui servir
de regles morales, et lui presenter autant
d'obligations a remplir; obligations
qui ne tiennent ni a l'arbitraire, ni au
caprice, puisqu'elles doivent etre les resul=
tats necessaires des rapports constans
que la nature nous offre entre les Etres,
et de l'ordre invariable auquel leur
auteur les a soumis.
LOIX NATURELLES
Ces regles morales ou obligatoires peu=
vent etre appellées des Loix , a prendre
le mot dans son sens le plus general,
et ces Loix sont naturelles, entant qu'elles
sont le resultat de rapports naturels, et
qu'elles peuvent etre comprises et connues
par le seul examen de ces rapports.
<123> On peut en indiquer 3 generales dont les
autres ne sont que des consequences.
LOIX DE SAGESSE.
Loi de Sagesse, qui fait comprendre a
l'homme que se proposant une fin princi=
pale, il doit tendre a cette fin par les moiens
qui seuls peuvent y conduire, la connois=
sance de la verité, la prattique de la ver=
tu, l'etude de la perfection.
Loi de Sociabilité qui lui fait sentir qu'e=
tant appellé a vivre en societé il doit s'abs=
tenir de tout ce qui peut nuire au bien
commun, et faire tout ce qui est en son
pouvoir pour l'avancer, et dès la même
1 mot biffure rechercher, emploier et multiplier les
moiens et les ressources qui peuvent y
contribuer.
Loi de Religion, qui lui rappellant son
origine comme creature de Dieu, et
sa destination comme creature immor=
telle, lui fait sentir la necessité de se
conduire conformement a ces rapports
pour remplir les Sages vües de l'arbitre
de ses destinées, qui ne peuvent d'ailleurs
qu'etre exactement correspondantes avec
le bien universel.
LOIX DIVINES.
Toutes ces Loix fondées sur la nature
même des choses se trouvant correspon=
dantes a autant de volontés de cet Etre
supreme, sous la dependance duquel
l'homme est naturellement placé, sont
des la même, autant de Loix divines ema=
nées de lui, comme auteur de tous les
Etres, avec tous les rapports qui dependent
de leur nature, et celui qui nous en a
manifesté la connoissance pour que
nous les observions; autant de Loix
dès la même munies de l'autorité divine
dont l'observation ou la violation ne sont
dès la point ïndifferentes aux yeux de Dieu
non plus qu'aux yeux des hommes, qui
reglent la dessus l'estime ou le blâme
que nous avons a en attendre, comme
et qui dès la meme ne
<123v> 1 mot biffure ne doivent pas l'etre a nos propres yeux
puisque c'est de la que depend nôtre bon
ou mauvais succès dans nôtre plan de
bonheur.
OBSTACLES MORAUX.
Le bonheur de l'homme demanderoit une
observation soutenue de ces Loix, mais
divers obstacles s'y opposent, qui viennent
du fond meme de la depravation de
l'homme. A une mauvaise education
qui ne permet pas a la raison de se devel=
loper de bonne heure pour servir de frein
aux penchans aveugles, succede une
jeunesse toute livrée aux charmes des
objets sensibles, dont rien ne peut eloi=
gner l'influence et la seduction. Une
espece de nouveau sens s'eleve qui com=
mande imperieusement a toutes les puis=
sances de l'ame qui etouffe la reflexion
1 mot biffure ou la pervertit pour la tourner a son
profit. Voila le jeune homme plongé
dans l'yvresse de la passion! Un seul
objet suffit pour le tyranniser, et avec
cela, il croit avoir trouvé le bonheur.
Mais bientot le charme va se dissiper,
et deja il est livré a un vuide affreux
qu'il ne sait comment remplir: accou=
tumé a l'esclavage, il lui faut un nou=
veau maitre qui fera bientot place a
un autre: a la debauche succedera l'ambition, a
l'ambition, l'avarice: les degouts se mul=
tiplieront 1 mot biffure avec les excès, les plaisirs suivent,
il faut recourir a l'art du rafinement,
du melange, du factice; que reste til en=
fin a l'homme? un corps enervé, une
ame amollie, des regrets, la satieté et
l'impuissance. Telles sont 1 mot biffure toutes
les tristes suites de la mauvaises edu=
cation morale.
<124> EDUCATION MORALE.
Que faudroit il faire pour prevenir
ces horreurs, et rendre l'homme capable
de se tourner vers le bien? 1 mot biffure Soigner
l'education morale des enfans, selon
les regles suivantes.
1. Etudier leur temperamment, emploier
des moiens physiques pour le corriger, s'il
est vicieux, pour le fortifier, s'il est foible,
car rien ne nuit plus au moral que le
sentiment continuel de sa foiblesse.
2. Etudier le tour d'Esprit et le naturel des
enfans, pour mettre a profit ce qu'il y a
de bon, et le faire servir de correctif a
ce qui ne l'est pas: ne pas trop exiger d'eux,
ne leur dire, ne leur montrer que ce
qui peut convenir a leur age, et aux
circonstances de leur position.
3. Se rendre très attentif aux plis et aux
habitudes qu'ils contractent, pour ne
rien leur permettre qui ne soit inno=
cent et sans danger: les former de bon=
ne heure a toutes les habitudes utiles.
4. Garantir les canaux des sens de
tout ce qui ne peut etre propagé jusques
a l'ame sans inconveniens pour celle ci;
ne rien laisser passer que de bon, mais
rien de trop, rien d'embarrassé, rien de trop multiplié,
trop diversifié; car autrement on pour=
roit accabler l'ame, lui oter son energie
et même son caratere naturel et pro=
pre. Du vrai, du bon, de l'utile
en y joignant du beau, voila ce dont
il faut la nourrir; des qu'elle en aura
savouré le plaisir, elle en prendra le
gout, comme on prend le gout de la
bonne musique a force d'entendre des
concerts harmonieux.
<124v> CONCLUSION
La perfection de la vie d’Intelligence
depend donc de l’exacte correspondance
de la liberté, de la volonté active, avec
le dictamen d’une Intelligence eclairée
et reflechie qui s'etudie a connoitre les
Loix auxquelles l’homme doit confor=
mer ses actions. Tout cela sera devello=
pé au long dans la Boulologïe.
Ici finit le tableau de la triple vie
de l’homme. Dans la seconde Section
nous allons le considerer comme
Etre mixte, composé de deux substan=
ces et exposer tous les Phenomenes qu’il presente
sous ce rapport.
<125> TABLE
PREMIERE SECTION
Chapitre premier
De la constitution de l'hom=
me en general. p. 1
L'homme - Etre mixte - ma=
teriel - mechanique - vegetal
- animal - Intelligent - su=
perieur p. 1-4
Vie de l'homme - vie vegetale
- vie animale - vie d'Intelli=
gence p. 4-5
Chapitre II.
Des parties solides et fluides
dont le corps humain est com=
posé dans sa totalité. p. 6.
Corps humain - parties soli=
des et fluides - les fibres. p. 6
Les os - le squelette - la tête
- le crane et les os de la tete -
le tronc - les vertebres et l'e=
pine du doz - os de la poitrine
- le sternum - les côtes - le bas=
sin - les branches. p. 7-11.
Les cartilages - les ligamens
- les membranes. p. 11-12
Les vaisseaux - les arteres - les
veines - les vaisseaux tubulaires
- les glandes - les nerfs et les
muscles - les nerfs - les mus=
cles et tendons p. 12-19
La peau et les pores - les ongles
- les poils et cheveux p. 19-21
Les fluides - le sang - le serum
- les humeurs - la lymphe -
la transpiration et sueur -
Emonctoires - fluide nerveux
p. 21-26
Chapitre III.
Des parties internes du corps hu=
main; et des fonctions vitales d'ou
depend directement et principale=
ment le mouvement vital et la
vie de l'homme. p. 27.
Parties internes: fonctions vitales
- le coeur - le pericarde - les
ventricules et les oreilletes - les
grandes arteres - les grandes veines
- systole et diastole - mouvement
du sang - la pulsation - la force
du coeur - circulation du sang
- valvules p. 27-34.
Les poumons - bronches, trachee
artere - Diaphragme - la respi=
ration - l'epiglotte p. 34-40
Le cerveau - les meninges - la
substance medullaire - influence
du cerveau et du cervelet - for=
mation du fluide nerveux et des
esprits animaux - conclusion
p. 40-46.
Chapitre IV.
Des parties internes du corps hu=
main et des fonctions naturelles
qui sans etre causes principales de
la vie, sont cependant essentielles
a son entretien, par leur influence
sur la metamorphose des alimens
en sa propre substance p. 47.
Dissipation - reparation - ali=
mens - nutrition p. 47.49
Digestion - premiere digestion -
mastication - dents - machoires -
- salivation - deglutition - gosier
- esophage. p. 49-54
Intestins, visceres - abdomen -
- Estomac p. 54-56
Seconde digestion p. 57. 58
<125v> Le foie - la veine porte - la bile
et vesicule du fiel - la rate
- le Pancreas - les reins
l'urine et la vessie p. 58-63
Troisieme digestion - Intestins
proprement dits - duodenum
- boiaux - mesentere - epiploon
- dejection p. 63-68
Quatrieme digestion ou chyli=
fication - vaisseaux lactés ou
chyliferes - reservoir - vais=
seaux lymphatiques - canal
thorachique - metamorphose
du chyle - susception interieu=
re - conclusion p. 68-72
Chapitre V.
Rapports de conformité de l'hom=
me avec la plante quant a la vie
vegetale, et des prerogatives
qui le relevent a cet egard sur
les autres especes. p. 73.
Vie vegetale - generation -
germe preformé - sexes et fe=
condation - premier devellope=
ment - naissance p. 73-76
Vie proprement dite - accroisse=
ment - enfance, adolescence,
puberte, jeunesse - education
physique - vigueur - declin,
deperissement - caducité - decre=
pitude - mort. - p. 76-86
Difference entre les sexes. -
Duree de la vie humaine p. 86-88
Permanence des especes p. 88
Merveilles du mechanisme ani=
mal p. 89-90
Prerogatives et superiorite de
l'homme p. 90-92.
Chapitre VI.
De la vie animale caracterisée prin=
cipalement par la sensibilité et
l'activité qui resident dans une
ame dont le corps n'est que l'or=
gane et l'instrument p. 93.
Vie animale - ses fonctions et
proprietés, la sensibilite, activi=
té, union spontanée des sexes
appetit, mobilite locale p. 93 94
Organes de sensibilite, sensation
- mouvemens sympathiques p. 94-98
Instrumens d'activité spontanée
- connexion de la sensibilité et
de l'activité p. 98-100
Prerogatives de la vie animale
instruction des sens p. 101-103
organe universel, l'ame p. 103-105
Chapitre VII.
Des divers organes sensibles
qui accompagnent la vie
animale de l'homme p. 106
Organes sensibles - le toucher
le gout et les saveurs - le
palais, la langue - l'odorat
et les odeurs - le nez p. 106-111
L'ouie et les sons - l'oreille,
la conque, le conduit audi=
tif, le tympan, la caisse, les osse=
lets, la trompe d'Eustache, le
labyrynthe, le nerf auditif -
les sons et les tons - sur=
dité p. 114-122.
La vue et les couleurs - l'oeuil
- le nerf optique; tuniques -
sclerotique ou cornée - cho=
roide ou uvee - l'Iris la retine -
les humeurs, aqueuses, chris=
talline, vitree, - vision -
<126> deffauts de l'organe - appen=
dices - muscles et mouvemens
des yeux p. 122-136
Chapitre VIII.
Des prerogatives de l'homme
par rapport aux organes sen=
sibles, dont il peut etendre la
portée et prefectioner l'usage p. 137
Prerogatives -
superiorite des organes consi=
deres dans leur ensemble;
1 mot biffure faculté d'appliquer ses organes
a l'observation exacte des objets;
Le perfectionnement des organes.
La faculte de suppleer a un sens
par l'autre;
La faculte de verifier un sens
par l'autre;
L'Industrie pour inventer des
instrumens qui suppleent aux
sens p. 137-146.
Chapitre IX.
Caracteres de conformité de
l'homme avec les autres especes;
Loix communes du regne ani=
mal: desavantages de l'espece
humaine a certains egards. p. 147.
Caracteres generaux de confor=
mité des especes animales -
corps organise et animé - fonc=
tions vitales, naturelles et ani=
males - destinees successives p. 147-149
Caracteres plus particuliers
de conformite, qualites commu=
nes. - sens interne. - conscience
puissance active. - ressort d'im=
pulsion. - le besoin et l'appetit -
- la nourriture, l'abri - le
repos et le sommeil - le mou=
vement et la veille, l'union
sexuelle et le soin des productions
- la societe - la liberte et l'in=
dependance p. 149-157
Loix de l'instinct p. 157
Loix communes de population p. 157-158
Desavantages de l'espece hu=
maine - privation de couver=
tures et d'abris - manque de
deffenses - foiblesse naturelle
- maladies - inferiorité a cer=
tains egards surtout a l'egard
de l'instinct. p. 158-164.
Chapitre X.
Superiorité de l'homme a d'au=
tres egards quant a la vie ani=
male. p. 165
Caracteres exterieurs et ge=
neraux de superiorité;
ressources pour l'observation;
facilité du transport;
habilete pour ecarter ou sai=
sir les objets;
industrie universelle;
Perfectibilité;
sociabilité decidée. p. 169-172
Chapitre XI.
avantages qui resultent de la
foiblesse naturelle de l'homme
et de la dependance ou elle le
met par rapport a ses sembla=
bles: inclination decidee pour
la societe domestique. p. 173
Les deux sexes - la societe
conjugale - societé domes=
tique - education - attache=
ment filial - fraternite - fa=
milles - alliances - parentages
germes de sociabilite - causes
naturelles de la grande popu=
lation <126v> de l'espece humaine -
Loix et varietés de cette popula=
tion. p. 173-181.
Chapitre XII
Second avantage resultant de
la foiblesse et de la dependance na=
turelle de l'homme; inclination a
former des associations de fa=
milles en communaute. p. 182.
Associations des familles en
communautes - force de ces
associations - surcroit de forces
pour la deffense commune -
domination sur les autres espe=
ces - secours dans les besoins
et les maux - ressources pour
le bien etre - civilisation, per=
fectionement - conclusion p. 182-191.
Chapitre XIII
De la vie d'Intelligence, le plus
beau trait de superiorité qui
eleve l'homme sur les autres
especes, et premierement de
l'Intelligence ou faculté de
penser. p. 192.
Vie d'Intelligence - operations
facultés p. 192. 193.
conscience reflechie - pensee -
Intelligence - pensee simple
pensees elementaires, sensation
exterieure, interieure, idees -
reminiscence - attention - me=
moire, contemplation - imagi=
nation p. 193-201.
Entendement - composition -
abstraction - decompostition
- recomposition - analyse - com=
paraison - classe, classification p. 201-205
Idees Individuelles - idees gene=
rales - faculte de generaliser,
universaux, substances, modes
Relations p. 205-209
nomenclature p. 209 210
Jugement, proposition p. 211 212
Raisonnement, syllogisme p. 212.
Meditation p. 214. 215
verite - certitude - doute, opi=
nion, probabilité p. 215-217.
art de penser p. 218.
Echelle de perfection de l'Intelligen=
ce humaine p. 218-219
observations p. 220
Education Intellectuelle; p. 221
destinées ordinaires de l'Intelli=
gence humaine p. 221-227
Chapitre XIV
De la volonte, l'activité et la
liberté morale p. 228
Volonté - volonté d'impulsion
- animale - rationnelle - desir
mouvemens p. 228-230
Volonté de reflexion - fin gene=
rale, le bonheur - bien, plaisir,
mal, douleur - besoins - ordre
moral p. 230-233.
activité p. 233 234
liberté p. 234
Habitudes p. 235-237
Regles, obligations p. 237. 238
Loix naturelles - Loix divines
p. 238-240
Obstacles moraux p. 240
Education Intellectuelle Morale
p. 241
Conclusion p. 242