Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Groningue, 21 avril 1731

A Groningue ce 21  Avril 1731.

Je reçûs bien en son tems, Monsieur, vôtre Lettre du 19 Septembre de l’année passée.
Mais comme vous m’y disiez, que vous m’écririez encore au prémier jour, pour me
marquer les faits faux que Mr de Bionens avoit avancez dans le Journal Litteraire; j’ai
toûjours attendu cela. Je fis demander, il y a quelque tems, à Mr Benelley, s’il
n’avoit point de vos nouvelles, & il répondit qu’il y avoit trois mois qu’il n’en avoit
point reçû. Je souhaitte que ce silence ne vienne pas de quelque augmentation extraor=
dinaire de vos incommoditez, & je fais toûjours bien des vœux pour vôtre conservation
& pour vôtre santé.

Je vous rends mille graces de vos derniéres Théses sur la Religion Naturelle & du commencement
de la Traduction de celles de la Verité de la Religion Chrétienne. Vous verrez le cas que je
fais de ce commencement par l’Extrait que j’en ai  donné dans la I partie du VI Tome de
la Bibliothéque Raisonnée, qui vient de paroître.3-4 mots biffure J’ai mis cet Extrait à la suite
du dernier de ceux que j’ai aussi donnez du Livre de Tindal, Christianity as old as the Creation
&c. Vous aurez apparemment vû ce méchant Livre: il pourra fournir à Mr Vernet
de quoi augmenter ses reflexions contre les Déistes, dans la suite de l’Ouvrage qu’il a
entrepris sous vôtre direction.

Les deux Volumes de Mr Le Clerc sur le Vieux Testament sont enfin achevez, & j’ap=
prens que la Préface en est déja imprimée. On a supprimé, & avec raison, cinq feuilles sur
Ezéchiel, qui étoient imprimées; de sorte qu’on n’aura sur les Prophétes, après Esaïe & Jérémie,
qu’une simple Version, qui étoit faite depuis long tems. Pour suppléer en quelque maniére à
plusieurs Dissertations, que Mr Le Clerc promet en divers endroits, & dont on a trouvé aucune, quoi qu’il
en parlât comme faites; on a mis une Traduction, qu’il avoit faite, il y avoit long tems, d’une
Traduction Dissertation de Prophetia & Prophetis, dont l’Auteur est un Jean Smith, Anglois,
& qui l’avoit écrite en Anglois. Cet Auteur est, je crois, peu connu: j’ai chargé les
Libraires de s’en informer en Angleterre, & ils m’ont communiqué là-dessus des mémoires, dont
j’ai fait usage dans la Préface sur les deux Volumes de Mr Le Clerc. Je crois vous avoir dit,
que je souhaitte qu’on ignore, que c’est moi qui ai composé cette Préface. Outre la Dissertation
de J. Smith, on en a mis une autre de Mr Le Clerc lui-même, sur la Poësie des
Hébreux
. Et celle-ci a été traduite du François par Mr Wetstein de Bâle, ce Théologien persécuté,
qui est venu en Hollande, mais qui ne veut pas non plus être connu pour Traducteur de
cette Piéce, qui se trouve dans un des Volumes de la Bibliothéque Universelle.

A propos de Mr Wetstein, j’ai été fort surpris d’apprendre ce que l’on m’a dit qu’il
assûroit, & dont il disoit avoir en main de bonnes preuves, c’est que Mr Wetenfels a été
un de ceux qui l’ont persécuté, & qu’il lui a fait entr’autres un crime de ce qu’il
témoignoit estimer beaucoup les Ouvrages de Mr Le Clerc.

L’Histoire de la Guerre des Hussites, & du Concile de Bâle, par feu Mr Lenfant,
paroît enfin. Mr de Beausobre envoie à Amsterdam son Ouvrage sur les Manichéens
anciens & modernes. C’est lui aussi, qui procure à un Libraire les Mémoires du
Prince d’Orange Frederic Henri, qui apparemment seront curieux. Je m’imagine qu’il les
aura eus des Descendans d’une Baronne de Pelnitz, que j’ai vuë à Berlin, & qui étoit
de la Maison d’Orange du côté gauche. Je n’ai point vû un Livre qu’on me
<1v> dit être imprimé, de Mr Bonvoust, Ministre François d’Utrecht, sur le Mensonge
officieux, contre feu Mr Saurin. De la maniére que j’ai entendu parler de quelques
Sermons, que ce Ministre a publiez ce ne sera pas un redoutable Adversaire. Il
paroît deux Editions, l’une in quarto, l’autre en 6 volumes in 12° des Œuvres de
Clément Marot, fort augmentées, avec une Préface & des Notes de l’Abbé Langlet,
qui y a joint les Poësies du Pére & du Fils de Marot, & diverses autres Pièces. L’Edi=
tion in 12° que j’ai, est pleine de fautes d’impression, & d’omissions quelquefois de
vers entiers. On dit, que l’Editeur fait rimprimer à Paris ces Ouvrages dont il a vendu
à des Libraires de la Haïe l’Edition double qu’il avoit lui-même fait imprimer dans
ce païs. Le même a sous presse à Amsterdam une Edition in 4° des Œuvres de
Régnier, avec des Notes de sa façon, & beaucoup d’ornemens d’Imprimerie: mais l’impression
est arrêtée, parce qu’il ne paie ni le Marchand de papier, ni les Imprimeurs. Je n’ai pas
encore vû les Poëtæ Minores, cum Notis Variorum, que Burman a publiez, en 2 voll.
in 4° ni les Variæ Historiæ d’Elien, qui ont paru de même, par les soins d’Abraham
Gronovius
. J’ai donné ordre qu’on vous envoiât le Recueil de Discours, de ma
traduction ou de ma composition, qui vient d’être achevé d’imprimer, en 2 voll. in 12°.

Je reçûs Lundi passé une Lettre de Mrs Fabri & Barrillot, où ils me
disent, que dès le mois de Janvier, ils m’ont envoié, dans une Balle adressée à Humbert,
un paquet, où est l’Histoire de Genéve, in 4° & que vous vous étiez chargé de m’engager
à donner un Extrait de ce Livre. Je le ferai avec plaisir: mais je n’ai pas encore reçû
l’exemplaire, ni eu avis de son arrivée; quoi qu’Humbert m’aît envoié quelque paquet
il n'y a pas fort long tems. Au reste, je souhaitte que les Libraires ne disent point que l’Extrait
vient de moi. Oserai-je vous prier, Monsieur, de leur faire savoir ce que j’ai à leur
répondre sur un autre article de leur Lettre; car je n’ai pas loisir aurjoudhui de leur
écrire; & d’ailleurs je me ressens encore un peu d’une incommodité que j’ai euë pendant
plus de quinze jours, par une suite d’une colique violente, qui me prit dans le tems
que j’avois commencé à vous écrire cette Lettre, que je n’ai pû achever qu’aujourdhui.
Ces Mrs m’ont adressé une Lettre pour Fabre, au sujet de ce qui leur est dû de nôtre
malheureuse Loterie. J’ai rendu la Lettre à Fabre: il dit, qu’il ne répond point, parce
qu’il n’ose dire lui-même à Mrs Fabri & Barrillot, qu’il croit, que s’ils viennent, ou
envoient quelcun, comme ils témoignent en avoir dessein, ils seront paiez, non du tout, mais
sur le même pié qu’on a résolu de paier à ceux qui avoient eû quelque bon lot, c’est-à-=
dire, en perdant environ les deux tiers. Je n’aurois jamais cru, pour moi, que la
Province eût voulu en venir là. Mais ainsi va le monde, 1 mot biffure& dans les Républiques,
comme dans les Monarchies.

J’assure de mes très-humbles respects Madame Turrettin, & je suis,
Monsieur, avec mon attachement & mes sentimens ordinaires les plus sincéres,

Vôtre très-humble & très-=
obéïssant serviteur

Barbeyrac


Enveloppe

A Monsieur

Monsieur Turretin Professeur en
Theologie & en Histoire Ecclésiastique

Genéve


Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Groningue, 21 avril 1731, cote BGE Ms. fr. 484, ff. 269-270. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1012/, version du 10.02.2024.
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