Systématiquement recommandée par les traités pédagogiques, l’observation des enfants se développe dès le milieu du XVIIIe siècle, dans le sillage des Lumières et de l’essor des sciences. Pères, mères, précepteurs et gouvernantes sont désormais exhortés à prendre la plume dans le cadre de leur mission éducative. Et ils ne sont pas les seuls. Enfants et jeunes gens se voient aussi fortement encouragés à tenir un journal, auquel on attribue de nombreuses vertus.
Sur la base de l’analyse d’une centaine de journaux personnels conservés dans les archives de Suisse romande, Sylvie Moret Petrini (Section d’histoire de l'Unil) retrace l’émergence de ces nouvelles pratiques d’écriture, issues d’une ère de renforcement de la cellule familiale, et remonte aux modèles qui leur ont donné naissance. L’ouvrage questionne également la perception que les acteurs de l’éducation ont de leurs rôles respectifs.
Cette écriture éducative traduit le nouveau regard porté sur l'enfant et sur son développement, ainsi que la pénétration des théories pédagogiques au sein des familles. Tout comme elle dévoile les dilemmes des parents, partagés entre fidélité aux principes prônés et impératifs sociaux. Incluant les jeunes scripteurs et scriptrices, elle permet de reconstituer l'expérience enfantine. On voit ainsi émerger l'enfant acteur de son éducation, fille ou garçon, qui au fil des pages revendique sa capacité à gérer, non seulement sa formation, mais sa propre existence.
Disponible en libre accès sur OpenEdition Books, ce livre est issu d’une thèse de doctorat et s’inscrit dans le cadre des recherches menées à la Section d’histoire sur la thématique des écrits personnels et du développement de la base de données egodocuments.ch.
Sylvie Moret Petrini, L’enfance sous la plume. La diffusion de l’écriture éducative en Suisse romande, 1750-1820, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022.
Actualité publiée le 23.03.2022