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        Anthropologie ou Science générale de l'homme: Anthropologie, Tome II, [Lausanne], [1750]-[1788]
	
	
		
	ANTHROPOLOGIE
	proprement dite
Seconde Section
	De l’homme consideré comme Etre
	mixte, composé d’un corps et d’une ame;
	de l’union de ces deux substances, et des
	Loix de cette union, ou des faits gene=
	raux qui y ont rapport et qui en de=
	coulent; ce qui conduit a la theorie
	la plus generale du Langage.
avis
	On sera peut-etre surpris d’abord de ce
	que je traite dans cette partie du Langa=
	ge, puisque cet objet semble appartenir
	a la Ve Partie de mon ouvrage appellée
	Glossologie. Mais on cessera de l’etre si
	l’on reflechit que dans celle ci, il ne s’agit
	que du Langage articulé et ecrit tel
	qu’il existe chès les divers peuples, au
	lieu que dans la partie que j'offre
	aujourdhui, il est question du Langa=
	ge en general, du Langage d’action,
	du Langage parlé consideré sous le
	point de vue le plus abstrait, et le plus
	general, et du Langage ecrit sous toutes sortes
	de formes differentes, 2 mots biffure
	1 mot biffure et surtout d’etablir soli=
	dement l’existence d’un Langage na=
	turel et primitif; autant d’objets qui
	appartiennent manifestement a
	la Science de l’homme ou a l’Anthro=
	pologie proprement dite.
	<2> ANTHROPOLOGIE
	Seconde Section
	De l'homme consideré comme Etre
	mixte composé d'un corps et d'une ame
	de l'union des deux Substances et des
	faits generaux que presente cette
	union.
	CHAPITRE 1.
	Des deux substances distinctes dans l’hom=
	me, et de leur union en general.
	DISTINCTION DES DEUX
	SUBSTANCES.
	L’attention que les hommes ont donné
	aux diverses proprietés des choses, pour
	les ranger sous certaines classes, a introduit
	parmi eux la distinction des substances
	marquée par des denominations speci=
	fiques ou generiques. Dans certains
	corps p. ex. ils ont observé la dureté,
	la compaction, un degré superieur de
	pesanteur specifique, la couleur jaune
	l’eclat, la ductilité, la malleabilité, et
	ils ont rapporté envisagé ces proprietés communes
	et constantes, comme appartenant a une
	substance qu’ils ont appellée or.
	En comparant toutes les substances visi=
	bles entr’elles, ils ont trouvé chès toutes,
	l’etendue, la divisibilité, l’inertie jointe
	a la mobilité &c. et ils ont rapporté de
	même ces proprietés a une meme substan=
	ce, qu’ils ont appellée corps , matiere .
	Tournant ensuite leur attention sur eux
	mêmes, et y observant la sensibilité, l’Intel=
	ligence, l’activité spontanée, la liberté,
	sans trouver aucune connexion de ces pro=
	prietés <2v> avec celles de la matiere, ils ont jugé
	avec bien de la raison que ces premieres de=
	voient etre rapportées a une autre substan=
	ce distincte de la 1 mot biffure et separee, qu’ils ont ap=
	pellée ame, Esprit.
	un examen même plus attentif leur
	aiant decouvert entre ces proprietés une
	opposition reelle, ils ont été generalement
	amenés a cette consequence inevïtable,
	que deux Etres dont les proprietés cons=
	tantes et inseparables sont dans une
	entiere opposition entr’elles ne sauroient en au=
	cune maniere etre rapportés a une seule
	et unique substance. S’il s’est trouvé
	des gens assès peu sensés pour s’elever
	contre cette conclusion, voici les raison=
	nemens que la bonne Philosophie leur
	a constamment opposés.
	OPPOSITION DE L’ETENDUE ET DE LA
	DIVISIBILITE AVEC LE SENTIMENT
	ET LA PENSEE.
	Tout ce qui est materiel est essentielle=
	ment etendu  et divisible . or ce qui est
	en nous le moi sentant et pensant,
	est essentiellement unique et indivisi=
	ble. Il ne peut donc appartenir a aucune
	substance materielle; car celle ci pouvant
	etre divisée, il s’ensuivroit qu’après la
	division, le moi seroit aussi divisé, et par
	consequent, que dans chaque homme, il
	seroit multiple et resoluble en une mul=
	titude de moi; ce qui est absurde.
	La sensation et la pensée, modifications
	du moi, sont aussi simples et indivisibles.
	Cela est incontestable quant a la sensation,
	et il ne l’est pas moins quant a la pensée.
	Pour appercevoir un objet en total, il faut
	que la perception soit indivisible comme
	le sujet appercevant, car si on pouvoit y
	distinguer des parties comme on en distin=
	gue dans l’objet, il s’ensuivroit que la partie
	A du sujet appercevroit seulement la partie
	A de l’objet, la partie B n’appercevroit
	<3> que la partie B &c. et aucune n’apperce=
	vroit le tout. La partie qui verroit le som=
	met d’un arbre ne seroit pas la même que
	celle qui verroit les rameaux &c. autant
	on pourroit distinguer de feuilles, au=
	tant on distïngueroit de parties dans
	le sujet et dans la perception. Cependant
	le sujet n’a qu’une seule perception, qui
	embrasse par un acte unique l’ensemble
	de l’arbre, le sommet, les feuilles, les bran=
	ches, le tronc &c. Comment supposer qu’il
	y ait dans cet acte une multiplicité de
	parties?
	Je vois un corps, je demele sa figure et ses
	couleurs, jentends les sons qu’il rend, je
	flaire les exhalaisons qui en emanent, j'en
	saisis avec le toucher le rude ou le poli.
	Je puis rassembler ces dïverses sensations
	pour en former une seule perception qui
	me la represente en total. Aucun de mes
	organes en particulier ne peut operer
	cette reunion; et celle ci ne peut s'effectuer
	qu'autant que ces diverses sensations seront
	toutes rapportées a quelque chose de dis=
	tinct des organes même, quelque substan=
	ce qui leur serve de point de reunion. Ce
	ne peut pas etre a autant de substances
	distinctes qu'il y a d'organes de sensations,
	car aucune de ces substances separées
	et isolées ne sauroit operer la reunion;
	il faut donc qu'elles se rapportent toutes
	a une seule 1 mot biffure et même substance. Sup=
	posés a present que ce soit une substance
	materielle, elle sera dès la même resoluble
	en parties, qui seront autant de substan=
	ces distinctes. En ce cas, il faudra ou
	que les 1 mot tache sensations se rapportent
	l'une 1 mot biffure a l'une des substances, l'autre
	a l'autre, ou quelles se rapportent toutes
	a la fois a chacune de ces substances.
	Dans la premiere supposition, toute reu
	<3v> reunion est impossible; dans la seconde,
	la reunion se trouveroit autant de fois
	repetée qu'il y auroit de substances; cela
	supposeroit mille perceptions composées
	parfaitement semblables et tout autant
	de moi pensans separés. Il est donc impos=
	sible que la reunion se fasse ailleurs que
	dans une substance indïvisible, simple
	et absolument immaterielle.
	Je puis appliquer le même raisonnement
	a la comparaison des pensées composées
	pour en saisir les rapports; elle ne peut se
	faire que par un sujet et un acte indivisible.
	comment juger que tel chene est plus
	grand que tel arbrisseau, si 1 mot biffure
	ces deux objets ne sont pas saisis en même
	temps par le même sujet et le même acte.
	1 mot biffure Cela peut s'etendre de meme a toutes les 1 mot biffure
	operations de l'Intelligence qui supposent
	toutes des reunions d'idees 1 mot biffure et des comparaisons.
	La distinction des operations et facultés
	n'est qu'une distinction idéale, qui ne
	suppose jamais aucune distinction
	reelle: c'est toujours un seul et même
	Etre unique et indivisible qui sent, qui
	pense, qui modifie dïversement le senti=
	ment et la pensée. La pensée n'est jamais
	qu'un acte simple ou on ne distinguera
	jamais des parties des qualités. Tout
	les autres actes de l'ame ne sauroient
	exister hors de la pensée et sont indivisi=
	bles comme elle. Enfin tout en moi,
	mes affections, mes penchans, mes degouts
	&c tout ce qui penetre en moi par mes
	divers organes, ensemble, ou successivement,
	tout est rapporté a moi comme a un
	Etre unique, qui ne peut etre affecté de
	toutes les impressions dïverses qu'avec
	un sentiment profond d'identité, qui
	me persuade que mon ame est une dans
	ses affections, une dans sa pensée et
	absolument etrangere a tout ce qui
	est composé et divisible.
	<4> OPPOSITION DU MOUVEMENT AVEC
	LA PENSEE.
	On supposera maintenant, si l’on veut,
	que la pensée, sans etre inherente a la matiere,
	est l’effet accidentel de certaines modifica=
	tions qui surviennent par le mouvement,
	a certaines parties de nôtre corps, placées
	dans la substance medullaire du cer=
	veau ou aboutissent les nerfs, qui portent
	jusques la les ïmpressions des objets: on
	supposera même que la pensée n’est
	essentiellement autre chose que le simple
	mouvement produit en dernier ressort
	sur ces parties par l’impression propagée
	jusques a elles, nous n’aurons pas de peine
	a montrer la fausseté d’une telle supposi=
	tion par les consequences c.a.d les faits
	qui devroient resulter necessairement et
	universellement dela, car si 1 mot biffure ces conse=
	quences sont dementies formellement par
	l’experience, il est manifeste que les sup=
	positions d’ou elles derivent devront etre
	decidement rejetées.
Quelles sont donc ces consequences?
	1° Que nous ne pourions avoir aucune per=
	ception que celles qui seroient le resultat
	immediat de l’impression des objets exte=
	rieurs sur les organes; impression qui pro=
	pagée par les nerfs jusques a l’interieur
	du cerveau y representeroit les objets
	par une vraie image ou peinture natu=
	relle, ce qui ne pourroit donner que des
	idées toutes sensibles.
	2° Qu’aucun objet ne pouvant etre present
	a l’ame sans l’etre en même temps a mes
	sens, pour former dans mon cerveau une
	empreinte materielle, je ne saurois penser
	a aucun objet absent, ni passé, ni avenir,
	ni invisible.
	3. Que n’eprouvant jamais que des empreintes
	isolées, je ne saurois les 1 mot biffure rapprocher
	les unir, les combiner, les decomposer et
	qu’il ne sauroit y avoir lieu a aucune ana=
	lyse, aucune abstraction, aucune generali=
	sation, <4v> ni a aucune comparaison, ni juge=
	ment ni raisonnement, ni prevoiance ni
	prudence &c.
	Quelles etranges consequences, toutes de=
	menties par le fait et la conscience de ce
	qui se passe en moi: quelle preuve plus de=
	monstrative de la fausseté de lhypothese
	d'ou elles derivent et de la verité d'un prin=
	cipe immateriel?
	Ce n'est pas tout; il s'ensuivroit 4° qu'on
	ne pouroit plus distinguer l'impression de
	l'objet sur l'organe, et la conscience que l'ame
	a de cette impression, puisqu'elles ne seroient
	qu'une seule et même chose;
	5° que toutes nos perceptions etant le resul=
	tat necessaire de causes physiques, aucune
	ne pourroit dependre de nous ni de nôtre
	attentïon, et que quand les objets seroient une
	fois dessinés sur nôtre retine, nous serions
	forcés de les voir tous a la fois avec la même
	distinction.
	6° que nos perceptions se succederoient dans
	un ordre necessairement determiné par
	les Loix du mouvement, en sorte qu'il ne
	dependroit absolument point de nous de
	les retenir, ou les eloigner ou les rappeller,
	et que leur succession seroit assujetie a la
	même Loi de continuité que suit le mou=
	vement; qu'ainsi elles se succederoient con=
	tinuellement dans une suite d'instans infi=
	niment petits, sans que nous fussions les
	Maïtres de nous en rendre aucune presente
	pendant un temps assignable, et moins
	encor d'en reunir deux a la fois pour les
	comparer entr'elle.
	Consequences dela fausseté la plus palpable,
	et autant de preuves sans replique contre
	le materialisme!
	Supposés après cela tant qu'il vous plaira, des
	particules subtiles dans un mouvement
	continuel, quels effets en resulteront? des con=
	cours, des accrochemens, des separations, des
	impulsions, des repulsions, jamais un senti=
	mens, jamais une pensée, jamais une volonté.
	<5> Tout ainsi m'annonce que la pensée est la cause du
	mouvement, rien ne me laisse soubsonner qu'elle
	soit la même chose. ajoutes ici ce que
	nous dirons sur
	l'opinion de ceux qui
	assujetissent la pen=
	sée au mechanis=
	me d'un systheme
	de fibres Chap. II. 
	OPPOSITION DE L'INERTIE AVEC L'ACTI=
	VITE.
	La matiere est essentiellement sans action,
	passive, et opposant par son inertie une
	resistance a tout changement d'etat. Estelle
	en repos, elle y restera eternellement, si au=
	cune force ne la meut. une force externe
	vient elle a la mouvoir, elle en suivra l'im=
	pulsion, sans pouvoir la detruire ni la
	modifier. L'ame de l'homme est essentielle=
	ment active: douée d'une force qui lui est
	propre, elle peut la deploier sur elle même,
	sur son corps, sur les objets exterieurs. La
	matiere ne peut jamais se dire a elle même
	comme l'ame le peut, ma pensée est a moi,
	ma volonté est a moi, ma force est a moi.
	Ainsi l'Etre passif et inert ne sauroit sans contradic=
	tion etre confondu avec l'Etre actif, qui
	a conscience de son action, et qui est la
	cause productrice du mouvement.
	Un bruit frappe mon oreille pendant que
	je suis en repos, tout se termine a une im=
	pulsion de l'air sur l'organe auditif; cepen=
	dant je me leve, je fuis, je varie ma direc=
	tion a mon choix, je continue a courir ou
	je m'arrete. Quelle est donc la Loi du mou=
	vement a laquelle j'obeïs? bien loin dela,
	je les viole toutes dans mes mouvemens, et
	pourquoi, parce que je suis l'impulsion
	invisible d'un Etre superieur au mouve=
	ment, qui le produit, qui le crée.
	Supposés a present que cette force interne
	que j'attribue a mon ame ne soit qu'une force
	etrangere, communiquée a certaines parti=
	cules mues, selon certaines Loix mechani=
	ques, et qui obeïssent necessairement a ces
	Loix, quelles consequences verrons nous
	partir encor de cette supposition? des conse=
	quences encor toutes dementies par le fait.
	<5v> Il s'ensuivroit que l'action humaïne ne
	seroit que le resultat necessaire d'une im=
	pression etrangere, une reaction du cerveau
	sur les nerfs qui l'ont propagée jusques a lui,
	et sur les organes qui l'ont transmise, le
	pur effet physique d'un fluide poussé le
	long des nerfs par une action compriman=
	te; dès la même qu'il n'y auroit dans
	l'homme aucun devellopement de forces
	qui ne fut un effet proportionel a quelque
	cause motrice exterieure, qui en deter=
	mineroit absolument le degré et l'inten=
	sité, selon les Loix ordinaires 1 mot biffure du mou=
	vement; par consequent aucun qui eut
	sa cause dans l'homme ni pour penser,
	ni pour vouloir, ni pour agir, ni pour
	executer un mouvement ni pour en sus=
	pendre aucun; que dès la même il ne pour=
	roit jamais avoir aucun intervalle
	entre une impressïon reçue du dehors et
	l'impulsion reactive qui devroit la suivre
	immediatement; qu'enfin l'homme ne se=
	roit qu'un pur automate dont les actions
	apparentes ne seroient que les effets physi=
	ques d'un fluide agité qui agite a son
	tour quelques ressorts ou leviers: auto=
	mate d'autant plus ïncomprehensible
	que ses effets seroient en contradictïon ma=
	nifeste avec toutes les Loix mechaniques
	les plus constantes, puisque dans ce mecha=
	nisme, de très foibles mobiles, une très lege=
	re reaction, sur un fluide extremement sub=
	til, et ce fluide a son tour agissant sur
	des leviers très minces, tres courts, même
	du 3e ordre, donneroient des forces immen=
	ses, telles que celles qui se deploient chès
	l'homme lorsqu'il marche chargé d'un
	gros fardeau, selon ce qui a été dit Sect.
	1. Chap II.
	autant de consequences d'une faussete si
	<6> palpable qu'elles servent suffisent a detruire pleinement la sup=
	position, et demontrer la verité opposée,
	qu'il y a dans l'homme un principe essen=
	tiellement actif par lui même et incompati=
	ble avec la matiere essentiellement passi=
	ve  et inerte .
	LHOMME ETRE MIXTE. SA NATURE
	SPECIFIQUE.
	S'il y a donc dans l'Anthropologie une 1 mot biffure
	verite incontestable, c'est la distinction des deux
	Substances dans l'homme: elle est fondée
	sur la connoissance de leurs proprietés,
	et sur celle de leur opposition, qui ne leur
	permet pas d'être associées dans le même
	sujet. On peut donc distinguer dans l'hom=
	me, le corps materiel, divisible et visible,
	l'ame immaterielle indivisible et invisible,
	parties essentiellement distinctes, mais
	liées entr'elles de la maniere la plus intime
	et soumises a certaines Loix d'union cons=
	tantes et invariables.
	L'ame humaine est donc un Etre immate=
	riel, un Esprit, 1 mot biffure uni intimement a
	un corps qui lui sert d'organe de sensibi=
	lité et d'instrument d'activité.
	Lhomme est donc un Etre mixte , composé
	de deux Substances reunies en un seul tout
	Individuel.
	Des proprietés de ces deux substances, de
	leur union, des Loix de cette union, en ce
	qui est commun a tous les Individus, de=
	pend la nature  propre ou specifique de
	l'homme.
LE NATUREL DE L'INDIVIDU
	Les modifications dont cette nature est
	<6v> susceptible chès les divers Individus, selon les
	accidens de leur constitution, et les circons=
	tances particulieres de leur position, resulte
	le naturel propre et distinctif de chacun d'eux.
	La figure est ce qui distingue l'individu
	au dehors et qui l'empeche d'etre pris pour
	un autre; mais il y a aussi un naturel
	interieur qui a son siege dans le corps et
	dans l'ame: dans le corps c'est le naturel
	physique ou le temperamment; dans l'ame
	c'est le naturel intellectuel ou le tour d'Esprit
	et le naturel moral ou ce qu'on appelle
	le caractere.
	Le physique  a la plus grande influence
	sur l'Intellectuel et le moral; 1 mot biffure tous les
	trois, une très grande correspondance
	avec l'exterieur, ou la figure , et tout cela
	depend de la grande influence reciproque
	des deux substances, comme celle ci decou=
	le de leur intime union.
UNION DES DEUX SUBSTANCES
	Qui dit union , dit deux choses reellement
	separées, mais seulement entr'elles, chacune
	selon ses proprietés respectives, un rapport
	d'influence et de dependance reciproque.
	Deux corps sont unis, lorsque leur adhe=
	rence reciproque est telle que l'un ne
	peut etre mu sans l'autre. Deux Esprits
	sont unis, lorsque leurs pensées et leurs
	volontés sont en harmonie, et que des liens
	sympathiques les invitent a un commerce
	mutuel. Mais en quoi peut consister l'union
	de deux substances distinctes? ce ne peut
	etre que dans cette correspondance mutuelle
	qui fait que les sentimens et les pensées de
	l'Esprit dependent, selon certaines Loix,
	de certains mouvemens du corps, pendant
	que certains mouvemens du corps sont reci=
	proquement sous la dependance et les ordres
	de l'Esprit. C'est ce que nous devellopperons
	dans le chapitre suivant.
<7> OBJECTIONS. HYPOTHESES.
	Nous ne pouvons nous dispenser de repondre
	ici a des objections elevées contre la distinction
	et l'union des deux substances. Vos raisonne=
	mens 1 mot biffure nous dit-on, 1 mot biffure pour prouver l'imma=
	terialité de l'ame humaine, sont egalement
	concluant pour celle de l'ame des betes, et vous
	avés supposé en effet que chès tous les animaux,
	la sensibilité et l'activité resident dans un
	principe distinct dela matiere et du mouve=
	ment  quoique l'Ecriture
	Sainte enseigne clairement que l'ame dela bête
	n'est autre chose que son Sang. 
	Je 1 mot biffure Nous repondrons que sous le nom d'ame
	il faut entendre ici simplement les Esprits ani=
	maux qui sont extraits du sang, et non l'ame qui par elle même sent
	et agit, l'ame vivante  qui
	rend la bête sensible et digne des soins
	de l'homme. 
	Non, jamais je ne regarderai comme une
	pure machine un Etre qui se meut comme
	moi, qui a des sensations, des desirs, qui
	cherche et choisit ce qui lui convient; je ne
	contesterai point a l'elephant, au droma=
	daire, au cheval, au singe, une force,
	une pensée même, qui a chaque instant
	produisent des actions sans le concours
	d'aucune force ni pensee etrangere. En accordant
	cela, je ne croirai point deroger a ce que
	je connois de la superiorité de 2 mots biffure
	mon espece. La question de ma preé=
	minence n'est pas de savoir si la brute
	a une ame immaterielle ou non, mais
	si elle est tout ce que je suis, si elle peut
	tout ce que je puis, si elle est en tout
	mon egale, et si mes 1 mot biffure facultés, mes
	destinées même, ne me placent pas dans
	un ordre d'Etres bien superieur au sien,
	malgré les ressemblances qui peuvent
	exister entre nous.
	<7v> PARALLELE GENE=
	RAL DE L'HOMME
	AVEC LA BRUTE 
	La brute  eprouve des douleurs et des plai=
	sirs, des besoins et des affections, des percep=
	tions même, qui se rapportent a son etat et
	a son bien Etre; mais tout ce qui appartient
	a l'Intellectuel et au moral fait le propre
	de l'homme. Quel trait immense de superio=
	rité sur la premiere! vous me dites que la
	brute est susceptible des mêmes affections que
	l'homme, joie, tristesse, amour, esperance
	crainte, qu'elle offre les mêmes traits de sen=
	sibilité; mais montrès moi hors de l'homme
	un animal qui se rejouisse de la verité, qui
	s'afflige du mensonge, qui cherisse la vertu,
	qui s'indigne a la vue du crime, qui redoute
	les remords et la honte, et a qui l'espoir
	fournisse des consolations dans ses maux.
	Rappellés si vous voulès encor, la tendre
	sollecitude des meres pour les petits, l'affec=
	tion des animaux domestiques pour leurs
	Maitres, et ceux qui les nourrissent, leur
	reconnoissance, leur fidelité; mais a quoi
	se reduisent ces pretendues vertus? aux impulsions
	de l'instinct, au sentiment de leurs besoins,
	a la recherche des moiens d'y satisfaire,
	a l'interet present du secours qu'ils atten=
	dent de leurs bienfaiteurs. Prouvés moi
	qu'il y a chès eux, une relle appreciation
	des bienfaits, calculée moins surcequele
	bienfaiteur a fait que sur ce qu'il a pu
	et du ou voulu faire, moins sur les effets
	que sur les motifs et les vues desinteressées
	qui1 lettre biffure les ont accompagné; montrès
	moi qu'on trouve chès eux ce que nous
	appellons le moral de la fidelité, de la
	reconnoissance, des sentimens inseparables
	de l'estime et de l'attachement a ses Devoirs;
	me demontrés moi tout cela, ou recon=
	noissés qu'il est ici une region accessible a
	l'homme seul, et qu'autant les apparences sont
	au dessous dela realité, autant l'homme s'e=
	leve au dessus de la brute, dans les cas même
	ou ils semblent exterieurement ne faire que
	la même chose.
	<8> Rassemblés encor, si vous voules, mille faits
	pour prouver que l'animal examine, deli=
	bere, choisit, et agit en consequence. Je vous
	accorde tout; mais je vous demande encor
	sur quels objets tombe ce choix, cette liberte?
	toujours sur des objets corporels, des choses
	de premier besoin: briser ses chaines, s'echap=
	per de sa prison, gagner le large, courrir
	après sa proïe, fuir les approches du plus
	fort, courir après le faible pour le devorer,
	emploier la ruse et l'adresse pour l'atteindre,
	faire hors des yeux du Maitre ce qui pour=
	roit attirer le chatiment, le caresser pour en
	obtenir du pain, choisir entre divers moiens
	le plus sur et le plus court pour operer quel=
	que effet; c'est a quoi se reduit tout ce qu'on
	pourroit attribuer de liberté a la brute.
	Mais cette liberté qui se reduit a plier sous
	le joug ou a le rompre, ce choix qui ne s'exer=
	ce que sur ce qui peut contenter les sens;
	cette Intelligence qui ne saisit rien que ce
	qui est materiel, cette volonté qui ne reçoit
	d'impulsion que du besoin urgent, tout cela peut
	il etre assimilé aux facultés que l'homme
	exerce pour connoitre, pour examiner, pour
	choisir ce qui est le plus utile a son ame,
	a sa perfection, a ses progrès en lumieres
	et en vertus, a son bonheur present et a venir?
	1 ligne biffure
	ses interets sensible, et actuels Qu'elle compa=
	raison a faire entre la brute toute concen=
	trée dans le materiel, et l'homme qui est
	capable de valoriser d'apprecier les plus grands objets
	et de leur sacrifier tous ses interets sensibles
	et actuels; l'homme qui peut connoitre avec
	certitude ce qui est vrai, le distinguer du
	faux, abandonner une erreur seduisante
	pour deffendre une verité qui deplait a
	tous ses sens; l'homme qui peut se former
	une idée de l'honnête, independant de l'utile
	et de l'agreable, et prendre sa deffense au peril
	meme de ses biens et de sa Vie; l'homme
	<8v> observateur eclairé 2 mots biffure de tout
	ce qui se presente dans cet univers, tenant un registre detaillé
	des Etres qui composent la nature 1 mot tache de toutes
	leurs productions et leurs effets, seul capable
	d'en saisir les rapports, en c1 mot biffurealculer les quan=
	tites, en deviner les causes; l'homme qui peut
	faire des decouvertes, des inventions, des eta=
	blissemens utiles et se soumettre a des Loix
	qu'il sait s'imposer a lui même; l'homme
	combinant le present avec le passé et l'avenir
	pour en faire un ensemble, discutant sur
	l'art d'eloigner d'avance les maux et de con=
	server et rendre son espece heureuse, enfin s'elevant
	des objets visibles a un Etre invisible, penetrant
	par la pensée dans la profondeur de ses vües,
	et s'elancant jusques dans l'eternité qui doit
	en amener l'execution. Quel abysme immen=
	se qui separe ici l'homme de la brute, et comment
	se figurer qu'ils eussent la même dignité?
	2 mots biffure 1 ligne biffure
	Quelques person=
	nes seront peut
	etre scandalisées
	que j'accorde aux
	brutes une ame
	immaterielle qui
	devroit etre le par=
	tage de lhomme seul.
	C'est disent elles un
	fait incontestable
	que toutes  les especes animales sont subordonnées a
	l'homme qui exerce sur elles son domaine
	et les fait servir a ses besoins. 1 mot biffure or comment
	concilier cette dignité de Roi avec une egali=
	te de nature, qui n'eut jamais permis que
	l'homme put convertir ses egaux en escalves,
	deploier sur eux le fouet, l'aiguillon, le frein
	et le joug, les depouïller de leur travail et de
	leur industrie, et les massacrer pour assou=
	vir sa faim ou sa volupté. Ce domaine
	de l'homme n'est 1 mot biffure il pas la preuve que l'homme que la
	seul possede une ame immaterielle et
	brute n'est qu'un Etre absolument mechanique;
	3 mots biffure 2 mots biffure considerant surtout que si l'ame de la brute est im=
	materielle, elle est aussi necessairement im=
	mortelle; 1 mot biffure 1 mot biffure a ce comte la que deviendra Donc
	le privilege de l'immortalité dont l'homme aime
	tant a se glorifier?
	A ce deux difficultés que je reunis ici j'oppose
	les reflexions suivantes.
	<9> Il etoit dans le plan du createur de placer
	sur la terre des Etres vivans et animés, avec
	une ame immaterielle. Mais l'ame dela
	brute n'étoit necessaire que pour en diriger
	les mouvemens, et la rendre propre a veiller
	a sa conservation et a celle de son espece.
	Pour cela, il ne lui falloit qu'une ame
	en tout livrée aux sens, et telle qu'elle put
	suffire aux services qu'elle 1 mot biffure etoit desti=
	nee a rendre, particulierement a l'homme.
	Telle est la carriere de destination que
	l'animal a du fournir, et une fois four=
	nie, il a fait tout ce qu'il devoit faire, il
	est devenu tout ce qu'il devoit devenir;
	il ne lui reste ni perfectibilité a develloper,
	ni immortalité a esperer, il n'en a ni le desir
	ni la pensée. La même sagesse qui la tïré
	du neant doit l'y faire rentrer. Le privi=
	lege de l'immortalité est donc assuré a
	l'homme seul, et ce privilege est attaché,
	non a l'immaterialité seule de son ame,
	mais plutot a sa dignité, a la noblesse de
	ses facultés, a sa perfectibilité, a ses lumieres,
	a ses vertus. L'homme est donc infiniment
	au dessus des brutes et il est absurde de
	conclure que si leur ame est immaterielle,
	elles sont d'une condition egale a celle de
	lhomme, et que celui ci ne peut sans in=
	justice exercer d'empire sur elles. Qui
	osera nier que les ames de toutes les especes
	d'animaux peuvent etre immaterielles,
	et neammoins diversifiées dans leur natu=
	re et leur 1 mot biffure capacité, et que toutes peu=
	vent etre a une distance immense de
	celle de l'homme, comme celleci l'est par
	rapport a d'autres Esprits immateriels, et
	comme ceux ci le sont encore parrapport a
	l'Esprit infini et tout parfait.
	<9v> On a argumenté aussi contre l'immaterialité
	de l'ame par les difficultés qu'on trouve a
	expliquer dans cette hypothese, son origine
	primitive, et la maniere dont les deux subs=
	tances peuvent etre unies et influer recipro=
	quement l'une sur l'autre. Mais une diffcul=
	té qui tombe sur le comment et la maniere,
	ne sauroit elle jamais ebranler une verité demon=
	trée par les faits?
	HYPOTHESES SUR
	L'ORIGINE DES
	AMES HUMAINES 
	Ceux qui ont tenté d'expliquer l'origine  des
	ames ont eté 1 mot biffure necessairement très partagés dans
	leurs opinions. L'un a dit, quelles sont des
	emanations de l'essence divine ou qu'elles
	sont Dieu lui même consideré comme subs=
	tance unique. L'autre a dit, que les ames
	ont toutes été crées a la foïs 1 mot biffure, mais
	qu'elles derivoient cependant l'une de l'autre
	par une espece de production develloppement. Un troisieme
	a dit qu'elles ont preexisté a leur corps
	depuis la creation, mais toutes separées
	et isolées. Suivant d'autres, les ames hu=
	maines, depuis l'origine des choses, ont été
	envellopées dans des germes préformés
	avec une sorte de sentiment confus de leur
	existence; Enfin d'autres pensent que Dïeu
	crée les ames a mesure que les germes se
	devellopent, pour les unir a eux, et leur
	faire subir de concert un devellopement
	successif. Mais quand nous ignorerions
	quelle est la vraie de ces hypotheses, quand 
	3 mots biffure1 mot biffure, cette difficulté devroit
	elle nous faire abandonner 1 mot biffure une veri=
	té qui repose sur des faits incontestables?
	douterons nous de l'existence de nôtre
	corps, parce que nous ne connoissons
	pas quel est le germe primitif d'ou 1 mot biffure nôtre organisation est sortie?
	resultée
	HYPOTHESES SUR
	L'UNION ET L'IN=
	FLUENCE RECIPRO=
	QUE DES DEUX
	SUBSTANCES. 
	comment donc dit on, une ame sans
	extension peut elle agir sur un corps dans
	toute son etendue? C'est par l'entremise
	des Esprits anïmaux et des nerfs, sur les=
	quels elle deploie un pouvoir immediat,
	c'est voila tout ce que nous pouvons en dire.
	<10> Mais cela suppose qu'elle occupe un lieu
	quelle touche, quelle est touchée &c.
	sans doute qu'elle est quelque part
	dans le cerveau; mais elle occupe ce lieu
	a la maniere des Esprits; 2 mots biffure;
	le pouvoir qu'elle exerce ne suppose au=
	cun contact materiel; elle reçoit les im=
	pressions, elle commande aux nerfs et
	aux muscles, mais nous ne saurions dire
	comment; c'est un effet de l'union que
	Dieu a etablïe entre les deux substances,
	et qu'il connoit seul.
	Mais quelle peutetre cette dependance reci=
	proque entre deux substances dont l'une
	ne peut par elle même agir sur l'autre?
	pourroit elle avoir une cause en nous
	mêmes? ou seroit elle assujetie aux Loix
	physiques de cet Univers? Non sans
	doute. L'union reciproque ne depend
	ni de l'une ni de l'autre, ni de toutes les deux
	puisque elles ne l'ont pas etablie, et 1 mot biffure 1 mot biffure
	qu'il n'est pas 1 mot biffure en leur pouvoir de la conser=
	ver. Elle n'a donc point sa cause en nous
	mêmes; sa cause est donc hors de nous,
	et ne peut etre que l'effet dela volonté du
	createur tout puissant. Elle n'obeït point
	non plus aux Loix generales du mouvement; et
	2 lettres biffure mais elle est soumise1 lettre biffure a des certaines Loix 1 mot biffure
	1 mot biffure nous les ignorons 3 mots biffure
	1 ligne biffure
	qui lui sont propres,
	1 ligne biffure
	2 mots biffure dont nous ne pouvons 1 mot biffure penetrer
	ni les causes, ni le pourquoi, ni le comment.
	on eu1 lettre biffuret mieux fait de s'en tenir la: mais
	la curiosité humaine a voulu percer
	ce voile qui nous cache les mysteres de
	nôtre nature. L'un a dit que les mouve=
	mens de nôtre corps avec leurs causes
	etoient en nous mêmes, mais que les pensées
	de nos ames etoient en Dieu, comme si Dieu
	pensoit pour nous et que nous vissions
	toutes choses enlui: il a ajouté même
	que nous n'etions que causes occasionelles
	<10v> de ce que nous faisons, et que Dieu est l'auteur
	immediat de tout ce que nous semblons faire.
	un autre a eu recours a une pretendue
	harmonie preetablie ou le corps et l'ame
	sont 1 mot biffure supposés semblables a deux
	horloges separées que Dieu auroit faites
	pour aller pendant un certain temps dans
	une correspondance parfaite, sans qu'il
	y eut aucune communication de l'une
	a l'autre. L'ame enfante des pensees l'une
	après l'autre en sorte que la suivante
	a toujours la raison de son existence
	dans les precedentes: le corps produit aussi
	ses mouvemens dans un ordre physique=
	ment determiné, et les mouvemens s'exe=
	cutent a poïnt nommé pour que la pen=
	sée soit accomplïe; tout se passe dans
	le plus merveilleux accord. Un tel systhe=
	me n'est pas moins absurde que le prece=
	dens, et les consequences egalement effrai=
	antes.
	D'autres ont dit soutenu qu'il est absurde de remonter
	ici a une volonté divine, arbitraire, pen=
	dant qu'on peut tout expliquer par une
	cause naturelle, la sensation, a laquelle est due l'union
	des deux substances. 4 mots biffure
	5 mots biffure Les sensations,
	disent ils, celles ci annoncent a l'ame le rapport gene=
	ral que les corps exterieurs ont avec un corps
	intimement uni a elle, et les rapports parti=
	culiers que ceuxla ont avec tel ou tel organe;
	c'est d'après ces rapports que l'ame distingue
	les sensations et qu'elle juge des objets; c'est
	par ces sensations quelle entre en part
	de tout ce qui interesse le corps en bien ou
	en mal, quelle deploie son activité sur
	ce corps et au dehors pour eviter ce qui
	plait ou deplait a l'un et a l'autre, et cela
	ne prouve t'il pas que c'est la sensation qui
	fait le lien naturel des deux substamces
	dans l'homme. Voila 2 mots biffure un
	raisonnement 1 mot biffure subtil, mais on n'y
	<11> trouve rien du tout de concluant; Autant
	il est certain que la sensation est absolument
	etrangere a la matiere et au mouvement,
	autant il est certain, qu'il ne sauroit y avoir
	de lien naturel entre la sensation et l'impres=
	sion organique, que l'un ne peut etre la
	cause efficiente et immediate de l'autre,
	et que l'influence  reciproque ne peut
	etre qu'une influence ordonnée par
	le Createur.
	Quant aux difficultés qui se tirent du
	sommeil, des maladies qui derangent les
	operations de l'ame, des destinées que celle
	ci suit en commun avec le corps &c. on
	en trouvera la solution dans le chapitre
	suivant, ou l'on exposera les faits gene=
	raux relatifs a l'union des deux substan=
	ces, que nous appellons les Loix gene=
	rales de cette union.
	<11v> CHAPITRE II.
	Des faits generaux relatifs a l'union
	des deux Substances dans l'homme, ou
	des Loix generales de cette union.
	LOIX GENERALES DE L'UNION DES
	DEUX SUBSTANCES
	On peut reduire a trois les Loix generales
	de l'union des deux Substances aux trois suivantes,, qui sont le
	resultat incontestable de divers Phenome=
	nes sensibles.
1e LOI. INFLUENCE DU CORPS SUR L'AME
	Les Phenomenes qui 1 mot biffure demontrent cette Loi
	se tirent dela sensation, de l'attention, de
	la memoire, de l'imagination, du physique
	des facultés de l'ame.
	SENSATION.
	Aux mêmes ebranlemens d'organes, frap=
	pés de la même maniere, dans les mêmes cir=
	constances, succedent comme suïtes ordï=
	naires et constantes, (je ne dis pas comme
	effets naturels) les mêmes sensations et per=
	ceptions. s'il se trouve quelque difference
	dans la force, la vivacité, la durée des sensa=
	tions que l'ame reçoit de tel ou tel objet, par
	l'entremise de tel ou tel organe, 1 mot biffure en suppo=
	sant qu'elle ne vienne pas de l'objet, elle vient
	derive de quelque changement survenu a l'organe,
	ou de quelque disposition particuliere ou
	il se trouvoit et qui n'existe plus a present.
	Si la Sensation depend ainsi de l'organisa=
	tion, il en doit etre demême de l'attention
	dela memoire, de l'imagination, qui la
	fixent et la retracent.
	ATTENTION
	Quand l'ame veut se rendre attentive, elle
	sent qu'elle ne peut saisir l'objet sans le
	concours d'une force qui a son siege dans le
	cerveau, qui produit sur tous les nerfs
	une tension, alaquelle, les nerfs dela vüe
	<12> et de l'ouie participent d'une maniere plus
	particuliere que tous les autres, quoique
	plus ou moins selon les divers cas.
	Si l'attention est continuée pendant un
	certain temps, l'homme eprouve a la fïn
	le sentiment incommode dela lassïtude
	et de l'epuisement, qui ne peut venir que
	de la fatigue que les nerfs ont eprouvée par
	la tensïon.
	S'il veut soulager cette fatigue sans discon=
	tinuer l'action, il n'a qu'a changer l'objet
	de son attention; le delassement qu'il
	eprouve ne vient d'autre cause si ce n'est
	que des nerfs auparavant mis en action
	pour s'occuper de tel objet, se reposent,
	pendant que d'autres non encor fatigués
	sont appellés au concours pour l'attention
	qu'il veut donner a tel autre objet.
	Lhomme peut donner plus d'attention aux
	objets, et se les representer plus nettement,
	après que le corps a pris un repos moderé,
	que lorsqu'il se trouve deja epuisé par
	quelque fatigue; plus avant le repas, lors=
	que les Esprits peuvent se porter abon=
	damment au cerveau pour y soutenir
	l'action des nerfs, que après le repas,
	lorsqu'ils sont attirés a l'estomac pour
	seconder la digestion.
	Celuï qui a plus de vigueur dans le
	genre nerveux peut soutenir plus long=
	temps et plus fortement son attention que
	celui qui a les nerfs foibles, relachés, ou
	trop mobiles.
	MEMOIRE. IMAGINATION.
	Quand l'ame veut se rappeller ses idées, elle
	ne peut faire cela sans l'attention et le con=
	cours des nerfs. Si les Esprits animaux
	coulent avec facilité et abondance, s'ils
	trouvent par tout les passages libres, les
	idées en proportion se reveillent en plus
	<12v> grand nombre, et en plus grande varieté.
	Et de la ces prodiges de memoire que l'histoire
	a celebrés et dont on voit encore des exemples.
	La memoire, l'imagination, ainsi que l'at=
	tention, s'exercent avec plus d'aisance, de prom=
	titude et de succès, quand le corps est bien
	disposé, dans une assiete favorable, lors=
	gue l'air est temperé, qu'on n'eprouve au=
	cun malaise, que la tête est 1 mot biffure libre,
	l'estomac point embarassé &c. En d'autres
	circonstances ces mêmes facultés languissent.
	Certains alimens, certaines boissons en
	favorisent l'exercice, lorsqu'on en use avec
	moderation; si l'on donne dans les excès, ces
	facultés se derangent et se troublent. Des
	exces habituels qui agissent violemment
	sur les nerfs, qui les relachent, ou les tendent,
	les durcissent, ou les picotent, les irrïtent,
	affoiblissent peu a peu tous les ressorts de
	l'ame, comme au contraire un certain
	regime regulierement observé contribue
	efficacement ou a les retablir ou a les for=
	tifier.
	Des accidens qui affectent fortement l'oeco=
	nomie animale, une chute malheureuse,
	une contusion a la tête, une frayeur,
	peuvent quelque fois detruire chès l'hom=
	me la memoire, l'imagination, et la plus gran=
	de partie de l'activité de l'ame. La memoire
	peut se perdre entierement a la suite d'une
	maladie, et on a vu des gens oublier, en
	pareil cas, tout ce qu'ils avoient appris,
	faits, langues, et jusques a leur propre
	nom.
	On comprend que par de tels accidens il
	peut survenir de grands derangemens
	dans le cerveau, des obstructions dans
	les petits vaisseaux, des obstacles, considera=
	bles au cours des Esprits, comme il peut arri=
	ver aussi, par quelque heureuse crise, que
	les obstacles disparoissent, et que les idées
	qui sembloient perdues se retrouvent comme
	d'elles mêmes dès que le physique est revenu
	a son etat naturel.
	<13> On scait aussi ce que devient la memoire
	chès la plupart des vieillards, et entr'autres,
	ceux dont la mauvaise conduite ou un
	excès de travail, ont amené l'epuisement,
	et chès qui lEsprit se trouve appesanti en
	proportion que le corps est usé.
	L'experience ne nous permet donc pas de dou=
	ter que, dans l'exercice des facultés de l'ame,
	il n'y ait un concours des parties du cer=
	veau. Tous les Philosophes en sont convenus,
	mais quand ils ont voulu raisonner sur la
	maniere dont ce concours s'execute, ils ont
	beaucoup varié dans leurs conjectures
	et produit peu de lumieres.
PHYSIQUE DES FACULTES DE L'AME.
	Les anciens avoient imaginé certaines traces
	ïmprimées dans le cerveau qu'ils supposoient
	se rouvrir pour le rappel des idées, queles
	objets y avoient laissées comme en depot.
	D'autres nous ont parlé d'images, de
	craions legers dessïnés dans le cerveau,
	et que l'ame peut, quand elle veut, se
	representer successivement, a peu près
	comme les figures se retracent dans une
	lanterne magique.
	A ces chimeres tenebreuses, des modernes
	ont substitué une hypothese plus intelli=
	gible. on a supposé que chaque impres=
	sion faite sur nos organes, est propagée
	par le moien des nerfs jusques a l'or=
	gane unïversel; que la chaque ïm=
	pression produit un ebranlement dans
	telle ou telle fibre organique, correspon=
	dante a cette ïmpression par sa constitu=
	tion, par le ton sur lequel elle se trouve
	montée, qui la rend propre a la recevoir
	a peu près comme la corde d'un clavecin
	fremit et resonne lorsqu'elle est ebranlée
	par quelque son a l'unisson duquel elle se
	trouve disposée par sa longueur, par
	<13v> son diametre et son degré de tension.
	On a supposé de plus que ces fibres orga=
	niques sont comme autant de petites ma=
	chïnes construites de maniere que leurs
	parties constituantes recoivent de l'action
	plus ou moins forte et continuée des objets
	exterieurs sur les sens, certaines determina=
	tions plus ou moins durables, qui leur
	impriment une tendance plus ou moins de=
	cidée a certains mouvemens propres a repro=
	duire les mêmes perceptions que leurs ebran=
	lemens primitifs avoient excitées dans l'ame
	d'ou il doit resulter, que telles perceptions
	aiant été originairement liées et fixées
	a telles fibres, la disposition que celles ci en
	ont contractée a s'ebranler d'une maniere
	analogue a la premiere impression, doit
	devenir la cause naturelle dela reproduc=
	tion des memes perceptions et du rappel
	des objets a l'Esprit de l'homme.
	Cette espece de mechanisme ideal peut
	s'executer lors même que l'ame demeure pas=
	sive, par la seule disposition que les fibres ont
	contractee a s'emouvoir et s'ebranler les unes
	a la suite des autres, a peu près comme dans
	un clavecin, une corde pincée communi=
	que son ebranlement a d'autres qui se trou=
	vent en rapport avec elle, et dans ce cas,
	cette communication d'ebranlemens doit
	toujours se faire dans un certain ordre, et
	peut se faire, ou immediatement d'une fibre
	a l'autre, ou mediatement par l'entremise
	de fibres intermediaires, qui servent de liens
	de correspondance; et comme ces liens
	sont multipliés a l'infini, ils offrent un
	moien très naturel d'expliquer, comment des
	idées de tout genre, même les plus eloignées,
	peuvent se lier, s'associer entr'elles, et se rap=
	peller mutuellement, sans que l'ame ait be=
	soin de faire pour cela aucun effort.
	<14> Mais l'ame peut, quant elle veut, deploier une
	activité qui lui est propre pour se retracer cer=
	taines perceptions dans un certaïn ordre, et
	c'est ce qu'elle fait en deploiant son pouvoir
	immediatement sur le mechanisme ideal pour
	donner lieu a l'ebranlement de certaines fibres,
	qui, en vertu des Loix dela communication,
	ebranlent d'autres fibres, et 3 mots biffure
	dans une suite ou ordre determïné, qui
	fait reparoitre la serie ordonnée des percep=
	tions que l'ame cherchoit a se retracer.
	On ajoute enfin que par l'exercice de ce pouvoir
	l'ame peut donner a tous ces ebranlemens
	a la fois un plus grand degré de force qu'ils
	n'auroient eu, dans le cas ou elle fut demeu=
	ree passive, capable de propager le mouve=
	ment a un beaucoup plus grand nombre
	de fibres, et dès la même de reveiller un beau=
	coup plus grand nombre de perceptions a la
	fois; degré de force qui pourra encor etre
	augmenté par la reiteratïon frequente des
	actes, et l'habitude de repeter souvent les
	memes ebranlemens dans le même sens et
	dans le même ordre.
	Suivant cette hypothese, toute la chaine des
	perceptions que nôtre ame peut se retracer, se
	trouvera representée dans nôtre cerveau par
	une chaine de fibres liées et entrelacées, le
	long de laquelle le mouvement se propagera
	dans un ordre d'autant plus regulier et
	constant, que les parties constituantes des
	fibres retiendront plus longtemps la tendance
	qui leur aura été originairement imprimée
	et de la durée de cette tendance, et de l'ordre
	regulier du rappel, dependra la tenacité de
	la memoire et la force de l'imagination.
	Cette hypothese n'offre rien en elle même
	qui ne puisse se concilier avec la verité de
	l'immaterialité de l'ame, puisqu'on accorde
	a celle ci l'activité propre, et le un pouvoir imme=
	diat sur les fibres, pour les mouvoir et
	ebranler.
	<14v> Elle s'accorde avec ce que nous avons dit
	dela dependance de l'exercice des facultés
	de l'ame par rapport a l'action des nerfs, qui
	propage jusques a elle les impressions et
	concourt a les y fixer, retenïr, et rappeller
	dans un certain ordre.
	Mais en admettant cette hypothese quant
	aux perceptions qui entrent dans l'ame par
	le canal des sens, nous la regardons comme
	absolument fausse, lorsqu'on l'applique aux
	idées qui lui viennent par la sensation ïn=
	terieure, lesquelles peuvent etre rappellées
	sans l'entremise des organes sensibles com=
	me elles lui sont venues sans eux. Car
	quant même nous avons dit que l'ame ne
	peut s'occuper de quelque objet sans qu'il
	en resulte quelque modification dans le
	corps, le cerveau &c il ne s'ensuit point dela
	que toutes ses perceptions elementaires lui
	viennent des sens, et qu'elle ne puisse avoir
	par elle même le sentiment de son existence,
	de son etat, de ses facultés, de ses forces 1 lettre biffure
	de ses penchans
	de ses desirs &c. 
	autant d'idées qui ne peuvent etre liées a
	aucune fibre organique, dès la même
	qu'elles ont doivent toutes leur premiere
	origine, non aux impressions du dehors,
	mais aux modifications de l'ame elle
	meme.
	opposer a cela que si un homme venoit
	au monde privé de tous ses organes sensibles,
	quoi qu'il eut une vraie ame distincte
	du corps, il ne pourroit neammoins obtenir
	aucune perceptïon, ni même la conscience
	de son propre etat. C'est la avancer une
	pure suppositïon, et qui ne sauroit se con=
	cïlïer avec l'idée reconnue d'une substance
	distincte du corps dont l'essence est de sentir
	et d'agir, ne fut ce que sur elle même. Qui
	est ce qui me prouvera qu'un homme né
	depourvu des cinq sens seroit incapable
	daucune perception d'existence, de plaisir,
	de douleur, de volonté, de force, et autres
	idees que l'ame peut acquerir parla
	sensation interieure.
	<15> Nous sommes bien plus eloignés de croire que
	toutes les operations de l'ame ont pour cause
	une modification anterieure organique,
	qui amene le devellopement dela force,
	car comment concilier cela avec l'idée d'une
	activité propre a l'ame, qu'elle peut exercer
	même sur tout le mechanisme ideal, dela
	meme maniere, diton, que le musicien de=
	ploie son talent sur le clavecin pouren tirer
	des sons, sans dependre lui même de son ins=
	trument qui ne peut resonner que par lui.
	Mais nous ne saurions que nous recrier de
	toutes nos puissances et deferer a tout
	l'Univers Philosophe et chretien, 1 mot biffure cette propo=
	sition qu'on n'a pas craint d'avancer, que
	toutes les modifications actives de l'ame
	ne sont que le resultat naturel et necessaire
	de tout l'ensemble des determinations qu'une
	infinite de fibres ont contractées et qu'on
	peut des la, par le seul mechanisme ideal,
	rendre raison de tous les penchans naturels
	ou acquis, de tous les travers de l'Esprit et
	du coeur, ainsi que dela difficulté qu'il y
	a de les guerir &c. Que diroit on de plus
	pour annoncer a tous les hommes qu'ils
	ne sont que des machines, et qu'il n'y a plus
	pour eux de responsabilité?
	Non jamais on ne me persuadera que l'ame
	recoive son action 2 mots biffure de l'instrument quelle est desti=
	nee a mettre en jeu, et qu'il en soit d'elle
	comme il en seroit d'un Musicien qui ne
	pourroit deploier son talent sur le clavecin,
	que lorsque celui ci auroit commancé
	a faire resonner ses cordes 2 mots biffure
	1 ligne biffure
	pour attirer les doigts de celui la
	vers la touche. une hypothese de
	cette nature ne peut etre envisagée que
	comme le Materialisme tout pur que
	nous avons refute
	Chap. 1. elle est
	sujete aux mêmes
	consequences par
	dont lesquelles nous en avons
	demontré la faus=
	seté et l'absurdité. 
<15v> 2 LOI. INFLUENCE DE L'AME SUR LE CORPS
	A certaines sensations et perceptions de l'ame
	succedent ordinairement dans le corps certains
	mouvemens spontanés determinés par l'activi=
	té de l'ame deploiée sur les nerfs et les muscles,
	ce qui arrive a chaque instant, et quelquefois
	aussi des mouvemens independans dela vo=
	lonté. Qui ne sait p. ex. que la plupart des
	hommes ne peuvent se rappeller les mauvai=
	ses qualités d'un aliment, les nausées qu'ils
	ont eprouvées en prenant un purgatif,
	sans que ce souvenir n'affecte pour un ins=
	tant les organes du gout, n'y reveille des
	sensations desagreables, même des nausées
	reelles qui quelquefois provoquent le vo=
	missement. N'y a t'il pas des personnes dont
	l'imagination est si vive que le souvenir des
	choses qu'elles n'ont fait que voir et enten=
	dre, suffit pour mettre chès elles tout le
	genre nerveux en commotion et les faire
	passer par les plus violentes crises. Ainsi
	on a vu une femme tomber en syncope
	a la vue d'un dès a coudre qui lui rappelloit
	apparemment les reproches 1 mot biffure qu'elle avoit eu a 1 mot biffure
	essuier dela part dela maïtresse qui lui apprenoit
	la couture. Ainsi j'ai vu une fille, a la
	moindre emotion ou chagrin qu'elle
	2 mots biffure eprouvoit, saisie par des mouvemens
	convulsifs du genre le plus extraordinaire
	et accompagnés de cris jusques 1 mot biffure
	2 mots biffure aussi effraians qu'inouis, sans qu'elle
	perdit cependant un seul instant l'usage
	de sa memoire et de son jugement.
	<16> 3e LOI. INFLUENCE RECIPROQUE ET
	CONTINUELLE DES DEUX SUBSTANCES.
	COMMUNAUTE DE SITUATIONS OU DE DESTI=
	NEES ET DE PROGRES.
	L'ame ne sauroit exercer aucune activité
	sans que le corps n'y prenne quelque part, et
	celui ci ne peut eprouver aucun changement
	sans qu'il en resulte quelque modification
	plus ou moins sensible dans l'ame. L'etat de
	l'ame correspond assès ordinairement a
	celui du corps: Ce qui affecte l'un affecte
	aussi l'autre. Ce qui contribue a la force
	et au bien etre de l'un, a l'exercice facile
	et regulier de ses fonctions, produit par
	contre-coup d'heureux effets sur l'autre.
	La fatigue, l'inquietude, la maladie
	se partagent entreles deux. Il est des
	maladies de l'ame qui exercent de très
	funestes ïnfluences sur le corps, et la plu=
	part decelles du corps atteignent l'ame
	et 1 mot biffure nuisent a ses fonctïons: Cela vient
	ou de ce qu'elles mettent sa sensibilité a
	une trop forte epreuve, ou de ce que les orga=
	nes se trouvant affoiblis, le cours des flui=
	des ou trop 1 mot biffure rapide ou trop lent, les Esprits
	animaux ne peuvent pas scauroient porter au siege
	de l'ame des impressions bien reglées, ce
	qui ne peut qu'influer sur l'ordre des sen=
	sations et le devellopement dela pensée.
	Ainsi que le corps passe successivement de
	l'etat de foiblesse a celui de force, et augmen=
	te graduellement en vigueur, jusques a
	ce qu'il en ait atteint le plus haut degré,
	apres quoi, il commance a decliner peu
	a peu, de même l'ame foible au comman=
	cement gagne insensiblement des forces
	a mesure que le corps se fortifie; ses facultés
	<16v> se devellopent 4 mots biffure
	pendant que le corps se maintient dans sa vï=
	gueur; après quoi le plus souvent elle perd
	progressivement de son activité et 3 mots biffure de ses
	1 mot biffure forces. Cependant ce declin est beaucoup
	plus sensible chès les uns que chès les autres,
	et ici il faut distinguer celui qui est la suite na=
	turelle dela constitution de l'homme, et qui
	n'est pas considerable, d'avec celui qui est
	accidentel, precoce, anticipé, fruit des excès
	de l'intemperance, ou du travail, ou d'une
	mauvaise methode d'instruction, comme il
	a été observé. 
	Tout comme le corps de l'enfant acquiert,
	par l'exercice et l'habitude de la force, de l'agi=
	lité et de l'aisance dans ses mouvemens,
	de même aussi et par les mêmes moiens, l'ame
	acquiert plus de promtitude et de facilités
	pour deploier son activité, reflechir et agir.
	Dans l'enfance, elle ne peut pas etre servie assès
	efficacement par le corps consideré comme
	organe et instrument; l'enfant n'est pas en=
	encor exercé a voir, a entendre, a parler, a
	marcher, a agir; tout cela doit se perfectioner
	par degrés, pour que l'ame se fortifie a me=
	sure, et que ses facultés s'etendent par l'exer=
	cice. Quoique l'ame soit deja l'Etre pensant
	et actif; cependant ces facultés n'y existent
	en quelque sorte qu'en germe; et il faut le
	concours des objets et des circonstances pour
	les develloper, et de la 1 mot biffure nait un Pheno=
	mene qui sert de nouvelle preuve a l'influ=
	ence reciproque des deux substances., 1 mot biffure
	1 mot biffure LA DIVERSITE DES TALENS
	Le devellopement des facultés de l'ame et
	la facilité de ses operations dependent beau=
	coup du nombre des organes que l'homme
	exerce habituellement, de la maniere dont
	ils sont exercés selon les divers objets et les
	circonstances, et dès la même du genre
	<17> d'education qu'il a reçue dans son enfance,
	de son genre de vie et d'occupation, de son ha=
	bitude de vivre seul ou en Societé, et autres
	causes exterieures, qui peuvent apporter a
	cet exercice un nombre infini de varietés,
	d'ou naissent des influences diversifiées, dans
	la même proportion, par rapport aux talens
	et aux connoissances acquises. Dela pro=
	viennent en plus grande partie ces differences
	marquées qu'on observe entre les hommes.
	Ceux qui apportent en naissant des organes
	mieux constitués, qui en reçoivent des im=
	pressions plus vives, plus durables, plus
	variées, ceux qui ont contracté, par l'exer=
	cice, par l'etude, par une education bien dirigée,
	l'habitude d'en faire un usage regulier
	et qui ont le bonheur de joindre a cela les
	secours que 1 mot biffure peut fournir l'art ou les
	circonstances exterieures, de telles person=
	nes, comme l'experience le prouve, portent
	beaucoup plus loin le talent  et font des progrès
	beaucoup plus rapides en connoissances;
	preuve sans replique dela communau=
	té des destinées et de l'influence reciproque
	des deux substances. 3 mots biffure
	3 mots biffure Cette influence n'est pas
	moins sensible dans les
	ETATS SUCCESSIFS PAR OU L'HOMME
	PASSE PENDANT LA VIE.
VEILLE.
	Ainsi 1 mot biffure pendant la veille , le sang se porte au
	cerveau dans une abondance suffisante
	pour en entretenir la vigueur; les nerfs
	y conduisent les Esprits animaux qui en
	agitent les fibres, qui les tendent et les
	disposent a recevoir les impressions des objets
	exterieurs: de fortes ïmpressions passent
	au siege de l'ame, l'ame s'apperçoit vive=
	ment et distinctement des objets, elle deploie
	son attention, sa memoire, toutes ses facul=
	tes actives, elle commande a tout le
	<17v> genre nerveux et musculaire pour
	produire divers mouvemens. Pendant
	tout ce temps, l'influence reciproque
	de l'organisation et dela pensée, dela
	vie animale et Intellectuelle, ne cesse de
	se deploier.
DELIRE
	Arrive til pendant la veille que les petits
	tuiaux soient trop ouverts, que le Sang et
	les Esprits animaux y coulent avec trop d'a=
	bondance et de rapidité, que par la les im=
	pressions soient trop promtes, trop passage=
	res, et que les objets de ces impressions
	soient tout a coup trop multipliés pour
	que l'ame ait le temps de les saisir, dans
	cet etat, celle ci juge au dela de ce quelle
	voit, elle porte des jugemens bisarres
	absurdes, insensés, dont la continuité
	se nomme delire : situation accompa=
	gnée d'une agitation violente qui don=
	ne a tout l'ensemble du genre nerveux
	et musculeux une force etonnante
	pour quelques momens, après lesquels
	succede le plus grand epuisement.
FOLIE
	Le delïre peut n'avoir que des causes pas=
	sageres, comme des maladies aigues et
	violentes et dès la finir avec elles. Mais
	il est des cas, des maladies, des accidens, des
	frayeurs, des chagrins violens, qui produi=
	sent un si grand bouleversement dans la
	circulation du sang et le cours des
	<18> Esprits, dans la tension et l'irritabilité des
	nerfs et des fibres du cerveau, qu'il en resulte
	un delire perpetuel, permanent, appellé
	folie , qui devient le plus souvent absolu=
	ment incurable.
COUP DE MARTEAU
	S'il n'y a que quelques tuyaux bouchés,
	ou trop ouverts, et que les Esprits se portent
	avec trop d'impetuosité dans les uns seule=
	ment et trop de lenteur dans les autres, l'equi=
	libre etant rompu, quelques impressions
	seront trop foibles, d'autres trop fortes et trop
	vives; il resultera dela des idées mal
	formées, indigestes, des jugemens precipités,
	même bisarres et extravagans sur certains
	objets, tandis que hors dela les jugemens
	seront sains: on aura sur certains points
	l'imagination frappée ou ce qu'on appelle
	un coup de marteau, espece de folie
	dont on ne voit que trop d'exemples.
	Ceux chès qui le cours des Esprits est fort
	abondant et coule par ïntermittences,
	un peu au hazard, abondent aussi
	en idées, en images, en saillies, avec une
	sorte de fougue qui donne dans beau=
	coup d'ecarts: on les appelle en termes
	raddoucis, gens a ïmagination ardente
	souvent ils sont a une très petite distance
	dela folie, et 1 mot biffure plus difficilles a guerir
	que les fols, parce qu'ils s'admirent eux
	mêmes.
SOMMEIL
	Pendant la veille, le fluide nerveux qui
	coule continuellement du cerveau dans
	les nerfs, se dissipe et se trouve a la fin en
	trop petite quantité, ou trop delié et appau=
	vri pour continuer a les mouvoir: les
	fibres nerveuses n'etant plus penetrées comme
	auparavant de ce fluide, elles se trouvent
	<18v> parla dans un etat de relachement qui
	les fait tomber les unes sur les autres, et
	celles du cerveau, parce qu'elles sont beau=
	coup plus molles, s'affaissent les premieres.
	Dela resulte une langueur dans tous les
	organes qui les force en quelque sorte a
	l'inaction et au repos. De plus, après un
	long exercice d'activité, le Sang s'accumule
	dans les extremités des arteres qui se trou=
	vent au cerveau, et y produit des engor=
	gemens qui doivent comprimer de toutes
	parts les nerfs a leur origine. Or de cette
	compression doit resulter necessairement
	un engourdissement tout semblable a
	celui qui nait de l'usage ïmmoderé des
	Esprits fermentés qui, par leur rarefaction,
	causent aussi une grande compression
	dans le cerveau. Des qu'il se trouve dans
	une telle situation, les ïmpressions du dehors
	cessent de passer jusques a l'ame, son atten=
	tion et son activité cessent de s'exercer, la
	suite des idées se trouble, la memoire se
	perd: neammoins pendant que l'homme
	continue a avoir conscience de lui même
	et de son etat, jusques la il ne dort pas en=
	cor, il ne fait que sommeiller.
	Mais bientot les organes entrent dans une
	entiere stupeur, les muscles cessent d'agir,
	et de soutenir les parties du corps, ils 1 lettre biffure les laissent
	tomber toutes dans un entier relachement;
	ils contractent même une rïgidité, que
	l'homme se trouveroit 1 mot biffure ïncapable de
	vaincre, quand il pourroit dans ce moment
	en avoir la volonté. Alors l'ame en vient
	jusques a perdre la conscience d'elle même,
	ou si elle en a encor quelque sentiment
	leger et confus, elle n'en conserve aucun
	souvenir d'un instant a l'autre. Ce qui
	fait qu'elle perd entierement toute idée
	dela succession du temps, qui n'est qu'un
	<19> resultat de perceptions successives dont l'ame
	se rappelle et qu'elle rapporte a elle même.
	Ainsi pendant le sommeil, toutes les fonctions
	animales sont interrompues, l'homme ne
	sent, ni n'entend, ni ne flaire, il ne voit
	rien, lors même qu'il paroit avoir les
	yeux ouverts, aucune impression n'arrive
	jusques a l'ame; les Esprits animaux ne
	coulant plus librement vers les organes,
	tous les ressorts qui les font agir sont eux
	sans mêmes sans action, et ils ne pourroient
	etre ebranlés que par quelque impression
	assès vive et assès forte pour rappeller
	vers eux le cours des Esprits, et vaincre
	subitement leur pesanteur et leur embaras, comme
	cela arrive dans ces cas ou l'on reveille
	un homme en sursaut, ce qui ne sau=
	roit se faire sans porter quelque prejudi=
	ce au bien etre du corps.
	Mais pendant cet etat de sommeil profond,
	toutes les fonctions naturelles s'exercent
	egalement, sans aucune interruption, et
	même avec plus de regularité que pendant
	la veille; car elles ne sont point troublées,
	comme pendant celle ci, par des mouve=
	mens spontanés continuels qui tirent les
	Esprits animaux des parties internes, pour
	les porter avec abondance et impetuosité
	aux extremités du corps, ce qui ne peut
	que deranger sans cesse l'equilibre des
	liqueurs. Pendant que l'homme dort
	l'equilibre se retablit partout, le sang
	coule dans tous les vaisseaux, avec uni=
	formité, la digestion et les secretions s'exe=
	cutent dela maniere la plus reguliere, et
	fournissent une beaucoup plus grande
	abondance de sucs nourriciers: ces sucs
	tournent entierement au profit de la
	machine animale pour en reparer les
	pertes; les Esprits animaux se forment
	<19v> et s'elaborent au plus haut point de leur per=
	fection, sans que rien, pendant tout ce temps là,
	se dissipe par l'exercice. Et dela aussi il arri=
	ve naturellement que le fluide nerveux
	reprend son cours et rameine l'homme
	au reveil, après lequel il se sent disposé a
	reprendre son action avec une force nou=
	velle.
REVEIL, BAILLEMENT
	Le Sommeil  cesse de deux manieres; 1°
	par une impression sur quelqu'un des orga=
	nes si forte qu'elle parvient jusques au cer=
	veau; 2° quand les Esprits se trouvent assès
	abondans pour penetrer les nerfs, les rem=
	plir, et les tendre de maniere qu'ils trans=
	mettent au cerveau les ebranlemens pro=
	duits par les objets qui touchent le corps.
	Après le reveil , on se sent plus agile, par=
	ce que les esprits peuvent etre envoiés en
	abondance dans les nerfs pour mouvoir
	les muscles. Mais d'un autre côte, 2 mots biffure
	parce que le fluide nerveux n'aiant
	pas encor coulé dans les muscles et que
	leurs fibres sont encor languissantes, on
	est volontiers sujet au baillement, qui
	sert a les distendre toutes, pour ouvrir le
	passage au fluide et le forcer d'y entrer.
	Le baillement  se forme en inspirant
	doucement une grande quantité d'air qu'on
	retient et qu'on rarefie quelque temps dans
	les poumons, ce qui distend naturellement
	tous les muscles; après quoi on le laisse echap=
	per peu a peu. L'effet de cette operation est
	de mouvoir, d'accellerer, et de distribuer les
	fluides dans tous les vaisseaux, et de dis=
	poser parla les nerfs et les muscles a
	rentrer dans leur etat naturel pour re=
	prendre leurs fonctions.
<20> SONGE
	S'il arrive pendant le Sommeil que des Es=
	prits qui sont dans le cerveau ebranlent
	quelques fibres dela même maniere que si un
	objet agissoit sur les organes des Sens, pour
	lors il se forme des images, d'ou resulte ce
	qu'on appelle songe . Toutes ces images corres=
	pondent a des sensations qu'on a eprouvées
	pendant la veille, mais elles sont sans liai=
	son ni suite reguliere, et quand elles se com=
	binent, elles n'offrent qu'une combinaïson qui
	tient du delire: la raison en est toute simple;
	les fibres qui ont été remuées en differens
	temps, par differens objets, sont remuées tou=
	tes a la fois par les Esprits animaux, et font
	naitre un ensemble monstrueux d'images;
	d'autres qui l'ont été ensemble durant la
	veille, le sont dans le songe successivement;
	les objets se decomposent ou se reunissent
	a d'autres, avec qui ils n'ont aucun rapport,
	et cela avec une diversité infinie qui ne pro=
	duit qu'un cahos.
	Ainsi l'ame en songe a des Sensations de
	vision, d'ouie, de gout, de tact, et même
	de joie et de tristesse, qui sont pour le fond
	les mêmes qu'elle auroit eprouvées dans la
	veille par des ïmpressions reelles dela part
	des objets: la raison en est 1 mot biffure que les
	Esprits se font chemin dans les mêmes con=
	duits nerveux qui ont deja propagé ces
	impressions jusques au cerveau: mais
	comme ils s'y inscrivent sans aucun ordre,
	il n'en peut resulter que des assembalges
	de sensations confus et absurdes.
SOMNAMBULISME
	Il arrive même pendant le sommeil, lorsque
	les Esprits sont en abondance et fort agités, et
	qu'ils se precipitent dans quelques uns des ca=
	naux qui les conduisent aux divers membres
	du corps, lorsqu'ils n'y trouvent point 1 mot biffure
	il arrive, dis je, qu'ils coulent avec vehemence
	dans les nerfs et les muscles qui repondent a
	ces parties et y produisent parun mechanisme
	<20v> naturel, des mouvemens d'ou resulte la mar=
	che et l'action, ce qui, parle retour des Esprits
	animaux au cerveau, rappelle a l'ame les
	objets qui ont coutume de l'occuper et fait
	faire les mêmes choses que l'homme faisoit
	pendant la veille. Tel est le cas des somnam=
	bules  qui se levent tout endormis, marchent
	et agissent comme s'ils etoient eveillés, cour=
	rent les rues, se montrent aux fenetres, mon=
	tent sur les toits et font mille operations ma=
	nuelles avec la derniere precisïon. chès ces
	personnes, les Esprits destinés a mouvoir les
	membres exercent leur action sur ceux ci,
	tandis qu'ils laissent dans l'inaction les
	organes des sens. chès plusieurs ils se frayent
	chemin dans les organes de l'instrument
	vocal et les font parler distinctement;
	ces articulations, parle simple mouve=
	ment des nerfs rappellent certaines idées cor=
	respondantes a l'ame, qui s'en occupe, et
	continue a mouvoir les organes vocaux,
	accoutumés a flechir pour exprimer ces
	idées, et le tout sans que les sens ni les objets
	exterieurs y aient aucune part.
	Linfluence reciproque des deux substan=
	ces est surtout frappante dans la diversi=
	te du naturel physique exterieur et inte=
	rieur: c'est cequenous montrerons dans
	le chapitre suivant.
	<21> CHAPITRE III
	Du naturel physique exterieur et inte=
	rieur, ou ce qu'on appelle le temperamment;
	son ïnfluence sur le naturel Intellectuel
	et moral; indices exterieurs qui annon=
	cent les uns et les autres.
	CARACTERES DISTINCTIFS entre les
	hommes.
	Quelque ressemblance qu'il y ait entre les
	Individus de l'espece humaine parrap=
	port au corps et a l'ame, il y a neammoins
	entr'eux tous des caracteres distinctifs si
	marqués, qu'il ne s'est jamais vu deux
	hommes parfaitement semblables, ni
	pour le naturel physique exterieur et ïn=
	terieur, ni pour le naturel ïntellectuel et
	moral, ou le tour d'Esprit et le caractere.
CARACTERES TIRES DE LA FIGURE.
	Sous le nom de figure  on nous comprendons tout
	l'ensemble des traits qu'on peut saisir dans
	le physique exterieur de l'homme, les traits
	du visage, l'air, le coup d'ouil, le teint, la
	couleur, les contours de la tête, la dispo=
	sition des organes et des membres, leur
	agilité et leur force, la taille, l'enbonpoint
	l'attitude, le maintien, les gestes, la demar=
	che, le son même dela voix.
	Tous Ces traits offrent chès tous les Indi=
	vidus des varietés si frappantes qu'il est in=
	finiment rare d'en trouver deux qu'on
	ne puisse aisement distinguer a l'oeuil.
	Ces differences ont sans doute une origine
	primodiale dans les modifications infini=
	ment variées que le createur a voulu
	mettre entre les germes preformés dont
	les corps ne sont que le devellopement;
	mais on peut les attribuer en grande partie
	a des causes survenues et accidentelles qui
	<21v> ont concouru a ce devellopement et entre'au=
	tres celles qui ont pu influer sur le naturel
	physique interieur, ou le temperamment  
	qui doit contribuer beaucoup aux varietés
	de figure, comme aussi a celles du naturel Intel=
	lectuel et moral; autant de sources de
	caracteres distinctifs qu'il importe d'examiner
	avec soin.
	CARACTERES TIRES DU NATUREL PHYSI=
	QUE INTERIEUR, OU DU TEMPERAMMENT.
	Le mot de Temperamment, qui signifie me=
	lange, fut appliqué par les anciens au corps
	humaïn, pour designer le mêlange propor=
	tionel de quatre liqueurs elementaires qu'ils
	y distinguoient, le sang, la bile, la melan=
	cholie et la pituite, et selon qu'ils concevoient
	qu'un de ces liquides predominoit chès un
	homme sur les autres, avec un excès de pro=
	portion, ils lui attribuoient un Temperam=
	ment sanguïn, ou bileux ou melancho=
	lique ou phlegmatique.
	Les modernes ont retenu l'usage de ces
	divers mots, mais en y attachant des idées
	un peu differentes, et conformes a leurs
	principes de Physiologie.
	<22> Par temperamment on entend le naturel
	physique interieur de chaque homme consi=
	deré comme resultant de la combinaison par=
	ticuliere des elemens dont son corps est composé
	des solides comme des fluides et de leur action
	reciproque. La varieté des Temperammens
	doit donc dependre de l'action reciproque des
	solides sur les fluides et des fluides sur les
	solides, et des la même dela diverse constitu=
	tion elementaire des uns et des autres, et de
	leur proportion entr'eux chès les differens sujets.
	On sait que les parties solides elementaires
	ou les fibres qui entrent dans la composition
	des vaisseaux, sont plus ou moins tendues ou
	relachées, dures, elastiques, ou molles, et que
	dela doivent naitre de grandes varietés dans
	l'action des solides sur les fluides, et le mou=
	vement de ceux ci, tout comme le jet d'une
	fleche varie beaucoup suivant que l'arc
	est plus ou moins roïde et tendu. On sait
	aussi que tous les divers petits canaux, chès les
	divers Individus, sont plus ou moins ouverts
	ou etroits, plus ou moins disposés a s'allonger
	ou a se raccourcir, s'elargïr ou se resserrer,
	et que de la depend le passage et le cours plus
	ou moins libre, aisé et rapide des fluides
	dans les solides, qui doit ainsi etre bien dif=
	ferent chès ceux qui ont qui ont les vaisseaux
	larges et ouverts, et ceux qui les ont etroits et
	serrés, chès ceux dont les vaisseaux ont des
	parois fermes, roides, elastiques, et ches ceux
	ou celles ci sont molles, soupples, n'aiant
	qu'un foible ressort.
	Enfin il y a aussi une grande difference
	dans les parties elementaires des fluides, ain=
	si que dans leur qualité, et quantité, et des
	diverses proportions de leur melange il doit
	encor resulter des varietés a l'infini quant
	a leur reaction sur les solides qu'ils sont des=
	tinés a traverser et a nourrir et des la meme
	quant a l'action reciproque des solides sur
	<22v> les fluides, d'ou depend principalement la
	constitution plus ou moins avantageuse
	du corps humain.
	De ces diverses causes combinées resultent
	ches les divers Individus des Temperam=
	mens variés a l'infini, et quoiqu'il soit im=
	possible d'en faire une classification exac=
	te, on peut cependant les rapporter a cer=
	taines classes generales, separées par cer=
	tains caracteres distinctifs, avec une deno=
	mination propre a chacune, et ïci 1 mot biffure
	on peut meme 1 mot biffure adopter la division et
	la denomination des anciens avec un en
	leger apportant quelque changement a l'explication qu'ils en
	donnoient.
	 
TEMPERAMMENT BON.
	Si l'on suppose que chès un Individu, les
	fibres ne sont ni trop tendues ni trop rela=
	chées, que les vaisseaux sont d'une juste
	ouverture, que les fluides sont de bonne
	qualité, sans surabondance, dans un
	melange bien proportioné, d'ou doivent
	naitre naturellement une circulation
	reguliere et une bonne digestion, on
	appelle cette constitution un bon Tempe=
	ramment accompagné d'une Santé 
	aussi parfaite que le corps humain en
	est susceptible.
SANGUIN.
	Mais si l'on observe un peu trop de soupplesse
	dans les vaisseaux, de facilité a s'elargir
	pour donner passage aux fluides, d'ail=
	leurs des organes digestifs en bon etat
	qui forment un sang de bonne qualité,
	neammoins en plus grande quantité
	qu'il ne faudroit pour la santé parfaite,
	ce temperamment, les plus rapproché du 
	bon s'appellera sanguïn , caracterisé
	simplement par l'abondance du sang.
<23> BILIEUX.
	Si par contre on trouve que les fibres sont
	fort tendues, roïdes, elastïques, d'un ressort
	violent, et facilement irritable, les vaisseaux
	resserrés, qui ne laissent qu'un passage etroit
	et gené, et qu'a cause du frottement violent
	des fluides contre les parois des solides,
	les humeurs aieont de la disposition a s'en=
	flammer, a se charger d'acretés, de sels,
	de bile, en sorte que celle ci surabonde et
	se trouve trop disposée a se repandre dans
	la masse du sang a chaque fermentation,
	qu'enfin le sang toujours vif et bouillant
	circule avec une vehemence precipitée
	qui s'annonce par un pouls fort, dur
	promt et frequent, autant de causes d'ou
	doivent naitre naturellement la mai=
	greur et la secheresse, un teint brun et
	jaunatre, dans ce cas, le temperamment
	est appellé bilieux comme caracterisé
	principalement par l'abondance et l'acre=
	té de la bile.
MELANCHOLIQUE
	Si l'on s'apperçoit que les fibres sontsont gros=
	sieres, difficilles a ebranler, les vaisseaux
	peu soupples, et en même temps trop peu
	elastiques pour agir avec force sur les
	fluides, ou pour se preter aisement a l
	leur action, que les solïdes n'impriment
	pas aux humeurs assès de mouvement
	pour les resoudre et les attenuer, que
	la partie rouge du sang soit en trop pe=
	tite quantité par rapport au serum et
	aux parties visqueuses, que les fonctions
	naturelles languissent, et que la bile se
	trouve grossiere, lente dans son degor=
	gement, et sejourne trop longtemps dans
	les intestins, avant que de s'evacuer; qu'en=
	fin le sang chargé de parties glaireuses
	glutineuses et terrestres, se trouve peu
	<23v> propre a fournir des Esprits en quantité
	suffisante et fort lent dans son mouvement;
	dans ce cas, on attribuera a l'individu un
	Temperamment melancholique  caracteri=
	sé principalement par une bile epaisse
	et noiratre qui accompagne les dejections.
PHLEGMATIQUE.
	Observe t'on enfin que les fibres sont molles,
	flasques, relachées, peu elastiques, les vais=
	seaux très larges, le Sang chargé de serosité
	et surtout d'humeurs crues, froides, pitui=
	teuses, ou de cette matiere visqueuse qu'on
	appelle phlegme , ce qui s'annonce par
	la lenteur de la circulation, et par un
	pouls petit et paresseux, d'ailleurs un corps
	debile, pesant, chargé d'une graisse livide
	et pâle, qui ne peut etre le fruit que d'une
	digestion imparfaïte, ou d'un deffaut
	d'action des solïdes, et de circulation des
	fluides, dans les petits vaisseaux, dans
	ce dernier cas, on appellera le Temperam=
	ment phlegmatique, comme caracterisé
	principalement par l'abondance du
	Phlegme.
	TEMPERAMMENT PREDOMINANT ET
	PRIMITIF.
	Cette dïvisïon generale ne sauroit gueres
	admettre de subdivisions en classes inter=
	mediaïres separées par des nuances bien
	marquées carcomment determïner avec
	precision toutes les combinaisons possi=
	bles des solides et des fluides?
	Les classes même que nous avons distin=
	guées sous des caracteres qui semblent asses
	precis, ne sont cependant pas tellement
	<24> tellement separées dans la nature quele
	même homme ne puisse reunir des carac=
	teres rapportés a deux ou trois de ces classes
	et participer ainsi a deux ou trois Tempe=
	rammens a la fois. Et si ce n'est pas dans le
	même temps, il peut du moins y participer
	successivement, selon les changemens que
	sa constitution physique peut eprouver
	avec l'age; car tel homme sanguin dans
	sa jeunesse, peut se rapprocher du temper=
	ramment bilieux dans l'age viril, et du
	melancholique dans sa vieillesse; c'est même
	ce qui arrive assès ordinairement.
	Il y a neammoins dans chaque homme
	un Temperamment predominant qu'on
	peut rapporter a une des classes plutot qu'a
	l'autre, et qui même un fond permanent
	du temperamment primitif qu'il a appor=
	té en naissant. On peut envisager celuici
	comme une sorte de levain qui s'est
	repandu sur toute la masse, et quoiqu'il
	se trouve melangé avec cequi est survenu,
	l'homme ne laisse pas que de s'en ressentir
	toujours. L'experience même prouve que
	si l'on peut avec beaucoup d'efforts parvenir
	a corriger son temperamment, il est com=
	me impossible d'en detruire le fond
	originaire pour lui en substituer un
	nouveau.
	CAUSES DE LA DIVERSITE DES TEM=
	PERAMMENS
	On ne peut donc disconvenir que la diversité
	des Temperammens ne depende en premiere
	lieu d'une constitution primitive, procedant
	<24v> ou de la nature du germe preformé, ou de
	linfluence qu'ont pu avoir sur celui ci les
	Parens lors de la conception, par une sorte de
	transfusïon 4 mots biffure de leur temperamment, ou par
	une suite de leur disposition actuelle a cette
	epoque. Mais ïl n'en est pas moins vrai qu'elle
	doit etre rapportée en grande partie a l'in=
	fluence de diverses causes 1 mot biffure ou cir=
	constances exterieures. dont La premiere
	se trouve dans les alïmens et les boissons,
	dont l'usage habituel peut extremement in=
	fluer sur la qualité du chyle, et du sang
	et des fluides, ainsi que sur les solides dont
	ils doivent reparer les pertes. Des alimens
	grossiers forment un chyle grossier; de trop
	succulens produisent trop de sang et l'en=
	flamment: par des excès habituels l'estomac
	s'affoiblit, le chyle demeure imparfait,
	vicié, le sang se charge d'acretés et d'hu=
	meurs epaisses, et tout cela ne peut que
	alterer la temperamment constitution,
	comme il influe
	sur les fonctions
	naturelles, la diges=
	tion, les secretions
	les evacuations,
	la transpiration in=
	sensible, d'ou nais=
	sent tant de varietés
	dans les temperam=
	mens. 
	3 mots biffure
	3 lignes biffure
	2 mots biffure et a cela 1 mot biffure joignes
	1 mot biffure encor celles qu'on doit rapporter aux influ=
	ences du genre de vie et d'occupation plus
	ou moins peinible ou plus ou moins seden=
	taire. Il ne faut pas oublier celles du
	climat et de l'air plus ou moins pur ou
	actif; De la vient que ceux qui vivent dans
	les climats froïds sont generalement plus
	phlegmatiques, ceux qui vivent dans les
	clïmats chauds sont plus bilieux, ceux
	qui habitent les climats temperés sont
	plus sanguins et plus favorisés pour
	la bonté du temperamment et la santé.
	<25> Il n'est rien aussi qui contribue autant a la di=
	versité des Temperammens que l'education.
	Chès les petits enfans les marques
	du Temperamment qui doit predominer
	un jour, sont encore tres equivoques parceque ce
	sont les causes externes qui doivent le
	develloper dans la suite. Leur temperam=
	ment dependra en grande partie du plus
	ou moins d'attention qu'on donnera a leur
	nourriture, a leurs exercices &c comme
	aussi des circonstances qui pourront don=
	ner a leurs fibres plus de ressort et de jeu.
	Les fibres une fois montées sur un certain
	ton s'y soutiendront et donneront a la
	constitution un naturel decidé, toutes
	les fonctions prendront un pli habituel
	qui fixera le Temperamment.
	L'influence accidentelle des causes ex=
	terieures est quelque fois telle qu'elle fait
	naitre chès certaines personnes des revolu=
	tions subites, des mouvemens tout a fait
	etrangers au fond de leur temperamment.
	Je ne veux point parler de ceux qui a force
	de reflexion, ont pris asses d'empire sur
	eux mêmes pour se rendre maitres de leur
	temperamment et pour agir même precise=
	ment contre son ïmpulsion. Il s'agit de
	ceux en qui certaines causes exterieures
	peuvent en suspendre les influences, et même
	les rendre presque nulles, effacer jusques
	aux traces de leur constitution primi=
	tive. Ainsi par ex: ont voit des personnes
	sur qui les variations de l'aïr sont si puis=
	santes que leur temperamment semble
	n'avoir aucun caractere decidé. Sans
	doute que leurs vaisseaux pulmonaires et
	leurs pores sont tellement ouverts que l'air
	y entre avec la plus grande facilité et y
	est même comme absorbé avec toutes ses
	diverses parties humides ou seches, volati=
	les, salines, qui agissant dès la avec plus
	<25v> de force sur les parties solides pour les ebran=
	ler de toutes sortes de façons irregulieres, pro=
	duiront chès ces personnes une varieté si
	bisarre dans leurs dispositions journalieres
	dans leurs manieres de sentir et de voir, dans
	leurs affections et leurs gouts, qu'on sera par
	la comme sans cesse depaysé dans les ju=
	gemens qu'on voudra porter sur leur na=
	turel physique, et encor plus lorsqu'on
	cherchera a demêler quel est leur tour d'Es=
	prit et leur caractere. Tout chès eux de=
	pend de l'affection actuelle de leurs nerfs,
	et par la de la pesanteur de l'air et de son
	degré de chaleur.
	Arrive til aussi a un homme naturellement
	lent et engourdi de faire usage de liqueurs
	spiritueuses, il en resultera une fermen=
	tation d'humeurs qui agitant violemment
	les organes, produiront chès lui une viva=
	cité forcée, qui le fera paroitre petulant
	au point qu'il ne sera plus reconnoissable.
	INFLUENCE DU TEMPERAMMENT SUR
	LA FIGURE
	On ne sauroit douter, 2 mots biffure après cequi a été dit,
	que la diversité des Temperammens n'influe
	puissamment sur la diversité des traits exte=
	rieurs qui distinguent les Individus, et
	que dès la une attention particuliere a ces
	traits ne puisse fournir a un observateur
	experimenté certains caracteres propres a
	distinguer les divers Temperammens et les
	mettre en etat de juger avec assès de vrai=
	semblance, quel est le temperamment
	qui predomine dans chaque Indïvidu.
	Cette diagnostique  est essentielle a un
	Medecin qui ne veut pas administrer ses
	remedes a l'avanture, qui veut les accom=
	moder, et en approprier les doses et les
	melanges a la constitution physique de
	ses malades, pour donner a chacun
	ce qui peut le mieux lui convenir. Mais
	<26> elle n'est pas moins necessaire a celui qui
	par curiosité, par ïnteret, par gout, ou
	par obligation de son etat, veut ou doit s'at=
	tacher a connoitre les hommes et se for=
	mer, par la connoissance de leur natu=
	rel physique, quelque idée de leur natu=
	rel Intellectuel ou moral; comme nous
	allons le montrer.
	INFLUENCE DU TEMPERAMMENT SUR
	LE NATUREL INTELLECTUEL ET MORAL.
	CARACTERES DISTINCTIFS PRIS DE CE
	NATUREL QUI EN NAISSENT.
	Par une suite des Loix de l'union, la diversi=
	té des Temperammens doit influer consi=
	derablement sur les ames parrapport
	au tour d'Esprit et au caractere, la façon
	de penser et les penchans.
	Car quoique les impressions faites par les
	mêmes objets, sur les mêmes organes, dans
	les mêmes circonstances, doivent naturel=
	lement produire chès les divers Individus
	des impressions très ressemblantes entr'elles,
	nous ne pouvons cependant douter que
	la diversité de leur constitution physique
	ne produise 2 lettres biffure dans ces impressïons et
	dans les sensations qui en naissent, certaines
	differences reelles, quant a leurs modifications,
	leur degré de vivacité et de permanence,
	et qu'il ne resulte dela une multitude
	de varietés entre les hommes dans leur
	maniere de voir les objets, dans les idees
	qu'ils s'en forment, les jugemens qu'ils
	en portent, l'estimation qu'ils font de
	leur valeur quant a eux, et dès la même
	dans les causes impulsives ou fïnales
	qui les determinent pour ou contre,
	dans leurs affections particulieres pour
	certaines choses, et leurs aversions pour
	d'autres, dans le devellopement de leur nature
	pour les rechercher ou les fuir.
	<26v> Les affections et les gouts se forment
	de très bonne heure et ïls prennent leur
	source dans les objets exterieurs qui ne
	peuvent arriver jusques a leur ame que par
	le canal des sens qui les leur presentent
	sous les seuls rapports que ces objets ont
	avec eux mêmes. Dela il arrive que l'ame
	s'asservit peu a peu au corps pour n'ai=
	mer ou ne haïr que ce qui convient a
	celui ci ou ne lui convient pas. Pendant
	tout ce temps, l'ame ne fait nul effort pour
	vaincre cet asservissement et il se trouve
	au bout qu'elle a acquis l'habitude d'etre
	asservie, avant que d'avoir senti le poids
	de ses chaines, et connu le pouvoir qu'elle
	auroit pu deploier pour s'affranchir.
	Lorsquelle vient a le connoitre, pour
	l'ordinaire l'habitude est trop en racinée,
	et elle est trop paresseuse ou endormie
	pour s'efforcer dela vaincre; il lui en
	couteroit trop pour resister au plaisir
	present, et reprendre l'empire qu'elle s'est
	laissée ravir. Telle est l'origine de tous
	les ecarts de l'ame, et de tous les divers gouts
	qui dominent les hommes; c'est donc
	toujours dans le corps et le temperam=
	ment qu'il faut en chercher la premiere
	source, et il ne faut 1 mot biffure pas d'autre
	preuve de sa grande influence sur
	le naturel ïnterieur, ou le caractere
	et les penchans.
	DIVERSITE DES PENCHANS SELON LES
	DIVERS TEMPERAMMENS.
	On peut envisager en effet la diversité des
	temperammens comme une des sources
	principales de la diversité des penchans,
	des gouts, des passions, des habitudes, et
	des la même des tours d'Esprit et des carac=
	teres qu'on observe parmi les hommes et
	dont l'influence sur leur conduite exteri=
	eure est si ordinaire et si sensible.
	<27> Ainsi les personnes d'un temperamment san=
	guin, chès qui la santé est plus ferme, le sang
	plus doux, et qui sont des la même flattées
	plus agreablement que les autres par les
	impressions des objets sensibles, ont plus de
	gout et de penchant pour les plaisirs des sens,
	les amusemens, les jeux, les ris, et des la même
	plus d'eloignement pour le travail, les af=
	faires, les tracasseries dela vie. Ce sont
	ordinairement des bons enfans sans souci,
	qui ne voient les choses que du beau côté
	et aiment a jouir du present sans s'inqui=
	eter pour l'avenir; d'ailleurs aussi tres sensi=
	bles 2 mots biffure a la douleur, impatiens
	dans les maux, peu fermes dans les dan=
	gers, irresolus, legers, peu reflechis,
	bons, genereux par temperamment,
	mais sans prudence dans le choix des
	objets de leur beneficence: leur penchant
	dominant c'est la sensualité.
	Ces 1 mot biffure personnes d'un temperamment
	bilieux dont le Sang est bouillant, les
	Esprits abondans et exhaltés, le cer=
	veau sans cesse en agitation, continuel=
	lement occupés d'un sentimens vif et pro=
	fond de leur existence, ces personnes,
	dis je, sont affectées moins vivement
	des impressions du dehors, et leur activi=
	té se reflechissant principalement sur
	elles mêmes, elle se livrent beaucoup
	plus aisement et plus fortement que les
	autres aux attraits de l'amour propre.
	Ce ressort toujours puissant et actif, les
	agite continuellement; dans tout ce qu'elles
	font, elles s'y appliquent avec force et
	chaleur, les obstacles loin de les decou=
	rager, ne font que les irriter et les exci=
	ter a redoubler leurs efforts: rien ne les
	rebute, et ne les arrete, elles renversent
	<27v> tout ce qui se trouve en leur chemin, et
	ne quittent jamais prïse qu'elles n'aient acti=
	vé ce quelles avoient entrepris. Mais cet
	amour propre, flatté le plus souvent par des
	succès brillans, qui viennent a la suite d'une
	imagination ardente et de passions impetu=
	euses, les conduit naturellement a l'orgeuil,
	a la fierté, au mepris des autres et surtout
	a la passion de s'elever au dessus d'eux; leur
	penchant dominant c'est l'ambition.
	Les melancholiques sont moins sensibles
	encor aux plaisirs des sens que les bilieux,
	et ont plus d'eloignement encor que les
	sanguins pour tout ce qui est peinible; leur
	gout les porte naturellement a la solitude,
	ou ils peuvent se concentrer tout a leur
	aise dans la sphere etroite de leur activi=
	té; ils n'aiment pas a s'occuper de grands
	objets, mais plutot d'objets minutieux, qui
	ont du rapport a eux mêmes, du menu
	detail des moiens de pourvoir a leurs
	besoins: leur penchant dominant, c'est
	l'avarice.
	Les phlegmatiques sont de tous les moins
	sujets a se passioner, ils ont naturellement
	peu de sensibilité et d'ïmagination, leur
	Esprit est sans vivacité comme leur coeur
	sans chaleur: toujours timides et craïn=
	tifs, toujours dans une sorte de langueur,
	ils preferent le repos et l'inaction a tout;
	ils sont egalement incapables de grandes
	vertus et de grands vices: leur penchant
	domïnant c'est la paresse.
	TRAITS EXTERIEURS SIGNES INDICA=
	TIFS DE L'INTERIEUR.
	Ce que nous avons dit suffit bïen pour
	verifier ce fait constant, que la diversité
	des Temperammens ïnflue considerablement
	sur celle des tours d'Esprit, des caracteres
	<28> des penchans, des habitudes. Il n'est pas
	moins certain que la figure, ou les traits
	exterieurs et apparens que nous avons in=
	diqués plus haut, auxquels on pourroit joïn=
	dre l'agitation des muscles, le battement
	des arteres, peuvent fournir a des observa=
	teurs experimentés des caracteres distinctifs
	suffisans pour reconnoitre avec assès de
	vraisemblance le Temperamment domi=
	nant chès chaque Individu. Dela nous
	concluons que les diverses modifications
	exterieures du corps pouvant servir de
	signes indicatifs de sa constitution physi=
	que, ou du naturel physique ïnterieur,
	elles peuvent des la même fournir des 1 mot biffure
	caracteres indicatifs des modifications ou dispositions
	interieures de l'ame, de sa façon de voir,
	de penser, de juger, d'apprecïer, ainsi
	que des gouts et des affections qui en
	naissent. C'est ce que nous allons devel=
	loper dans le chapitre suivant.
	<28v> CHAPITRE IV
	De la correspondance de l'exterieur de
	lhomme avec l'interieur, et ce qu'on peut
	attendre des ïndications de la Physionomie
	CORRESPONDANCE DE L'EXTERIEUR
	A L'INTERIEUR.
	5 lignes biffure
	Nous Disons a present que les diverses modifi=
	cations de l'ame produisent aussi des chan=
	gemens plus ou moins considerables dans
	l'oeconomie interne du corps; d'ou resultent
	divers mouvemens et des varietés dans
	les traits  exterieurs, qui peuvent servir
	aussi de signes indicatifs de ces dïverses
	modifications interieures.
	CARACTERES EXTERIEURS INDICA=
	TIFS DES MODIFICATIONS INTERIEURES.
	MOUVEMENS. GESTES. DEMARCHE. MAINTIEN.
	Ainsi le desir, le degout, l'aversïon, l'impa=
	tience, l'acquiescement, le refus, s'expriment
	assès ordinairement et naturellement par
	des mouvemens de la tête, par des gestes ,
	ou des mouvemens de bras, comme
	aussi par des mouvemens des pieds et
	la demarche  du corps entier. Il est mê=
	me a remarquer que le degré de viva=
	cité du mouvement repond assès a
	celui du sentiment, du moins chès
	ceux qui ne suivent que l'impulsion de
	la nature, sans y meler l'artifice.
	La passion dans son accès, l'ïnquietude
	ou la tranquillité, l'empressement ou l'indif=
	ference, souvent même le 1 mot biffure melange
	ou le conflict de ces dispositions, se
	<29> manifestent audehors d'une maniere très
	sensible par le maintien  ou l'attitude,
	dont les varietés repondent aussi aux di=
	verses situations de l'ame, non seulement
	aux passageres et momentanées, mais en=
	cor aux permanentes et habituelles. Qui
	pourroit ne pas reconnoitreau maintien
	un caractere bas, ou un Esprit hautain,
	un bon vivant, un insouciant, un pares=
	seux, même un avare?
	La frayeur en particulier se marque
	par un tremblement, une contenance  in=
	certaïne; souvent une sueur froide, qui
	provient de cequeles nerfs violemment
	affectés, en agissant sur les vaisseaux,
	les compriment et font retrograder les flui=
	des, ce qui les faits ressortir abondamment
	par les pores, al'issue desquels ils se forment
	en petites goutes, qui sont froides, parce
	que l'air les condense, et les et les refroidit plus
	promtement que si le fluïde etoit sorti,
	comme a l'ordïnaire, par la simple trans=
	piration.
VISAGE
	Mais les modifications de l'ame ne se mon=
	trent nulle part plus a decouvert que
	que sur le visage  ou la face , cette ïnteres=
	sante partie de l'homme, ou se peignent
	si vivement ses passions, ses sentimens,
	ses pensées, ainsi que son tour d'Esprit
	et son caractere domïnant. Il ne faut
	pas en etre surpris. Les sens qui se trouvent
	placés dans cette partie ou au voisinage,
	ne peuvent exercer leurs fonctions sans une
	grande affluence d'Esprits; 1 mot biffure il arrive
	necessairement, dans toutes les agitations
	<29v> qui surviennent au corps a la suite des
	modifications de l'ame, que ces Esprits
	accourent au visage en plus grande
	quantité que par tout ailleurs, et y
	font des impressions d'autant plus sen=
	sibles qu'ils sont habitués a s'y porter,
	dès que les sens sont frappés, avec la
	plus grande promtitude.
	Les diverses passions doivent même pro=
	duire dans le cours des Esprits qu'elles envoient
	au visage, diverses determinations qui,
	dans un instant, y produisent des mouve=
	mens 1 mot biffure 1 mot biffure de contraction et de dilata=
	tion, dont les varietés, correspondantes
	aux diverses affections de l'ame, 1 mot biffure
	fournirssent des caracteres assès decisifs
	et surs pour qu'on puisse les reconnoitre
	et les distinguer.
	Il est même a observer que pendant que
	dans les autres parties du corps, la peau
	est bien separée de la chair, sur le visa=
	ge elles se trouvent tellement unies que
	la peau y devient comme transparente,
	et par la propre a recevoir toutes les im=
	pressions des diverses couleurs qui sont
	excitées par le mouvement plus ou moins
	violent que les fluides recoivent des
	diverses agitations de l'ame, et dès la
	même, a nous manifester celles ci par
	des traits sensibles pour tous ceux qui
	ont le coup d'oeuil exercé a les distin=
	guer, en les rapportant a leurs diverses
	1 mot biffure causes interieures. Tel est le fonde=
	ment en particulier des jugemens qu'on
	porte sur les indications de la rougeur,
	de la couleur jaune, et des alterations
	subites qui surviennent au teint et
	au coloris du visage.
	<30> Quand l'ame n'eprouve que des emotions
	douces, sa tranquillité s'annonce sans equi=
	voque sur le visage; tout y est calme et
	en repos: on n'appercoit aucune altera=
	tion dans les traits, ni même dans le teïnt
	et les couleurs. L'ame se trouvet'elle agi=
	tée, les esprits entrent ils en fermentation,
	aussi tot la face humaine s'agite, tout
	s'y met en action: on y voit naitre le
	sourire ou le froncement , la paleur ou
	la rougeur; chaque mouvement de l'ame
	y est exprimé par un deplacement des
	parties, une contraction ou dilatation des
	muscles. Ce sont des mouvemens de
	sourcils qui s'elevent ou s'abaissent, des
	nictitations  de paupieres plus ou moins
	frequentes et precipitées, divers froncemens
	ou rugosités du front, des alterations
	dans le nez et les narines, surtout des
	changemens qui surviennent a la bou=
	che et aux levres, dont celle la par ses
	contours, et par ses differentes ouvertu=
	res, cellesci par leurs diverses inflexions,
	et leurs nuances de rougeur, toutes en=
	semble par leur mobilité et leur flexi=
	bilité semblent annoncer d'une mani=
	ere plus expressive encor les mouvemens
	secrets 1 mot biffure dont l'ame est actuellement
	agitée, surtout lorsque l'organe de la
	voïx et de la parole concourt encor,
	par son 1 mot biffure energie, pour en rendre
	l'expression plus vive et plus animée.
LE REGARD.
	Il est vrai que chès la plupart des hom=
	mes l'ame se devoile principalement
	dans les yeux, le regard  et le coup d'oeuil,
	ou se peignent avec tant de verité toutes
	ses affections permanentes ainsi que ses
	modifications passageres, et qui produi=
	<30v> produisent une impression si vive et si
	promte sur le Spectateur attentif. Qui
	peut meconnoitre en effet a tel coup d'oeuil
	plus ou moins fixe, ferme, rude, precipité
	ou raddouci et gracieux, ou langoureux,
	ou dedaigneux &c le trait caracteristi=
	que de tel mouvement de l'ame, de tel sen=
	timent, de telle pensée qui l'occupe. Les
	yeux sont comme le miroir ou elle
	vient se reflechir toute entiere; la on
	lit les retours de l'amour tendre, et les
	horreurs de l'indignation et du courroux,
	aucune expression plus eloquente et
	plus plus promtement entendu; on
	a beau même vouloir cacher
	une passion, elle est dans l'oeuil com=
	me elle est dans le coeur.
	Ajoutons encor que des accès reiterés et
	habïtuels d'une passion determinent le
	cours et l'affluence des Esprits vers tel en=
	droit du visage, enflamment, dilatent,
	impriment une sorte de mouvement con=
	vulsif a telle partie, et y laissent des traces
	qui se font appercevoir, lors même que
	les accès sont passés, et qui deviennent
	permanentes. Ainsi des frequens trans=
	ports de colere, qui produisent en telle
	partie tel mouvement, telle alteration,
	il resulte une permanence habituelle
	de ces symtomes, qui annoncent a cha=
	cun l'homme colerique, et avertissent
	de le fuir; on reconnoit aïnsi l'yvro=
	gne, lors même qu'il n'a pas bu, et le
	debauché, quand même on ignore le
	detail de ses allures secrettes.
	Il est des gens qui 2 mots biffure portent
	la penetration plus loïn a cetegard que
	les autres, et jusques a demeler les passions
	les plus raffinées, celles qui s'annoncent le
	moins sensiblement par les ïndications exte=
	exterieures, <31> et lors même que le sujet qui en
	est atteint, cherche le plus a les cacher et
	ales combattre.
	ALTERACTIONS SURVENUES A LA
	CORRESPONDANCE.
	La correspondance de l'exterieure a l'inte=
	rieur devoit etre originairement beaucoup
	plus soutenue chès l'homme, lorsque sui=
	vant en tout les impulsions de la nature,
	il ignoroit encor l'art d'en dissimuler ou
	d'en feindre les mouvemens. Maïs depuis
	l'introduction de cette foule d'institutions
	sociales, de distinctions de rangs et de
	conflicts d'ïnterets, depuis que les occupa=
	tions attachées aux diverses vocations,
	et que les manoeuvres artificielles genées
	et souvent forcées, se sont multipliées
	parmi les hommes, ils se sont vus comme
	contraints de substituer aux expressions
	suggerées par la nature, divers mouve=
	mens etrangers, habituels et factices,
	qui, chès chaque individu, indiquent au=
	jourdhui plutot ses occupations ou ses
	gouts contractés par l'habitude, qu'ils
	ne font connoitre les sentimens ou les
	pensées dont il est actuellement ou habituellement penetré.
	Ainsi depuis les changemens survenus par=
	mi les peuples civilisés, la correspondan=
	ce a certainement eprouvé de très grandes
	alterations, et on ne peut plus comter sur
	elle comme sur un moien bien assuré de
	connoitre parles indices exterieurs ce
	qui se passe dans l'interieur des autres
	hommes, et de se former une idée juste
	des diverses indications de leur ame et
	surtout de leur caractere.
	Il est même a observer que ces 1 mot biffure allures
	du corps accidentelles, factices et habitu=
	elles, quoique très differentes de celles que
	la nature seule produit, ne laissent pas
	<31v> d'etre encor assès difficilles a distinguer de
	celles ci par la même que l'etude assidue
	que les hommes font de l'art leur ote
	cette delicatesse de tact que la nature
	seule peut donner a ceux qui en suivent
	ordinairement les impressions.
	On ne peut cependant disconvenir qu'il
	n'existe encor chès les hommes, même civi=
	lisés, une certaine correspondance natu=
	relle de l'exterieur a l'interieur et qu'autant
	il est possible a l'observateur experimenté
	d'en demeler les Loix, autant aussi il lui
	est possible, par une observation attenti=
	ve de l'exterieur de chaque homme de
	penetrer jusques a un certain point dans
	1 mot biffure son interieur, pour connoitre la
	sensation actuelle ou habituelle de son
	ame, son tour d'Esprit et son caractere
	moral.
PHYSIONOMIQUE.
	C'est ce grand art dont les anciens ont recon=
	nu la possibilité et recherché les regles.
	Ils l'appelloient Physionomique , comme
	ils appelloient Physionomie tous les carac=
	teres exterieurs que la nature peut fournir
	pour juger de l'homme; c'est par abus
	que nous avons restraint ce mot aux
	traits qu'offre le visage.
	Des modernes ont rappellé a la vie une
	science morte depuis longtemps: leurs
	contemporains se sont beaucoup recrié
	sur leur audace temeraire. Nous lais=
	sons aux generations futures le soin
	de les juger.
	En attendant, disons pour leur justifica=
	tion que les Physionomistes ne doivent pas
	etre confondus avec ceux qui, sous les traits
	du visage ou de la maïn, vous disent ce
	<32> qu'on appelle  la bonne aventure, tout ce
	qui vous arrivera soit de bïen soit de mal;
	car les premiers ne se vantent pas d'autre
	chose si ce n'est de decouvrïr, sur les ïndica=
	tions exterieurs, ce qui appartient a la per=
	sonne même, son tour dEsprit, son caractere,
	sa passion dominante, et d'annoncer, qu'en
	la supposant placée un jour en telle ou telle
	circonstance, elle se trouvera vraisembla=
	blement en telle ou telle disposition, quelle
	se previendra en faveur de tel objet ou
	contre lui, et qu'elle se conduira de telle ou
	maniere, le tout par une suite naturelle de
	ce qu'elle est, et qu'elle continuera d'etre
	pendant qu'elle vivra.
	Je ne vois rien dans cette pretension qu'on
	puisse appeller chimerique et absurde.
	Quand nous voions un Jardinier entendu
	dans son art, connoitre, au premier coup
	d'oeuil, la qualité bonne ou mauvaise
	des fruits, des plantes, des arbres, quand
	nous voions un chasseur juger très bien,
	sur la seule inspection de la mine et de
	l'allure d'un chien, s'il est propre a sa des=
	tination ou s'il a quelque deffaut, ne
	paroitroit il pas bien etrange que la
	nature, qui a été si liberale de ses dons
	envers nous, ne nous eut fourni aucune
	indication exterieure pour juger, jusques
	a un certain degré de vraisemblance, des
	bonnes ou mauvaises qualités de nos sem=
	blables, et de ce que nous pouvons en at=
	tendre ou en bien ou en mal.
	A la bonne heure encor nous refuser cette
	ressource, si elle avoit pris soin de nous
	fournir quelque autre moien facile et
	suffisant pour connoitre les bonnes ou
	mauvaises dispositions de ceux avec
	qui nous sommes appelles a vivre en Socie=
	té. Mais nous n'en avons aucun de ce
	genre. Nous ne pouvons gueres les connoitre
	<32v> par leurs actions, dont nous ne sommes
	que rarement temoins, dont nous sommes
	peu en etat de juger sainement et qui de=
	pendent beaucoup des circonstances, etdont le Systhe=
	me varie comme les changemens qui sur=
	viennent a leur situation et leur fortune.
	Nous pouvons encor moins les connoitre
	par leurs discours qui sont assès generale=
	ment du plus au moins etudiés et artifi=
	ciaux. Pour contempler ses semblables,
	l'homme a besoin d'un miroir a l'abri de
	toutes les alterations que le besoin, la vanite,
	l'interet pourroient tenter d'y apporter et
	telest celui de la Physionomie pour ceux
	qui s'en sont fait une etude; car dans
	ce miroir, ils peuvent, disent ils, demeler
	jusques aux efforts q2 lettres biffureue l'homme fait
	pour se cacher, sans etre exposés a con=
	fondre ce qui est l'effet d'une cause etran=
	gere, passagere, avec ce qui constitue le
	fond de son naturel. Autant donc il est
	essentiel pour lui l'homme de pouvoir s'assurer par
	quelque moien des dispositions de ses sembla=
	bles a son egard, et par la se preserver des
	atteintes souvent cruelles de leurs passions
	folles et mechantes, autant peut il se flatter
	que la nature, qui lui a fourni les autres
	moiens necessaires a sa deffense et a sa su=
	reté, ne lui aura pas refusé celui qui seul
	peut le mettre en etat de prevenir de loin,
	et d'avance, les dangers qui pourroient le
	menacer. 5 mots biffure
	2 lignes biffure
	Nous voions que les enfans eux mêmes, par une
	sorte d'instinct, ne manquent jamais, lorsqu'ils
	voient de nouveaux visages de les fixer
	attentivement comme pour les etudier, et
	demeler sur la physionomie, 2 mots biffure
	si elle annonce quelque chose de sinistre
	<33> ou de favorable pour eux. Il n'est pas
	jusques aux animaux 3 mots biffure
	qui ne portent leurs regards ïncessamment
	sur la physionomie de ceux qu'ils appro=
	chent pour decouvrir, s'ils ont quelque
	chose a craindre ou a esperer de leur part.
	Et l'homme, qui a l'instinct joint encor
	la reflexion et l'experience, seroit 1 mot biffure il le seul
	2 mots biffure incapable de juger d'après les
	indications exterieures, des dispositions
	interieures de ceux qui l'environnent
	et dont il est pour lui d'une si grande ïm=
	portance de prevenir les attaques et
	les coups portés au depourvu.
	Il est sans doute des causes accidentelles,
	et passageres qui ne permettent pas toujours
	a la disposition habituelle de se produire
	a l'exterieur par ses symtomes ordinaires;
	telles sont la maladie, les accès de passions
	violentes, des gouts bisarres et capricieux,
	qui donnent a l'homme un air forcé ou
	etranger a son caractere propre. Mais
	dans ces cas la même, il n'est pas si difficille
	de demeler cet air forcé, et de retrouver les
	traces du vrai naturel; car il n'est presque
	pas possible que des alterations produites
	par de telles causes, ne s'assortissent jus=
	ques a un certain point au sujet, ou
	du moins, qu'elles le changent si comple=
	tement, que le temperament et le fond du caractere
	dominant disparoissent absolument.
	Ces causes meme s'annoncent toujours par
	certains signes, et on peut les comparer a
	l'embonpoint ou la maïgreur au travers
	desquels le temperamment perce toujours:
	et on pourroit dire encor qu'il en est du
	naturel comme d'un vernis qui atta=
	che aux couleurs qu'on y applique une
	nuance qui ne permet pas d'en ignorer
	le veritable fond.
	<33v> Du reste nous nous garderons bien d'entrer ici
	dans aucun detail sur les regles de la Phy=
	sionomique: nous avons voulu montrer
	seulement que ce n'est pas une chimere,
	que l'art repose sur des principes, entr'autre a 1 mot biffure
	la connoissance des traits exterieurs 1 mot biffure qui
	2 mots biffure peuvent servir de signes indicatifs des modifi=
	cations interieures; de l'âme; connoissance
	qui n'est nullement au dessus de la pene=
	tration humaine, soutenue de l'experience
	1 mot biffure et dont certains hommes, placés
	sur un grand theatre, et appellés sans
	cesse a observer leurs semblables,
	ont donné des preuves bien plus
	frappantes, que tous ceux qui ont
	ecrit sur la Physionomique.
	<34> Chapitre V.
	Correspondance de l'interieur de l'homme
	a son exterieur; des divers signes exterieurs
	du sentiment et de la pensée, des premiers
	principes du Langage, et du Langage
	d'action.
	CORRESPONDANCE DE L'INTERIEUR
	A L'EXTERIEUR.
	Les modifications exterieures du corps
	etant soumises aux influences de l'ame
	il en a du resulter une correspondance
	de l'interieur de l'homme a son exterieur.
	Sa qualité d'Etre Intelligent qui l'appel=
	lent a profiter de tous les secours qui peu=
	vent aider a sa memoire et a sa conception,
	celle d'Etre sociable qui l'invitent a lier
	commerce de sentiment et de pensée avec
	ses semblables, demandoient egalement
	qu'il donnat tous ses soins a l'emploi de
	certains signes pris dans la nature même
	des choses, mais develloppés et etendus
	par son Intelligence industrieuse, qui
	liés etroitement avec ses divers sentimens
	et ses dïverses pensées, lui servissent de
	moiens pour les rassembler, les combiner
	les arranger avec ordre dans son Esprit,
	et par la se mettre en etat de les exprimer
	1 mot biffure et manifester aux autres avec
	distinction et exactitude.
SIGNES
	Sous le mot de signes  on a compris tout ce en
	general qui peut servir a rappeller l'idée
	de quelque autre chose differente de lui.
	<34v> On a beaucoup parlé des signes relative=
	ment au temps, et on les a distingués en
	commemoratifs, demonstratifs, prognos=
	tics. Relativement aux objets on les a dis=
	tingué en naturels et accidentels. On a
	appellé signes naturels, certaines qualités,
	dependances ou effets physiques d'un objet
	qui servent a le rappeller par eux mêmes:
	ainsi la fumée est le signe naturel du
	feu, la respiration, la battement, les signes
	de la vie &c. A ceux la on a opposé les signes
	accidentels qui ne tirent leur force signi=
	fiante que d'une associatïon introduite
	par l'institution humaïne entre certaines
	idées ou entre certains objets en vertu de
	laquelle l'un a été destiné et etabli pour
	rappeller l'autre; ainsi le sceptre est devenu
	le signe de la puissance roiale tandis qu'il est des
	peuples ou ce signe
	est une corde de
	chanvre.
	Mais ces signes ont été le plus souvent
	institués en vertu de quelque liaison, affi=
	nité, analogie, que les hommes ont obser=
	vé ou cru appercevoir, entre les choses, et
	dans ce cas on les a appellés signes d'ins=
	titution naturels: ainsi une carte geo=
	graphique est un signe d'institution na=
	turel d'un pays. Souvent Quand 1 mot biffure l'institution
	a été le fruit de la volonté arbitraire
	des hommes et de la convention, dans ce
	cas, on les a appellés signes d'institution
	arbitraires .
LANGAGE
	Ce n'est pas assès pour les besoins de l'hom=
	me qu'il existe certains signes naturels
	ou accidentels qui lui rappellent les objets
	en gros et en masse, sans aider au devellop=
	ment de la pensée, ni lui offrir aucune
	ressource de communication avec ses sem=
	blables. Il lui faut des signes qui le
	mettent en etat de se retracer tout le
	<35> detail de ses sentimens et de ses perceptions,
	et de les peïndre fidelement aux autres, mais
	surtout qui soient a tout instant a ses ordres,
	et qui puissent aisement et promtement
	etre 1 mot biffure compris. C'est a l'ensemble de ces signes
	qu'on a donné le nom de Langage  a pren=
	dre ce mot dans le sens le plus 2 mots biffure general. Les signes de tout Langage
	1 mot biffure
	doivent 1 mot biffure donc etre tous des signes
	d'institution; mais ces signes doivent ils
	etre tous arbitraires ou naturels? c'est
	ce qu'il importe d'examiner.
LANGAGE D'INSTINCT.
	Les animaux qui vivent en troupes ont tous
	des signes reciproquement bïen entendus,
	pour s'avertir mutuellement de leurs besoins,
	de leurs craintes, de leurs desirs, et des choses
	qui peuvent interesser au moment même
	la conservation de leur Individu, ou celle
	De leur espece. Ce sont ou des signes muets ,
	des mouvemens du corps et des membres,
	surtout de la tête, des coups d'oeuil diver=
	sifiés 1 mot biffure, ou des signes sonores ,
	des bruits ou sons confus, non articulés
	des cris, et souvent même un chant plus
	ou moins melodieux. Ce moïen de commu=
	nication entr'eux est un vrai Langage,
	mais les signes n'en sont point arbitraires;
	c'est la nature qui les fournit, comme au=
	tant de signes qui ont une correspondance
	naturelle avec ce qu'ils doivent signifier
	et que cette correspondance rend egalement
	intelligible a tous. C'est l'instinct seul
	qui leur fait trouver ces signes et leur
	montre a les emploier sans aucun art.
	Mais ce langage d'instinct varie chès les
	animaux. Selon la conformation de leurs or=
	ganes, et plus il y a de difference dans cette
	conformation entre les especes, plus celles ci
	<35v> ont peine a s'entendre reciproquement; il n'y
	a proprement que ceux de la même espece qui
	puissent entretenir 1 mot biffure toute la commu=
	nication qui est necessaire a la satisfaction
	reciproque de leurs besoins et de leurs desirs.
	Les betes domestiques ont même un Lan=
	gage plus ou moins intelligible pour l'hom=
	me et ceux qui sont occupés habituellement
	a les gouverner, l'entendent et l'apprecient
	avec assès de justesse.
LANGAGE NATUREL CHES LES HOMMES.
	Les hommes eux mêmes, par une suite de
	la correspondance naturelle de l'1 mot biffure l'exterieur a
	l'inl'exterieur, ont aussi un langage naturel
	dont nous avons marqué les actes chap
	IV auxquels nous joignons encor ici des
	accens confus ou grossierement articulés,
	qui sont pour eux une expression naturelle
	des divers mouvemens qui les agitent, comme
	cela se demontre par l'usage des Interjections
	qui en ont pris naissance. Cette espece
	de Langage naturel vocal est assès sensible
	chès les enfans, les sourds et muets de nais=
	sance, et on la decouvert aussi chès des
	hommes que le hazard avoit fait naitre
	au milieu des forets.
RIRE ET PLEURS.
	N'oublions pas ici le rire  et les pleurs, effets
	naturels de deux sentimens opposés, la joie et
	la tristesse, qui sont comme l'appanage alter=
	natif de l'homme depuis le berceau jusques
	au tombeau: signes exterieurs beaucoup
	plus marqués dans son espece que dans
	aucune autre, et qui semblent meme lui appar=
	tenir en propre.
	Nous avons deja montré comment une affec=
	tion douloureuse de l'ame produit naturelle=
	ment les pleurs ou larmes. Les pleurs doïvent
	<36> donc etre envisagees comme des signes natu=
	rels de la douleur ïnterieure, lorsqu'il n'y a point
	d'artifice de la part de l'homme, car on com=
	prend qu'a force d'habitude, on peut parvenir
	a operer volontairement cette compressïon
	qui fait couler des larmes, lors même qu'on
	n'a interieurement aucun sujet de pleurer.
	1 mot biffure
	Les accès d'une joie vive, des actions plaisantes,
	des paroles facetieuses, tout ce qui offre quelque
	chose de ridicule , qui amuse en flattant
	l'amour propre de celui qui se plait a s'en moc=
	quer , tout cela occasione une affluence
	d'Esprit animaux vers le visage qui en met
	toutes les parties en actïon, et produit ce con=
	cours de symtomes exterieurs que nous ap=
	pellons le rire. Dans l'accès du rire, les yeux
	se ferment a demi, ils deviennent brillans
	et quelques fois humides jusques aux larmes;
	le nez se fronce, les levres se retirent, les
	dents se decouvrent, les joues s'enflent, tandis
	que leur milieu se creuse, la bouche ouver=
	te laisse entrevoir la langue qui tremousse;
	il en sort un son eclatant et entrecoupé;
	un certaïn eclat agreable se repand sur
	le visage qui en prend de la rougeur.
	Pendant cela, les muscles intercostaux et par=
	ticulierement le diaphragme, s'agitent si im=
	petueusement et par des secousses si promtement
	redoublées qu'on en perd souvent l'haleine avec l'usage
	de la parole; a quoi se joint quelque fois 1 mot biffure une
	douleur si pressante dans les flancs qu'on
	diroit qu'ils vont s'ouvrir &c. Le rire est le
	signe naturel de la joie, tant que l'homme
	n'emploie aucun art pour imiter les effets de
	la nature; car a force d'artifice et d'habitude
	l'homme parvient a deploier au dehors tout le
	mechanisme du rire, sans avoir aucun sujet
	interieur de joie: Combien de gens dont le
	rire est manifestement forcé, chès qui c'est
	<36v> cest un espece de tic ou qui rient sans cesse et
	surtout, ce qui les rend fort deplaisans.
LANGAGE D'ACTION.
	Le Langage naturel, ou l'ensemble des signes
	muets et sonores fournis aux hommes par la
	nature elle même, pour servir d'expression aux
	diverses modifications de leur ame, une fois
	devenu Langage d'institution, d'une valeur
	determinée et connue, par l'usage familier des
	mêmes actes a titre de signes reçus pour la com=
	munication mutuelle, ce Langage a été appellé
	Langage d'action.
NATUREL DANS SON ORIGINE.
	Pendant que chès les anïmaux le Langage
	d'instinct a pu etre borné a un petit nombre d'ex=
	pressions, pour l'être Intelligent et social ne pou=
	voit se passer d'un Langage plus etendu, et il a
	du trouver en soi des signes plus nombreux et
	plus variés pour exprimer tous les divers be=
	soins ou sentimens qui l'occupent. Nous avons
	vu toutes les ressources que lui offrent les
	signes muets, en si grand nombre et si diversi=
	fiés qu'ils peuvent annoncer au spectateur
	attentif toutes les dïverses affections ou situations
	de son ame. A cela il peut joint encor des signes
	sonores, ou par une simple emission de la voix,
	ou en accompagnant celle ci de quelque articu=
	lation grossiere, et ces signes peuvent de même
	annoncer les sensations agreables ou desagrea=
	bles qu'il eprouve. Il est vrai que ces signes
	vocaux n'en font connoitre ni la cause, ni l'ob=
	jet, ni le degré, ils ne servent qu'a reveiller l'at=
	tention de ses semblables, et les inciter a diriger
	leurs regards sur ses gestes et ses mouvemens,
	comme etant des signes plus propres a expliquer
	d'une maniere nette, ce qui n'etoit d'abord annon=
	cé que confusement par les accens de la voix.
<37> DEVENU LANGAGE D'INSTITUTION
	1 mot biffure Les actes du Langage naturel ne
	sont autre chose dans leur origine que des
	effets naturels de causes données; ils ne de=
	viennent des signes proprement dits que lors=
	que par une repetition frequente, l'imagina=
	tion, soutenue de l'attention et de la memoire,
	a lié tellement les idées de ces actes avec les
	perceptions qui les ont causées que les unes
	servent a rappeller 1 mot biffure les autres
	promtement et sans equivoque. Car supposès que les hommes n'eussent pas
	pris la peine d'observer ces actes qui viennent
	a lui suite du besoin ou du desir, relativement
	a tel objet, et qu'ils ne les eussent pas pris en
	note pour se les rappeller comme autant de
	signes, ils n'auroient 1 mot biffure gueres pu reconnoitre
	avec precision le même besoin et le même desir chès les au=
	tres, bien que ceux ci l'eussent exprimé de la
	meme maniere, et ils n'auroient pas pensé a
	reiterer ces mêmes signes a dessein et a pro=
	pos pour se faire entendre de leurs semblables
	et lier commerce avec eux. Tout se fut reduit
	comme pour chès les animaux, au seul Langa=
	ge d'Instinct.
	Ainsi le Langage d'action, quoique natu=
	rel dans ses elemens, n'a pu se former et etre
	introduit parmi les hommes, sans le secours
	de l'observation, dela memoire, et d'une ac=
	tivité mise en jeu par la necessité d'emploier
	certains signes convenables pour operer la
	communication reciproque, et dès la même
	on peut dire avec verité qu'il est devenu Langage d'institution.
	1 mot biffure S'il fut resté renfermé absolument dans
	les signes elementaires donnés par la nature,
	il n'eut été qu'un Langage purement naturel.
	Mais il a pu se devellopper et s'etendre par
	l'industrie. Des signes elementaires, l'homme
	a pu former d'autres signes, je ne dirai pas
	arbitraïres, choisis au hazard, car de tels signes
	n'auroient jamais pu former un Langage in=
	intelligible, <37v> mais des signes artificiels ,
	composés des naturels primitifs combinés
	1 mot biffure et institués avec un tel art, que leur
	intelligence fut preparée et amenée comme
	d'elle même, par l'usage et la connoissance
	de la valeur de leurs elemens.
LANGAGE ARTIFICIEL
	Le Langage de l'homme fut donc tiré de la
	nature par l'art qui en forma et diversifia
	les combinaisons, mais en suivant toujours
	une certaine marche unïforme appellée
	Loi d'analogie, en vertu de laquelle les signes
	successivement introduits dans le Langage
	artificiel n'ont été que des resultats de signes
	naturels que l'homme a scu diversement mo=
	difier et combïner pour en tirer d'autres signes
	plus nombreux et plus variés, mais toujours
	composés de maniere que leur valeur fut
	toujours saisie et comprise par celle l'in=
	telligence de celle de leurs elemens pri=
	mitifs.
	C'est par une suite de son attachement a cette
	Loi que l'homme, lorsqu'il a voulu exprimer
	des idées qui ne differoient les unes des autres
	que par des accessoires, il a toujours été conduit
	naturellement a l'usage de quelque signe com=
	mun pour toutes repondant a ce qu'elles avoient
	de commun, mais modifié aussi diversement
	pour chacune d'elles, en sorte que les nuances
	diverses d'expression repondissent a leurs
	dïversités accessoires.
	Tel est le fondement de la distinction du Lan=
	gage naturel, 2 mots biffure et du Lan=
	gage artificiel tiré de la nature par le
	secours de l'art, selon la Loi d'analogie .
	AVANTAGES ET INCONVENIENS DU
	LANGAGE NATUREL.
	La pensée de l'homme peut etre conçue
	comme un Tableau ideal, composé de
	plusieurs idées simultanées, toutes presentes
	a la fois a son Esprit. Chès celui qui est re=
	duit a ce Langage purement naturel, l'action
	qui sert d'expression a sa pensée, doit etre
	<38> composée d'autant de signes simultanés
	qu'il en faut pour rendre les idées simulta=
	nées dont la pensée est formée. Du moment
	que les signes deviennent successifs, emploiés
	dans un certain ordre pour exprimer les di=
	verses parties de la pensée l'une après l'autre,
	dès lors le Langage devient artificiel, sou=
	mis a certaines regles d'art qui doivent etre
	connues de celui qui emploie les signes et
	de celui qui s'y rend attentif.
	Il peut y avoir eu des hommes reduits au
	seul Langage purement naturel et qui se
	soient fait une habitude de saisir d'un
	coup d'oeuil chaque peïnture avec tous
	ses traits, et qui même ont eu rarement
	besoin de la faire repeter pour en bïen
	saisir tout l'ensemble.
	J'ai vu moi même
	une famille de
	sourds et muets
	qui se communiquent
	leurs pensees par
	des gestes composés
	dont les divers actes
	etoient tous simul=
	tanés et annoncoient
	au meme instant
	l'expression d'un Ta=
	bleau ideal dans
	son entier, quoi
	qu'il fut asses com=
	pliqué. 
	Un Langage de ce genre a des avantages
	sensibles sur d'autres. Il peint avec plus d'ener=
	gie les sentimens vifs de l'ame: ses signes
	ont chacun par eux mêmes une valeur plus
	determinée; il repond beaucoup mieux a
	l'unité et a la rapidité prodigieuse de la
	pensée; il ne ralentit point la marche de
	l'Esprit qui peut exprimer les objets avec
	la même rapidcelerité qu'il peut les parcourir,
	rien n'y sent la peine et l'effort. Dans nôtre
	Langage parlé rien ne peut etre presenté et
	saisi que partie après partie; nous nous
	trainons lentement et avec peine d'idée en
	idée, ce qui retarde 1 mot biffure nôtre 1 mot biffure
	marche, et ne nous permet de penser que
	successivement, comme nous parlons.
	Mais d'un autre côté, un Langage borné a
	a un petit nombre de signes naturels, n'a ja=
	mais pu suffire qu'a des hommes bornés a
	un petit nombre 2 mots biffure d'objets; tels
	1 ligne biffure il presente aussi
	3 mots biffure
	dans l'usage une foule d'inconveniens.
	<38v> Chaque Tableau d'expression n'est qu'un
	ensemble de traits ou tout est confondu.
	L'homme qui parle distingue bïen les
	traits, mais celui a qui il parle ne le peut
	pas toujours au premier coup d'oeuil; alors
	il faut que le premier repete son Tableau et le plus sou=
	vent cette repetition ne produit son effet
	qu'autant quelle se fait avec succession
	et lenteur, pour que le second puisse sai=
	sïr les traits un a un; car tel est l'homme
	que dès que les choses commancent a se
	compliquer, il ne sauroit les voir d'une
	maniere claire et nette sans les observer
	l'une après l'autre.
	Lors même que la pensée et l'expression de=
	meurent indivisible pour celui qui parle,
	il ne se peut gueres que son action ne se
	decompose très souvent pour celui qui
	observe, parce que l'observation ne peut
	que difficillement etre aussi promte que
	l'expression, et cette decomposition obser=
	vée par le premier, l'invite naturellement,
	pour se rendre plus intelligible, a decom=
	poser lui même son expression et sa pen=
	sée pour la presenter par parties et su=
	cessivement.
NECESSITE DU LANGAGE ARTIFICIEL.
	S'il y a donc eu des hommes reduits primiti=
	vement au Langage naturel, le besoin
	les aura bientot forcés a decomposer 1 mot biffure
	leur expression, et instruits par l'observa=
	tion et l'experience, ils auront peu a peu
	appris dans quel ordre ils devoient faire suc=
	ceder leurs signes pour rendre leurs Tableaux
	intelligibles, et dès la la marche qu'ils de=
	voient suivre pour donner a la pensée
	elle même une forme resoluble, qui
	seule pouvoit la rendre propre a etre com=
	muniquée avec exactitude et precision.
	Ainsi soumis a une marche reguliere,
	le Langage d'action, devint un Langage
	<39> artificiel, etudié, appris. Les nouvelles com=
	binaisons d'idées produisirent de nouvelles
	combinaisons de signes, qui devinrent tou=
	jours plus nombreux et variés, a mesure
	que le besoin le demandoit pour analyser
	regulierement la pensée. Ainsi le Langage
	d'action artificiel, avec une marche plus lente, devint
	toujours plus propre a anoncer avec netteté
	toutes les parties des objets compliqués, et
	c'est lui seul qui a pu mettre les hommes
	en etat d'exercer la vraie methode analy=
	tique qui consiste a presenter toutes les
	diverses parties de la pensée dans un ordre
	regulier et le plus convenable pour la
	rendre pleïnement intelligible. A mesure
	que les hommes s'etudierent a s'avancer
	dans la route que la nature leur avoit
	tracée, en executant avec regle ce qu'ils
	faisoient primitivement sans regle, a
	proportion qu'ils s'attacherent a saisir
	et a suivre le fil de l'analogie, princi=
	pe originaire de tout langage, a propor=
	tion aussi leur Langage d'action fit des pro=
	gres en perfection.
	PERFECTION DU LANGAGE D'ACTION.
	PANTOMIME
De ce qui a été dit, il suit
	1. qu'il peut y a un langage d'action
	anterieur au Langage parlé et ecrit.
	2. que parmi les peuples sauvages ce
	langage est beaucoup plus cultivé et
	mieux entendu qu'il ne l'est parmi les
	peuples civilisés qui en ont negligés
	l'usage.
	3. Qu'un peuple absolument destitué
	de langage parlé et ecrit, pourroit entre=
	tenir une communication de sentimens
	et de pensees assès etendue, et suffisante
	meme aux permiers besoins.
	<39v> 4. Qu'un peuple entier de sourds et de
	muets pourroit avoir un Langage qui
	s'exprimeroit a la vüe par les articulations
	des doits, les gestes de la main, et les mou=
	vemens du corps, de la tête et des yeux.
	5. Qu'il pourroit même s'etablir chès un
	peuple sourd, muet et aveugle, un lan=
	gage de contact, tout pareil a celui
	que les muets du serrail emploient de
	nuit pour se raconter les uns aux au=
	tres les historiettes du jour.
	6. Que le langage d'action artificiel
	peut etre porté a un très haut degre d'eten=
	due et de perfection par les hommes qui
	s'etudient a l'enrichir.
	C'est ce dont les anciens nous ont fourni
	une preuve sans replique dans l'art si
	vanté et prattiqué parmi eux sous le nom
	de Pantomime , par lequel des acteurs de
	Theatre representoient les effets des passions,
	des evenemens, des drames entiers, uni=
	quement par des mouvemens, des gestes,
	des regards &c.
	Tout cet art se reduisoit a tirer d'un petit
	nombre de signes naturels, entendus de
	tout le monde, des signes diversifiés dans
	leurs combinaisons, sans cesser pour cela
	d'etre intelligibles, selon la Loi d'analogie,
	a tous les spectateurs attentifs. Les acteurs
	les plus habiles etoient ceux qui suivoient
	l'analogie avec le plus d'Intelligence et
	d'art, pour se faire entendre sans equi=
	voque et avec facilité.
	Chès les Romains les premiers qui s'illus=
	trerent dans l'art du pantomime furent des
	<40> avanturiers sortis du fond de l'Etrurie appellés
	dela Histrions; gens fort en vogue et en cre=
	dit a Rome, qui, du temps d'Auguste porte=
	rent leur art, sous le nom de Danso Italique,
	a un tel degré de perfection qu'ils en devin=
	rent si 1 mot biffure proteges, et en meme temps si 1 mot biffure insolens
	qu'ils ne purent etre chassés de Rome que sous
	l'empire de Trajan.
	Une La preuve 4 mots biffure du même fait a été mise
	sous nos yeux 2 mots biffure dans cet art methodique
	et admirable par lequel on est parvenu 2 mots biffure
	temps a instruire les sourds et muets de nais=
	sance, sans autre secours que celui des signes
	donnés par la nature, mais modifiés et com=
	binés avec une telle precision, que leur usage
	peut suffire a ces Etres infortunés pour
	rendre leur pensée très intelligible. C'est ainsi
	que M. l'Abbé de l'Epee, avec une marche
	vraiment grammaticale, est venu a bout
	d'instruire de pareils eleves dans les diverses
	parties des connoissances humaines, de leur
	apprendre la valeur de tous les signes ecrits,
	et de les mettre en etat decrire et de composer eux mêmes
	en diverses Langues et meme de recevoir des Themes
	a la dictée executé par le seul secours unique
	des signes que le Langage d'action peut
	fournir. Sa methode a même été conside=
	rablement perfectionée 1 mot biffure par un de ses eleves M.
	l'Abbé Sicard, ainsi qu'il paroit par ses
	memoires publiés a Bordeaux en cette 1790.
	année
	IMITATION DE LA NATURE. PRINCIPE
	DE TOUT LANGAGE.
	Le même Principe qui a reglé la marche des
	hommes dans la formation du Lan=
	gage d'actïon, a decidé celle qu'ils ont
	du suivre dans la formation de tout autre
	Langage qu'ils ont pu adopter.
	<40v> Dans tous ce que l'homme fait avec art
	il n'a qu'une maniere de proceder, une seule methode, c'est l'imitation . (2 mots biffure Tel est le principe generateur
	2 mots biffure).
	de tous les arts. Tout langage quel qu'il
	soit, a donc été pris originairement de la
	nature par l'imitation; il a du son devellope=
	ment et ses progrès a la Loi d'analogïe et
	a l'analyse de la pensée.
	L'homme s'est constamment etudié a peindre.
	Avoit il a peïndre sur le champ quelque objet
	visible, etendu, mobile, avec ses qualités,
	ses rapports, il n'eut d'abord d'autres ressources que
	des mouvemens, des gestes imitatifs et pitto=
	resques. S'agissoit il d'objets remarquables
	par quelque bruit, il chercha a imiter ces
	bruits par certains sons ou cris non arti=
	culés, ou articulés d'une maniere grossiere.
	Tout cela n'etoit encor que du Langage
	d'action.
	Mais a ces moiens d'imitation insuffisans,
	il s'efforca de suppleer par quelque expe=
	dient d'une application plus etendue; et son
	industrie se depoia sur l'instrument vocal
	1 mot biffure 2 mots biffure pour en tirer des sons articulés;
	et il s'attacha a cette ressource de preferen=
	ce comme etant de l'usage le plus etendu,
	et dont il pouvoit le plus facilement se servir
	a chaque instant, sans autre peine que celle de
	modifier le mouvement naturel de la respira=
	tion et de former quelques inflexions variées
	dans les divers organes de la bouche, qui ne
	lui coutoient ni perte de temps ni effort. C'est
	dela qu'il tira des sons elementaires qu'il
	s'etudïa a combiner ensuite, suivant la Loi d'a=
	nalogie, pour en former un Langage
	parlé dont la formation fut bientot suivie
	de celle du Langage ecrit. Avant que d'ex=
	poser les faits relatifs a cet objet, il importe
	d'analyser le merveilleux instrument que
	l'homme a su si ingenieusement mettre en execution.
	<41> CHAPITRE VI.
	De l'instrument vocal et de la voix de
	parole.
SON. CRI. VOIX.
	Le son qui sort de la bouche humaine,
	et fait impression sur l'organe de l'ouie,
	est produit par l'effet de l'agitation de l'air exterieur
	mis en mouvement par celui qui sortant de
	l'interieur de la poitrine, se trouve gené
	et resserré a son issue.
	L'air expiré en effet ne devient sonore que
	lorsqu'après avoir parcouru le canal ïn=
	terieur, depuis sa sortie des poumons jus=
	ques a l'ouverture de la glotte, il est con=
	traint de s'echapper precipitamment par
	celle ci, et qu'en même temps, il ebranle et
	fait fremir les parties solides qu'il trou=
	ve a l'issue de ce canal .
	Quand l'air sonore, en s'echappant, s'exhale
	brusquement et par un effort vigoureux,
	mais non soutenu, ce son est appelé cri .
	S'il sort avec une sorte de tranquillité
	et de permanence uniforme, il ne pro=
	duit que la voix .
INSTRUMENT VOCAL.
	La voix est susceptible de deux modifica=
	tions distinctes, la parole et le chant,
	et l'assemblage des organes que l'homme
	a en son pouvoir pour rendre des sons,
	ou faire entendre sa voix de parole ou de
	chant, se nomme l'Instrument vocal.
<41v> VOIX DE PAROLE.
	Si l'air sonore au sortir de la glotte n'avoit
	plus aucune modification a subir, l'homme
	seroit dans le cas des muets qui ont une voix
	et ne parlent point. Mais l'air sonore intro=
	duit dans la capacité de la bouche, y recoit
	diverses modifications dependantes de la
	volonté de l'homme, selon qu'il juge a propos
	de laisser sortir cet air en plus grande ou
	plus petite quantité, par une plus ou moins
	grande ouverture de la bouche, et de lui im=
	primer diverses formes moulées sur les di=
	vers organes qui se trouvent dans celle ci.
	Telle est la source ou l'homme puise tous
	les Elemens dont il a besoin pour faire
	entendre sa voix de parole qui n'est autre
	chose que le resultat des diverses manieres
	dont l'air sonore est menagé, conduit,
	reflechi, ou battu par les divers organes
	qu'il rencontre dans son chemin jusques
	a sa sortie de l'instrument vocal.
	D'ou il paroit que celui ci reunit dans
	sa construction les proprietés des instrumens
	musicaux qu'on appelle a vent  et a
	touches, et que par la la voix de parole
	se trouve en etat de rendre tantot des
	sons simples, et tantot des sons articulés
	qui sont les seuls elemens du Langage.
SONS SIMPLES. VOIELLES.
	Quand l'homme n'emploie l'instrument
	vocal que comme un simple instrument
	a vent, en modifiant l'air sonore unique=
	ment par le plus ou moins de force ou d'explosion qu'il lui
	1 mot biffure imprime a la sortie du canal ïnterieur, et
	le plus ou moins de longueur qu'il donne
	au canal exterieur qui s'etend dela jus=
	ques a la sortie de la bouche, ou le plus ou
	moins d'ouverture qu'il lui laïsse pour
	s'echapper d'entre ses levres au dehors, sans
	que les parties solides exercent au passage
	<42> aucune impression particuliere sur ce son
	pendant qu'il se fait entendre, dans ce cas,
	cette modification de la voix se nomme son
	simple, parce qu'elle n'est qu'un simple air
	sonore, et voielle , parce qu'elle n'est que l'emis=
	sion de la voix, sans aucun melange.
SONS ARTICULES OU CONSONNES.
	L'homme peut aussi faire usage de l'ins=
	trument comme d'un instrument a touches
	qui a quelque analogie avec l'orgue: car
	la bouche en forme la caïsse, les parois de la
	bouche et les organes qu'elle renferme en sont
	les touches: ses tuyaux sont dans le gosier
	et les narines; la poitrine fait la fonction
	de soufflet qui pousse l'air dans le canal inte=
	rieur, pendant que celui ci fait la fonction
	de porte-vent, pour fournir l'air qui doit
	devenir sonore, et donner a la voix son
	intensité.
	Quand l'homme se sert ainsi de l'instrument
	vocal comme d'un instrument a touches
	qui exercent sur l'air sonore differentes
	reactions pour le diviser, l'intercepter, le
	briser, le battre, le reflechir, lui imprimer
	differentes formes, alors chaque modifica=
	tion de la voix, se nomme voix articulée
	ou articulation , parce qu'elle ne peut etre pro=
	duite que par le mouvement articulé de
	quelque organe, et consonne  parce qu'elle
	ne peut etre articulée separement du son
	simple quelle modifie.
CAUSES DE L'EMISSION DE LA VOIX.
	Les Phenomenes de l'emission  de la voix
	n'ont pas les mêmes causes que l'expiration
	ordinaire de l'air. Celle ci est l'effet de cer=
	tains muscles qui jouent mechaniquement,
	<42v> independamment de la volonté; mais celle la
	demandant une expiration d'air beaucoup
	plus abondante et plus forte que l'ordinaire,
	il faut, pour la produire, que les organes soient
	mus avec certains efforts spontanés et par
	l'emploi de certains muscles et de la puis=
	sance exercée sur les Esprits animaux pour
	faire jouer des ressorts. Ces ressorts sont
	deux nerfs sortans de la moëlle de l'epine,
	et tenant par leurs extremités aux diaphrag=
	me, semblables a deux cordons que l'homme
	tire a discretion pour soulever ce muscle
	et relever la poitrine, afin quelle prenne
	par l'inspiration une plus grande quantité
	d'air. L'effort une fois fait et l'effet passé,
	les côtes en sabaissant forcent par leur
	pression le Diaphragme a s'abaisser aussi;
	la poitrine par la s'affaisse avec d'autant
	plus de precipitation qu'elle avoit été sou=
	levée avec plus d'effort, et l'aïr en consequen=
	ce s'echappe avec beaucoup plus de force que
	par la respiration ordinaire. Cette precipi=
	tation est même augmentée soit parce que l'air
	inspiré en plus grande abondance dans
	la poitrine, y prend plus de chaleur et se
	trouve par la disposé a une plus grande dila=
	tation pour presser sa sortie, soit parce que
	les visceres du bas ventre, plus comprimés
	par le diaphragme, font un plus grand
	effort musculaire pour agir de concert
	avec lui sur la poitrine. Ainsi c'est par
	l'abondance et la precipitation  avec laquelle
	l'air s'echappe de la glotte qui le rend sono=
	re, et c'est des efforts et effets alternatifs
	reiterés a volonté que dependent les tons
	et la succession des sons tant dans la
	voix de parole que dans celle de chant.
	<43> CORRESPONDANCE DE L'ORGANE DE L'OUIE
	AVEC L'INSTRUMENT VOCAL.
	Observons ici la correspondance admirable de
	l'organe de l'ouie et de l'instrument vocal. Les
	mêmes nerfs qui repondent aux oreilles ont des
	rameaux qui vont au larynx, a la langue, aux
	levres et autres parties qui servent a modifier la
	voix. Dela le même ebranlement des nerfs de
	l'oreille par lequel le cerveau est affecté d'un son
	vocal, fait que les Esprits coulent de la dans
	les nerfs de toutes les parties de l'instrument
	pour en disposer tous les muscles d'une maniere
	correspondantes a l'impression que ce son vo=
	cal a faite, et le mettre en etat d'en former
	un tout semblable: cette constitution organi=
	que, commune aux especes animales, leur
	est d'une très grande utilité, car le cri d'une
	bête venant a ebranler le cerveau d'une autre
	bête de son espece, il arrive de la que celle ci
	est non seulement invitée a se transporter vers
	celle qui a fait le cri, mais encor qu'elle est
	1 mot biffure disposée naturellement a lui repondre par
	un cri tout semblable, qui entendu de l'autre,
	l'invite aussi a se diriger vers elle, en sorte
	qu'elles se rapprochent 1 mot biffure 2 mots biffure l'une de l'autre
	plus promtement pour s'unir, s'entresecourir, se liguer contre
	l'espece ennemie, &c. Telle est aussi la source
	des plaisirs les plus vifs que goutent les
	animaux en qui la nature a placé quel=
	que instinct social, et la raison pour laquelle
	les oiseaux s'excitent mutuellement a chan=
	ter, même entre des especes differentes; voila
	pourquoi les linottes avec le temps apprenent le chant
	des rossignols, ou a imiter ceux de la seri=
	nette, et que certaïns animaux parvien=
	nent même a articuler certains mots qu'on
	leur a souvent repetés. Tel est l'admira=
	ble mechanisme, joint au gout general
	2 mots biffure pour l'imitation, qui a tant
	facilité aux hommes l'introduction du
	<43v> du Langage, comme il l'est aussi la vraie
	cause pour laquelle les enfans apprennent
	si aisément a parler, tandis que les sourds de
	naissance demeurent toute leur vie mu=
	ets, parce que le deffaut d'ouie il les met dans
	l'impuissance de faire les ïnflexions que
	demande la parole. Voions maintenant
	quels sont les organes qui concourent a
	l'emission et la formation de la voix.
TRACHEE ARTERE
	L'air expiré passe d'abord dans la Trachee
	artere  tenant liee d'un côté aux poumons, de l'au=
	tre au Larinx et a l'os de la Langue. Ce canal
	tient de sa constitution une telle flexibilité
	qu'il se raccourcit ou s'allonge, s'eleve ou
	s'abaisse, en même temps que la poitrine; mais
	cela n'empeche pas qu'il n'ait assès de consistance
	pour supporter le poids du Larynx, et resister
	a la force avec laquelle l'air echappé des
	poumons frappe contre ses parois, dans
	l'emission de la voix, soit de parole, soit de
	chant.
LARYNX. GLOTTE. EPIGLOTTE.
	Le Larynx  est un canal cylindrique ad=
	mirablement composé de cartilages unis par
	des ligamens, des muscles, des membranes,
	mais qui est beaucoup plus court que la tra=
	chée-artere, dont il forme comme le cou=
	vercle ou la tête a son extremité superieure.
	Le principal de ses cartilages est situé au
	devant du col, ou il se presente sous une for=
	me ressemblante a celle d'un ecu, ou bouche
	quaré, d'ou vient qu'il est appellé scutiforme 
	autrement le noeud de la gorge et vulgairement
	la pomme d'Adam, parce qu'il est plus sensi=
	ble chès les hommes que chès les femmes.
	<44> Son ouverture superieure en forme ovale
	ou fente, aboutissant a l'esophage, située
	dans l'arriere bouche, derriere la baze de
	la langue, a cause de cette situation, est
	appellée glotte .
	Elle sert de passage a l'air inspiré et expiré,
	et elle reçoit egalement l'air qui vient par les
	narines et celui qui entre dans la bouche.
	Mais  rien
	ne peut y etre admis que cet element et pour
	en deffendre l'entrée a toute autre matiere, le
	Sage auteur de la nature la surmontée
	d'une espece de pontlevis ou de soupape qui
	sert a l'ouvrir et la fermer, appellée pour
	cela epiglotte cad. couvercle de la glotte.
	Le Larynx est appuié et comme suspendu
	sur divers ligamens ou attaches entre
	lesquels il peut soutenir un certaïn balan=
	cement. A son extremité superieure, il
	s'appuie sur un os en forme d'arc dont
	le milieu est tourné en devant, et les cornes
	en arrieres, ce qui le fait ressembler a un
	V, d'ou vient qu'on la appellé Hyoide .
	Cet os tient par des ligamens très forts a la
	racine de la langue, a la machoire infe=
	rieure, au sternum, par ou il peut se preter
	a tous les mouvemens du gosier.
LEVRES DE LA GLOTTE.
	Il y a des muscles dilatateurs et constricteurs
	a la disposition de l'homme pour allonger ou
	raccourcir, elargir ou retrecir l'ouverture de
	la glotte. Les ligamens ou filets tendineux
	qui la terminent horizontalement du côté
	interieur du Larynx, lorsqu'ils sont dans leur
	etat de relaxation, forment deux arcs d'ovale
	<44v> a son ouverture: mais ces filets peuvent
	se contracter en laissant entr'eux moins
	d'espace, et même se reduire par la contrac=
	tion a deux lignes droites, qui se joignent
	dans toute leur etendue de maniere a fermer
	entierement le passage a l'air, comme cela
	arrive quand on retient son haleine. C'est
	ce qu'on appelle les levres de la glotte, qu'on
	peut comparer a deux rubans formés de
	fibres tendineuses très elastiques , suscepti=
	bles de vibration  et de fremissement, comme
	les cordes d'un clavecin lorsqu'on les pinces,
	ou les parois d'un verre sur les bords duquel
	on passe les doigts: d'ou vient qu'on les a
	appellées cordes vocales, et qu'on peut encor
	envisager l'instrument vocal comme un
	instrument a cordes.
	CANAL INTERIEUR ET EXTERIEUR.
	ORAL ET NAZAL.
	On appelle canal interieur  celui qui 1 mot biffure
	s'etend des poumons jusques aux levres de la
	glotte. Il ne doit point etre consideré comme
	une flute ou instrument a hanche ou
	haut bois, qui  rend lui seul des sons, mais
	plutot comme un tuyau qui rassemble tout l'air sor=
	ti des poumons en une seule masse, qui ne
	peut en sortir sans etre violemment compri=
	mée a son issue, et y acquerir un très grand
	degré de vitesse, par la raison que l'ouverture
	de la glotte est fort etroite en comparaison
	du diametre du tuyau. 3 mots biffure
	5 lignes biffure
	1 mot biffure Pendant que
	l'air coule dans ce
	canal, son cours
	est assès uniforme
	et ce n'est qu'au sortir  1 mot biffure de la glotte, qu'il commance a devenir
	un son, avec differens tons, selon ses divers
	degrés de vitesse et l'ouverture plus ou moins
	grande des levres au travers desquelles il passe
	<45> pour entrer dans le canal appellé exte=
	rieur  qui s'etend depuis la glotte jusques
	a l'extremité des levres de la bouche, et
	des narines: ce canal se subdivise en
	deux canaux distincts, mais qui concou=
	rent a la formation de la voix, l'un
	oral, qui va aboutir aux levres de la
	bouche, l'autre nazal qui a son issue par
	les narines.
CAUSES COMBINEES DU SON VOCAL.
	Le Son vocal depend de 4 causes qui
	concourent par des effets simultanés.
	1. Le resserement de l'air expiré au pas=
	sage des levres de la glotte, qui ne lui permet
	pas de s'echapper sans bruit, comme il ar=
	rive au vent resserré dans un defilé, d'ou
	il est forcé de s'echapper par quelque fente
	etroite.
	2. L'action de l'air comprimé et poussé avec
	force sur les fibres tendineuses et elastiques
	des Levres de la glotte, auxquelles il don=
	ne en passant une espece de secousse qui
	leur imprime un mouvement de vibration
	et de fremissement, lequel reagit a son
	tour sur l'aïr a mesure qu'il passe: d'ou
	resulte ce qu'on appelle la resonance.
	En effet l'air expiré fait sur les levres
	de la glotte a peu près ce qu'il fait sur
	les levres de la bouche dans le siflement 
	ou le son est formé par les vibrations
	des parties des Levres alors extremement
	agitées par le passage precipité de l'air
	qui les fait fremir. De la vient aussi
	que dans un gros rhume , on pert la
	voix principalement parce que le mou=
	vement de fremissement des Levres de la
	glotte se trouve embarassé.
	3. Le fremissement communiqué par
	cette même action de l'air a toutes les par=
	ties de la glotte, le tremoussement de tous
	<45v> de tous ses muscles et leur choc avec l'os
	Hyoïde; cause dont l'influence est prouvée
	par ces especes de toux convulsives  ou l'air
	pompé violemment de dehors en dedans,
	jette au passage un son extremement aigu
	qui ne peut etre produit que par une repercus=
	sïon de la glotte ebranlée avec tous ses
	alentours, et qui repond par un retentis=
	sement dont l'eclas se fait entendre fort
	au loin.
	4. Enfin la repercussion generale que l'air
	eprouve dans le canal exterieur toujours
	proportionnelle a la force avec laquelle il
	s'est echappé de l'interieur. En effet toutes
	les parties solides, et même les sinuosités
	de la caisse de l'instrument vocal, peu=
	vent etre regardées comme autant d'or=
	ganes de repercussion, qui produisent
	chacun a sa maniere, des resonances
	particulieres , mais qui se mêlent et se con=
	fondent en une seule generale et com=
	mune: C'est même de leur melange, lors=
	qu'elles se trouvent dans une juste propor=
	tion entr'elles, que nait l'harmonie incom=
	parable qui caracterise la voix humaine.
	CAUSES COMBINEES DES DIVERS TONS
	GRAVES OU AIGUS.
	Le son vocal est susceptible de diverses
	modifications. La premiere c'est l'eleva=
	tion ou l'abaissement qui le rendent
	plus ou moins aigu ou grave: c'est ce
	qu'on appelle le ton. 
	<46> Dans tous les instrumens, ceux qui remuent
	plus d'air, qui le remuent plus lentement
	et par des ondulations moins frequentes,
	font les tons bas  ou graves ; ceux qui
	remuent moins d'air, qui le remuent plus
	vite, par des ondulations plus frequentes,
	donnent les tons hauts  ou aigus . Une
	corde grosse, longue, moins tendue, une
	longue flute, une cloche plus profonde
	et plus large, donnent des sons plus gra=
	ves qu'une corde d'un moindre diametre
	plus courte, plus tendue, qu'une flute
	moins longue, une cloche de moindre
	dïmension.
	Tout cela peut etre appliqué a l'instrument
	vocal. Le ton plus ou moins grave ou
	aigu dependra du plus ou moins de preci=
	pitation avec laquelle l'air s'echappera
	par l'ouverture de la glotte, selon que les
	levres 1 mot biffure en s'ecartant ou s'approchant
	lui laisseront plus ou moins de passage;
	car plus l'ouverture sera grande, plus
	il y aura d'air remué moïns il y aura
	de vitesse et plus aussi le ton sera grave;
	il deviendra plus aigu a proportion
	du contraire.
	Mais le ton dependra encor plus de
	la longueur du tuiau exterieur que l'air sono=
	re aura a parcourir. Car il est au pou=
	voir de l'homme de donner a ce canal
	plus ou moins de longueur, pour que
	l'explosion du son se fasse plus loïn ou
	plus près de son orifice exterieur, et de la
	doit resulter un effet semblable a celui
	d'un instrument a vent composé de tuiaux
	de differentes longueurs, ou a celui de la
	flute, ou les tons plus ou moins elevés,
	repondent aux divers trous par ou l'air
	s'echappe.
	Or ce mechanisme s'execute chès l'homme
	de la maniere la plus naturelle et la plus
	simple. Veut il former un ton grave
	<46v> 4 mots biffure qui demande une plus grande masse d'aïr?
	pour la fournir 4 mots biffure des mouvemens
	1 ligne biffure
	1 mot biffure:
	musculaires spon=
	tanés dilatent le
	canal interieur,
	qui des la même se
	racourcit:  mais au moien de ce raccour=
	cissement, le Larinx et la glotte descendent
	leur distance a l'egard des levres de la bouche
	et de l'orifice du Nez, devient plus grande;
	les levres de la bouche le canal exterieur
	se trouve dès la même allongé et les levres
	6 mots biffure et il en doit resul=
	ter necessairement un le ton grave.
	Veut il former un ton aigu; parce
	qu'il faut emploier moins d'air, le canal
	interieur se retrecit, et dès la même s'al=
	longe; par la la glotte remonte, la flute voca=
	le se raccourcit, les levres de la bouche et de la doit resulter
	prenent une plus grande ouverture
	autant de causes qui 2 mots biffure necessairement le
	former un ton aigu.
	Ainsi tout Tout ici depend de la descente et de
	la montée du Larynx, et c'est la la raison
	pourquoi dans tous les tremblemens du
	chant, on voit le noeud de la gorge 
	hausser et baisser sans cesse alterna=
	tivement.
	A ces causes qui produisent la diversité des
	tons dans l'instrument vocal consideré com=
	me instrument a vent, s'associent celles qui
	la produisent, en le considerant comme
	un instrument a cordes, et dont l'action se
	trouve en parfaite concordance avec celles
	des premieres pour executer en même temps
	le même effet. Car quand les levres de la
	glotte s'eloignent pour former par la un
	ton grave, leurs filets tendineux s'allon=
	gent et deviennent moins tendus, comme
	leurs tremblemens plus lents et plus rares,
	ce qui concourt avec la cause precedente
	pour former le ton grave. Dans le cas
	<47> opposé, les filets tendineux se contractent,
	les oscillations se multiplient, et le ton
	en devient aigu. D'ailleurs, pour former
	le ton aigu, il faut que le Larynx s'eleve,
	et en s'elevant, il tend les cartilages aux=
	quels sont adherentes les extremités des fi=
	bres elastiques qui composent les levres de
	la glotte, et cette tension se communique
	necessairement a celles ci; qui par la font
	des vibrations plus frequentes, d'ou resul=
	te le ton aigu. Le contraire arrive lors=
	qu'on fait descendre le Larynx pour for=
	mer le ton grave, et l'instrument a cordes
	se trouve ainsi toujours d'accord avec l'instru=
	ment a vent. C'est ainsi qu'encor que dans
	l'instrument vocal, les degrés de tension
	determinent l'elevation et l'abaissement du
	son.
	CAUSES DE L'INTENSITE DE LA VITESSE
	DES SONS VOCAUX.
	L'intensité  c'est la force du son, qu'on
	appelle aussi le volume de la voix. Le
	ton peut etre rester le même, et l'intensité
	du son varier selon qu'on y emploie plus
	ou moins d'air, ou qu'on fait resonner
	avec plus ou moins de force les cordes
	vocales et les organes de la voix.
	Pour conserver le même ton, l'homme
	ne fait que conserver la même vitesse
	a l'air qui s'echappe par les levres de la glotte, mais
	s'il veut le renforcer, il faut qu'il dilate
	la glotte autant qu'il le peut, pour lais=
	ser passer une plus grande quantité d'air
	a la fois, d'ou nait une plus grande re=
	sonance.
	Quant a la vitesse  ou prestesse  cad
	le degre de lenteur ou de rapidité avec
	laquelle les sons se succedent, cette modi=
	fication depend du plus ou moins de
	<47v> precipitation avec laquelle l'air sono=
	re est expulsé de la bouche, ou du plus ou
	moins grand nombre d'expirations dis=
	tinctes, qui se succedent dans un temps
	donné pour former des sons separés.
	MECHANISME MERVEILLEUX DE LA
	VOIX HUMAINE.
	Tel est le mechanisme merveilleux par
	lequel nous pouvons donner a nôtre voix
	toutes les modifications convenable a nos
	vües, l'elever, l'abbaisser, la fortifier, l'addou=
	cir, l'accelerer, la retarder. Tout cela depend
	surtout de la maniere dont nous mena=
	geons l'air au passage de la glotte. Modi=
	fions nous diversement le canal interieur pour
	2 mots biffure le raccourcir ou l'allonger, il en nait des
	sons graves, ou aigus; laissons nous
	echapper l'air en plus ou moins grande
	masse, la voix en est plus forte ou plus
	douce; mettons nous plus ou moins de
	precipitation dans la succession des sons,
	elle devient plus rapide ou ou plus lente.
	Ainsi la voix se prete avec precision
	a tous nos besoins, suivant que nous
	voulons parler haut ou bas, avec ai=
	greur ou douceur, de loin ou de près,
	sommes nous agités de mouvemens
	violens, les sons se succedent avec rapi=
	dité: notre ame reprend elle son calme
	la marche des sons est plus lente.
	C'est du melange diversifié des sons hauts
	ou bas, forts ou doux, vifs ou tendres,
	secs ou moelleux, passionés ou tranquilles
	rapides ou lents, que l'orateur forme sa
	declamation, le Poëte ses mesures et sa
	pompe, le Musicien son chant et la magie
	enchanteresse de son art, qui depend d'une
	suite de tons habilement variés et soumis
	a des intervalles reglés.
<48> DEFFAUTS DE LA VOIX.
	La voix s'appelle fausse quand elle est dis=
	cordante, ce qui arrive lorsqu'il y a inega=
	lité de tension ou d'affluence des Esprits
	entre les deux Levres de la glotte, ou dans
	chaque Levre, entre les fibres tendineuses,
	tout comme dans un Luth, une corde est
	fausse, lorsqu'elle est inegale a elle même
	dans la tension ou grosseur de ses parties,
	ou qu'elle est mal accordée avec celles
	qui doivent etre a l'unisson.
	La voix cesse aussi d'etre harmonieuse et
	devient desagreable quand les resonan=
	ces particulieres des divers organes ces=
	sent d'etre dans une juste proportion,
	que l'une est trop forte, l'autre trop foible,
	qu'une autre se trouve interceptée par
	le derangement de la partie dont elle
	depend.
	Dans le rhume de cerveau p. ex. la
	voix devient sourde, obscure, parceque
	la resonance est troublée, et que la vibratïon
	et le fremissement de quelque partie, qui
	devoit sonner, se trouvent embarassés,
	et ne donnent aucun son net. Dans
	l'enrouement, ainsi appellé parce qu'il
	a quelque ressemblance au bruit d'une
	roue mal graissée, l'alteration de la voix
	est causée par la trop grande humidité
	et le froncement des Levres de la glotte et
	de la tunique interieure; ce qui la rend la
	voix basse et rude.
	Ce qu'on appelle parler ou chanter du Nez
	est un defaut qui vient precisement d'une
	cause contraire a celle que presente l'ex=
	pression c.ad de ce que le tuyau du Nez Nazal
	oppose obstacle au passage de l'air, et qu'on
	ne parle et ne chante que du conduit oral,
	ou que le son sortant en entier de celui ci
	<48v> n'est point melé au son sortant par le tuiau
	1 mot biffure du Nez dont la concavité contribue beaucoup
	plus que celle de la bouche a l'agrement
	de la voix, comme chacun peut l'observer
	en chantant la bouche fermée, car pour lors
	la voix n'a rien de desagreable, tandis que
	si l'on chante en se fermant le nez pour ne
	laisser sortir le son que par la bouche, la
	voix devient très desagreable et semblable
	a celle du canard. Suivant cela, jamais
	on ne parleroit plus du Nez que quand on
	n'en auroit du tout point, et jamais la voix
	ne sauroit etre plus deplaisante par le def=
	faut de melange d'oscillation des deux
	tuyaux que les François savent si bien
	menager pour donner a leur langue plus de
	melodie.
	Quand la voix est creuse, sepulchrale, com=
	me si elle sortoit d'un creux ou d'un masque,
	ce deffaut vient de ce que le palais est trop
	caverneux, de ce que la cavité de la bouche
	et celle des narines n'en font qu'une seule;
	et que la voix s'engouffre dans ce grand
	vuide: c'est ou un vice de conformation
	ou une suite de maladie qui a desseché
	ou corrodé les os.
	La voix se trouve chès les uns habituellement
	trop basse, chès d'autres, trop haute; cela de=
	pend du plus ou moins d'ouverture qu'ils ont
	coutume de donner aux Levres de la glotte,
	du plus ou moins de longueur qu'ils donnent
	habituellement au canal exterieur. Les
	femmes aiant moins d'ouverture de glotte
	et moins de profondeur dans le canal de
	la bouche, ont la voïx naturellement plus
	haute, et sont plus propres a chanter le dessus;
	par la raison contraire les hommes ont
	plus de disposition naturelle pour la
	basse.
	<49> CHAPITRE VII.
	De la formation des voielles et des consonnes
FORMATION DES DIVERSES VOIELLES.
	La simple emission de la voix ne rend qu'un
	son vague et inderterminé. Ce son ne devient
	voielle proprement dite que lors qu'autant qu'il recoit
	une certaine determination de ton dans
	son passage par la bouche, et a son issue des
	levres. Ainsi si l'on ouvre la bouche au=
	tant qu'on peut l'ouvrir, en dïmïnuant
	par la la longueur du canal exterieur ou de
	la flute vocale, autant qu'il est possible
	on produit le ton de la voix le plus elevé
	qui est la voielle A. Si l'on ouvre un
	peu moïns la bouche en avancant la
	machoire d'embas, pour la rapprocher
	un peu de celle d'en haut, on formera
	un canal un peu plus long, et on pro=
	duira un son un peu moins elevé, qui
	est la voielle E ou ê. et ainsi de suite.
	Si l'on fait attention a la diversité des
	tons, dont la voix est susceptible 2 mots biffure
	selon les degradations que peut
	recevoir un tuyau flexible, depuis sa
	plus grande longueur jusques a son etat
	le plus raccourci, sous ce point de vüe,
	il pourra y avoir autant de voielles dis=
	tinctes qu'une ligne donnée pourra
	admettre de divisions. Ainsi tout comme
	sur une corde tendue et sonore on peut,
	par le moien des touches former autant
	de tons divers qu'on peut y placer de dis=
	tinctions de points, de même dans l'echelle 
	de la voix, ou le dïapason , on pourroit dis=
	tinguer une infinité de tons qui seroient
	autant de voielles, et qui pourroient toutes
	etre admises dans l'usage des differens peu=
	ples, selon la maniere propre a chacun
	de marquer la difference des tons.
	<49v> Mais toutes les degradations de ton nuan=
	cées qui ont pu s'introduire dans le dia=
	pason des differens peuples, peuvent com=
	me ceux d'une flute, etre renfermées dans
	une octave composée de 7 tons fondamen=
	taux, et etre dès la même rapportées a 7 1 mot biffure
	1 ligne biffure
	voielles fondamentales, dont toutes les au=
	tres ne seroient jamais que des nuances
	intermediaires. Elles repondent aux sons
	exprimés par les caracteres suivans,
	A ou a. AE ou, ae, ou ê. E, ou é.
	I ou,  i. O ou, o. U ou, u. OU, ou ou.
FORMATION DES CONSONNES.
	La voix de parole a du etre modifiée non
	seulement par des voïelles, mais encor par
	des articulations ou consonnes, dont l'as=
	sociation avec les voielles put fournir
	les diverses combinaisons vocales promtes
	a peindre ou rappeller les idées ou les
	objets. Pour determiner les diverses formes
	articulées que la voix prend dans la caisse
	de l'instrument vocal, il faut examiner les
	diverses impressions qu'elle recoit des dïvers
	organes qu'elle trouve sur son chemin,
	et en particulier de la Langue.
ORGANE D'ARTICULATION.
	Echappé des levres de la glotte, l'air sonore
	rencontre d'abord la cloison  ou le voïle 
	du Palais, toile musculeuse qui s'ouvre
	et se ferme pour le passage de l'air, comme
	pour celui des alïmens. Cette cloison for=
	me sur la racine de la Langue une arca=
	de, du milieu de laquelle descend la Luette 
	substance de forme cylindrique, spongieuse
	qui suit tous les mouvemens du voile 1 mot biffure et qui est
	1 ligne biffure
	comme une cloche suspendue, destinée
	<50> a briser l'air a la sortie de la glotte, afin
	qu'il se distribue plus uniformement dans
	toute la capacité de la bouche, et qu'il puis=
	se plus aisement etre modifié.
	Près de la se trouvent deux grande ou=
	verture appellées Nazales  parce qu'elles
	communiquent au Nez, d'ou nait le
	canal exterieur appelé Nazal par le=
	quel l'air est poussé du fond de la gorge
	a l'extremité des narines; ce qui fait que
	cet organe a sa voielle propre appellée
	nazale, prononcée an, in, on, mais qui
	n'est qu'une modification des voielles ordi=
	naires 1 mot biffure sur lesquelles le canal nazal deploie
	son influence d'une autre maniere plus
	forte et plus sensible.
	L'air sonore aiant passé sous l'arcade  et
	frappé contre la Luette, il donne ensuite
	contre la voute du Palais semée de rugo=
	sités naturelles, qui secondées par sa for=
	me concave, servent a le rassembler et
	le reflechir, tandis que les dents superieu=
	res qui terminent la voute, empechent
	qu'il ne s'echappe trop promtement de la
	bouche, et par leur dureté et le concours
	du coup de langue, en augmentent les
	vibrations et la force; influence necessaire,
	et dont le deffaut est une des causes pour
	lesquelles les enfans ne peuvent rien
	articuler notamment jusques a ce que les premieres
	dents aient percé et qu'on n'entend
	qu'avec peine ceux
	qui ont perdu les
	dents anterieures. 
	Enfin l'air sonore rencontre les Levres 
	qui sont l'issue de l'instrument vocal, et
	dont les ïnflexions sont cause principale
	pour certaines articulations, et cause con=
	jointe avec les dents et la langue, pour en
	former d'autres, en même temps quelles
	contribuent a l'agrement et a l'impression
	<50v> du discours, par la beauté de leur coloris,
	et les graces que la nature a repandues sur
	leurs mouvemens.
LANGUE.
	Au milieu de la bouche se meut librement
	la Langue aussi admirable par sa compo=
	sition de fibres charnues et les muscles di=
	vers dont elle est munie, que par sa flexi=
	bilité et la varieté prodigieuse de ses mou=
	vemens et de ses usages pour la parole.
	Placée au milieu du passage de la voix
	elle est regardée avec raison, comme un
	agent general de la parole, sans le secours
	duquel aucun des organes ne sauroit
	accomplir sa fonction. L'experience a
	prouvé, il est vrai, que celui des levres et
	celui du gosier, situés aux deux extre=
	mités de l'instrument vocal, peuvent,
	lorsque la langue est coupée, effectuer, jus=
	ques a un certain point, leurs articulations
	propres; mais l'imperfection même qui les
	accompagne dans ce cas, montre que cet
	organe concourt aussi pour sa part a leur
	formation. Quant aux autres sons qui
	s'articulent du palais ou des dents, sans le
	concours de la Langue, leur prononciation
	est tout aussi impossible que celle des con=
	sonnes linguales; d'ou vient encor que les
	petits enfans ne peuvent rien articuler parce que pendant
	tout le temps que leur Langue est trop humide, molasse
	et peu propre aux inflexions.
	Ainsi on peut dire avec verité que c'est la
	Langue qui jouele rolle principal dans
	le discours, qui articule les sons, qui entre=
	mêle les consonnes aux voielles, qui forme
	les syllabes; et voila pourquoi on a donné
	ala collection des mots le nom de Langage.
	<51> La proprieté que la Langue a de se rap=
	rocher du Palais ou de s'en eloigner en
	fait encor un organe subsidïaire pour
	augmenter ou diminuer la distance du
	fond interieur de la caisse par rapport
	au superieur: ce qui donne a l'air sonore
	dïfferentes modifications par lesquelles
	tantot il se repand plus ou moins libre=
	ment dans le palais, tantot il se trouve
	resserré entre deux fonds qui lui laissent
	a peine un passage. De la la voix devient
	alternativement douce et lente, impe=
	tueuse et rapide, rude, siflante, lors=
	qu'elle s'echappe des Levres de la bouche,
	qui la modifient encor a son issue,
	avant qu'elle se perde dans les airs.
	Enfin l'etonnante flexibïlité de la Langue
	qui la rend susceptible d'une infinité de
	formes differentes par lesquelles elle
	s'allonge, se raccourcit, se dilate, se
	retrecit, se reploie en divers sens, pro=
	duit une multitude d'influences diffe=
	rentes, pour donner toutes sortes de mo=
	difications a la voix. Tous ces mou=
	vemens infiniment variés, comme
	ceux des Levres, s'executent par une
	multitude de muscles divers qui
	jouent aux ordres de l'ame.
	CAUSES DES DIFFERENCES ET DES
	VICES D'ARTICULATION.
	La facilité que certaines personnes ont
	de prononcer certaines articulations, et la
	difficulté quelles eprouvent a en prononcer
	d'autres, vient en general de ce que les mus=
	cles de certains organes sont disposés con=
	venablement pour executer les mouvemens
	qui leur sont propres, tandis que les muscles
	d'autres organes ne le sont pas. Ainsi les
	enfans prononcent bien B. P. M. N. D. T.
	avant que de prononcer L. R. ou il faut
	replier la Langue, ce qu'ils ne sauroient
	faire encor.
	<51v> De la 1 mot biffure procede aussi cette diversité prodi=
	gieuse qu'on observe dans la maniere d'ar=
	ticuler, qui ne peut etre attribuée qu'a la di=
	versité de construction des organes, et sur=
	tout a la difference de structure, de longueur,
	d'epaisseur de la Langue, comme aussi aux
	diverses conformations, dimensions, con=
	tours, sinuosités de toutes les parties de la
	bouche.
	La voix peut même etre très belle, et cepen=
	dant mal articulée par le deffaut de cer=
	tains organes difficilles a mouvoir, ou
	qui ne peuvent s'accorder exactement avec
	les autres pour concourir a un effet com=
	mun.
	Les vices d'articulation proviennent de certains deffauts
	generaux dans l'instrument vocal ou de
	deffauts particuliers a certains organes.
	Il y a des vices qui sont particuliers a la
	Langue qui est trop longue ou qui se
	trouve alterée, sans avoir perdu la liber=
	té de ses mouvemens. Cette alteration
	n'ote pas l'usage de la partie, mais elle le
	rend plus peinible et moins distinct, com=
	me il arrive a ceux qui y ont quelque
	ulcere. D'autres viennent de ce que la
	luette est trop grosse, trop allongee,
	de certaines irregularïtés dans les fosses
	nazales, d'un bec de lievre, des dents
	surnumeraires, ou mal placées ou en=
	levées sur le devant de la bouche, ou
	trop avancees.
	Le begayement  consiste a hesiter, s'arre=
	ter en parlant, par la difficulté de pronon=
	cer certains sons, ou a precipiter ses mots
	sans les articuler distinctement. Cela
	peut venir de ce que les ligamens de la lan=
	gue sont trop courts, ou trop resserrés,
	trop peu flexibles, ou de quelque vice ge=
	neral dans le genre musculaïre. Le def=
	faut de ceux qui mangent leurs mots
	ou parlent comme s'ils avoient la bouche
	pleine, vient d'une langue trop gonflée
	trop humide, ou d'un relachement dans
	les muscles de cet organe.
<52> DISTINCTION DES CONSONNES.
	Les consonnes, appellées aussi intona=
	tions parce que leur execution est ïndepen=
	dante du ton, qui ne s'y fait remarquer
	que a raison de leur association avec la
	voïelle, ne sont que des formes diverses
	imprimées a la voix, comme effets des
	inflexions des divers organes, qu'elle
	rencontre sur son chemin.
	Chacune de ces formes simples et primi=
	tives depend donc de la constitution de
	l'organe qui la produït ou des organes
	qui concourent pour la produire, cad
	pour modïfier l'air de telle maniere
	qu'il en resulte precisement telle sensation
	pour l'oreille. Chaque organe en effet
	a son inflexion propre: aucun ne peut
	en produire une autre que celle qui est
	une suite necessaire de sa structure. A
	t'on les levres jointes sans que les dents le
	soient, les levres ne peuvent se separer
	l'une de l'autre sans prononcer B. ou P.
	Ainsi chaque articulation entendue
	annonce distinctement que l'air sonore
	a été affecté par tel organe, et non par
	tel autre, ou affecté par tel organe dont l'action
	a été la cause principale et la plus decisive
	pour produire cette articulation.
	Ainsi encor le nombre des articulations
	simples et primitives doit correspondre
	precisement a celui des diverses touches
	de l'instrument vocal, qui produisent sur
	l'air sonore un effet distinct et sensible,
	qu'on ne sauroit confondre avec au=
	cun autre, soit que l'organe agisse
	seul, soit qu'il agisse comme agent
	principal avec le concours de quelque
	autre. Ce nombre ne sauroit etre plus
	grand, puisqu'il comprend tous les di=
	vers effets que le mechanisme de lins=
	trument peut produire par une suite
	naturelle de sa construction. Or
	ce nombre est peu considerable.
	<52v> DIVERSES TOU
	Les diverses touches distinctes sont 1°
	les Levres, 2° le Nez; 3° les Dents; 4° la
	Langue, 5° le Gozier, 6° le Palais. Il
	n'y a donc que 6 formes articulées
	simples et primitives, la labiale , la Nazale,
	la dentale , la linguale, la gutturale  et
	la sifflante  ou le Palais joue le principal
	rolle. Mais a chaque touche repond
	une forte et une foible, ce qui donne 12
	articulations primitives, auxquelles quel=
	ques auteurs ont ajouté 2 chuintantes 
	mais qui ne sont
	dans le fond que
	des gutturales;  ce qui en fait monter le nombre a 14
	dont voici le Tableau.
| Consonnes | foibles | fortes | 
| Labiales | B | P | 
| Nazales | M | N | 
| Dentales | D | T | 
| Linguales | L. | R. | 
| Gutturales | G dur gh. | C. K. | 
| Sifflantes | Z. | S | 
| Chuintantes | J. je G mol | Ch. | 
	On a distingué aussi les muettes, dont
	l'articulation est instantanée, telles que
	les Labiales, les dentales, et les gutturales,
	et les liquides  qui etant coulées ou soufflées
	ont quelque permanence et peuvent etre
	continuées un peu plus longtemps, par
	une espece de voix sourde confusement
	articulée: telles que sont les nazales,
	les linguales, sifflantes et les chuin=
	tantes.
	<53> CHAPITRE VIII.
	Dela voix de chant et de l'accent
VOIX DE CHANT.
	Ce qu'on appelle chant  ne donne que de
	l'air sonore modifié par divers tons, mais
	avec une modulation melodieuse, plus
	variée, plus etendue, plus reglée dans ses
	intervalles que celle de la voix de parole.
	Ses Loix données par la nature, partent
	d'un principe fondamental appellé Loi
	des corps sonores.
	La voïx de chant peut accompagner la voix
	de parole , mais elle en est tout a fait distincte;
	le ton musical n'est point le même que le
	ton vocal, et l'organe du chant n'est point
	le même que celui de la parole. Lorsque
	nous reconnoissons sans peine un homme
	a sa voix de parole, nous ne pouvons le re=
	connoitre a sa voix de chant, si nous ne
	l'avons jamais entendu chanter. Tel
	dont la parole est d'un son rude et deplai=
	sant a un chant doux et agreable. Le
	meilleur orateur peut n'avoir a offrir
	qu'un chant faux et discordant.
	DIFFERENCES ESSENTIELLES ENTRE LE
	CHANT. ET LA PAROLE.
	Le chant ne rend qu'un air sonore, qui
	doit sortit a plein canal de la bouche
	et ne souffre que des voielles simples et
	franches; car des qu'il y a articulation,
	c'est l'effet dela voix de parole melée a celle
	de chant.
	Le chant exige un passage très distinct
	et marqué d'un ton a l'autre, qui n'est pas
	a beaucoup pres aussi sensible dans la voix
	de parole.
	Dans celle ci, le Larynx demeure comme
	assis et en repos sur ses attaches, tandis
	que pour le chant, cet organe est mis
	<53v> dans un mouvement de vibration et de
	balancement continuel de du haut en bas
	et du bas en haut; ce qui produit une sorte
	d'ondulation cadencee, roulée et soute=
	nue sur le même ton en sorte que le son
	demeure egal a lui même, pendant tout
	le temps qu'il dure, ce qui n'arrive pas
	dans la voix de parole ou le même son
	hausse et baisse d'une maniere sensible.
	Dela vient que lorsque les vibrations du
	Larynx et les mouvemens d'ondulation
	se succedent avec trop de lenteur et par
	des separations trop marquées, le ton
	cesse d'etre soutenu, la voix devient trem=
	blotante ou chevrotante comme cela
	arrive aux vieillards. L'agrement du
	chant demande que ces ondulations se
	succedent avec une rapidité qui les rende
	presque imperceptibles a peu près comme
	les vibrations des ailes des oiseaux, lors=
	quils planent dans les airs.
	Mais rien ne contribue autant a l'effet du
	chant que la rapidité avec laquelle se suc=
	cedent les contractions et les dilatations des
	rubans tendineux des Levres de la glotte,
	desquelles depend surtout le ton musi=
	cal, a peu près comme si c'etoit un
	violon; car ici l'air fait l'office d'archet,
	les poumons qui poussent l'air en plus ou
	moins grande quantité ou vitesse, sont
	comme la main qui manie l'archet, et
	dela dose de cette force motrice resulte
	l'intensité du son ou le volume de la
	voix.
	D'ou il resulte que si l'on faisoit un ins=
	trument a fines cordes qui ne seroient agi=
	tées que par l'air, ce seroit de tous le plus
	rapproché de l'organe du chant et de la
	melodie de la voix humaine. On en a
	deja fait l'essai, et avec succes.
<54> ACCENT.
	Il est une modification du son vocal qui
	tient le milieu entre la parole et le
	chant, et les accompagne l'un et l'autre,
	sans etre aucun des deux. Ce sont les ac=
	cents c.a.d. des affections qui surviennent
	a la voix, lorsque l'ame se trouve saisie
	de quelque emotion en parlant ou en
	chantant, et qui par la devïennent l'ex=
	pression naturelle de cette emotion. Si
	cette emotion est violente, l'accent se con=
	vertit a peu près en chant; d'ou vient 1 mot biffure
	qu'il est le compagnon presque inseparable de la
	musique, et que le bon gout des accens
	entre pour beaucoup dans la composition
	et l'execution musicale, surtout dans le
	recitatif et les airs passionés. Il faut con=
	venir cependant qu'un acteur pourroit
	negliger l'expression de l'accent sans
	manquer a l'essentiel de l'execution, mais
	pour lors celle ci demeure froide et sans ame.
	Suivant les anciens, l'accent appar=
	tient proprement ala parole ou a la de=
	clamation: accentus est etiam in dicen=
	do cantus obscurior . De
	la est venue le mot même accentus
	i-e ad cantum, prope cantum, quelque
	chose de voisïn du chant, associé a
	la parole.
	Tandis que la parole peint les objets,
	l'accent peint la maniere dont celui qui
	parle en est affecté et voudroit affecter
	les autres. Vocis mutationes totidem
	sunt quot animorum. 
	Les accens annoncent le sentiment inte=
	rieur qui l'agite a ceux qui l'ecoutent, com=
	me la disposition des traits de son visage
	l'annoncent a ceux qui le regardent. Ils
	sont au discours ce que le coup d'archet
	et l'expression sont a la musique; ils lui
	<54v> donnent la vie et le bon gout; ils en marquent
	l'esprit et en sont comme l'ame; d'ou vient
	que les 2 mots biffure Orientaux les ont appellésent gout, saveur,
	et les Grecs, Esprit.
ACCENTUATION
	Le bon effet du discours depend essentielle=
	ment d'une alternative continuelle d'elevation
	et de depression dans le ton de la voix. 1 mot biffure Elle
	qui est indispensable pour menager l'organe de celui qui parle
	lequel seroit trop eprouvé par un ton tou=
	jours soutenu; soit elle ne l'est pas moins pour eviter la monoto=
	nie toujours ennuieuse et fatiguante pour
	celui qui ecoute. D'ailleurs la varieté des
	tons est a peu près aussi necessaire au Lan=
	gage parlé, pour etre entendu, que la
	varieté des gestes l'est au Langage d'action.
	Rien de plus difficille que de comprendre ce
	quon nous dit sur le même ton, même dans
	une Langue qui nous est très familiere et
	dela vient que moins une Langue nous est
	connue, plus on est obligé de varier les
	tons, pour distinguer les sons d'une manie=
	re plus sensible, et pour animer le discours,
	en nous transportant en quelque sorte,
	par cette varieté d'accens, dans la situa=
	tion d'ame actuelle de celui qui nous
	parle.
	Il n'est pas moins necessaire d'apporter la
	meme varieté dans la quantité des sons
	qui depend dela lenteur ou dela rapidité
	avec laquelle ils se succedent ou de l'alter=
	native des longues et des breves dont
	la durée est comme 2. a 1. Il faut cela
	aussi pour faciliter le jeu de la poitrine,
	soulager celui qui parle, et prevenir
	l'ennui et la fatigue de celui qui ecoute.
	De ce melange ou varieté des tons et des
	quantités depend l'accentuatïon qui deman=
	de que la voix allonge ou raccourcisse,
	eleve ou abaisse les sons, et que ces nuan=
	ces de ton et de vitesse soient distribuées
	<55> selon que l'exige l'expression des sen=
	timens dont on est affecté, et qu'on
	veut exciter chès les autres dans le dessein
	de leur plaire et de les emouvoir.
	On comprend que l'accentuation tombe propre=
	ment sur les voielles, et que les consonnes n'en
	recoivent d'autres 1 mot biffure varietés, si ce n'est que
	l'accent demande quelque fois qu'elles soient
	fortement appuiées.
	L'Accentuation peut etre notée dans l'Ecriture
	par certains signes qu'on a appellés aussi
	accens.
MODIFICATIONS DE LA VOIX.
	De tout ce qui a été dit il suit que dans la
	voix humaine, on peut distinguer les modi=
	fications suivantes communes a la pa=
	role et au chant.
	1° le son vocal simple.
	2° le volume de la voix c.ad l'intensité
	ou la force du son qui depend dela quan=
	tité d'air sonore et de la resonance.
	3° la quantité cad. la lenteur ou la
	rapidité qui accompagne la succession
	des sons.
	4° le ton oule degré d'elevation et d'abais=
	sement de chaque son qui depend de
	la montée et de la descente du Larinx, et
	de l'ouverture qu'on donne au canal exte=
	rieur.
	Ces modifications sont très distinctes par
	leurs effets. De la 2e provient dans le
	discours le fort  et le doux , et dans le
	chant, forte e piano . De la 3e decoule
	dans le discours la lenteur et la vitesse,
	dans le chant, adagio ed allegro . C'est
	la 4e qui produit dans le discours le grave
	et l'aigu, dans le chant, basso e soprano.
	De la 3e derive dans le discours le rithme 
	oratoire, le nombre, ou les proportions que
	les parties du mouvement vocal doivent
	avoir les unes avec les autres mesurées nu=
	meriquement; a quoi il faut joindre une
	sorte de cadence , et les intervalles de repos.
	Dans le chant, c'est le rithme musical
	<55v> qui determine le mouvement et la mesure
	avec la cadence. Les anciennes danses des
	Grecs etoient appellées rithmiques, parce qu'elles
	s'accordoient exactement avec le rithme
	musical; ce que nous appellons aujourdhui
	danser en cadence.
	Dela 2e et de la 4e derivent les caracteres dis=
	tinctifs des diverses voix que nous appellons
	forte et douce, haute et basse.
	Enfin 5e l'accent qui est le resultat des
	modifications precedentes.
	Aucune de ces modifications ne doit etre
	confondue avec le chant, puisquelles accom=
	pagnent aussi le discours, et que dans l'un
	comme dans l'autre, on peut en assigner les
	varietés.
DECLAMATION.
	La declamation  n'est autre chose que le
	discours prononcé avec une sorte de mo=
	dulation resultant de la varieté qu'on
	met dans les degrés d'ïnstensité, de vitesse,
	dans les nuances de ton et d'accent, qui
	doivent accompagner chaque son, selon
	la place qu'il occupe, ainsi que des repos
	par lesquels les sons doivent etre separés,
	pour reprendre haleine, et le tout dans
	la vue 1 mot biffure de donner au discours une
	certaine harmonie qui augmente l'in=
	teret et en assure l'effet.
	La declamation chès les anciens etoit beau=
	coup plus modulée que la nôtre, et avoit
	beaucoup d'affinité avec ce que nous appellons
	le recitatif : on pouvoit même la noter com=
	me nous notons la musique. Les modernes
	l'ont ramenée a la nature, et en ont etabli
	la perfection dans la simplicité et la noblesse
	reunies, avec une modulation variée
	sans approcher du chant, et eloignee
	<56> de toute affection qui tient a la singu=
	larité ou qui sort du naturel de celui qui
	parle.
PROSODIE.
	Il y a une accentuation, et des la même
	une declamation, particuliere et propre
	a chaque personne, qui depend de sa
	constitution organique, de son naturel
	interieur et exterieur, et de la correspon=
	dance de l'un a l'autre.
	Maïs il en est une qui appartient a la
	Langue et qui a ses regles: l'art qui les
	enseigne se nomme Prosodie . Il y a
	une Prosodie Grammaticale pour le
	discours ordinaire, une oratoire, pour
	le discours etudié et declamé, une Poetique
	propre a la Poësie versifiée. C'est celle
	qu'on entend communement lorsqu'on
	parle de Prosodie.
	L'accentuation propre a chaque Langue
	determine la melodie plus ou moins
	variée et chantante que chaque na=
	tïon apporte au discours, qui fait
	qu'une nation parle avec plus ou
	moins de cantilation, plus ou moins
	de douceur, de grace et d'interet, &c.
	<56v> CHAPITRE IX
	De l'origine et de la formation du Langage
	parlé et premierement des mots primitifs
	et radicaux.
LANGAGE PARLE.
	D'ou vient que ceux des animaux qui ont
	a peu près les mêmes organes vocaux que
	l'homme, qui peuvent pousser des cris,
	quelques uns chanter avec melodïe, d'autres
	meme apprendre a articuler quelques sons,
	d'ou vient qu'ils ne peuvent 1 mot biffure parler com=
	me lui? C'est que, quoique les operations
	physiques de la parole appartiennent a la
	vie animale, 3 lignes biffure
	quoique les brutes
	1 mot biffure pourroient
	par l'imitation et
	l'habitude, parve=
	nir a repeter me=
	chaniquement di=
	vers sons, aucun
	Etre animé ne peut
	1 mot biffure parler, ou
	former un discours
	1 mot biffure de mots suivis, qu'il
	emploie comme si=
	gnes de ses pensees,
	quil comprenne
	et fasse comprendre,
	sans le secours d'une
	faculté appartenant
	a la vie d'Intelligen=
	ce qui dirige les
	operations Physi=
	ques du Langage
	et l'emploi, conve=
	nable des signes;
	telle est la preroga=
	tïve exclusive de
	lhomme,  qui seule a pu lui apprendre que le même
	instrument dont il se servoit pour jetter
	des cris, et exprimer ses sensations, par
	des sont inarticulés, etoit aussi suscepti=
	ble de modifications articulées, propres
	a peïndre les objets de sa pensée. Voions
	donc comment il a su tirer parti de cet
	instrument pour se former des combinai=
	sons de sons articulés propres a l'expression
	de la pensée, les multiplier et les varier
	suivant ses besoïns, et ce qu'il avoit a com=
	muniquer a ses semblables.
TIRE DE LA NATURE.
	Dès que les hommes eurent acquis une cer=
	taïne 2 mots biffure provision d'idées, et senti la necessité
	de les fixer, pour les rappeller au besoin et
	se les communiquer mutuellement avec fa=
	cilité et promtitude, ils comprirent bientot la
	necessité de suppleer au Langage d'actïon
	par quelque Langage plus varié et plus eten=
	du, tel que celui que pouvoit lui offrir
	l'usage de l'instrument vocal dirigé par
	leur Intelligence ïndustrieuse.
	Mais cette Industrie s'est elle donc deploiée
	au hazard: ou cette foule de signes articu=
	lés qui composent leur Langage, n'atelle été
	que le fruit tout pur de leur Imagination,
	ou d'une instruction arbitraire et conventionelle.
	<57> Non, c'est la nature elle même qui a decidé
	toutes les formes elementaires vocales
	et qui a determiné leurs rapports avec les
	pensees ou les objets.
	LA NATURE A DECIDE TOUTES LES FOR=
	MES ELEMENTAIRES VOCALES ET LES
	MOTS PRIMITIFS.
	Les parties de l'instrument vocal donnent
	chacune l'inflexion  determinée par sa consti=
	tution organique, et dès que l'homme met en
	jeu un organe, il ne peut faire entendre d'au=
	tre son que celui que cet organe doit natu=
	rellement produire. Dela vient que l'oreille
	faite pour discerner les sons, sait d'abord
	les rapporter chacun a l'organe d'ou il est
	parti, et demeler avec facilité les sons qui
	ne sont que des varietés de la même forme ,
	d'avec les sons qui sont reellement differens
	comme provenant de divers organes: et
	c'est par la que l'homme a bientot su ran=
	ger toutes les inflexions vocales 2 mots biffure
	chacune sous la classe appartenant
	a l'organe qui les avoit produites.
	Ces diverses formes, ou inflexions simples
	et primitives, dont les organes vocaux sont
	susceptibles, sont en très petit nombre. Cha=
	cune a été le premier germe d'un certain
	nombre de sons primitifs qui n'a jamais
	pu etre fort grand: car de ces premiers ger=
	mes on n'a pu tirer d'autres sons primitifs
	que des sons prononcés d'un seul coup de
	voix appellés Syllabes  c.a.d. des inflexions
	simples et elementaires reunies sous une
	seule emission de voix, auxquelles on a
	donné aussi le nom de mots , et pour les
	distinguer 1 mot biffure de tous les 1 mot biffure composés,
	on les a appellés monosyllabïques  cad. for=
	més d'une seule syllabe.
	<57v> Ces mots primitifs furent ou une voielle sim=
	ple et seule, ou une diphtongue  composé de
	deux ou trois voielles reunies en un son sans
	etre confondues, ou une voielle ou diph=
	tongue precedée ou suivïe d'une consonne
	ou placée entre deux ou plusieurs conson=
	nes, mais tellement combinées entr'elles que
	le tout peut etre rendu par une seule emis=
	sion de voix.
	De ces primitifs monosyllabiques appellés
	racines grammaticales sortitrent peu a peu
	cette multitude immense de mots qui com=
	posent tout l'appareil du Langage.
	Les premiers germes du Langage ont donc
	été des effets purement physiques, resultant
	de la construction mechanique de l'instrument
	vocal, et par consequent etablis par la na=
	ture elle même independamment de la vo=
	lonté de l'homme, dont toute l'influence
	s'est reduite a mettre l'instrument en jeu
	tel qu'il la reçu, sans pouvoir apporter
	aucune 1 mot biffure atteinte a ses effets
	primtifs. Ainsi les premiers elemens
	du Langage ont du etre les mêmes pour
	tous les hommes, et toute leur industrie
	n'a pu aboutir qu'a les repeter, les reunir,
	les combiner de toutes sortes de manieres
	pour en fabriquer divers signes vocaux
	a mesure que le besoin les leur rendoit neces=
	saires, en quoi ils ont encor été inutiles
	a suivre les suggestions que la nature
	ne manquoit pas de leur fournir.
	LA NATURE A AUSSI DETERMINE LES
	RAPPORTS DES SONS AVEC LES OBJETS.
	La connexion des mots avec les objets ou
	les pensées dont l'homme s'occupe doit aussi
	son origine, non a une volonté arbitraire,
	mais a des rapports physiques, necessaires,
	pris dans la nature même des choses. Ces
	premiers Elemens vocaux eurent chacun
	leur valeur naturelle. La valeur des
	<58> primitifs radicaux fut determinée par
	celle de leurs Elemens, ou par quelque ana=
	logie naturelle des sons avec les objets. Les
	mots derivés ou composés de ces radicaux
	recurent des significations determinées
	par celles des primitifs d'ou ils tiroient
	leur naissance.
LANGAGE PARLE ARTIFICIEL.
	La formation du Langage parlé se fit
	sur le même plan de procedés que celle du
	Langage d'action. Du langage primitif,
	physique, naturel se forma peu a peu
	par le secours de l'art, et suivant la Loi
	d'analogie, un Langage artificiel, qui
	s'enrichit et se perfectiona a mesure que
	les objets de la pensée, en se multipliant,
	demandoient de nouvelles expressions.
	Les hommes avoient ils quelque nouvel
	objet a exprimer, ils en observoient les rap=
	ports avec d'autres objets deja connus et
	nommés, ou avec des qualités, des effets,
	aussi denominés par des mots introduits,
	et de ces mots ils en composoient un qui
	exprimoit tout l'ensemble, et convenoit
	mieux que tout autre signe pour rap=
	peller l'objet en question d'une maniere
	intelligible. Il en etoit de meme de toute
	idée composée d'autres auxquelles corres=
	pondoient des mots deja etablis; la reu=
	nion de ceux ci etoit le signe le plus pro=
	pre a exprimer l'idée totale.
	La fabrique  du Langage a donc été une
	suite d'operations determinées par la
	nature des choses qu'on avoit a nommer,
	en sorte qu'entre les signes vocaux, le
	choix de celui quon vouloit appliquer
	a tel objet, 1 mot biffure, se trouvoit ordinairement
	indiqué et decidé par le rapport naturel
	de ses elemens avec les proprietés de l'objet,
	comme etant le plus propre a peindre
	celui ci, selon l'idée qu'on s'en formoit.
<58v> IMITATION. PRINCIPE.
	La premiere formation du Langage n'a
	donc pu etre faite que sur un plan d'imita=
	tion  ou de peinture des choses, telle qu'il etoit
	possible de l'effectuer par le moïen des orga=
	nes vocaux, et cette peinture, en comman=
	cant par les primitifs, et en continuant par
	les derivés et les composés, s'est etendue de
	degrés en degrés, de nuances en nuances,
	depuis les noms des choses qui sont le plus sus=
	ceptibles d'etre peintes aux oreilles par les sons
	jusques aux noms des choses qui sembloient
	l'etre le moins, qui n'affectent que la vüe,
	et même qui ne tombent sous aucun des
	sens.
PRIMITIFS RADICAUX CLASSIFIES
	Les sons primitifs qui par la constitution
	organique de l'homme et la nature des
	objets qu'il avoit a nommer, ont du fournir
	les premieres racines du Langage peuvent
	etre rapportées a certaines classes.
1e CLASSE INTERJECTIONS ET ACCENS
	A la premiere classe appartiennent des
	sons qui peuvent etre rapportés au Langage
	d'action, lorsqu'on ne les prend que pour
	des sons confus, comme des cris, des vagis=
	semens; mais qui doivent etre rapportés au
	Langage parlé, lorsqu'on les envisage com=
	me des sons et distinctement prononces que les hommes de tout pays
	ont adopte 1 mot biffure naturellement comme signes pour peindre par
	un seul coup d'organe les sentimens dont
	ils sont interieurement affectés. Ce sont
	ces sons qu'on appelle Interjections , qu'ils
	prononcent distinctement et fortement
	du fond de la poitrine, comme portant
	par eux mêmes l'empreinte des mouvemens
	ou affections que les objets leur font ac=
	tuellement eprouver. Elles ne sont pour
	le fond qu'une voix simple, mais accompa=
	gnée de diverses modifications dans le
	ton et dans la maniere plus ou moins
	<59> forte, rude, aspirée dont on la prononce,
	quelque fois même diversement modifiées par
	des articulations qui en rendent l'expression
	plus marquée, qui la varient et l'etendent
	a un plus grand nombre de sensations, et
	même de perceptions primitïves qui tire=
	rent de celles la leur naissance.
	Determinées par la structure de l'instru=
	ment vocal, et sa correspondance avec
	les sentimens interieurs, elles sont la
	premiere voix de la nature, qui se fait en=
	tendre même chès les enfans qui rendent
	les sons Interjectifs avant quils aient pu les
	apprendre par l'ouie et l'imitation.
	1 ligne biffure
	Elles sont le premier
	Langage emploié
	par les hommes pour
	se communiquer mu=
	tuellement leurs be=
	soins et se donner reci=
	proquement des
	secours; Peut etre fut
	il un temps ou il n'eu=
	rent pas d'autre Lan=
	gage parlé, auquel
	ils suppleoient par
	le Langage d'action.
	En prononcant ces sons
	dans des circonstances
	ou les auditeurs ne
	pouvoient que les rap=
	porter aux mêmes per=
	ceptions, ils en fixoient
	la signification d'une
	maniere d'autant plus
	exacte, quils avoient
	plus d'occasions de les
	repeter, et d'accoutumer
	par la l'esprit a lier
	les mêmes idées avec
	les mêmes signes.
	Ce furent donc la les
	premiers mots com=
	muns a toutes les
	Langues et autant
	de mots primitifs qui  en effet se retrouvent chès tous les peuples
	5 mots biffure sans jamais
	perdre leur identité dans tout ce qu'ils
	ont de radical et de vraiment signifi=
	catif.
	Aux Interjections se lient les accens qui
	les modifient 2 mots biffure diverse=
	ment pour le son et la valeur: car la
	même Interjection differemment accen=
	tuée exprime des sentimens differens.
	Les enfans n'ont pas d'autre moien de
	manifester leur etat et leurs besoins
	que des accens vifs, gays, tendres, ou
	sourds, tristes et lugubres, et pour les
	hommes faits, ils deviennent autant
	de sons naturels qui appartiennent es=
	sentiellement au Langage primitif, desti=
	né a l'expression du sentiment; langage
	aussi aisé a entendre qu'il est aisé de
	reconnoitre a l'exterieur les sentimens
	dont l'ame est penetrée: langage plus
	intelligible naturellement que tout au=
	tre, puisqu'on peut le comprendre sans etu=
	de, et que ses signes tirent dela nature
	tout ce quils sont, leur caractere propre,
	leur valeur, leurs nuances, destinees
	<59v> a marquer les diverses affections avec
	leurs divers degrés de force.
	II CLASSE. PRIMITIFS RESULTANS DE
	L'OPERATION NECESSAIRE DE LA NA=
	TURE CHES LES ENFANS.
	Tous les organes vocaux n'acquierent pas
	a la fois ce degré de force que l'articulation
	exige: cette force ne se devellope que succes=
	sivement a mesure que ces organes prennent
	plus de consistence, de ressort et de flexibilité.
	L'enfant ne peut d'abord mettre qu'un ou
	deux de ces organes en jeu: veut il indi=
	quer par la voix quelque objet, il ne peut
	emploier pour cela d'autres sons que ceux
	que ces organes fournissent, et dès lors ceux
	ci deviennent des signes naturels pour
	l'enfant, et ensuite pour tous ceux qui sont
	comme forcés de se preter a ce Langage en=
	fantin. Chès la plupart des peuples c'est
	l'organe labïal qui fonctione le premier,
	puis la touche dentale, et de la ces premiers
	sons papa, mama, bibi, bobo, atta,
	tata, dada et autres mots que les enfans
	articulent les premiers par necessité des
	qu'ils veulent imposer des noms aux objets
	qui les entourent et les frappent; langage
	de la nature, seconde source 1 mot biffure de primitifs
	et de derivés.
	III CLASSE. PRIMITIFS DETERMINES PAR
	LES INFLEXIONS PROPRES A CHACUN
	DES ORGANES.
	Les sons articulés par chacun des organes
	vocaux ont été les elemens que la nature a
	offert aux hommes pour en tirer les noms
	applicables a chacun de ces organes, pour
	que leur denomination fut par elle même
	la plus intelligible. Car comment peindre
	mieux un organe que par son operation
	propre! Comment caracteriser 1 mot biffure d'une maniere
	plus expressive la gorge, le gozier, que par
	un nom pris de l'inflexion G 1 mot biffure, ou les
	<60> dents que par l'inflexion dentale D. T. Troi=
	sieme classe sous laquelle sont compris les
	noms adaptés aux organes vocaux, et de
	la a leur figure, leur action, leurs effets
	et ce qui a quelque liaison ou analogie sen=
	sible avec eux.
PRIMITIFS IMITATIFS
	L'imitation est ce qui a fourni le plus de
	primitifs physiquement determinés par la
	nature et les qualités des objets qu'il fal=
	loit peindre. Le Langage d'action avoit
	fourni les ressources du geste pour pein=
	dre aux yeux: dans le Langage parlé il fal=
	loit peindre par les sons de la voix, qui sont
	comme autant de gestes destinés a affecter
	les oreilles. Pour rappeller l'idée d'un objet,
	il falloit emploier le son le plus propre
	a le caracteriser et le retracer a l'Esprit, tout
	comme le Peintre emploie la couleur la plus
	propre a rappeller l'objet qu'il veut peïn=
	dre aux yeux. Tel fut le principe general general
	du Langage imitatif. Voions comment
	cette imitation a pu s'etendre de degré
	en degré, depuis les objets sonores, jusques
	aux non sonores.
	IV CLASSE. PRIMITIFS DETERMINES PAR
	L'IMITATION DES OBJETS SONORES.
	ONOMATOPEES.
	Fut il question d'imposer des noms aux objets
	sonores qui frappent diversement les oreilles
	par des bruits, des explosions, des fremissemens,
	des cris, des sons quelquonques, 3 mots biffure objets qui sont en grand nombre, l'hom=
	1 mot biffure
	me ne trouva aucune methode plus naturelle, plus prom=
	te, plus efficace, que d'emploier les organes
	vocaux a rendre un bruit, un fremissement,
	un cri, un son, autant qu'il se pouvoit, sem=
	blable a celui par lequel chacun de ces objets
	avoit affecté son ouie. Vis a vis de cet organe
	auquel la parole s'adresse, il etoit impossible
	d'imaginer aucun procedé plus imitatif
	ni plus propre a caracteriser chaque objet
	<60v> sonore, a le retracer et le faire promtement
	reconnoître. Dela l'origine de cette foule de
	mots primitifs que les Grecs ont rangés sous
	une classe separée, en les appellant onoma=
	topées , cad. formatïons de noms, comme
	pour signifier avec emphase, que s'il y a
	d'autres manieres de former des noms, celle
	ci est superieure a toutes les autres pour la veri=
	té de 1 mot biffure la peinture, et qu'etant origïnale et primitive,
	elle a eu sur le Langage l'influence la plus
	efficace et la plus generalement etendue.
	Pour en faire l'eloge, d'autres l'ont appellées
	vox repercussa naturae, espece d'echo de
	la nature.
	V CLASSE PRIMITIFS DETERMINES PAR
	ANALOGIE, APPROXIMATION OU
	COMPARAISON.
	Les 1 mot biffure objets qui ne nous affectent que par
	les yeux n'arrivent a nos oreilles par aucun
	bruit ou son sensible. Les autres organes
	peuvent se tremousser, fremir, s'ebranler par
	les ïmpulsions du dehors, et entrer par la en
	quelque rapport avec l'organe de l'ouie:
	mais les objets se peignent sur le fond de nôtre
	oeuil aussi tranquillement que sur un mi=
	roir et sans le moindre bruit. L'organe
	vocal semble donc depourvu de tout moien
	de peïndre les objets qui ne sont que visi=
	bles; cependant les objets sont inombrables
	et rien de plus necessaire que de leur imposer
	aussi des noms convenable a leur nature.
	Pour nommer de tels objets, l'homme guidé
	par une sorte d'ïnstinct, choisit et emploia pour
	chacun d'eux, celle des formes de sons, ou
	celui des organes vocaux, dont l'articulat=
	tion ou la structure lui parut la plus propre
	par quelque analogïe plus ou moins sensible
	a figurer a l'oreille et rappeller a l'Esprit; ou
	la chose, ou l'effet dela chose, ou quelque circons=
	tance <61> etrange propre a la caracteriser, ou
	enfin telle modalité d'exïstence assès decisi=
	ve pour que la chose peut etre rapportée
	a telle ou telle classe distincte.
	Des articulations en effet, suivant qu'elles se
	prononcent a l'extremité ïnferieure de l'ins=
	trument vocal, ou a l'extremité superieure
	ou vers le milieu, suivant qu'elles sont ac=
	compagnées d'une exposion d'air plus ou
	moins considerable et rapide, doivent pro=
	duire des sons plus ou moins vifs, promts,
	rudes, ou sourds, lents, graves, coulans &c.
	Or les sons aiant ainsi chacun leur caractere
	distinctif, 2 mots biffure chacun a du etre emploié et pre=
	senté de preference comme le plus propre a
	a l'expressïon de tel genre d'objets ou d'idées,
	et cela par une sorte d'analogie avec les
	choses mêmes ou avec leurs qualités ou
	manieres d'etre et d'agir.
	C'est aussi un fait incontestable qu'a parler
	generalement, les articulations foibles de
	chaque touche ont servi a l'expression des
	objets doux et gracieux, tandis que les 1 mot biffure sons
	durs et forts furent emploiés pour rendre
	les idees liées avec la force, l'apreté, la rudesse,
	et les qualités deplaisantes. 2 mots biffure
	2 lignes biffure
	Dans la plupart des cas, l'organe emploié
	s'efforcat aussi, autant qu'il etoit possible,
	de figurer sa forme et son ïnflexion sur
	le modele de l'objet, pour mouler par la
	un son le plus ressemblant et le plus propre
	que la nature se trouvoit capable de
	fournir, pour le faire reconnoitre et le
	rappeller.
	S'agissoit il de donner des noms p. ex a des
	objets qui ne pouvoient etre caracterisés
	que par leur etat naturel ou de fixité ,
	ou de fluidité, ou de cavité, ou de rudesse 
	ou de douceur, l'homme pour les peindre
	fut naturellement porté a faire usage
	de l'organe ou le plus fixe, ou le plus mobile,
	oule plus creux, ou le plus rude, ou le plus
	doux, comme etant plus propre qu'aucun
	autre a rendre un son caracteristique de l'objet,
	<61v> et a fournir le nom le plus convenable
	pour le designer.
	Lors même qu'on ne put le caracteriser que
	par une circonstance etrangere, on suivit
	la même methode. On voulut donner un
	nom a la fleur, on s'arreta ala circons=
	tance de sa mobilité qui rend la tige fle=
	xible a tout vent, et on lui appliqua
	l'inflexion 1 mot biffure FL que la nature avoït
	fourni pour caracteriser les choses mo=
	biles et fluides. L'objet fut nommé flor
	fleur, all. blum, et la voix fit pour l'imi=
	tation ce qui etoit le mieux possible.
	Ainsi l'homme frappé de certains rapports
	d'analogie entre certaines formes de sons,
	et certaïnes classes d'objet caracterisés par
	telle ou telle modalité, fut conduit par
	la nature elle même, quoique plus sour=
	dement que dans les onomatopées, a cette
	voie d'approximation , qui le disposa,
	quoique d'après des analogies imparfaites
	et eloignées, a approprier certains sons
	a certaines classes de choses ou de manieres
	d'etre, comme etant les plus propres a les
	faire reconnoitre et distinguer.
	Souvent même l'homme se trouva reduit
	a la seule ressource de la comparaison.
	L'Esprit humain saisissant quelque ressem=
	blance entre un objet et un autre objet
	physique, entre un objet sensible et un
	autre non sensible, Intellectuel, moral,
	abstrait, fut conduit naturellement a
	emploier le nom deja imposé au premier
	pour designer le second, en sorte que
	celui la deja connu, put, a la faveur de
	cette translation, donner quelque idée de
	celui ci, a raison de cette analogie secrette et
	eloignée, qui avoit pu etre saisie.
	Ainsi quand il fallut distinguer des classes
	de fleurs, l'une fut appellée immortelle
	a cause de sa longue durée, et l'autre
	oeuillet par son rapport avec l'oeuil.
	<62> Quand on en vint a denominer les objets
	non sensibles, on fut contraint d'emploier
	a cela les mots deja attribués a des objets
	sensibles, et d'assigner au même mot di=
	vers sens, un sens primitif, physique, propre
	et un sens derivé, impropre, relatif a quel=
	que objet Intellectuel ou moral, qui pou=
	voit avoir quelque une certaine analogie 
	avec l'objet du premïer, et dela naquirent
	les tropes, les metaphores, les allegories &c.
	Ainsi l'homme pour peindre par la voïx
	les objets visibles sut emprunter de la voix toutes sortes de couleurs, de la durete
	meme
	ou de la douceur des sons, de la rapidité ou
	de la lenteur, du ton enfin et des accens
	qui en modifient l'expression. Il chercha
	jusques dans la correspondance de l'ouie
	avec les autres sens, dans certaines analo=
	gies des sons avec d'autres sensations, cer=
	taines couleurs imparfaites, grossieres,
	dont il fut forcé de se contenter au def=
	faut de plus expressives et plus fortement
	prononcées que la nature, avec toutes ses
	ressources, n'etoit pas capable d'accorder
	a ses desirs.
	Mais pour les objets ïnaccessibles a l'oreille
	par les sons, il eut toujours la ressource
	du dessin ou de la peinture presentée
	aux yeux, d'ou nacquit l'Ecriture.
	<62v> CHAPITRE X
	Des mots derivés et composés
	MOTS FORMES DES PRIMITIFS
	SELON LES DIRECTIONS DE LA NATURE.
	Des Elemens primitifs de la voix, effets naturels de
	causes données, des mots primitifs  radi=
	caux , signes naturels de ses perceptions
	primitives, l'homme par son ïndustrie,
	suivant les directions de la nature, et la
	Loi d'analogie, tira une foule de mots di=
	versement modifiés et combinés pour ex=
	primer les diverses modifications et com=
	binaisons de ses pensées, et leur nombre
	et leur varieté s'accrurent successivement
	pour fournir a des usages toujours plus
	nombreux et plus etendus, selon la pro=
	portion des nouveaux besoins qui pou=
	voient naitre des evenemens et des circons=
	tances nouvelles.
	Ainsi la nature qui avoit fourni les premie=
	res racines du Langage continua a deploier
	son influence dans le devellopement des bran=
	ches, en dirigeant l'industrie imitative de
	l'homme, et l'etendant de degré en degré par
	tous les moiens possibles. Partout elle laissa
	des traces de son operation dans la propa=
	gation du Langage et sa distribution en
	dïverses langues qui, quoique si dissem=
	blables au premier coup d'oeuil, sont encor
	reductibles a des principes communs que
	cette nature a fourni aux hommes des
	la premiere origine.
	Ainsi c'est avec bïen de la raison que nous
	1 mot biffure supposons l'existence d'un Langage naturel, organi=
	que, physique, necessaire, commun a
	tous les peuples, qui n'est la langue d'aucun,
	qu'aucun ne prattique dans sa simplicité
	primordïale, qu'aucun même ne connoit,
	mais dont tous sans le savoir, sans le soub=
	conner, possedent les germes primitifs, et qui,
	chès tous constitue le premier fond de
	leur Langue, quoique l'apparat immen=
	se dont il est chargé des accessoires dont
	<63> il est chargé, ne le laisse appercevoir qu'avec
	peine et par un très petit nombre de personnes.
	1 ligne biffure
	C'est de ce fond primordïal, et par une suite de
	procedés compris sous les noms de derivatïon et
	de composition, que s'est formé le systheme
	artificiel du Langage ou chacun des radicaux
	est devenu une tige d'ou sont parti diverses
	branches de mots, qui se sont etendus en ra=
	meaux, selon un devellopement suivi pas
	a pas, quoique par une infinité de routes,
	les unes directes, les autres obliques, transver=
	sales, dont le nombre, les varietés, et les di=
	vergences, ont rendu le fil genealogique des
	mots difficïlle a retrouver et a marquer.
	Neanmoins ces routes n'ont pas laissé d'etre
	tellement separées et suivies, que lorsqu'on
	prend la peine de les parcourir par une
	marche retrograde, on manque assès rare=
	ment d'etre ramené vers le centre commun
	d'ou elles s'etoient si fort ecartées, et ce ger=
	me ou tronc primitif, une fois trouvé, met en etat
	de reprendre les diverses branches, d'en
	suivre pied a pied les ramifications, et par
	la d'expliquer la naissance de chacun
	de leurs mots, en même temps que les chan=
	gemens qui ont pu le faire devoier au
	point quil semble quelquefois ne tenir
	plus a sa racïne, ni par sa forme ni par
	son sens actuel.
	Ainsi Le systheme fondamental du Lan=
	gage aiant été donné par la nature, il y a
	tout lieu de croire que le systheme accessoire
	dont celui la a été chargé, a participé aussi
	a cette même origine; et si la phantaisïe
	humaïne a eu si peu de part a la naissance
	des primitifs radicaux, on peut presumer
	qu'elle en aura eu beaucoup moins qu'on
	ne le croit communement, a la formation
	des derivés et des composés, qui ont tiré
	de ceux la laeur cause premiere de leur
	existence et de leur valeur.
	<63v> DERIVATION GRAMMATICALE ET
	PHILOSOPHIQUE
	D'un mot radical diversement modifié
	pour la forme materielle et la valeur,
	on a tiré de nouveaux mots qui conser=
	vent toute l'essence du premier sans etre
	les mêmes: on les a appellés derivés et
	leur generation a été nommée derivation.
	Ainsi une chose aiant recu un nom
	naturel et original, lorsqu'il ne fut ques=
	tion que d'exprimer l'action de la chose,
	ou sa qualité, sa maniere d'etre, son ter=
	me & ou les diverses modifications de la
	même idée, sans ajouter aucune nouvelle
	ïdée a celle ci, on ne fit que donner au
	mot primitif certaines modifications va=
	riées, entr'autres par l'addition de certaines
	Lettres a la fin qu'on a appellée terminai=
	son . Ces varietés peu a peu s'applique=
	rent a tous les primitifs, dans les mêmes
	cas, et pour exprimer les mêmes modifi=
	cations, selon certaines Loix constantes,
	d'ou resulterent toutes ces terminaisons
	caracteristiques qui forment, dans chaque
	Langue, le systheme de sa derivation Gram=
	maticale, dont l'usage est necessaire pour
	classifier les diverses especes de mots et
	mettre en regle les diverses parties du
	discours. Ainsi par ex. du primitif am
	expriment mere, tendresse, on fit am2 lettres tache
	am-aoi, am-ans, am-ator, am-or.
	Mais On avoit besoin d'un autre genre de
	ressources, lorsqu'il s'agissoit d'emploier
	le même mot primitif pour presenter
	la même idée principale, mais accompa=
	gnée de quelque autre idée accessoire qui
	en devint l'appendice, ou pour retracer quelque
	objet particulier, ou pour en varier, en
	etendre ou en resserrer l'application. Alors
	il fallut apporter au primitif une autre
	sorte de modification, par l'addition ou
	l'insertion de nouveaux Elemens, de
	<64> nouvelles syllabes; d'ou resultoit un
	nouveau mot enté sur le premier, et qui
	sans 2 mots biffure detruire ni le fond ni la signi=
	fication de celui ci, signifioit aussi en
	même temps la nouvelle modificatïon
	ideale qu'il s'agissoit d'ajouter a la premiere.
	C'est ce procedé qu'on a appellé la deriva=
	tion philosophique ou derivation propre=
	ment dite. Ainsi de A exprimant 2 mots biffure respi=
	ration ont été derivés αω, αζω, ανω res=
	pirer, αημα, αετυς, αωτον, ασμα,
	2 mots biffure souffle vent, halo, haler, exhaler,
	1 mot biffure, ahaner, ατω, ατμος, vapeur,
	ανεμος, animus αυρος aura,
	αυλος -η aula &c.
	Cette derivation  a été divisée en materïelle,
	qui 1 mot biffure tombe que sur des changemens sur=
	venus au materiel d'un mot, et ïdeale,
	qui ne tombe que sur les changemens survenus
	au sens, lorsqu'un mot, sans changer de
	figure, a passé d'un sens a l'autre.
COMPOSITION.
	Lorsqu'on voulut donner des noms a cer=
	taines combinaisons d'objets ou d'idées, on
	chercha a saisir certains traits de ressem=
	blance avec quelque objet deja nommé
	pour tirer du nom de ce dernier, quelque
	nom propre a exprimer cette combinai=
	son. Ainsi pour exprimer cette vertu
	attractive qu'on communique a certains
	corps par le frottement, on a saisi le rap=
	port de ce phenomene avec la proprieté
	de la pierre d'ambre appellé Electrum,
	et on en en tiré le mot Electricité.
	Mais dans la plupart des cas pareils on prit
	le parti de rassembler les noms deja assi=
	gnés aux objets combinés, assès significatif
	pour faire connoitre par lui même la natu=
	re de cette nouvelle combinaison. Ainsi
	<64v> les Grecs eurent dans leur Langage une mul=
	titude de composes, τραγωδια, κωμωδια.
	Dela ches les Latins, suovetaurilia &c, chès
	nous parapluie, paratonnere &c.
	Cette ressource industrieuse d'ou naquit un
	nouveau Systheme de multiplication des
	mots, a ete appellée composition dans
	laquelle, aussi bien que dans la derivation,
	les hommes ont toujours suivi les impulsions
	de la nature d'aussi près qu'il leur a été possible.
CLEF DE L'ETUDE DES LANGUES
	Il suit de ce qui vient d'etre dit qu'on ne peut
	faire avec quelque succès l'etude des Langues
	sans s'attacher a demeler partout l'influence
	et l'opertation de la nature, pour les ramener,
	toutes a leur fond commun et primïtif, 1 mot biffure
	qui doit repandre un jour si lumineux et
	si 1 mot biffure sur chacune d'elles. Ainsi si une
	fois on est parvenu a connoitre les premiers
	principes de la Theorie generale du Langage
	il ne faut jamais les perdre de vüe, et en faire
	une application continuelle. Tout l'art peut
	se reduire a ces trois points 1° s'instruire des
	primitifs radicaux et communs considerés
	comme autant de troncs qui ont poussé
	chacun une foule de branches 2° etudier
	ce que sont devenus ces primitifs, ou com=
	ment les branches se sont propagées sur
	chaque tronc, et la marche generale de deri=
	vation et de composition qu'on a suivie pour
	tirer de ceux la des familles immenses de
	mots. 3° se rendre bien familieres les pre=
	mieres causes de derivation avec le devello=
	pement de leurs effets, et voir comment cette
	derivation a passe du physique a l'Intellec=
	tuel, au moral; distinguer partout l'influ=
	ence de la nature sur cette marche et sur ses
	progrès; de celle qu'a pu avoir la volonté
	humaine et les usages particuliers aux divers
	peuples; ce qui apprendra a saisir le Systheme
	commun a toutes les Langues, et ce qu'il peut y
	avoir de particulier a chacune d'elle.
	<65> En faisant l'etude et l'application de cette Theorie,
	on ne sauroit entrer, jen conviens, dans le
	detail de tous les accessoires particuliers que
	chaque peuple a pu ajouter au fond pri=
	mordial, car pour cela il faudroit passer
	toutes les langues en revue, ce qui est im=
	possible; on est forcé ici de prendre les Lan=
	gues en bloc, considerées comme reducti=
	ble a une Langue commune, et 2 mots biffure de se
	borner a appliquer aux mots principaux la double
	methode, de l'analyse pour remonter des
	derives et composés aux primitifs, et de la
	synthese pour redescendre des primitifs
	aux derivés et composés. Mais de cette double
	methode emploiée dans l'instruction de
	vive voix ou par ecrit, resulte la plus bril=
	lante lumiere qui nous montre par=
	tout comment la physique, et la meta=
	physique naturelle de l'esprit humain,
	se sont reunies pour s'amalgamer
	en quelque sorte avec le Langage et la
	Grammaire, qui portent partout l'em=
	preinte des procedés que les hommes ont
	constamment suivi dans la formation,
	le devellopement et l'analyse de la pen=
	see. 3 mots biffure
	LANGAGE D'ACTION TOUJOURS COMBINE
	AVEC LE LANGAGE PARLE.
	C'est ainsi que le Langage parlé est venu
	suppleer au Langage d'action mais il
	ne la point aneanti. Jamais les hommes
	n'ont cessé d'emploier ce langage naturel
	pour accompagner la parole et 1 mot biffure en aug=
	3 mots biffure 4 mots biffure
	menter l'impression. Le premier Langage
	parlé fut si borné que les hommes pour
	se faire entendre, se virent toujours obli=
	gés d'ajouter aux paroles beaucoup de
	mouvemens significatifs, et de soutenir
	la conversatïon par un melange continuel
	de gestes figurés et d'actions. Il est vrai
	<65v> que la necessité de cet aïde devint toujours
	moïns pressante a mesure que le Langage
	parlé s'etendit et se perfectiona: mais ce
	qui n'etoit plus soumis a la Loi ïmperieu=
	se du besoin, continua a etre prattiqué
	par coutume et par gout, et surtout
	parmi les orientaux toujours attachés
	a une forme de conversatïon si assortie
	a leur naturel vif et ïmpetueux, qui se
	plait a tout ce qui est mouvement et
	image.
	On ne sauroit nier que le Langage parlé
	ne soit bien preferable au Langage d'action
	dès qu'il s'agit d'enoncer avec precision des
	idees abstraites, composées, ou des situations
	compliquées. Mais cela n'empeche pas que
	le Langage d'action ne soit encor de la plus
	grande utilité dans le discours 1 mot biffure
	pour rendre celui ci plus ïntelligible, lui
	donner une plus grande energie, et suppleer
	même a diverses circonstances interessan=
	tes que la parole ne peut pas toujours ex=
	primer exactement. Ne voit on pas tous
	les jours combien le geste et le coup d'oeuil
	ajoutent a la clareté du discours? Sou=
	vent on ne comprend bïen un orateur
	que quand on peut le fixer, et s'il a dans
	l'exterieur une certaine expression, on
	le comprend lors même qu'on ne l'entend
	qu'a demi.
	C'est d'ailleurs un fait constant que toutes
	les Langues ont cherché a rapprocher
	du plus au moins le discours de la rapidi=
	te de la pensée, en supprimant autant
	de mots que possible, et laissant au
	Langage d'action le soin de suppleer
	dans le discours ces frequentes ellipses;
	elles ont même supposé la concomitan=
	ce du geste dans divers mots dont la
	valeur ne seroit pas toujours entendue
	sans cet accompagnement, 2 mots biffure
	<66> 2 lignes biffure tels
	que les Demonstratifs, Indicatifs, Exclamatïfs.
	Il est vrai que les Langues different entr'elles
	quant au plus ou moins d'expression quelles
	ont laissé au Langage d'action; plus elles
	lui ont abandonné, et plus celui ci a gagné
	du côté de la vivacité et de l'energie.
	Les Langues des nations sauvages sont
	pauvres; elles manquent surtout de
	termes abstraits. Mais ces peuples toujours
	animés d'un sentiment vif et promt qui
	accompagne une imagination ardente,
	ont un Langage ou tout est tableau et
	image, et au deffaut de termes, ils supple=
	ent par la modulation, les accens, le
	regard, les gestes et les mouvemens: rien de
	plus animé et de plus expressif que leurs
	discours.
	Avec des langues assès riches, plusieurs
	peuples ont beaucoup donné au Langage
	d'action, sans autre raison que de satis=
	faire par la leur gout pour l'imitation
	et la peïnture, et d'augmenter l'agrement
	et l'interet de leur discours. Ainsi mal=
	gré les richesses des leurs Langues, 1 mot biffure les
	2 mots biffure orientaux aimoient a se faire
	entendre sans elles. Tout chès eux etoit
	appareil, gestes, symboles, signes muets;
	il ne falloit pas d'autre Langage aux
	Rois, aux Magistrats, aux Generaux,
	pour etre obeit. Vouloient ils exprimer
	vivement une chose, ils ne la disoient pas,
	ils la montroient, ou ils la rendoient par
	signes, et sur le champ elle etoit com=
	prise et servie. Ce même gout s'est con=
	servé encor en Chïne, dans la Perse
	la Turquie &c.
	Il est vrai que Ches les Europeens, le Langage
	d'action a beaucoup perdu de son usage
	et de son energie, a proportion que le
	<66v> Langage parlé leur a fourni plus de
	ressources pour se faire entendre avec preci=
	sion; mais cela n'empeche pas qu'il ne soit
	toujours plus ou moins emploié en subside,
	pour donner au discours plus de chaleur,
	d'interet et même de clarté: c'est en quoi se
	distinguent surtout les Italiens.
OBSERVATIONS
	Tout ce que nous avons dit jusques ici
	sur l'origine et la formation du Langage
	parlé ne sont 1 mot biffure que les faits generaux 2 mots biffure
	4 lignes biffure
	que l'Anthropolo=
	gie peut offrir sur
	lhomme parlant.
	Les details qui
	concernent la forma=
	tion du Langage
	sont reservés pour
	les parties que nous avons  appellées Glossologie, Etymologie, Lexico=
	logie. Et quant a l'art Grammatical
	qui a distribué les mots en diverses classes, et
	assigné a chacune un rôle 1 mot biffure
	dans le discours, avec une place qui en
	rend l'arrangement regulier, nous en
	1 mot biffure parlerons 1 mot biffure au long dans
	la partie appellée Grammatologïe.
	De ce que nous avons dit des ïnfluences de la
	nature sur la formation des mots, il ne faut
	pas en conclure qu'ils ont du etre tous des
	peintures exactes des objets telsqu'ils sont en eux
	mêmes: car cela supposeroit que les hommes
	ont eu, dès les premiers temps, une connoissance
	parfait de tout, ce qui est absurde. Les hommes
	n'ont jamais pu peindre les objets que d'après
	leurs apparences exterieures, leurs qualités sen=
	sibles, leurs effets, d'après leurs propres jugemens
	et souvent d'après leurs prejugés; mais comme
	il y a eu chès les premiers hommes une assès
	grande uniformité dans leur façon de voir
	et de juger des objets qui pouvoient les interes=
	ser tous, cette uniformité a due naturelle=
	ment les conduire a une assès grande unifor=
	mité dans l'expression, et 3 mots biffure
	l'emploi des signes les plus propres a se faire
	entendre mutuellement.
	<67> Il ne faut pas non plus en conclure que
	l'homme dans la formation du Langage ait
	constamment suivi la route tracée par la
	nature. Il a pu faire des ecarts lors même
	qu'il vouloit et croioit la suivre; car com=
	bien d'inadvertances et de bevües n'a til pas
	pu laisser echapper le fil qui devoit lui ser=
	vir de guide pour 1 mot biffure elever cet edifice,
	et celui ci une fois fondé, combien n'a til pas
	pu y apporter d'embaras et d'alterations
	dans sa construction qui peuvent rendre difficille la recherche
	des premiers fondemens, quoique ceux ci
	subsistent toujours.
	Trois choses ont concouru a la formation
	des mots, les objets, les idées, et les sons; mais
	ces trois principes de formation ont pu eprou=
	ver des divergences dans le Systheme de la
	derivation et de la composition, par une suite
	de leur disparité de nature et d'influence; car
	pendant que la voix a derivé de son en son,
	l'Esprit de son côté a pu deriver d'idée en idée,
	et de la sont nées beaucoup de locutions peu
	analogues dans leur valeur a leur premiere
	origine, 2 mots biffure et des la même, beaucoup d'opinions
	bisarres 1 mot biffure enfantées par l'empire que ces
	1 mot biffure façons de parler ont pu prendre sur l'Esprit hu=
	main, qui n'est que trop accoutumé a 1 mot biffure confon=
	dre les mots pour avec les choses mêmes; ce que
	nous montrerons plus en detail dans l'Ety=
	mologïe.
	En examinant comment l'Intelligence humaïne
	est parvenue a faire usage de l'instrument
	vocal, nous comprenons aussi qu'elle n'a pas
	pu toujours le guider a son gré, que dans
	divers cas, elle s'est vue comme entrainée par
	les proprietés de l'instrument qui souvent lui
	même se trouvoit forcé de ceder aux influ=
	ences des objets, et que de la il a pu resulter
	des procedés de derivation peu concordans
	avec le train ordinaire; qu'enfin l'homme
	entrainé par quelque impression etrangere
	a pu se laisser aller a l'usage de certains
	mots <67v> difficillement reductibles a leurs primitifs.
	Mais il est connu aujourdhui que ces cas
	n'ont pas été si frequens et que 1 mot biffure par une
	analyse industrieuse et un peu approfondie,
	on peut pour le plus souvent vaincre les
	embaras et retrouver le vrai fil qui ramene
	aux premieres origines.
CONSEQUENCES
	De ce qui a été dit on peut tirer les consequen=
	ces suivantes.
	1. La regle fondamentale que la nature a
	presenté aux hommes dans la formation des
	mots, c'est qu'ils representassent les choses aussi
	bien que possible. Il y a en effet dans les mots
	une verité comme il en est une dans les idées: les
	hommes ont du chercher l'une aussi bïen
	quel'autre, et la verité qu'ils ont du chercher
	dans les mots, c'est qu'ils fussent aussi bien as=
	sortis que possible a la nature des choses, ou
	plutot aux idées qu'ils s'en formoient. De
	la vient que l'art de deriver les mots confor=
	mement aux choses nommées fut appellée
	Etymologie , nom appliqué dans la suite
	a la connoissance vraie des mots et de leur
	derivation, en remontant aux primitifs.
	2. Les Langues sont donc l'ouvrage de la
	nature, dont les hommes, lors même qu'ils
	ont emploïé l'art ont suivi generalement
	l'impulsion et les modeles.
	3. Rien de plus merveilleux que le mechanis=
	me de la parole et quoique simple et borné
	dans les elemens, il est si compliqué dans
	ses combinaisons, et ses effets, il est d'un usage
	si etendu, qu'on ne sauroit presque
	assigner de borer a la perfection dont
	il seroit susceptible.
	<68> CHAPITRE XI.
	Du Langage ecrit, et des divers genres d'E=
	criture.
	ORIGINE PRIMITIVE ET ELEMENS NA=
	TURELS DU LANGAGE ECRIT.
	La reunion de l'objet, de la pensée et du son
	pour former la parole, devient une operation
	plus admirable encor quand l'homme, pour
	parler aux yeux, emploiat des caracteres
	visibles, qui rappelloient tout a la fois l'ob=
	jet, l'idée et le son, en donnant a celui ci une
	sorte de visibilité permanente, tout invisi=
	ble et passager qu'il soit en lui même.
	L'homme n'eut jamais pu imaginer tout
	acoup ce moien de transporter et de fixer
	sa parole hors de lui  et loin de lui; com=
	ment par une simple meditation concevoir
	seulement la possibilité d'un art 1 mot biffure destiné a pre=
	senter a ses yeux les objets du son? Par
	combien de degrés n'a til pas du passer
	pour s'elever a cette sublime pensée?
	Les premiers germes du Langage ex=
	primé en caracteres visibles furent aussi
	naturels que ceux du Langage parlé.
	La voix avoit fait tout ce qui etoit en
	son pouvoir pour transmettre a l'oreille
	des sons autant que possible analogues
	aux choses que l'homme avoit a nommer.
	Mais un ïnstrument acoustique devenoit
	insuffisant dès qu'il s'agissoit de peindre
	des choses qui ne peuvent affecter que la
	vue. L'homme avoit donc encor besoin de quelque
	moien mechanique pour parler aux yeux;
	il le trouva dans sa main, cet ïnstrument
	si flexible, auquel aïnsi qu'a l'instrument
	vocal, il doit principalement ses prerogatives
	2 mots biffure. Avec ce secours, il pu exprimer
	les choses qu'il ne pouvoit signifier par le
	son; il figura les objets a la vüe, ou par le
	geste, ou en tracant leur image, et dans cette
	1 mot biffure voie ouverte pour transmettre ses idées
	<68v> la nature le guidoit encor, en lui sug=
	gerant des procedés simples et imitatifs
	des objets.
	Ainsi le premier pas qui fut fait dans cette
	carriere, 5 mots biffure fut la delineation grossiere de la
	1 lgne biffure
	1 mot biffure
	figure même des objets. Cette figure, recon=
	nue a chaque fois qu'elle etoit presentée
	etoit toujours emploiée a rappeller l'objet
	depeint. On donnoit a celui ci un nom
	qu'on appliquoit egalement a la figure
	et a l'objet pour que ces trois choses ser=
	vissent a se rappeller l'une l'autre.
	Lorsqu'il s'agissoit de faire connoitre a
	quelqu'un un objet qu'on ne pouvoit peïn=
	dre a l'oreille, ni mettre actuellement sous
	ses yeux, il eut été fort inutile de donner
	a la chose inconnue un nom quelconque
	qui n'eut jamais pu servir a en reveiller
	l'idée: pour lui appliquer utilement
	un nom, il falloit faire preceder quelque
	connoissance de cette chose par quelque
	image que l'on put se retracer, car alors
	seulement on pouvoit lier l'objet et l'image
	a un son pour que celui ci en devint un
	signe revocatif, et quoique dans ce cas, un
	signe conventionel eut pu servïr a cet u=
	sage, les hommes cependant furent tous
	conduits par la nature a emploier des sons
	plus ou moins analogiques avec les objets quils
	avoient a rappeller.
	Ainsi dans l'Ecriture, comme dans la parole
	tout tendit d'abord a l'assimilation avec
	l'objet, et le caractere ecrit ne put même etre
	emploié a rappeller le son vocal correspon=
	dant, qu'autant qu'il rappelloit premiere=
	ment l'objet en vertu de quelque analogie
	sensible avec lui, ce ne fut même que ce
	commun effort d'assimilation avec l'objet
	qui produisit cette union intime de l'objet,
	de l'idée, du son et de la Lettre, qui a été la 1 mot biffure
	cause primitive pour laquelle l'Ecriture est devenue
	a la fin le signe immediat des sons.
	<69> Mais Les hommes ne se bornerent pas a pein=
	dre aux yeux ce qu'ils ne pouvoient peindre
	aux oreilles; ils s'etudierent peu a peu a
	peindre aussi les objets même que la voix
	retracoit deja a l'ouie par les sons vocaux.
	Nous ne pouvons parler ici des premieres
	origines de l'Ecriture que d'après ce grand
	principe, que dans tous leurs procedés, les
	hommes ont constamment pris la nature
	pour maitre et pour guide: d'ou nait
	cette consequence, c'est que l'Ecriture unie
	au Langage parlé par des rapports si inti=
	mes, a du naitre et se develloper comme
	celui ci par une suite d'operations paral=
	leles, et une marche commune que la
	nature elle même leur a tracée; verité
	confirmée par la grande analogie qu'on
	observe entre les procedés de l'homme
	ecrivant, et ceux de l'homme parlant
	pour peïndre sa pensée, et les phenomenes
	qui annoncent tant d'affinïté dans les
	premieres origines du Langage et de
	l'Ecriture .
	Par Ecriture nous entendons ici tous les
	moiens ou procedés que l'industrie humai=
	ne a ïntroduit pour 1 mot biffure reveiller l'idée
	des objets par quelques caracteres sensi=
	bles aux yeux.
	ECRITURE REPRESENTATIVE PAR
	PEINTURES ISOLEES
	Les premiers elemens de cet art furent des
	dessïns grossiers des objets qu'on vouloit signi=
	fier; mais c'etoient des peintures isolées , sans
	aucune suite destinée a reveiller une liaison
	de pensées. Ce genre d'Ecriture a été en usage
	<69v> ches tous les anciens peuples, 3 mots biffure et dans un tel concours, on ne
	3 mots biffure
	sauroit meconnoitre l'operation de la nature
	deploiant une ïnfluence 1 mot biffure uni=
	forme. Ainsi ce fut l'usage partout de
	signifier le soleil par un cercle radieux,
	la lune, par un croissant, les eaux, par des
	courrans ondoiés, la vüe par la figure d'un
	oeuil, le feu, par une fumée ascendante,
	la guerre, par deux mains l'une tenant un
	arc, l'autre un bouclier, la chasse, par
	un homme armé et une bete morte a ses
	pieds, &c. La vüe de chaque figure reveil=
	loit l'idée de l'objet depeint, et la voix ap=
	pliquoit au caractere tracé le son par
	lequel elle avoit nommé l'objet. Telle
	fut l'Ecriture representative  la plus ancien=
	ne. Elle est encor l'Ecriture de ces peuples
	grossiers qui n'ont jamais pu s'elever au
	dessus des sens, ni atteïndre a aucune de ces
	combinaisons que la culture a introduites
	chès les autres. Les sauvages de la Magel=
	lanique et les Patagons n'en ont jamais
	connu d'autres.
	ECRITURE REPRESENTATIVE PAR
	PEINTURES SUIVIES
	Les peuples sortis jusques a un certain point
	de cette barbarie 3 mots biffure stupide ou
	sont restés les precedens, sont parvenus a
	faire des peintures suivies destinées a figu=
	rer une suite de choses connexes, mais sim=
	plement representatives ou imitatives,
	sans aucune signification symbolique;
	on a appellé cela Ecriture in rebus .
	Ainsi les Iroquois et autres tribus de l'Ame=
	rique septentrionale font grand usage de
	cette Ecriture figurative pour representer
	leurs operations guerrieres. Sont ils en course,
	ils depouillent de leur ecorce les arbres qu'ils
	trouvent sur leur chemin, et ils dessinent
	sur le tronc des figures composées, dont le
	resultat est un discours suivi destiné a in=
	former leurs partis dispersés, de leurs projets
	<70> du lieu ou ils vont, de la route qu'on doit
	prendre pour les joindre &c.
	Les Mexicains plus civilisés faisoient de cette
	même Ecriture un usage plus etendu. Ils
	avoient composé des especes de livres qui re=
	presentoient l'histoire, la succession, les con=
	quetes de leurs Rois, le tout rangé dans un
	ordre chronologique; on y voioit des pro=
	ductions naturelles du pays, les revenus de
	chaque contrée, et les tributs qu'elle payoit.
	D'ailleurs on n'y distinguoit que des images
	d'objets sensibles, sans aucune liaison de
	syntaxe, et celles qui subsistent encor seroient
	inintelligibles, si la traddition n'avoit conser=
	vé l'explication qui en fut donnée par les
	naturels du Pays. Ce genre d'Ecriture etoit
	absolument en deffaut des qu'il falloit
	exprimer quelque idée Intellectuelle,
	morale, abstraite &c. On l'a appellée
	Mexicaine.
ECRITURE FIGURATIVE A LA PERUVIENNE
	Les Peruviens emploierent une mechanïque
	plus ïndustrieuse, consistant en memoriaux
	faits de cordelettes chargées de noeuds et de
	fils de differente couleur, qui etoient au=
	tant de signes artificiels dont la valeur
	revocative dependoit de l'association de ces
	signes avec differentes idées relatives aux
	divers objets qui pouvoient les interesser et
	qui, par l'ensemble de leur combinaison,
	tenoient lieu de registres, d'histoire, de
	Loix, de ceremonies, de comtes d'affaires
	publiques, de taxes d'impots, de tributs
	de denombremens &c.
	Ces memoriaux s'appelloient quipos, de
	quipu, nouer, noeud, et ce mot signifioit
	aussi le comte même fait par le moien de ces
	noeuds. Ces Quipos etoient commis a des
	personnes publiques appellées quipu camayce
	qui etoient chargées d'office de les tenir en
	bon ordre, d'en rendre comte chaque année
	et de s'en servir pour expliquer tous les objets
	<70v> historiques, politiques ou religieux, qui
	pouvoient etre de consequence pour la na=
	tion ou pour les familles.
	Cette formule sïnguliere d'Ecriture figura=
	tive 1 mot biffure et non ïmitative, paroit avoir été
	connue des anciens Egyptiens puisqu'on en
	a decouvert des traces sur leurs obelïsques,
	ou elle se trouve melangée avec les figures
	de l'Ecriture representative. On en trouve
	aussi chès les Chinoïs qui se sont conservées
	dans leur plus ancien livre appellé I-King.
	Cette Methode d'abord appliquée a nom=
	brer, s'etendit sans doute peu a peu a d'au=
	tres usages ou elle ne pouvoit etre que très
	defectueuse. Elle est pour le fond la même
	que celle de ces colliers  faits de coquillages
	de differentes formes et couleurs que les
	sauvages emploient pour conserver la me=
	moire de la substance de leurs traités et
	qu'ils se livrent mutuellement dans leurs
	negotiations de paix ou d'alliance. Les
	negres de Guida se servent encor d'artifi=
	ces a peu près semblables.
ECRITURE SYMBOLIQUE.
	Des que les hommes sentirent le besoin
	d'exprimer les objets non sensibles, ils penserent
	a faire servir les figures a signifier non
	seulement les objets visibles qu'elles represen=
	toient, mais encor divers autres non suscep=
	tibles d'etre peints, qui pouvoient avoir avec
	les premiers quelque rapport plus ou moins
	sensible, et en cela ils suivirent une methode
	d'approximation et de comparaison tout
	a fait analogue a celle qu'ils avoient deja
	suivie dans la formation de leur Langage
	parlé. Tout ce que la nature et la necessité
	avoïent suggeré aux hommes pour mettre
	les objets a portée de l'ouie par les sons, leur
	fut suggeré pareillement pour re1 mot biffurepresenter les
	objets aux yeux par les caracteres tracés:
	la marche et les procedés de lEcriture furent
	adaptés a ceux du Langage parlé; d'ou vient
	<71> que ces derniers peuvent encor repandre
	un si grand jour sur les premiers, lorsque
	nous prenons la peine de les en rapporcher.
	Ainsi le gout allegorique qui avoit été in=
	troduit dans le langage parlé, dut naturel=
	lement passer dans le langage ecrit. Ainsi
	un même caractere reçut differentes signi=
	fications correspondantes aux dïverses signi=
	fications d'un même mot; il eut un sens
	primitif, propre, physique, et un sens deri=
	vé, impropre, relatif a un objet Intellectuel
	et Moral.
	Et comme on a appellé symbole  une chose
	sensible destinée a en signifier une autre
	non sensible, en vertu de quelque analogïe
	qu'il peut y avoir entr'elles, ces caracteres
	dela ont été aussi appellés symboles, sym=
	boles allusifs, allegoriques, et le genre dEcri=
	ture qui les a emploiés a recu le nom de
	symbolique, comme devant rappeller par
	ses figures des objets tout differens de ceux
	qu'elle presentoit aux yeux.
PLUS ANCIENNE QUE L'ALPHABETIQUE.
	Chès tous les peuples anciens, Egyptiens,
	phoeniciens, Ethiopiens, Indiens, Scythes
	Etrusques, &c. l'Ecriture figurative sym=
	bolique ou allegorique preceda toujours
	l'introduction de l'Ecriture Alphabetique.
	4 mots biffure. Les monumens
	l'attestent et la nature des choses le montre.
	Tous C'est un principe incontestable que
	tous les arts ont été a leur naissance ïm=
	parfaits, et qu'il a fallu toujours beaucoup
	de temps pour en amener les operations a
	un certain degré de precision et de netteté.
	D'apres ce principe, et a en juger par la
	diffusion, l'embaras, les bornes et tous les
	deffauts de l'Ecriture symbolique, on voit
	que celle ci doit etre née bien longtemps avant
	<71v> l'Ecriture Alphabetique qui reunit tous les avan=
	tages, et dont l'invention suppose de grands pro=
	grès dans les arts. Ou est l'homme qui dans les
	temps primitifs eut pu concevoir l'idée de retra=
	cer les signes vocaux les plus nombreux et les
	plus variés, avec un très petit nombre de carac=
	teres presentés aux yeux? Non l'esprit humain
	ne fait pas dès l'entrée de si grands pas. On au=
	ra commancé par emploier des ïmages pour
	retracer les objets sensibles et rappeller en même
	temps les noms appellatifs qu'on leur avoit assi=
	gnés. On s'avisoit peu a peu de fixer par des figu=
	res la valeur des noms attribués aux choses
	qui ne tombent pas sous les yeux, comme des
	qualités, modalités, et lidée vint assès naturel=
	lement de les exprimer par des figures d'objets
	visibles, d'anïmaux ou l'on observoit que ces
	qualités ou modalités etoïent dominantes; par
	ou ces figures devinrent les expressions d'objets
	generaux et abstraits. Plus les peuples acque=
	roïent de connoissances, plus ils furent contraints
	d'etendre l'usage de leur Ecriture figurée en la
	detournant, par une espece de derivation, a des
	significations ideales, qui ne pouvoient avoir
	qu'un rapport très éloigné avec les objets visibles;
	souvent même ils en faisoient des applications
	beaucoup plus detournées encor, et fondées
	uniquement sur leurs prejugés; il arrivoit
	meme 1 mot biffure frequemment que la même figure servoit
	a marquer divers objets qui n'offroient que
	peu ou point de rapport entr'eux et avec l'objet
	figuré, presenté aux yeux. Mais pour 1 mot biffure donner
	quelque idée de cet ancien genre d'Ecriture
	et de son imperfection, nous allons 1 mot biffure presenter
	quelques echantillons de symboles adoptés
	par les anciens peuples, qui passerent du Lan=
	gage parlé au Langage ecrit, tirés du corps
	humain, des animaux, des choses même
	inanimées.
<72> DIVERS SYMBOLES ANCIENS
	Ainsi la figure d'un coeur designoit les affec=
	tions - les objets de ces affections - le milieu
	d'un Pays, ou un pays nouricier de ses voi=
	sins. Le symbole de l'Egypte fut un coeur
	placé au dessus d'un encensoir, comme
	si ce pays eu été au centre du monde et le
	nourricier de tous. Par un prejugé semblable
	les chïnois ont appellé leur Pays Chum
	cad. le milieu, 1 mot biffure a quoi repond aussi le nom
	chine, de sin, coeur. 3 mots biffure. Un
	coeur suspendu a un gosier signifia aussi
	la franchise.
	L'oeuil ouvert fut le symbole de l'attention
	de la vigilance, de la deffense, de la protection,
	de l'observation de la justice.
	Une langue et un oeuil, ou une Langue et
	une main furent les symboles du discours,
	parce que la langue y fait le principal office,
	et que le second est rempli ou soit par la main qui
	gesticule, soit par l'oeuil qui demele les ob=
	jets ou qui les signifie par l'expression de
	ses mouvemens.
	A la main on associa les idées de puissance
	d'action, de protection: a la main droite
	avec les doigts etendus, celle d'abondance,
	a la gauche fermée, celle d'oeconomie et
	d'epargne.
	Un homme lancant des fleches representoit
	un tumulte, une sedition populaïre.
	Un homme mangeant etoit le symbole d'une
	heure 2 mots biffure parce qu'on prend ses repas
	a des heures reglées.
	Un homme a mi-corps tenant une epée nue
	exprimoit la cruauté, le caractere impitoiable.
	Deux pieds marchant sur les eaux signifioient
	l'impossibilité de faire quelque chose.
	Un vieillard pâle et livide etoit le Symbole
	dela mort; dans la suite, ce fut le Squelette
	armé de la faulx qui emporte tout, et du clepsi=
	dre image du temps qui detruit tout.
	<72v> Le Lion peignoit au sens figuré le courage
	la force, la fierté, la vigilance, l'exactitude; au
	sens metonymique, le soleil vigoureux d'été,
	ame de l'agriculture, la terre qui resiste aux
	travaux du Laboureur, la victoire que celui ci
	remporte sur elle.
	Le Boeuf fut le symbole de l'Agriculture,
	la corne celui de la force et de l'abondance.
	Les animaux consacrés aux signes du
	zodiaques furent aussi vraisemblablement
	dans l'origïne des caracteres symboliques rela=
	tifs aux divers travaux de l'agriculture qui
	se succedent dans les 12 mois.
	Le crocodile designa l'impudence et toutes
	sortes de mechancetés.
	Un serpent replié en cercle fut le symbole
	de l'eternité.
Tout oiseau designa la vitesse.
Le Milan toutecequi est promt et subit.
	Un Pelican, l'amour paternel, l'imprudence par=
	ce que lorsqu'on allume du feu autour de
	son nid, il y va bruler ses ailes, et ne peut
	plus après cet accident, echapper au chasseur
	qui le poursuit.
	Un Epervier signifioit Dieu, hauteur, pro=
	fondeur, excellence, sang, victoire, ame et
	coeur. Ces deux derniers sens etoient la suite
	d'une equivoque, parce que le nom de l'epervier
	etoit Baieth qui sembloit composé de Bai
	ame et eth coeur: ainsi pour exprimer une
	ame vigoureuse, et par allusïon au nom, on
	emploia 2 mots biffure la figure de l'Epervier.
	Un Vautour signifioit mere, vüe, borne,
	connoissance de l'avenir, année, ciel, pitié.
	La Tourterelle etoit le symbole de l'amour
	conjugal.
	Un Escarbot signifioit fils unique, naissance,
	frere, monde, homme.
	La mouche a miel, figuroit un Roi qui doit foin=
	dre la douceur a l'aiguillon qui le rend redoutable.
	<73> La Mouche ordinaire marquoit l'impudence;
	la Fourmi la penetration, la souris la des=
	truction, la chauve souris la foiblesse d'un
	homme qui entreprend quelque chose au des=
	sus de ses forces, parce que cet animal veut
	voler sans avoir de veritables ailes.
Deux corneilles peignoient le mariage.
	Une grenouille reveilloit l'idée d'avorton,
	parce que cet animal n'a pas tous ses mem=
	bres devellopés au moment de sa naissance.
	Differentes têtes d'animaux caracterisés par
	telle qualité ou tel deffaut furent ajustées
	au corps humain, pour marquer qu'un
	homme etoit aussi caracterisé par telle qua=
	lité ou tel deffaut.
	Des figures d'animaux remarquables par
	telles qualités, servoient aussi d'expressions
	symboliques correspondantes aux noms
	adjectifs qui designoient ces qualités.
	Le gout pour les symboles allegoriques fut
	porté si loin que les objets sensibles eux mê=
	mes furent presentés par quelque caractere
	symbolique. Le monde fut representé par
	un oeuf, la Lune par la tête d'un Taureau,
	ou par un Cynocephale, figure a tête de
	de chien.
	La même figure
	servit a peindre plu=
	sieurs objets phy=
	siques a la fois;
	ainsi l'oeuf fut
	le symbole dela
	crea monde et
	de sa creation, du
	mouvement du
	soleil dans l'ovale
	du zodïaque, de
	la generation
	des Etres qui en
	etoit regardée
	comme la suite
	naturelle, du
	grand principe
	premier d'ou
	le grand tout
	procede; d'ou
	vint le respect
	religieux pour
	l'oeuf chès tous
	les anciens peu=
	ples, les offran=
	des d'oeufs pratti=
	quées au comman=
	cement de l'année
	c.a.d. lequinoxe
	du Printemps, dou
	sont venus nos
	oeufs de Paque. 
	Souvent on melangea plusieurs Symboles
	en un seul pour en composer une figure
	monstrueuse, un centaure, un Sphinx &c.
	qui 1 mot biffure exprimoit une idée Intellectuelle
	très compliquée.
	1 ligne biffure
ARRANGEMENT DES SYMBOLES.
	Chaque Symbole avoit sa signification
	a part; mais ordinairement les figures
	etoient rangées par ordre sur des lignes pour
	exprimer une phrase ou discours suivi:
	dans ces cas, le sens de chaque figure, lorsqu'elle
	etoit susceptible de diverses significations,
	etoit determiné par son rapport avec l'en=
	semble, tout comme c'est par l'ensemble d'une
	phrase que nous determinons le sens de
	<73v> chacun des mots dont elle est composée. Ce
	qui donnoit pour cela quelque facilite c'est
	que le Langage ecrit avoit été calqué assès
	generalement sur le langage parlé, autant
	que la chose etoit possible. Dela vient qu'en=
	cor aujourdhui la meilleure clef pour l'in=
	telligence des monumens seroit la connois=
	sance exacte de la valeur des noms qui cor=
	respondoient a chaque Symbole et de leurs
	diverses acceptions: le même art par lequel
	nous decouvrons dans chaque phrase le vrai
	sens d'un auteur, serviroit a dechiffrer les
	suites les plus nombreuses de caracteres sym=
	boliques que les monumens nous offrent.
	Ches les Egyptiens les colonnes, les obelisques,
	les murs des temples et des palais, les tom=
	beaux furent chargés de ces symboles, et
	par leur industrieuse disposition onetoit
	parvenu a exprimer d'une maniere assès
	intelligible ceque l'histoïre, la politique, la
	Legislation, la morale pouvoient offrir
	d'interessant.
INCONVENIENS DE CETTE ECRITURE
	Cette methode Symbolique ouvroit, sans
	doute, un champ d'expression beaucoup
	plus vaste que la simple Ecriture figurée.
	Mais a combien d'inconveniens n'etoit elle
	pas necessairement assujetie par l'espace et
	le temps qu'elle exigeoit, l'embaras et la lon=
	gueur de l'execution, et la difficulté toujours
	inseparable de cette methode pour la suivre
	exactement et la saisir. Nous voions aussi
	par le recueil hieroglyphique de Horapollon
	parle V. livre des Stromales, de Clement Ale=
	xandrin et quelques autres auteurs, que
	les anciens peuples, et surtout les Egyptiens
	donnerent dans les plus etranges abus dela
	formule Symbolique. Car non content
	d'exprimer les choses par des allusions faci=
	les a saisir, ils prirent leurs figures dans
	des sens tout a fait detournés et eloignés,
	qu'on pourroit appeller Enigmatiques. 1 mot biffure
	<74> Ces sens etoient puisés, il est vrai, la plupart
	dans l'histoire naturelle, mais une histoire
	presque toute fabuleuse, fondée sur des
	prejugés populaires, et suivant une mau=
	vaise methode de deduire les analogies.
	Comme ces causes etoient d'une influence
	generale sur toute une nation, de tels sens,
	quoique peu conformes a la verité, pou=
	voient très bien etre saisis de tous, et il fal=
	loit bien que cela fut, puisqu'on les em=
	ploioit dans les monumens publics destinés
	a retracer au peuple des faits connus dont
	il importoit de conserver le souvenir.
	Cependant pour en conserver l'intelligen=
	ce de ces monumens, pendant un certain
	long temps, on fut obligé encor d'emploier
	le secours de l'instruction, de l'explication
	tradditionelle qui servoit a rappeller, d'une
	generation al'autre, tous les dïvers sens
	qu'on avoit attachés aux caracteres sym=
	boliques, selon les occasions ou on les avoit
	appliqués.
	3 mots biffure Des la il etoit inevitable que ce se=
	cours venant tot ou tard a manquer,
	l'Ecriture symbolique devïendroit a la fïn inin=
	telligible pour le peuple. D'ailleurs a force
	de multiplier les Symboles, de les compli=
	quer, de les composer d'un assemblage mys=
	terieux de choses sans liaison sensible, ou
	deleurs proprietes les moins connues, ou des
	rapports les plus difficilles a saisir ou a
	verifier, l'enigme de ces Tableaux dut
	necessairement devenir de jour en jour
	plus obscure; et a chaque pas, on se trou=
	va embarassé pour demeler si ce qu'on
	voioit etoit ou une Ecriture simplement
	figurée, appellée curiologique  ouune
	Ecriture Symbolique, ou enfin une Ecriture
	Enigmatique  plus compliquée encor,
	et alaquelle de ces trois formules chaque
	figure devoit etre rapportée.
<74v> ECRITURE HIEROGLYPHIQUE
	Instruits par l'experience des inconveniens
	de l'ancienne Ecriture, les peuples deploierent
	ala fin leur ïndustrie pour en simplifier les
	formes, en rendre les procedés plus expeditifs,
	jusques a ce qu'ils arriverent, comme nous
	le dirons cy après, a l'Ecriture Alphabetique,
	dont les avantages etoient trop sensibles
	pour ne pas leur meriter la preference sur
	la precedente, et leur inspirer même, pour
	celle ci, un degout qui a la fin s'etendit jusques
	a leur en faire oublier les premiers elemens.
	Dès que cette Ecriture Alphabetique fut
	devenue l'Ecriture vulgaïre, la Symbolique
	cessa entierement de l'etre; et les Pretres seuls
	s'appliquerent ala conserver en l'emploiant
	pour les choses sacrées auxquelles des expres=
	sions antiques et mysterieuses ne pouvoient
	qu'etre favorables.
	Depuis cette revolution, les Symboles furent
	appellés Hieroglyphes  c.a.d caracteres sa=
	crés, et l'Ecriture Symbolique fut appellée
	Hieroglyphique.
	Ces Hieroglyphes furent destinés a conser=
	ver le souvenir non seulement des objets de
	culte, mais encor de ceux d'agriculture,
	d'arts et de sciences, de Morale, de Legislation
	et de Polïtique. Par la les Pretres devinrent
	1 mot biffure les arbitres des choses sacrées, 1 mot biffure les
	depositaires de la clef des connoissances, et
	de l'instruction publique; ils deciderent même
	arbitrairement de tout ce qui devoit etre
	3 lettres biffureinscrit sur les monumens pour etre trans=
	mis a la posterité. Dès la ils ne manquerent
	pas de faire respecter cette Ecriture comme
	sacrée, et de se prevaloir de ce respect aveu=
	gle pour couvrir d'un voïle imposant les
	objets quils ne vouloient pas divulguer,
	crainte de les avilir.
	<75> Dans les temps ou l'Ecriture Symbolique
	etoit encor vulgaire, la difficulté d'exprimer
	ses pensées par cette Ecriture, avoit deja
	beaucoup exercé le genie des Pretres pour
	rechercher dans les proprietés des Etres na=
	turels des rapports nouveaux qui pus=
	sent fournir de nouveaux Symboles; c'e=
	toit même chès eux la plus grande preuve
	de penetration que d'avoir pu enrichir
	le Langage de quelques formules Symbo=
	liques souvent singulieres, et plus diffi=
	cilles encor a saisir qu'a ïnventer. Mais
	des qu'une fois l'Ecriture Litterale eut fait
	abandonner au peuple la Symbolique,
	et que celle ci lui fut devenue etrangere, alors
	les Pretres furent dans le cas de s'en occuper
	plus que jamais et une partie considera=
	ble de leur Doctrine fut l'intelligence de
	cette ancienne Ecriture. Ils ne la reveloient
	même que dans leurs Temples et aux person=
	nes de leur ordre; les etrangers en etoient
	exclus, et Pytagore, quoique recommandé
	par Polycrate Tyran de Samos, eut
	beaucoup de peine pour y etre admis.
	De cette Ecriture en usage chès les Egyptiens
	il ne nous en est resté que 2 mots biffure ce qui se trouve encor sur des obelisques, des simulachres, des
	1 mot biffure
	canopes ou vases sacrés, des envellopes de
	Momies, et quelques murs des Temples
	d'une haute antiquité. Mais il nous est
	très difficille d'en apprecier la valeur. L'ex=
	plication de l'Ecriture Hieroglyphique
	etoit restée entre les mains des Pretres
	seuls, qui dans les siecles posterieurs
	ne la connurent même plus que par une
	traddition considerablement defigurée.
	Cette traddition, il est vrai, ne s'est entierement
	perdue que lors de l'invasïon des Arabes
	en Egypte, mais elle n'est point parvenue
	jusques a nous par la faute des anciens
	Docteurs Chretiens qui l'ont mal a propos
	negligée et meprisée.
	<75v> Mais ce ne sont pas les Egyptiens seuls qui
	ont fait usage de l'Ecriture Hieroglyphi=
	que. Cassiodore pretend qu'ils la tenoïent des
	chaldeens: selon d'autres, ils la devoient aux
	Ethiopiens; mais n'auroient ils pas pu arriver
	a cette methode par eux mêmes? Au rapport
	de Diodore, les Ethiopiens avoit deux
	sortes de Lettres, les sacrées ou royales, les au=
	tres vulgaires. Les Phoeniciens emploioient
	aussi pour caracteres des figures d'animaux,
	que Philon de Biblos appelle Lettres Ammo=
	nienes, parce qu'elles etoient en usage dans
	le fameux Temple du Soleil appellé
	Ammon. On parle aussi de l'Ecriture sacrée
	des Babyloniens. Les Hierophantes, chès
	les Grecs, conservoient aussi un caractere
	mysterieux, different du vulgaire. Les
	caracteres allegoriques ont été 1 mot biffure de même en
	usage chès les Scythes, les Thraces; les peu=
	ples Septentrionaux, et les Armeniens ont
	conservé aussi encor des Lettres figurées très curi=
	euses. Suivant clement d'Alexandrie, l'E=
	criture Symbolique a été repandue chès
	toutes les nations qui n'etoient pas absolu=
	ment barbares, quoiqu'elles n'eussent pas de
	liaisons les unes avec les autres; ce qui
	prouve que cette methode d'Ecriture est
	tres naturelle a l'homme et la plus an=
	cienne.
	Observons que cette Ecriture, dès que l'usage
	de l'Ecriture Alphabetique en eut detruit
	l'Intelligence parmi le peuple, dut devenir
	naturellement une source très feconde
	d'erreurs. Les allegories ecrites aïant
	passé au Langage parlé sans y etre entendues;
	ce qui n'etoit que Symbole fut bientot meta=
	morphosé en Etres reels: tout fut personifié,
	les parties de la nature, les objets relatifs,
	ideaux, moraux; d'ou naquirent les Cosmo=
	gonies, les Theogonies, les fables Mythologiques
	avec tout le cortege du Paganisme.
<76> ECRITURE EXPEDITIVE
	Les embaras de l'Ecriture figurée et Sym=
	bolique, font presumer que pendant qu'on
	n'en connut point d'autre, on n'ecrivoit
	que rarement, pour des objets ïmportans,
	et d'ordinaire sur des matieres dures ou
	la gravure etoit fort peinible. Mais quand
	la multiplicité des objets eut mis les hom=
	mes dans la necessité d'ecrire plus souvent
	alors ils se virent comme forcés d'abreger
	les Symboles, et de les reduire a des traits
	beaucoup moïns nombreux. Ainsi au
	lieu de dessiner les figures en plein, on se
	borna a en tracer les contours avec la
	plus grande abbreviation que possible.
	Par cette methode, on introduisit une es=
	pece d'Ecriture expeditive , ou courante
	dont l'usage fut trouvé si commode qu'on
	chercha a en simplifïer toujours de plus
	en plus les esquisses. Mais parla les pein=
	tures devinrent si tronquées qu'elles ne
	conserverent presque plus de ressemblance
	avec l'objet qu'elles devoient representer dans
	l'origine: on peut en juger par la reduc=
	tion des figures des 12 signes du zodia=
	que. Les Ecrivains ïnstruits saisisserent
	toujours bien a la vüe le sens de chaque
	figure reduite, et cela pouvoit leur suf=
	fire, comme il suffit encor aux chinoïs
	pour lire leur ecriture, qui s'est conservée
	sur cet ancien plan figuré.
	Ces croquis de figures devinrent comme
	autant de Clefs qui retracoient aux yeux
	exercés des objets correspondant a des
	noms dans le Langage parlé. Avec le temps,
	on ajouta entre ces figures certains traits
	legers, dïsposés d'une certaine maniere,
	pour exprimer des idées relatives ou abstrai=
	tes qui ne pouvoient l'etre par la figure
	d'aucun objet sensible.
	Cette methode preferable aux precedentes
	pour la facilité et l'expedition, offroit
	<76v> neanmoins encor de grands embaras quelle
	tenoit toujours de son origine, et de la neces=
	sité ou elle mettoit d'emploier un très grand
	nombre de caracteres, pour suffire a la
	multitude d'objets qu'on avoit a examiner.
ECRITURE CHINOISE.
	Malgré cela elle ne laissa pas de se conser=
	ver longtemps, et elle s'est même maïntenue
	dans l'usage vulgaire, chès des peuples très
	policés, tels que les chinois, qui peignent
	encor aux yeux les objets même dela pensée,
	par l'emploi d'un certain nombre de figures
	radicales, appellées clefs, dont ils modi=
	fient chacune par des varietés sans nom=
	bre pour en faire autant de signes divers
	correspondans a aux objets de leurs diverses pensées.
	La plus ancienne Ecriture chinoise
	fut une Ecriture representative des ob=
	jets même; mais leurs figures furent aussi
	emploiées de bonne heure comme symboles.
	A côté de cela, ils eurent aussi l'usage des
	cordelettes nouées, et Fohi, diton, y subs=
	titua des caracteres ecrits formés par la
	combïnaison de plusieurs lignes droites
	et parallelles, les unes entieres, les autres
	brisées, pour representer les noeuds: de la
	l'Ecriture appellée Kova, dans laquelle
	fut ecrit le livre appellé I-King, dont
	l'intelligence est perdue.
	Suivant les Chinois, leurs caracteres an=
	ciens exprimoient la nature même des
	choses, et ils la determinoient en marquant
	1 mot biffure les rapports de certaines choses avec
	d'autres mieux connues; cette Ecriture
	fut tout a la fois curiologique et Sym=
	bolique, mais toujours etablie sur un
	fondement Physique.
	On s'appliqua de très bonne heure a abre=
	ger les figures, et a la fin tout fut reduit
	a des traits grossiers ou les objets peints ne
	sont plus reconnoissables. Ainsi a l'Ecriture
	<77> primitive pittoresque succeda celle qui don=
	na les caracteres degenerés queles chinois
	ont appellée Tschoangtée. Ils chercherent
	dès lors a etendre et perfectioner celle ci, et 12
	siecles avant nôtre Ere, elle avoit deja eté,
	disent ils, portée au plus haut point de devel=
	lopement. En variant la methode de
	reduction, ils ont même introduit l'usage
	de 3 sortes d'Ecritures abregées qu'ils em=
	ploient dans l'impression et dans les ecrits
	d'expedition courante.
	Les 80000 caracteres qui forment le corps
	entier de l'Ecriture chinoise sont tous com=
	posés des Clefs sïmples qui, par leur reunion
	diversifiée, 1 mot biffure devinrent autant de Tableaux
	correspondant a des idées composées. Dans
	ces combinaisons, il y a une analogie
	qui en fait deviner le resultat parla con=
	noissance qu'on a des traits simples, et
	cette analogie correspond a l'analogie
	de derivation et de composition de nos
	mots, qui en applanit lintelligence pour
	ceux qui connoissent la valeur des monos=
	syllabes primitifs, lesquels ont ceci de
	commun avec les clefs chinoises, qu'ils
	ne sont pas en bien grand nombre, et
	qu'ils correspondent comme celles ci, au
	petit nombre d'idées simples qui ont occu=
	pé les hommes, et qu'ils ont donné naissan=
	ce a des familles inombrables.
	On ne comte que 214 clefs chinoises pri=
	mitives independantes, dont chacune a sa
	signification determinée et separée:
	on 1 mot biffure croit même quelles pourroient
	etre reduites a un plus petit nombre, 1 mot biffure si
	1 mot biffure on n'y faisoit entrer que celles qui sont
	vraiment elementaires.
	Pour se former une idée de l'Ecriture Chi=
	noise il faut concevoir
	1° que les caracteres y sont les signes immed=
	diat des idees ou objets, et nullement des mots
	<77v> 2 mots biffure du Langage parlé correspondant
	a ces objets, et qu'ainsi c'est une Ecriture
	reelle et non verbale.
	2° qu'il n'y a dès la aucun rapport institué
	entre les caracteres et les sons, et que pendant
	que chès nous B. et A prononcés ensemble
	donnent le son BA, chès les chinois, deux
	traits a chacun desquels, lorsqu'on voudra
	les lire, correspondra tel et tel son de la
	Langue parlée, si on veut les reunir, pour
	les prononcer ensemble, seront rendus
	par un son, qui n'aura rien de commun
	avec les precedens.
	3 Qu'ainsi les diverses nations dela Chine
	qui se servent des mêmes caracteres, lors=
	qu'il s'agit de les lire, les prononcent toutes
	avec differens sons particuliers et propres
	au dialecte de chacune, en y attachant
	neanmoins toutes le même sens qu'on y atta=
	ché en les ecrivant, en sorte que toutes com=
	prennent egalement bien la même Ecriture
	sans que l'une entende rien a la lecture
	qu'en fait l'autre, comme cela pourroit
	avoir lieu parmi les Europeens par rap=
	port aux caracteres numeraux.
	Les chïnois distinguent dans leur Ecriture
	six manieres de peindre.
	1° par image, ou peinture imitative des objets
	naturels; s'il y a plusieurs repetitions l'une
	a côté de l'autre cela exprime collection; deux
	arbres signifient un bosquet, trois une foret.
	2 par indication, ou apposition tantot d'une image
	a côté de celle de quelque objet pour signifier
	ce qu'on en veut dire; ainsi une bouche a
	côté d'un chien exprime l'aboiement; tantot
	d'un symbole a côté d'une 2 mots biffure image;
	ainsi le Symbole joie avec l'image de bouche,
	signifie rire; tantot d'un Symbole a côté d'un
	autre Symbole: ainsi le Symbole peu a côté
	de force, exprime foiblesse.
	<78> 3° par jonction ou reunion de deux carac=
	teres pour exprimer ce quils ne signifient
	ni l'un ni l'autre: ainsi le caractere expri=
	mant cequi est petit, placé au dessus de
	celui qui exprime ce qui est grand, indique
	un objet pyramidal.
	4 par explication de son: ainsi si le carac=
	tere sïmple d'un son a côté d'une figure
	sert a caracteriser l'objet par le son qu'il
	rend.
	5° par metaphore c.a.d. l'emploi d'un ca=
	ractere detourné a un sens tout different
	de son sens naturel, un sens allegorique, ironique &c.
	6 par devellopement qui consiste a etendre
	le sens primitif d'un caractere, pour en faire
	un verbe, un adverbe &c.
	Les chinois ne se sont servi comme les
	Egyptiens, de figures dessinées d'une maniere
	franche, que dans les grands monumens
	ou l'espace et le loisir ne leur manquoient pas,
	et ils ont emploié la reduction et le rappetissement
	des figures dans les autres cas. C'est cette
	reduction qui souvent a rendu les Hieroglyphes si
	difficilles a reconnoitre pour les modernes, et
	leur a fait prendre 4 mots biffure
	pour Hieroglyphes differens des carac=
	teres qui n'etoient que des nuances du même;
	ce qui les a conduit a en grossir si prodigi=
	eusement la liste.
CONCLUSION.
	Ainsi l'ecriture, comme la parole, ne fut dans
	sa premiere origine qu'une peinture imi=
	tative des objets. Les premiers caracteres
	simples, furent pris dans la nature et cor=
	respondirent, non aux mots primitifs, mais
	aux objets exprimés par ces mots. L'Ecriture
	primitive fut calquée sur les procedés
	suivis pour la formation du Langage;
	ses caracteres comme les mots furent pris
	au sens propre et au figure, et les caracteres
	<78v> radicaux furent aussi emploiés a l'expres=
	sion des diverses parties du discours, selon
	les occurences. A mesure que l'usage
	de l'Ecriture se repandit, les figures eprou=
	verent des degradations par lesquelles les
	premieres formes ne purent plus etre
	reconnues qu'au moien d'une compa=
	raison suivie entre les caracteres des
	differens ages. C'a été enfin la marche
	que l'Ecriture a suivie chès tous les peu=
	ples qui ont été assès civilisés pour en
	faire un usage habituel et commun,
	autant de resultats de ce qui a été dit, et
	des plus importans pour remonter a l'ori=
	gine de l'Ecriture Litterale et Alphabe=
	tique.
	<79> CHAPITRE XII.
	De l'Ecriture Litterale ou Alphabetique
	INSUFFISANCE DES ECRITURES ANCIEN=
	NES FIGUREES.
	L'ancienne Ecriture figurée etoit absolu=
	ment insuffisante des qu'il s'agissoit de
	peïndre des actions compliquées, des objets
	combinés, melangés, des changemens suc=
	cessifs de qualités et de rapports, mais sur=
	tout d'exprimer les notions generales et
	les operations de l'ame humaine. Elle
	n'avoit qu'une liaison indirecte avec le
	Langage parlé pour en rappeller les mots,
	et sa lecture dès la ne pouvoit etre que très
	difficille. Elle demandoit autant de
	peïntures que d'objets et ne pouvoit qu'of=
	frir trop d'embaras pour etre appliquée a
	tous les besoins de la vie humaine, sur=
	tout chès les peuples policés. Les connois=
	sances s'etant progressivement etendues,
	il fallut encor multiplier sans cesse les
	mots et les caracteres figurés, et quelque
	soïn qu'on prit de faire servir le même
	1 mot biffure caractere a designer diverses choses, il n'en
	etoit pas moins necessaire de les multi=
	plïer et varier encor selon toute la di=
	versité des modifications ideales. Et de
	la devoit necessairement resulter le
	plus grand embaras ainsi que la plus
	grande confusion dans toute la marche
	Intellectuelle et Grammaticale, et une
	source intarissable d'ecarts en tout
	genres, qui ne pouvoitent qu'eloigner les
	hommes du chemin de la verité.
ECRITURE LITTERALE.
	De si grands inconveniens firent penser
	a la recherche de quelque methode moins
	embarassante, et d'un usage plus etendu,
	et enfin après bien des tentatives, on com=
	prit que rien ne seroit plus commode
	qu'une Ecriture liée immediatement
	avec le Langage parlé, et qui seroit
	<79v> la representation des sons même prononcés.
	On comprit encor que comme les sons vocaux
	dont tous les mots sont composés, etoient en
	fort petit nombre, on pourroit representer
	ces elemens même par un nombre egal de
	caracteres litteraux dont la combinaison
	portant aux yeux tous les divers mots que
	la voix articulée porte aux oreilles, rappel=
	leroit en même temps a l'Esprit les idées ou les
	objets même exprimés par ces mots, mais
	d'une maniere ïnfiniment plus aisée et plus
	promte que cela n'eut jamais été fait par
	des dessins figurés. Comment eneffet ima=
	giner une methode moins embarassée et
	d'un usage plus etendu? d'autant plus admi=
	rable que par son moien on peut parler
	non seulement aux yeux, mais même
	encor aux oreilles, par une lecture rapi=
	de, en prononcant sur le champ le son
	articulé, rappellé par chaque mot ecrit,
	invention sublime, parlaquelle l'homme
	est parvenu a reunir en un seul point,
	deux choses naturellement très disparates,
	l'ecriture qu'on voit et la 1 mot biffure parole qu'on en=
	tend.
NEE PROGRESSIVEMENT.
	Il seroit difficille de comprendre comment
	les hommes auroient pu renoncer tout a
	coup a leur ancienne methode d'ecriture
	puisée dans la nature elle même, pour lui
	en substituer une nouvelle litterale, si celle
	ci n'etoit qu'une methode d'institution ar=
	bitraire, conventionelle, et subitement in=
	ventée par quelque particulier. Qui igno=
	re que les hommes demeurent toujours
	fort attachés a leurs anciens usages,
	qu'ils ne peuvent en changer qu'a la lon=
	gue, qu'il est très difficille d'introduire
	chès les peuples de nouvelles methodes,
	pour les choses même qu'on est appelle a
	reiterer sans cesse, et lors même qu'on de=
	demontre <80> clairement leur grande supe=
	riorité a tous egards sur toutes les metho=
	des reçues. Les Chinois n'en fournissentils
	pas une preuve bien marquée dans la
	preference qu'ils donnent encor a leur Ecri=
	ture, dont ils sentent bien les embaras, sur
	lEcriture des Europeens, dont ils connoissent
	bien tous les avantages.
	L'introduction de l'Ecriture Alphabetique
	ne peut absolument s'expliquer que par
	deux faits generaux incontestables. Le pre=
	mier, c'est que tous les peuples anciens ont
	commancé par l'Ecriture figurée. Le 2e
	c'est que les caracteres Alphabetiques n'ont
	ete dans leur premiere origine que des
	caracteres choisis et pris parmi les carac=
	teres figurés. D'ou il suit que l'Ecriture
	Litterale nacquit originairement de la
	figurée, non par un saut promte et brus=
	que, mais par une suïte de changemens
	qui s'introduisirent dans l'Ecriture primitive,
	et qui produisirent deux effets generaux, ou
	nous trouverons la difference essentielle de
	l'Ecriture Litterale par rapport a la figurée.
	CARACTERES DISTINCTIFS DE L'ECRITURE
	LITTERALE.
	Le premier effet fut la reduction des anciens
	caracteres au plus petit nombre possible, et
	l'art de les combiner en tout sens. Les chinois
	ne purent porter la reduction qu'a 214 clefs.
	Les autres nations sont parvenues a redui=
	re tout a une 20e de caracteres; ce qui a
	rendu leur Ecriture d'une execution aisée
	et rapide, et a rapproché le nombre des
	Elemens ecrits de celui des Elemens vocaux
	auxquels ils devoient correspondre.
	Le 2e effet general, et qui a decidé le passa=
	ge a l'Ecriture litterale, a été l'habitude quon
	a prise d'associer chaque figure qui servoit
	d'image pour representer l'objet, avec le son
	vocal qui correspondoit aussi au meme objet
	en telle sorte que cette figure, en rappellant
	<80v> l'objet ne pouvoit, par une suite de l'associa=
	tion, que rappeller le son même, tout comme
	le son a son tour, en rappellant l'objet, ne
	pouvoit aussi que rappeller le caractere.
	C'a été cette association mutuelle de la
	figure avec le son par l'entremise de l'objet,
	qui a servi de fondement a l'Ecriture Lit=
	terale ou chaque caractere correspond
	a un son primitif qui etoit originaire=
	ment le signe d'un objet; et c'est la cequi
	en fait le caractere propre et essentiel qui
	la distingue daujourdhui de l'Ecriture
	chinoise dont les caracteres n'ont rien de
	commun avec les sons.
	Ainsi par ex; le son O fut originairement
	le signe vocal de l'admiration, de la joie,
	de la lumiere qui inspire l'une et l'autre,
	du Soleil d'ou elle vient, de l'oeuil qui la recoit.
	Le caractere 1 mot tache O servit a representer
	l'oeuil, le soleil; que dut il arriver natu=
	rellement de la? c'est que chaque fois qu'on
	prononcoit O on se rappelloit l'oeuil ou
	le soleil; chaque fois qu'on voioit le caracte=
	re O on se rappelloit le même objet, et
	dela on fut conduit, par cette association,
	chaque fois qu'on prononcoit le 1 mot tache son, a se
	rappeller le caractere, et 1 mot biffure chaque fois qu'on
	voioit celui ci, a se rappeller du son, et il en resul=
	ta une liaison permanente de l'une avec
	l'autre de ces Elemens, lun prononcé et l'autre
	ecrit. Il en fut de meme de tous les autres.
	Telle fut l'origine de l'Ecriture Alphabetique.
ECRITURE SYLLABIQUE
	Certains peuples s'aviserent de conserver
	autant de caracteres primitifs qu'il en
	falloit pour exprimer tout a la fois dans
	chaque cas et le son vocal et la consonne
	associée, pensant peut etre que cette unité
	de caractere donnoit plus de facilité
	<81> pour trouver les Elemens qui se corres=
	pondent l'un a l'autre. Cette Ecriture com=
	posée d'autant de caracteres que ces nations
	ont de combinaisons usitées d'articulations
	et de voielles et ou chaque caractere est le
	signe d'une Syllabe, a été appellée Syllabi=
	que. Tell'est l'Ecriture des Tartares, des
	Ethiopiens, des Siamois et de quelques
	autres peuples de l'Inde.
	Il est evident que cette methode ne differre
	dela Litterale que parla multiplicité des
	caracteres qu'elle exige, car pour en avoir
	le nombre, il faut multiplier chaque conson=
	ne par le nombre des voielles qu'elle fait son=
	ner, et celui des voielles par celui des con=
	sonnes que chaque voielle peut appeller après
	elle, ce qui monte aun nombre très conside=
	rable; d'ou il suit que cette methode ne fait
	que multiplier très inutilement les caracteres,
	fatiguer la memoire, jetter de la confusion
	dans l'Ecriture et même dans l'Esprit.
ECRITURE CONSONIQUE
	Quelques nations ont preferé de neglier
	dans l'Ecriture les voielles comme pouvant
	etre facilement suppléés, et en se bornant
	aux caracteres consoniques, n'ont emploié
	qu'un seul caractere pour chaque Syllabe.
	Mais chacun sent combien cette Ecriture
	pouvoir avoir d'inconveniens.
ECRITURE ORGANIQUE
	La plupart des peuples ont etabli des
	caracteres separés pour chacune des voiel=
	les et des consonnes, et se sont mis en etat
	par le moien de combïnaisons variées a
	l'infini, d'exprïmer avec autant de facilité
	que de precision, toutes les Syllabes et tous
	les mots. Les mêmes traits etant emploies
	et repetés par tout ïndifferemment, il n'en
	faut qu'un petit nombre pour ecrire une
	infinité de mots, et exprimer en peu de temps,
	dans un petit espace, une infinité didées avec
	toutes leurs modifications et leurs nuances.
	<81v> Ces caracteres detachés ont été aussi appel=
	lés organiques parce qu'ils correspondent a
	tous les sons organiques. L'Ecriture qui
	les emploie a été aussi appellée organique
	et Alphabetique, de Alpha, Beta qui
	chès les Grecs furent les noms des deux pre=
	miers caracteres indiqués dans leur liste
	appellée Alphabet. Et parce qu'ils avoient été
	substitués aux grands caracteres Symbo=
	liques. Les Romains les appellerent litterae,
	lettres  1 ligne biffure ou petits caracteres;
	1 ligne biffure d'ou vient que 
	1 mot biffurel'cette Ecriture a été appellée
	aussi Litterale.
OBSERVATIONS
	Tel a été le devellopement successif de l'art
	d'ecrire, depuis son commancement le plus
	grossier, jusques au point de perfection ou
	il s'est fixé; art qui a tant ïnflué sur le
	systheme de la derivation, sur les progrès du
	Langage et ceux de l'Esprit humain. Sa
	gradation a été assès analogue a celle
	du Langage parlé; en voici l'echelle,
1° peintures ou images ïsolées;
2° peintures suivies, ïn rebus;
3° caracteres symboliques, Hieroglyphiques;
4° Traits reduits ou Clefs;
5° caracteres significatifs des Syllabes;
	6° Lettres detachées, organiques, repondant
	a chaque son primitif; Alphabetiques;
	1 mot biffure ou Ecriture 1° Patagone, 2° Mexicaine,
	3° Egyptienne, 4 Chinoise, 5 Siamoise,
	6° Europeene, ou Litt Alphabetique.
	Deces 6 ordres, les deux premiers se rapportent
	aux objets exterieurs, les deux suivans, aux
	idées interieures, les deux derniers, aux sons
	et organes vocaux.
	Les 4 premiers appartiennent a l'ecriture fi=
	gurée qui indïquent ce qu'il faut penser; les
	deux derniers au genre d'ecriture organique
	qui indiquent ce qu'il faut prononcer. Le
	premier de ces genres, emploie la vüe des objets
	<82> pour en rappeller le nom, l'autre fixe la vüe
	sur le nom des objets pour en reveiller l'idée.
	Ces 6 formules d'Ecriture peuvent se reduire a trois,
	la figurée, la Symbolique et la litterale.
	La figurée ne repond a la pensée que parle
	sens exterieur, et ne suffit qu'a lhomme dont
	la perception est bornée aux objets sensibles.
	Dès que lhomme veut communiquer des
	idées non sensibles, il faut qu'il recourt a
	la peinture de l'objet qui les a fait naitre ou
	de quelque objet analogue: voila l'Ecritu=
	re Symbolique qui repond a la pensée
	par le sens interieur. Dès que L'homme ne
	peutil plus etablir de rapport entre l'idée
	non sensible, et quelque quelque objet exterieur
	ou veut il melanger ses perceptions et les
	combiner, alors il lui faut une Ecriture
	repondant a la pensée reflechie et aux
	mots qui l'expriment, une Ecriture litterale.
	De la diversité des Ecritures on a pu aussi
	tirer un caractere distinctif des Langues
	entr'elles; les unes, dont l'Ecriture n'est
	faite que pour la vüe, les autres dont les
	caracteres peuvent par la lecture etre de=
	ferés au sens de l'oreille. Chacune se
	ressent encor de son institution originelle,
	et en examinant la fabrication de ses
	mots, on peut demeler si l'usage du peu=
	ple qui l'a introduite, deferoit plus ala
	voix qui peïnt les objets a l'oreille, ou
	a la main qui en retrace les images
	aux yeux.
ORIGINE DE L'ECRITURE ALPHABETIQUE
	Nous appellons l'ecriture proprement dite l'art de tracer
	les Lettres et les assembler pour en former
	des mots et les presenter a l'oeuil d'une
	maniere claire et nette, exacte et facile
	a saisir. Nous avons supposé que les
	Elemens de cet art ont été puisés dans la
	nature: mais on nous objecte que l'Ecri=
	ture a varié prodigieusement chès les di=
	vers peuples, et que cet art n'a été et n'est
	<82v> encor connu que de quelques uns, pendant
	que tous sans exception font usage de la pa=
	role. A cela nous opposons la grande confor=
	mité qu'on decouvre entre les Alphabets des
	diverses Langues, lorsqu'on les rapproche et
	les compare, en les rapportant a un Alpha=
	bet qui tienne le milieu entre les plus anciens
	et les plus recens, comme a un terme moien.
	Nous ajoutons que l'art de l'Ecriture Littera=
	le a du naturellement demeurer inconnue
	a des peuples qui n'en avoient nul besoin
	tels que les Tribus errantes, qui ne vivent
	que de chasse, et de pêche et de proie, qui
	s'inquietent aussi peu de l'avenir que du
	passé, qui ne s'occupent ni d'arts ni de
	sciences, et qui n'ont pas même d'objets de
	proprieté a mettre en regle d'une maniere
	fixe et durable.
	Voulons nous remonter aux premieres ori=
	gïnes de cet art, cherchons les chès les peu=
	ples qui les premiers ont du en sentir l'indis=
	pensable necessité, les peuples civilisés, les
	natïons agricoles ou commercantes, atta=
	chées a un sol, formées en Societés regu=
	lieres, pourvues de ressources assurées, et
	avides de multiplier leurs objets de proprieté
	et de jouissance. La les proprietaires appellés
	a soumettre au calcul diverses combinaisons
	d'interets, a former des plans de culture,
	d'oeconomie, de trafic, a tenir un comte
	exact de leurs operations, de leur depense et
	de leur recette, engagés d'ailleurs dans une
	multitude d'affaires de detail relatives a leur
	existence civile, autant d'objets qui deman=
	doient a etre enregistrés d'une maniere beau=
	coup plus exacte et sure quils n'eussent jamais
	pu l'etre dans la memoïre, La, disje, 1 mot biffure les
	hommes ont du etre comme necessités d'in=
	venter, ou de recevoir d'ailleurs, une Ecriture
	aisée et expeditive, qui les mit a portée de
	prendre promtement en note, et de se rappeller
	<83> sans effort, tous les objets qui pouvoient les
	interesser. Dela vïent que l'Ecriture litterale,
	dès les temps les plus anciens, fut repandue
	chès les Chaldeens, les Phoeniciens, les Egyp=
	tiens; 1 mot biffure et de la ensuite chès les autres peu=
	ples, a mesure qu'ils se policerent par l'agri=
	culture, le commerce et les arts. Dela vient
	aussi que les Egyptiens associerent toujours
	a l'invention de lEcriture celle de 2 mots biffure
	l'Agriculture et celle de l'Astronomie,
	qui fut souvent confondue avec lEcriture
	parce qu'elle consistoit aussi en certains
	caracteres ou signes qui peignoient les
	cieux comme lEcriture peint la parole;
	c'est pour cela que Thaut fut celebré
	comme inventeur de l'Ecriture et du Calen=
	drier, deux choses regardées comme in=
	timement liées entr'elles.
	USAGES. MATERIAUX. INSTRUMENS
	DE L'ECRITURE
	Nee d'abord du besoïn de suppléer au Langage
	parlé; l'Ecriture fut aussi appliquée bientot
	a divers usages, pour rendre la pensée
	comme presente et sensible a ceux a qui
	la distance des lieux ou des temps ne per=
	mettoient pas de voir et d'entendre ceux
	qui en avoient eté les premiers auteurs.
	Dès les temps les plus anciens les hommes
	avoient compris la necessité de transmettre
	ala posterité le souvenir des evenemens im=
	portans, et de 1 mot biffure destiner a cela cer=
	tains monumens  assès durables pour pas=
	ser a une longue suite de generations; un
	boïs planté, un autel dressé, un monceau
	de pierres elevé, un nom donné a un lieu,
	une fête etablie pour rappeller et celebrer un
	fait, tels furent les premiers moiens consa=
	crés a l'ïnstruction de la posterité.
	Tout ce qui ne pouvoit etre ainsi exprimé
	etoit reduit en poësies, qu'on faisoit appren=
	dre par coeur aux enfans, en leur recomman=
	dant d'en faire de meme par rapport a
	leurs descendans.
	<83v> L'instruction tradditionelle venoit au
	secours pour en apprendre la valeur et le
	sens, et le detail des faits auxquels ils avoient
	rapport.
	Tout cela se retrouve encor chès les peuples
	sauvages de lancien et du nouveau continent.
	Dans les premiers temps, ou la succession des
	generations etoit plus lente, les Socïetés moins
	policées, les monumens et la traddition des
	pouvoient suffire pour l'instruction des gene=
	rations successives. Mais les circonstances
	aiant changé, les evenemens s'etant aussi
	multipliés 1 mot biffure ainsi que les decouvertes et les connois=
	sances acquises, les hommes sentirent la
	necessité de recourir a quelque moien
	independant de la parole, dont l'influence
	est passagere et fugitive, pour donner a leurs
	idées et a leurs expressions de la permanence,
	par certains signes aussi distinctifs que du=
	rables, qui, arrangés en forme de Tableau,
	pussent les rendre sensibles aux yeux, les et les transmettre
	4 mots biffure
	d'une generation a l'autre.
	On emploia a cet usage important l'Ecri=
	ture, premierement la figurée, ensuite la
	Symbolique, enfin la Litterale. Les traits de
	cette Ecriture furent appellés caracteres,
	parce qu'ils furent gravés d'abord avec
	un instrument pointu, sur quelque ma=
	tiere dure, a l'epreuve de l'influence des=
	tructïve de l'air et du temps.
	Les premieres matieres sur lesquelles on grava
	ces suites de caracteres appellées inscriptions,
	furent les rochers, des blocs, des pierres lar=
	ges et polies, comme les Tables de Moisse, des
	colonnes elevées, seuls monumens qui furent
	en usage pendant longtemps dans la Phoenicie,
	en Egypte, chès les Hebreux, même chès les Grecs
	et les Romains. C'est ainsi que les Grecs dresse=
	rent des colonnes dans la citadelle d'Athenes
	avec des colonnes inscriptions, pour retracer la
	memoire de l'expulsion des Tyrans, de ceux qui
	furent tués aux Termopyles &c. Les
	<84> Les Romains en firent de même a l'egard
	des vainqueurs et des bienfaiteurs de la
	Patrie.
	A la pierre, les Babyloniens substituerent
	souvent la brique, mais on trouva genera=
	lement plus commode l'usage des metaux
	ou la gravure etoit 1 mot biffure plus facile, le plomb
	le cuivre, l'aïrain, et même celle du bois.
	Ainsi les peuples parvïnrent a graver sur
	ces matieres, les ceremonies sacrées, les princi=
	pes des sciences, les Loix, les guerres, les trai=
	tés, l'histoire de la Patrie, et tous les faits me=
	morables. Dans ces derniers temps on a trou=
	vé grand nombre de ces inscriptions ancien=
	nes très lisibles pour les Savans.
	A mesure que le besoin d'ecrire devïnt plus
	frequent, et même indispensable pour les
	affaires des particuliers, il fallut recourir
	a des matieres plus commodes a manier et
	a transporter d'un lieu a l'autre. On emploia
	des tablettes; on en fit de metal: du temps
	de Job on ecrivoit sur des lames de plomb
	avec un style de fer: on en fit aussi de cuivre
	et même de corne. Ensuite on imagina
	des tablettes minces de bois enduites de cire
	ou l'on ecrivoit avec un poinçon.
	On substitua a cela des feuilles de certai=
	nes plantes, comme celle du palmier,
	mais surtout l'ecorce ïnterieure de cer=
	tains arbres, comme l'ormeau, le tilleul
	&c ainsi qu'il est encor d'usage chès les
	Tartares, Calmoucks; mais principalement
	l'ecorce du Papyrus, espece de roseau qu'on
	trouvoit sur les bords du Nil, laquelle
	renduite par l'eau bourbeuse du fleuve,
	etoit plus propre a cet usage qu'aucune
	autre. Cette ecorce appellée aussi papyrus
	etoit plus ou moïns fïne; les Romains en di=
	tinguoïent les qualités par des noms de fa=
	milles: ce papier d'Egypte 3 mots biffure
	presentoit deux couches de fibres croisées l'une sur l'autre,
	comme on le voit par un MSC. conservé a
	l'abaye de S. Germain des pres.
	<84v> Pour ecrire sur ces matieres tendres, on em=
	ploia pour style des roseaux taillés en façon
	de plumes, que les Romains appelloient
	calamos .
	La deffense que firent les Ptolomées d'expor=
	ter le papyrus, fit naitre en Pergame l'idée
	d'y substituer des bandes de peau, surtout
	de peau de bouc et de mouton, 1 mot biffure ingeni=
	seuement megïsée pour cet usage, et cette
	matiere fut dela appellée Pergamenum
	parchemin. On presume cependant que
	l'usage en etoit plus ancien, puisque, selon
	Josephe, les livres sacrés des Hebreux, au
	temps de Ptolomée Philadelphe, etoient
	ecrits en parchemin, et que Diodore de Sicile
	atteste que les anciens Perses ecrivoient
	leurs annales sur des peaux.
	A cette invention on joignit celle de la
	peinture avec des liqueurs colorées qu'on
	pouvoit appliquer au parchemin, ou avec
	le pïnceau, ou avec le calamus. On peut
	rapporter ici la premiere origine de l'en=
	chre  appellé atramentum  chès les Ro=
	maïns.
	L'idée vint ensuite de faire usage de la toile,
	et même du tissu de la soie, pour comme font les chi=
	nois qui ecrivent sur du papier de Soie avec
	le pinceau. on fit en orient dès le IX siecle
	du papier de coton; on trouve dans plusieurs
	villes d'Italie des chartes ecrites sur ce papier
	la, entr'autres un MSC. conservé dans la
	Bibliotheque de Venïse.
	Les Europeens n'eurent d'autres matieres que
	celles dont je viens de parler jusques aux
	XIII siecle environ, ou on conçut la belle
	idee de faire servir tous les chiffons de
	<85> toile et d'etoffe, en les preparant par la tritura=
	tion, pour en composer une matiere moïns
	dispendieuse et beaucoup plus commode,
	a laquelle on a transporté l'ancien nom de
	papyrus, papier. On parle d'un MSC.
	ecrit sur ce papier a la date de 1239.
	signé Adolphe Comte de Schaumbourg.
	En France on ne trouve aucune charte
	ecrite sur ce papier avant 1330: L'usage
	n'en est même devenu commun que
	depuis trois siecle 1 mot biffure. Celui des plumes
	qu'on a trouvé de beaucoup preferable
	au roseau pour la delicatesse des traits,
	doit etre plus ancien.
	Dans le temps qu'on ecrivoit sur l'ecorce
	appellée Liber , les matieres sur lesquelles
	on avoit ecrit etoient appellées aussi Libri,
	d'ou nous avons fait Livre: mot qu'on a
	continué d'appliquer au parchemin et
	au papier ecrit, et meme a ce qui est ecrit,
	et a l'ouvrage Intellectuel.
	Quand on avoit beaucoup a ecrire on
	cousoit les bandes 1 mot biffure de par=
	chemin les uns au bout des autres, selon
	l'ordre de l'Ecriture, et les livres ainsi com=
	posés se rouloient autour d'un baton,
	ou cilindre de bois, qu'on nommoit umbi=
	licus, lequel servoit comme de centre
	au rouleau: le côté exterieur des feuilles
	sappelloit frons, les extremités du baton
	corruca, le rouleau volumen (a
	volvendo) ce que nous avons transporté
	a la forme de nos livres que nous appellons
	volume , quoiquils soient d'une forme bien
	differente.
<85v> UTILITES DE L'ART.
	L'art de l'Ecriture a été de la plus grande utilité
	a toutes les nations civilisées, qui lui doivent
	en grande partie leur superiorité sur les autres.
	Si l'Ecriture ne peut pas peindre la pensée avec
	tous les charmes que lui donne la parole, ni
	avec toutes ces circonstances du moment qui
	rendent le discours animé et interessant pour
	ceux qui l'ecoutent, d'un autre côté, elle met
	les signes de la pensée sous les yeux, elle donne
	au lecteur toute la liberté et le temps de la bien
	saisir sous toutes ses faces, pour en bien exa=
	miner le vraï ou le faux, le fort ou le foible, et
	pour reduire tout a sa juste valeur: d'ailleurs
	c'est elle seule qui a pu transmettre avec exac=
	titude les observations, les decouvertes, les eve=
	nemens a une suite de generations, et commu=
	niquer la lumiere de proche en proche, de
	nation a nation, pour etendre et perfectioner
	toutes les connoissances humaines.
INCONVENIENS
	La prattique de cet art est 1 mot biffure cependant
	embarassante, longue et dispendieuse, et
	pendant bien des siecles on n'en a pas tiré tout
	le parti qu'il sembloit devoir offrir. Rarement
	l'emploioit on dans les Tribunaux, et quant
	aux ecrits qui avoient pour objet les sciences
	et les arts, la lenteur de l'expedition ne permettoit
	pas d'en tirer beaucoup de copies et le prix
	de ces manuscrits etoit si considerable que peu
	de personnes pouvoient s'en procurer un
	petit assortiment. Les Bibliotheques etoient
	très rares: avant Charlemagne, l'Europe
	possedoit un très petit nombre de Livres:
	elle etoit encor en disette au commancement
	du XV siecle, pendant que les Arabes en
	etoient bien pourvus depuis le VIII. Tout
	cela a beaucoup retardé les progrès des sciences
	et des arts qui dependent principalement de
	quelque moien sur, aisé, et peu dispendieux
	<86> de transmettre les decouvertes et les connoissan=
	ces d'une generation a l'autre, d'une nation a
	toutes les nations voisines.
IMPRIMERIE
	Tel est le moien qu'a fourni l'imprimerie a
	l'aide de laquelle on a pu en peu de temps et avec
	des fraix modiques, executer des milliers de 1 mot biffure
	copies d'un même ecrit toutes parfaitement ressem=
	blantes entr'elles, et exemptes de ces fautes sans
	nombre qui echappoient dela main des copis=
	tes, a chaque exemplaire qu'ils etoient appellés
	a transcrire. Les anciens n'avoient ce semble
	qu'un pas a faire pour decouvrir le Secret
	de cet art merveilleux, puisqu'ils savoient très
	bïen graver des caracteres sur le metal, et
	qu'ils faisoient grand usage des cachets. Les
	chinois depuis bïen des siecles ont su graver
	sur du bois des caracteres en relief et après les
	avoir enduit d'enchre, les appliquer sur du
	papier ou de la toile: c'etoit la une façon d'im=
	primerie, mais d'un usage peu commode.
	Tous les arts etoient encor dans l'enfance
	chès les Europeens au XV siecle, entr'autres
	le dessin et la gravure, et neanmoins, ils se sont
	1 mot biffure elevés alidée sublïme de l'imprimerie
	vers l'an 1440.
	On ne convient point encor ni ou, ni par qui
	ni quelle année, cette decouverte a été faite;
	cequi est certain, c'est qu'avant 1440 il
	n'existoit aucun livre imprimé. On croit que
	les premiers essais parurent cette année la
	a 1 mot biffure Harlem par l'industrie de Coster Jean Gutten=
	berg: mais on 1 mot biffure presume que tout son art se redui=
	soit a des caracteres gravés sur des planches
	de bois. D'autres après lui
	entr'autres Jean
	Guttenberg de
	Strasbourg,  firent des essais
	avec des caracteres mobiles, mais executés
	aussi en bois. 2 mots biffure
	Vers l'an 1440 Gut=
	temberg 1 mot biffure a
	Mayence, avec
	Jean Faust, eta=
	blirent une presse
	ou l'on  substitua des caracteres
	de metal 3 mots biffure jettés en fonte,
	qu'on peut reunir, separer, composer, changer
	a volonté et faire servir successivement a
	l'impression de divers ecrits, pendant que l'em=
	preinte nest pas alterée. Cette belle invention
	<86v> est 2 mots biffure attribuee par d'autres a Schefer qui imprima
	2 mots biffure une Bible Latine en 1450.
	Des lors l'art de limprimerie  fit des progres
	rapides, et vers la fin du siecle et le suivante
	parurent des Imprimeurs très celebres qui
	publierent des livres en toutes sortes de
	Langues et de caracteres.
	Cette invention admirable a suppléé a
	tous les embaras, toutes les longueurs et
	les depenses de l'Ecriture, a multiplié a l'in=
	fini les secours pour linstruction et haté
	tres rapidement les progres de l'Esprit hu=
	main. Il est douloureux pour
	l'humanité qu'on en ait aussi si etran=
	gement abusé pour propager l'erreur
	et le mensonge et seduire les Esprits
	par les charmes de la diction au pre=
	judice de la verité.
	<87> CHAPITRE XIII.
	Resultats generaux de ce qui a été dit
SIGNES ARBITRAIRES
	On ne peut douter qu'il ne se soit introduit
	parmi les hommes divers signes d'institution
	arbitraire et conventionelle. Tels sont cer=
	tains gestes ou procedés, que les diverses nations
	ont adopté, chacune suivant son gout, pour
	temoigner certains egards, et dont l'usage placé
	a propos, caracterise dans chaque lieu ce
	qu'on appelle le savoir vivre. Tels sont
	diverses marques de dignité, divers rits
	religieux, divers signes representatifs des
	valeurs, &c. Enfin les noms imposés a cer=
	taines choses a l'occasion de circonstances
	etrangeres, et sans aucun egard a la valeur
	primitive des sons: tels pourroient etre les
	noms falbala, charade, Fiacre, nom
	donné aux carosses de louage, et aux co=
	chers, parce que l'auteur de l'invention appellé
	Sauvage demeuroit a Paris dans une
	maison appellée l'hotel saint Fiacre.
	Neanmoins de tous ces noms, qui ne sont
	pas en si grand nombre, on ne peut tirer
	aucune consequence d'induction contre
	nôtre theorie du Langage et des regles
	generales de sa formation, parlaquelle il
	conste qu'il a été 1 mot biffure tiré de la nature,
	par le secours de l'art, et selon l'analogie.
	LANGAGE PRIS EN DIVERSES
	ACCEPTIONS.
	Sous le mot Langage pris dans son sens le
	plus general, nous comprenons la reunion de
	tous les signes, naturels, artificiels, arbitraïres,
	que les hommes emploient pour se communi=
	quer mutuellement leurs sentimens et leurs
	pensées. Ce Langage a un fond commun a
	tous les peuples, mais ce fond est assujeti a des
	varietés infinies, assorties a leur genie, leurs
	moeurs, leurs circonstances particulieres.
	<87v> Sous cette acception generale on distingue
	langage d'action, langage parlé, langage
	ecrit: Dans un sens plus restreint, le mot
	Langage s'entend du Langage parlé.
	Langue designe un Langage particulier
	a une nation, cad. la collection des mots
	qu'une nation emploie sous la direction de
	la nature, et conformement a un certain
	usage que cette nation a adopté, pour se=
	vir de regle generale a la communication
	mutuelle.
	LE MATERIEL. LE MECHANISME. LE
	GENIE. L'ACCENTUATION.
Dans toute langue on distingue
	1° le materiel des mots, tel qu'il est determi=
	né par leur derivation et leur composition;
	2° le mechanisme qui se rapporte a leur Syn=
	taxe et leur construction;
	3° le genie qui s'annonce par les tours, les
	idiotismes, les figures &c;
	4 l'accentuation qui depend de la varieté des
	tons qui doivent accompagner la prola=
	tion des Syllabes, des mots, des phrases,
	pour donner au discours l'ame, la vie et
	le ton de la verité.
	On peut distinguer une accentuation naturel=
	le et necessaire, qui tient aux besoins de la
	parole et a l'humanité; une accentuation
	particuliere a la personne qui parle; 2 mots biffure. Enfin une
	4 mots biffure
	accentuation propre a telle Langue, qui
	depend de l'usage commun a ceux qui la
	parlent. Les Langues en effet sont toutes
	plus ou moins accentuées en proportion de
	la delicatesse des organes de ceux qui les parlent,
	de leur sensibilité et de la vivacité des im=
	pressions que les objets font sur eux.
	Jamais l'accent ne fut plus necessaire que
	lorsque les hommes en etoient encor a la
	<88> a la Langue primitive. N'aiant qu'un petit
	nombre de mots, ils ne pouvoient en multi=
	plier les usages, qu'en variant 2 mots biffure leur
	sens par la diversité de la prononciation.
	3 mots biffure Mais lors même que les
	mots se furent successivement multipliés,
	jamais ils ne purent se dispenser de recou=
	rir a la modulation des accens, comme a
	une ressource pour 1 mot biffure modifier et diversifier
	la signification. Les anciens peuples de
	l'orient firent le plus grand usage de cette
	ressource qui leur epargnoit la peine de
	charger leur Langue et leur memoire de
	mots nouveaux. Dela aussi cette prodigieuse
	accentuation de la Langue Chinoise dont
	les monosyllabes primitifs fournissent
	une multitude ïnfinie de mots, selon les
	divers accens dont on les accompagne
	enles prononcant.
	Dans nos Langues, ou l'on a multiplié les
	mots sans fin par la derivation et la com=
	position, l'accentuation est devenue beau=
	coup moins necessaire et moins observée.
	Neanmoins l'accent, interprete dela na=
	ture, reparoit encor dans nos discours
	des qu'il s'agit d'exprimer des affections
	vives et des interets touchans.
	Nôtre Langue est moins accentuée que
	d'autres: cependant elle l'est, et les etran=
	gers s'en appercoivent mieux que nous.
	Elle est bien ïnferieure en ce point a la
	Langue des Italiens, dont le discours a
	beaucoup plus de chant, et qui pour expri=
	mer ce qu'ils sentent, a la voix joignent
	le geste, et semblent parler de tout le
	corps a la fois.
	Sans doute qu'il en etoit ainsi chès les Grecs
	sensibles et susceptibles d'emotions violentes;
	rien negaloit l'impression que faisoient sur eux
	leurs orateurs, lorsquils joignoient a l'eloquence
	des choses, la vehemence du geste, la force
	et la verité de l'accent.
	<88v> REFUTATION DES PREJUGES SUR
	L'ORIGINE DU LANGAGE
	Lorsque nous voulons chercher dans l'histoi=
	re même des lumieres sur les premieres origi=
	nes du Langage, nous ne trouvons par tout
	que tenebres, et nous nous voions sur ce
	point reduit au raisonnement pur. Il
	n'est donc pas surprenant qu'on ait raison=
	né la dessus differemment et qu'en rai=
	sonnant les hommes soient tombés dans
	des ecarts d'opinions. Neanmoins on ne
	peut qu'etre etonné que des gens qui font
	leur etude des Langues et de la theorie du
	Langage, aient pu rester encor assès gene=
	ralement imbus du prejugé que les Lan=
	gues doivent leur naissance uniquement
	1 mot biffure a des heureux hazards qui ont appris aux hom=
	mes que des sons articulés pouvoient etre
	emploiés comme signes arbitraires des
	pensées, qu'elles n'ont d'autre cause qu'une
	suite de procedés factices qui a la longue
	ont amené dïverses collections de mots,
	tous etrangers les uns aux autres comme ils
	le sont a la pensée, d'une signification abso=
	lument arbitraïre, 3 mots biffure, dont
	la figure et les significations auroient pu
	etre tout autres, quoique les combinaisons
	d'idées eussent été absolument les mêmes chès
	ceux qui les premiers leur donnerent cours.
	Il n'est pas surprenant que l'homme vulgaire
	borné a l'usage qui, dans la Societé a fixé de=
	puis longtemps la forme des mots, leurs diffe=
	rens sens, et la marche de leur construction,
	ne voie rien au dela, et le regarde comme la
	regle supreme qu'il est obligée de suivre pour
	se faire entendre de ceux a qui il parle; il n'est
	point surprenant non plus que voiant, d'un
	autre côté, 2 mots biffure la plupart des mots soumis a diverses varia=
	tions <89> ou changemens successifs, il vienne a
	s'imaginer que le Langage entier n'est qu'une
	affaire purement conventionnelle dont l'usage seul
	a primitivement decidé.
	Mais que des Maitres appellés par etat a
	analyser et rapprocher les mots pour en rendre
	les rapports sensibles, aient pu et puissent encor
	meconnoitre l'influence de la nature sur le
	langage, et presenter celui ci a leurs disciples
	comme un assemblage de mots isolés qui
	ne doivent leur existence et leur signification
	qu'au pur hazard, a un usage absolu=
	ment arbitraire,
	et qui n'a pu etre
	decidé que par
	une convention
	entre les hommes
	qui en ont fixé
	entreux le vrai
	sens.  C'est ce qu'on ne 1 mot biffure pourroit pres=
	que pas concevoir si l'on 2 mots biffure
	ne connoissoit quel est le pouvoir des pre=
	jugés que le temps et l'habitude ont con=
	sacrés.
	Qu'on nous explique donc comment la
	convention qui a donné naissance au
	Langage a pu se faire elle même sans Lan=
	gage? Comment sans le secours de la pa=
	role les hommes ont pu convenir du sens
	arbitraire des premiers mots et fixer la
	valeur de leurs diverses especes? Comment
	ils ont pu analyser la pensée, et se former
	toutes les idées abstraites, composées, qui etoient
	necessaires pour convenïr d'un Langage, ou
	comment, sans avoir encor appris a penser
	avec methode, ils sont venus a bout d'instituer
	un Langage methodique? Comment pour
	faire une telle convention, il a pu exister
	une Societé reguliere, avant que les hommes fussent
	en etat de s'expliquer entr'eux, et de s'assuje=
	tir a quelque regle? Ou a ton pu trouver
	1 ligne biffure
	des Interpretes
	de la pensée
	generale asses habiles pour
	la tirer au clair,
	surtout 
	lorsqu'il s'agissoit de convenïr de certains
	mots pour exprimer des objets non sensibles?
	Ou se sont tenus ces comices qui ont decidé
	de l'usage des mots et de leur valeur, et dont
	l'autorité a pu forcer les hommes a se sou=
	mettre a leur decision? Ou quel homme aura
	<89v> pu dire le premier, tel mot signïfiera
	telle chose, et en marquer ainsi la va=
	leur et le cours pour toute la suite des
	ages. Après cela, comment persister encor
	dans une opinion dont la fausseté est
	egalement demontrée par l'impossibilité
	des faits qu'elle suppose et la certitude
	de ceux qu'elle contredit?
	La plupart conviennent qu'il y a un
	Langage naturel pour exprimer les sen=
	sations, comme on l'observe chès les animaux.
	Et si cela est pourquoi n'existeroit il pas aussi
	un Langage naturel pour les idées données
	par la nature elle même, qui sont le plus
	bel appanage de l'espece humaine, et
	qui peuvent aussi etre exprimées avec ener=
	gie par les organes de la voix. L'homme
	ne trouve t'il pas dans la nature les elemens
	de tout ce dont il s'occupe, des sons fonda=
	mentaux pour la musique, des couleurs
	primitives pour la peinture, pourquoi
	le Langage n'auroit il pas aussi ses elemens
	naturels, des sons primitifs, applicables
	a tels ou tels objets, et que l'homme trouve
	dans les ressources de l'instrument vocal
	soumis a sa disposition.
	Quelques personnes ne concevant pas que
	les hommes aient pu ni former d'eux mêmes
	le Langage, ni en regler la valeur par con=
	vention, et se fondant d'ailleurs sur l'autori=
	té de l'Ecriture  ont supposé que Dieu fournit a nos
	premiers Parens par inspiration ïmmedi=
	ate tous les mots primitifs et les premiers
	Elemens Grammaticaux, qui pouvoient
	leur etre necessaires pour le commerce mu=
	tuel, que l'education secondée par le gout
	pour l'imitation, fit passer cette Langue ins=
	pirée d'une generation a l'autre, et quelle
	devint ainsi le lien general de communica=
	tion entre les hommes du premiers age, jusques
	<90> a ce que Dieu trouva a propos par une nou=
	velle inspiration de multiplier tout a
	coup les idiomes du Langage, pour les
	forcer a se disperser en peuplades par
	toute la terre, comme ils firent après
	la confusion de Babel.
	Mais ce que Dieu dit a Adam et Eve ne
	suppose autre chose si ce n'est qu'il em=
	ploia avec eux des signes intelligibles
	pour eux, et dont ils se seroient servis eux
	mêmes pour exprimer les mêmes choses.
	Rien d'ailleurs ne nous appelle a supposer
	que qu'en aucun temps Dieu ait inspiré aux hommes le
	Langage, pendant qu'il leur a fourni
	assès de moiens naturels pour le former
	d'eux mêmes.
	Si Dieu a créé l'homme pour lier Societé
	avec ses semblables par une communica=
	tion mutuelle de sentimens et de pensées,
	ne l'auroit il pas pourvu de toutes les
	ressources qui pouvoient le rendre par lui
	meme susceptible de cette communication;
	organes essentiels a la parole, intelligence
	pour en comprendre l'usage, industrie
	suffisante pour mettre ce talent en oeuvre
	selon sa destination, nous trouvons tout
	cela chès l'homme.
	Il y a plus: Dieu a voulu inviter l'homme
	a l'exercice de ce talent par l'aiguïllon du
	besoin et du desir toujours renaissant
	de lier commerce: temoin les efforts que font
	les enfans et les muets pour se faire entendre.
	Pour lui faciliter le devellopement de ce
	talent, il a mis entre la structure des orga=
	nes de la voix, les sons qu'ils rendent, et les
	objets exterieurs, certains rapports sensibles,
	en vertu desquels ces sons peuvent devenir
	des especes de peintures vraies et energiques
	des objets.
	Les objets qui interessent l'homme sont la
	plupart des objets sonores dont il peut imi=
	ter les sons, les bruits, les cris et qui deviennent
	pour lui autant de modeles pour la for=
	mation des sons articulés.
	<90v> Afin quil put les imiter avec plus de faci=
	lité, le Createur a uni les organes de la
	parole a celui de l'ouie par une multitude
	de fibres propres a etablir entr'eux l'influence
	reciproque la plus promte, et la plus forte.
	Et pour tenir l'industrie de l'homme en
	haleine, il lui a donné un penchant deci=
	de pour l'imitation qui l'invite a deploier
	sans cesse ses organes pour former des sons
	moulés sur tous ceux qui affectent son
	ouie: heureuse disposition d'ou nait la
	facilité avec laquelle les enfans apprenent
	a parler, et les Langues 3 mots biffure
	se transmettent d'une generation a
	l'autre.
	C'est aussi pour faciliter le devellopement
	de cette industrie que Dieu a mis entrela
	volonté de l'homme et ses organes une cor=
	respondance si active et si promte dans ses
	effets que l'instrument vocal peut se preter
	sans delai et sans efforts a tous les ordres de
	l'ame pour l'expression de la pensée. Les
	organes de cet instrument sont naturelle=
	ment si flexibles, si promts a s'ebranler
	sans opposer aucune resistance, qu'on
	peut dire avec verité qu'ils sont plus sou=
	mis a la volonté de l'homme que tous
	ces ressorts admirables qui font jouer
	les mains et les pieds.
	Ainsi l'homme, sans 1 mot biffure beaucoup d'efforts
	de reflexion, a pu trouver toutes les diverses
	modifications de l'instrument vocal des=
	tinées a fournir les premiers Elemens du
	Langage: il a pu deploier toutes les ressources
	que cette nature lui a fourni pour les
	diversifier et combiner, et avec le secours
	de l'art 1 mot biffure et de l'analogie, en tirer des signes
	suffisans et ïntelligibles de ses sentimens
	et de ses penées.
	Pressé par le besoin et le desir, il aura fait
	dabord des tentatives sur l'instrument vocal
	et elles auront suffi pour l'industrie des diverses
	inflexions dont il etoit susceptible, et du parti
	qu'il en pouvoit tirer pour se faire entendre.
	<91> Je n'en veux dautre preuve que l'exemple de
	certains sourds de naissance qui sont parve=
	nus a former les sons articulés de la parole,
	et la facilité qu'ont les enfans a produire les
	sons lorsqu'ils les entendent, quoiqu'on ne
	les instruise point des inflexions qu'ils doivent
	donner a leurs organes pour les prononcer.
	Ainsi et le besoin et le desir, et l'organi=
	sation de l'instrument vocal et l'industrie
	de l'homme pour en tirer des sons imita=
	tifs, et en cas de deffaut de quelques uns
	des organes dela voix, pour suppleer aux
	uns parles autres, comme il peut même
	suppleer a tous parle Langage d'action,
	tout annonce que le Langage est chès
	l'homme une operation naturelle et
	qu'il a a sa dispositïon tous les moiens pour
	se rendre ïntelligible a ses semblables.
	Concluons donc que si le Langage est un
	present du ciel entant que Dieu a enrichi
	lhomme de toutes les facultés necessaires
	pour parler, il n'en est pas moins vrai
	que la formation de ce Langage a été le
	fruit de l'operation de la nature elle même
	devellopee par l'art industrieux de l'homme.
	Les premiers hommes n'ont donc jamais
	dit, faisons nous une langue, prenons
	des signes a choix, convenons de leur sig=
	nification; mais les circonstances leur ont
	fait sentir le besoin des signes, la nature
	les a conduit 1 mot biffure ceux qui etoient les plus propres a exprimer
	intelligiblement ce qu'ils vouloient dire;
	peu a peu ils ont enrichi le Langage na=
	turel de nouvelles expressions, selon que
	les circonstances en amenoient le besoin
	et l'occasïon, et l'analogie les guidoit
	dans tous les devellopemens.
	Mais, diton s'il existoit un Langage natu=
	rel, il seroit connu de tous les peuples, il
	seroit immuable, comme le Langage d'instinct
	comme le Langage sentimental rendu
	parles Interjections. Enfin il seroit l'expression
	<91v> la plus exacte de la nature même des choses.
	Or on ne peut soutenir rien de tout cela.
	Nous repondons 1° que dans le langage, il faut
	distinguer avec soin ce que les hommes tiennent
	immediatement de la nature, et ce qui est le
	fruit de l'art ou l'effet des circonstances even=
	tuelles. A ces deux derniers egards, il peut beaucoup
	varier d'une Langue a l'autre, et même succes=
	sivement dans chacune: mais il n'en est pas ainsi de
	ce qui est l'ouvrage de la nature, qui se retrou=
	ve par tout et se maintient dans tous les temps;
	c'est par tout mêmes Interjections, mêmes ele=
	mens, mêmes radicaux primitifs, qui malgré
	les diverses metamorphoses qu'ils ont subies
	dans les diverses Langues, y subsistent encor
	tous, et peuvent y etre retrouvés. Tel est le Langage
	naturel dont tous les peuples font encor usa=
	ge, 1 mot biffure sans le connoitre, ni même soubson=
	ner qu'il soit actuellement dans leur bouche.
	Mais il seroit absurde d'en conclure qu'il
	doit etre une representation exacte de la nature
	même des choses. Car quoi que la nature en ait
	fourni les elemens, et que dans la combinaison de
	ceux ci pour former des mots les hommes aient
	pris la nature pour guide en cherchant a
	peindre de leur mieux les objets, il ne s'ensuit
	pas que ces peintures aient du rendre exacte=
	ment les objets puisqu'elles etoient calquées sur
	les idées qu'ils s'en formoient et sur d'apres les apparen=
	ces exterieures, idees qui pourroient etre erronées
	et trompeuses.
	Il est vrai que quand il arrivoit aux hommes
	de se former des idées differentes des objets ou
	même opposées, il devoit se trouver pareillement
	dela diversité ou meme de l'opposition dans les signes,
	mais cela ne detruit point cequenous avons
	avancé touchant le Langage donné par la
	nature, qui s'est toujours montré uniforme dans
	ce qui s'offroit uniformement a la pensée de
	tous les hommes, qui furent ordinairement ramenés de
	l'unité de la pensée a l'unïté de l'expression, ainsi
	que le demontre le parallelle des Langues.
	<92> On dit encore que l'instrument vocal fut
	demeuré eternellement oisif chès les hommes
	sil n'eut été mis en jeu par les impressions
	de l'ouie ouverte aux sons même du Lan=
	gage, et on appuie cela par l'exemple des
	muets qui demeurent muets toute leur vie,
	a cause de leur surdité, et celui d'hommes
	elevés dans les forets, qui n'avoient jamais
	formé d'eux mêmes aucun son articulé.
	Sil existoit dit on, un Langage naturel,
	ces 1 mot biffure sourds de naissance, ces hommes sauvages, ne devroient
	ils pas le parler et même beaucoup mieux
	que ceux qui vivent en Societé, chès qui
	l'exercice du talent naturel se trouve gené et
	contrarié par des usages habituels.
	Mais de ce que les muets sourds de naissance 1 mot biffure
	restent ordïnairement 1 mot biffure muets toute leur vie,
	ce qui provient meme le plus souvent d'une sorte
	d'imbecilité naturelle, de ce qu'on a vu des
	enfans elevés loin du commerce des hommes
	demeurer incapables de proferer aucun
	son articulé, ne seroitil pas absurde d'en
	conclure que des hommes bïen organisés et
	vivans avec leurs semblables, n'auroient ja=
	mais pu trouver en eux mêmes des ressources
	suffisantes pour former entr'eux un
	Langage dont la nature leur avoit four=
	ni tous les elemens. La formation du
	Langage demande une organisation regu=
	liere et un certain degré d'Intelligence
	tel qu'il peut se trouver chès l'homme qui
	sent le besoin de communiquer a ses sembla=
	bles ses sentimens et ses pensées. Partout
	ou il se trouva des hommes ainsi orga=
	nises et preparés, is ont pu et même du
	naturellement former entr'eux un Langa=
	ge; Mais cette formation est impossible
	dans tout autre cas; un enfant isolé, un
	solitaire n'a pas l'intelligence suffisante,
	il n'en sent meme ni le besoin ni le desir; le
	Muet manque aussi de l'Intelligence neces=
	saire pour comprendre quelles sont les
	<92v> les diverses inflexions dont ses organes vo=
	caux seroient susceptibles, ni quels sont les mou=
	vemens spontanés qu'il devroit executer
	pour en amener le jeu: dans l'enfance, il
	est privé de la ressource de limitation, et
	a un age plus avancé, ses organes sont trop rigides
	pour se deploier aux diverses infelxions deli=
	cates que l'articulation exige: D'ailleurs
	quand ces infortunées creatures peuvent
	parvenir a comprendre les instructions
	qu'on peut leur donner la dessus par le
	moien d'autres signes que les sons, et si elles
	sont dans un age oules organes peuvent
	encor se flechir, il est possible de leur
	apprendre a articuler du moins d'une
	maniere imparfaite, comme l'ont prouvé
	les succès de M. De Pereira dans ce
	genre.
	CONSEQUENCES 5 mots biffure GENERALES.
	Dieu a donc accordé a l'homme un Lan=
	gage naturel pour exprimer ses sentimens
	et ses pensées.
	Pour se former ce Langage, l'homme n'aura
	eu d'autre Maitre que la nature toujours
	uniforme et prise dans sa construction orga=
	nique, dans ses premiers besoins, dans ses
	rapports avec les objets exterieurs, dans le
	develloppement de ses facultés, de ses ressour=
	ces et de son industrie.
	Aiant recu de Dieu toutes les ressources talens
	necessaires 1 mot biffure a la parole, pour les exercer,
	ainsi que Les autres facultés, conforme=
	ment a ses besoins, il n'aura pas manqué
	de deploier ce talent dès qu'il aura été
	environné de ses semblables. Mais le premier
	qui voulut parler a son semblable ne put
	choisir arbitrairement ses ïnflexïons, et
	ni en emploier d'autres que celles que la na=
	ture avoit destinées pour l'expression de
	cequ'il avoit a communiquer; sans quoi
	il eut été impossible quil fut entendu et
	compris de celui qui l'ecoutoit.
	<93> Ainsi les Elemens du Langage auront été
	tout donnés par la nature et determinés par
	l'organisation de l'homme et les rapports na=
	turels de ses inflexions avec les pensées dont
	il est appellé a s'occuper. Les premiers Ele=
	mens auront été appliqués a peindre ses idées
	primitives. Son industrie se sera deploiée
	ensuite sur ces Elemens pour les combiner
	selon la diversité des pensées composées qu'il
	avoit a exprimer. Il aura deploié son
	talent pour l'imitation par une peinture
	naturelle des objets sonores, et une peinture
	d'analogie pour les autres, double peinture
	qui l'aura mis en etat d'imposer des noms
	aux divers objets qui pouvoient l'interes=
	ser. L'homme aura eu assès d'Intelligence
	pour ne pas appliquer les voielles sourdes
	a l'expression de la joie, ni les eclatantes a celle
	de la tristesse; dans l'emploi des consonnes,
	il aura fait attention aleur dureté, leur
	douceur, leur rudesse, leur fixité, leur
	liquidité, leur sifflement, pour les appli=
	quer aux objets selon leur nature et en
	faire des peintures naives et ïntelligibles.
	Le même principe l'aura dirigé dans l'ar=
	rangement des mots et l'aura conduit
	a une marche naturelle et uniforme,
	necessaire pour la regularité et l'exacti=
	tude des Tableaux. A mesure que ses
	connoissances se seront etendues, il aura
	aussi travaillé a multiplier ses combi=
	naisons pour enrichir son Langage de
	nouvelles expressions, intelligibles par
	leur composition même et par leur ar=
	rangement Grammatical.
	Ainsi les hommes n'auront cessé d'etendre le fond primi=
	tif du Langage par des series très nom=
	breuses de mots propres a peindre les objets
	divers, selon leur connexion avec ceux qui
	correspondoient aux premiers Elemens.
	<93v> Dans la formation successive des mots
	derives et composés, ils auront suivi
	le devellopement naturel de leurs idées,
	l'ordre deleur naissance et deleur combi=
	naison, en sorte que pour peindre la pen=
	see, ils auront toujours cherché ala ren=
	dre par une expression composée correspon=
	dante aux elemens. Et comme dans la
	marche de leurs idées, ils furent necessai=
	rement assujetis a un certain ordre,
	une certaine gradation, ils ne purent
	ni ne durent naturellement s'en ecarter
	dans la marche du Langage; et la
	chaine de leurs idées produisit neces=
	sairement une chaine correspondante
	dans les mots destinés aleurexpressïon.
	Les mots n'etant ainsi que des resultats de
	combinaisons nées les unes des autres, a
	mesure que la serie des idées se sest devellopée,
	il doit y avoir necessairement entr'eux
	un ordre de filiation et de dependance,
	un Systheme qui correspond a la serie
	Systhematique des connoissances humaines.
	Et comme pour analyser la pensée, il
	faut que ses parties soient rapportées a
	certaines classes distinctes arrangées dans
	un certain ordre, de même aussi les hom=
	mes n'ont pu se dispenser de rapporter les
	signes correspondans a certaines classes
	separées, et de leur donner l'arrangement
	grammatical le mieux assorti a cette analyse Intellec=
	tuelle.
	On peut dire aussi que tous les traits qui
	annoncent une filiation et une origine
	commune entre divers mots, annoncent
	aussi entre les idées qui leur correspondent
	une filiation et une origine commune de
	quelque idée primitive, et qu'ainsi la cor=
	respondance des idées et des mots est tou=
	jours reciproque dans les Tableaux.
	D'ou il suit que dans toute Langue,
	son devellopement est toujours proportio=
	nel <94> au devellopement des connoissances
	chès la nation qui la parle; qu'elle se
	perfectione a mesure que de nouveaux
	besoïns font naitre chès celle ci de nouvelles
	decouvertes et de nouvelles idées, jusques
	a ce qu'enfin les progrès en connoissance
	arrivent a leur plus haut terme.
	Or chès une nation, ce sont les observations
	excitées par les nouveaux besoins qui en=
	fantent les connoissances, et des 1 mot biffure obser=
	vations particulieres, faites en divers
	genres, resulte une masse de lumieres
	qui tend sans cesse a s'etendre et a s'elever
	au niveau des besoins de la Societé en=
	tiere. A mesure aussi que les connoissances
	font des progrès, en proportion aussi
	le vocabulaire et tout le Systheme dela
	langue s'enrichit et se perfectione
	jusques a ce qu'il ait atteint le niveau
	des idées 2 mots biffure repandues dans toute
	la Societé. Ainsi les besoins, les obser=
	vations, les decouvertes, les idées, le
	langage, tout suit la meme marche
	3 mots biffure tout va de pair pour les
	progres.
	Les Langues des peuples sauvages sont
	les plus pauvres, parce qu'ils ont peu de
	besoins et peu d'idées a exprimer. Elles
	sont plus riches ches les peuples bergers,
	plus encor chès les agricoles, et surtout
	ches ceux qui cultivent les arts et les sciences,
	les seuls ches qui elles peuvent atteindrea
	leur plus haut point de perfectïon.
	Ainsi les progrès ou la decadence du Langa=
	ge ches une nation, peuvent etre regardés
	comme lannonce de l'accroissement ou du
	deperissement des connoissances au milieu
	d'elle.
DIFFERENCES DES LANGUES
	Comme les peuples ont tous un fond commun
	didées et de connoissances, ils ont tous aussi
	un fond commun de Langage et de principes
	Grammaticaux.
	Les differences des Langues entrelles peuvent
	<94v> etre reduites a ces 4 points 1° diversité de
	mots derivés et composés 2° diversité de clas=
	sification pour les diverses especes de mots
	3 diversité d'arrangement et de construction
	4 diversite de genie, et 2 mots biffure d'accentuation.
	Elles sont plus parfaites a proportion qu'elles
	sont plus riches ou abondantes en mots, que
	dans la classification et l'arrangement des
	mots, elles fournissent plus de ressources pour
	analyser exactement la pensée, et en exposer
	toutes les parties avec ordre et netteté, en les
	comparant sous tous les rapports possibles,
	qu'elles abondent en traits pittoresques
	et en tours heureux pour reveiller l'atten=
	tion et exciter le sentiment.
	<95> CHAPITRE XIV.
	Du Langage primitif
LANGUES MERES ET FILLES
	On ne puit nier qu'entre les diverses Lan=
	gues il n'existe des rapports sensibles, et
	que celles qui sont d'origine plus recente,
	n'aient beaucoup herité des plus anciennes.
	Ainsi le Latin est tiré en partie du
	Celte et de l'Etrusque, en beaucoup plus partie du Grec, et
	il offre même 1 mot biffure nombre de mots d'origine orien=
	tale.
	Lorsqu'on decouvre grand nombre une multitude de rapports
	sensibles entre diverses Langues parlées par
	differens peuples, on peut justement en con=
	clure, qu'elles sont derivées d'une plus an=
	cïenne commune a ces divers peuples,
	qui l'auront peu a peu changée chacun
	de son côté au point qu'il en sera resutlé
	des Langues separées et distinctes. Celles
	ci se nomment filles par opposition a
	celle d'ou elles sont nées, qui est appellee
	Langue Mere.
DIALECTES, IDIOMES
	Lorsqu'une même Langue est parlée par
	diverses nations, ou dans diverses provin=
	ces, chaque peuple peut a l'usage gene=
	ral des mêmes mots et de la même syntaxe,
	joindre certains mots et certains usages
	grammaticaux qui lui sont particuliers,
	et, de la se forment ce qu'on appelle les
	Dialectes  de la même Langue; terme qu'on
	restreint quelque fois aux diversités de
	prononciation, qui s'eloignent, dans les
	divers districts, de la vraie prononciation
	que la Langue exige.
	On appelle aussi Idiomes  dela même Lan=
	gue les divers tours singuliers d'expression
	et les formes de construction que presente
	le style propre a chacun des peuples qui la
	parlent en differentes contrées.
	<95v> Une Langue en usage chès plusieurs peuples
	voisins peut se conserver chès tous avec une
	assès grande uniformité, et même pendant
	longtemps, s'ils demeurent dans un etat de
	simplicité qui ne leur fasse que peu ou point
	sentïr le besoin d'enrichir leur Langage. Telle
	fut la raison pour laquelle les provinces
	Grecques conserverent pendant plusieurs
	siecles l'uniformité de leur Langue com=
	mune. On distinguoit bien 4 dialectes
	principaux; mais la langue commune
	etoit la même, et l'usage même de ces Dia=
	lectes etoit autorisé par toute la Grece, en
	sorte qu'un auteur pouvoit, a l'exemple d'Ho=
	mere, les associer tous dans son style pour
	lui donner plus varieté et de graces; ce qui
	ne contribua pas peu a enrichir et perfec=
	tioner la langue des Grecs. La Langue Fran=
	coise n'a pas la même ressource, puisque
	les auteurs ne peuvent faire aucun usage
	dans leurs ecrits, du Picard, du champe=
	nois &c dont l'Idiome ne sauroit contri=
	buer a la perfection de la Langue com=
	mune.
JARGON. PATOI.
	Quand le bas peuple chès une nation vient
	a se former une Langue melangée dela
	Langue dominante et de quelque autre
	plus moderne ou de celle des pays voisïns,
	ou quand il s'affranchit des regles de l'usage
	reçues parmi les personnes d'un ordre plus
	relevé, pour parler sans s'assujetir a aucune
	marche precïse, alors de 3 mots biffure la nait
	un jargon  ou patoi .
	Ainsi les langues modernes qui ont des rap=
	ports marqués avec le Latin, l'Italien, l'Espagnol
	<96> le François, ne furent originairement que
	des jargons qui s'introduisirent parmi le bas
	peuple, pendant que les Grands parloient
	encor la Langue Latine et que les actes publics
	s'ecrivoient dans cette Langue: ces jargons
	nès du melange du Latin, de l'ancien Celte,
	du Tudesque &c. devinrent peu a peu d'un
	usage general pour tous les ordres, et des
	Langues dominantes.
LANGAGE PRIMITIF UNIQUE.
	Quelques precises que semblent ces distïnc=
	tions, il est assès difficille d'en faire une ap=
	plication juste, et même de decider si deux
	peuples parlent ou ne parlent pas la même
	langue. Car lors meme que deux peuples
	peuvent s'entendre l'un l'autre, on n'est pas
	toujours fondé a conclure qu'ils parlent
	la même langue, et lorsqu'ils ne s'entendent
	pas, on ne peut pas toujours en inferer
	qu'ils parlent diverses Langues. Le Suisse
	n'entend pas le Saxon, celui ci a beaucoup
	de peine a entendre le Suisse; ils parlent
	neanmoins la même Langue.
	Mais ce qui est incontestable, ce sont
	les rapports nombreux et frappans que
	presentent non seulement les dialectes d'une
	même Langue, les filles de la même Mere,
	mais encor les Langues qui passent pour
	Meres, a cause de leur ancienneté. Les rap=
	ports entre ces dernieres sont même si sen=
	sibles, qu'il est impossible de ne pas les rap=
	porter a quelque origine commune, quel=
	que langue plus ancienne de laquelle
	elles sont derivées a par les changemens
	qu'y ont apportés successivement les divers
	peuples.
	Si en remontant de degré en degré, de Lan=
	gue en Langue, on parvenoit a rapporter
	toutes les branches a une seule souche, qui
	seroit une Langue connue, celle ci seroit
	sans doute la Langue primitive et qui
	<96v> la connoitroit exactement auroit la clef de
	toutes les autres et pourroit rendre raison de
	tous les mots. Mais cette Langue ne se trou=
	ve dans aucun Pays! dans aucun monu=
	ment. La raison seule même ne suffit pas
	pour nous assurer quil y eut un temps
	ou il n'existoit qu'une seule Langue primï=
	tive, puisqu'elle ne peut pas decider si ori=
	ginairement il n'a existé qu'une seule famille
	primitïve. Nous voions bien que les ancien=
	nes Langues orientales ont pu deriver d'une
	seule, mais nous ne saurions pas même en
	conclure que celle ci ait été la primitive.
	Toute la question se reduit a savoir, si
	toute l'espece humaine a été concentrée
	originairement dans une seule famille;
	car si cela a été ainsi, il n'y aura eu d'ori=
	gine qu'une seule langue primitive.
	2 mots biffure C'est aussi ce que Moyse nous
	assure. Avant et après le Deluge, il n'y
	eut quune seule Langue qui fut conser=
	vee par Noë et sa famille, jusques au temps
	de la dispersion, après laquelle il en sortit
	une multitude de Langues diverses.
ORIGINE DES DIVERSES LANGUES
	Surce que Moyse nous dit dela confusion
	du Langage nous ne saurions adopter l'opi=
	nion de ceux qui entendent par la un miracle
	signalé qui fit oublier a tous les hommes a
	la fois leur Langage commun pour y subs=
	tituer tout a coup dans leur Esprit toutes les
	diverses Langues que Dieu vouloit intro=
	duire chès tous les divers peuples de la terre.
	Pour peu qu'on connoisse la connexion na=
	turelle qu'il y a entre les idées des hommes,
	et les signes qu'ils emploient pour les ex=
	primer, et l'impossibilité, je dirai physique
	et metaphysique, que des hommes puissent
	tout a coup saisir tout l'ensemble d'une
	Langue avant que d'avoir aucune connois=
	noissance <97> des divers objets auxquels doivent
	correspondre les mots de cette Langue, pour
	peu, dis je, qu'on soit initié dans la theorie
	du Langage, on comprendra très difficille=
	ment la possibilité ïntrinseque du miracle
	et on ne comprendra bien moins encor sa
	possibilité morale, fondée sur sa necessité,
	sur son utilité, sur le but qu'on attribue ici a Dieu,
	qui etoit de forcer les hommes a se separer
	pour aller occuper les divers districts de
	la terre; car ceci pouvoit s'effectuer par une
	voie beaucoup moins extraordinaire et moins
	etrange, comme l'Esprit de mesintelligence
	qui est, sans doute, ce que Moyse a entendu
	par la confusion du Langage.
	On supposera que par ce miracle Dieu n'au=
	roit fait qu'operer subitement dans le Langa=
	ge, les mêmes changemens que des causes
	naturelles auroient pu y introduire a la
	longue par une suite de la separation des
	hommes; mais on n'en comprend pas mieux
	a quoi eut abouti un miracle destiné a
	produire tout d'un coup ce qui devoit l'etre
	successivement, et de quelle necessité il pou=
	voit etre pour separer les hommes et peu=
	pler la terre.
	Nous ne goutons pas plus l'opinion de ceux qui
	expliquent la confusion des Langues parles chan=
	gemens qui se firent au Langage pendant la cons=
	truction dela tour de Babel, comme si 40 ans
	environ eussent suffi pour alterer la Langue
	commune a une multitude d'hommes rassembles
	en un même lieu, au point qu'il en soit resulté
	une multitude de Langues diverses; d'autant
	plus que cette opinion ne peut se concilier avec
	le texte sacré qui suppose que la confusion ne
	survint que lorsque l'ouvrage etoit deja fort
	avancé et que la dispersion suivit de pres la
	confusion.
	Nous convenons d'ailleurs que c'est a cette epo=
	que qu'il faut rapporter la premiere origine
	dela distinction des Langues puisque
	l'espece humaine avoit ete deslors divisee
	<97v> en peuplades repandues en divers districts, la
	Langue commune a du aussi dès lors eprouver
	des changemens suffessifs très diversifiés, suivant
	la diversité des climats, des occupations, des moeurs
	des usages, des Loix, des opinions, du tour d'Esprit
	et du caractere, qui devïnrent particuliers
	a chaque peuple. Il ne faut donc pas chercher
	ailleurs la raison de cette multitude de Langues
	et de dialectes, et en meme temps de cette grande
	analogie qu'on observe entr'elles, qui annonce evi=
	dement une Langue primïtïve qui s'est con=
	servée dans toutes malgre leur diversité.
	Comment concevoir en effet que la Langue parlée
	par la famille primitive ait été complettement
	abolie? Les germes de cette Langue ne durent ils
	pas se conserver parmi ces peuples, qui, lors dela
	dispersion, s'eloignerent assès peu de leur premie=
	re demeure, qui conserverent entr'eux des relations
	plus etroites, et furent moïns exposés aux alte=
	rations que dut 1 mot biffure produire, chès les autres, la
	diversité des climats, dans la disposition des or=
	ganes vocaux, et dans la fabrication des mots
	destinés a nommer les objets. Ne voions nous
	pas même la preuve de ce fait dans la grande
	affinité conservée entre les langues des peuples
	orientaux, qui s'etablirent dans les pays
	aux environs de l'Euphrate? Et tout cela
	ne saccorde til pas avec ce que la traddition
	et les historiens nous enseignent d'une voix una=
	nime, que tout est parti originairement d'une
	contrée d'orient qui a été comme le point com=
	mun de depart des colonies, qui se sont re=
	pandues sur la surface du globe.
	Nous trouvons donc dans Moyse la pleine con=
	firmation de ce principe, que dans la premiere
	origine, il n'y a eu qu'une seule Langue primitive
	donnée par la nature, et dont l'industrie des
	hommes a scu tirer tout le parti qui pouvoit
	convenir a leur position et a leurs besoins;
	Langue aussi naturelle a l'homme que le Lan=
	gage d'action et tout autre operation humaine;
	<98> Langue dont les premiers elemens doivent etre
	uniformes entreles peuples; car pourquoi
	la nature, mere commune des hommes, ou
	plutot le Createur, leur Pere commun auroit
	il mis quelque difference essentielle a cet
	egard entre les hommes pendant qu'il n'a pas
	jugé a propos d'en mettre une semblable par
	rapport a leur constitution, leurs relations,
	leurs besoins depremiere necessité et les objets
	dont ils sont appellés a faire usage: pour=
	quoi 1 mot biffure enfin les hommes aiant a peu près
	partout les mêmes idées primitives a ex=
	primer, ne leur auroit il pas fourni aussi
	les mêmes moiens primitifs d'expression.
	Ce Langage primitif, d'ou sont nées les diver=
	ses Langues, doit donc exister encor dans
	celles ci auxquels il a fournï les premiers ele=
	mens, quoique deguisés sous une multitude
	de formes diverses. 1 mot biffure En recevant deleurs
	devanciers leurs premieres connoissances,
	les hommes d'un age posterïeur auront aussi recu
	en même temps les signes necessaires pour
	les transmettre, qui auront pu etre successive=
	ment modifiés, mais jamais aneantis dans
	leur essence? A mesure que les 1 mot biffurehommes au=
	ront etendu leurs connoissances, ils auront
	ete forcés de 1 mot biffure tirer des primitifs de nouveaux mots tirés
	4 mots biffure derivés et 1 mot biffure compo=
	ses dans lesquels ceux la auront été envel=
	lopes et conserves. Ainsi les Langues formées successi=
	vement n'auront pu varier entr'elles que
	par des modifications survenues de deriva=
	tion, de composition, de valeur accessoire,
	de Syntaxe, varietés dont aucune n'a pu
	faire disparoitre entierement l'origine com=
	mune ni empecher que ces Langues ne puis=
	sent etre ramenées a certains point de reunion,
	de commune analogie, dont on peut meme
	tirer des lumieres pour expliquer la plupart
	<98v> de leurs differences, en montrant qu'elles
	ne sont que des varietés accidentelles, nées
	de la diversité des circonstances, etdu genïe
	particulier a chaque peuple. D'ou nous
	concluons que 1 mot biffure une analyse exac=
	te des langues et leur comparaison, peuvent
	nous ramener a un certain nombre de sons
	originels, primitifs et radicaux dont tous
	les mots ont pris naissance.
	NECESSITE DE REMONTER AU LANGAGE
	PRIMITIF
	On ne peut donc parvenir a aucune connois=
	sance raisonnée et approfondie des Langues,
	et de la vraie raison des mots quant ala for=
	me et la valeur, sans remonter au Langage
	primitif, 1 mot biffure ni reussir dans ses recherches
	sur les premieres origines de celui ci, sans
	le ramener aux premiers elemens de la
	parole, des premiers sons ou mots queles
	hommes durent naturellement trouver
	et emploier pour exprimer leurs idées pri=
	mitives, dans ces premiers temps ou il n'y
	avoit encor ni inventions, ni institutions,
	ni Sciences, ni arts, ni Ecriture, ni his=
	toire, ni Societe reguliere, ni aucun de ces
	objets introduits successivement, qui ont
	donné naissance a de nouvelles combinai=
	sons de signes, dans ces temps ou ils n'avoient
	encor a exprimer que des sensations, des besoins
	prepares, des objets naturels frappans, des
	besoïns de premiere necessité, et d'usage
	journalier, des actions les plus simples et
	les plus communes.
	Veuton donc travailler avec fruit a l'etude des
	diverses Langues et y faire des progrès rapides,
	qu'on ne neglige ni effort, ni secours pour re=
	monter a cette Langue primitive et naturelle, d'ou
	elles tirent toutes originairement leur naissance,
	que 2 mots biffure quand toutes les traces en seroient
	perdues ou meconnoissables dans les Langues meme
	<99> pourroit encor etre retrouvée dans nos 1 mot biffure
	organes, dans les Elemens vocaux, dans les
	sons imitatifs, les rapports d'analogie, et
	autres parties de ce Langage donné par
	la nature même et qui n'a pu etre detruit;
	Qu'on procede a l'analyse exacte detoutesles
	modifications sonores que l'instrument
	vocal peut fournir, et qu'on montre par
	leur analogie naturelle avec les objets et par
	les rapports uniformes des Langues, quelle
	a été la valeur primitive de ces Elemens
	et celles des mots primitifs qui en nacquirent
	immediatement, et comment de ces premiers
	germes ont pu naitre cette foule immense
	de mots qui servent d'expressïon aux objets;
	et qu'on les distribue en familles nombreu=
	ses, rapportées chacune a son chef, ou ces
	mots pris dans toutes les 1 mot biffure diverses Langues
	occupent chacun la place qui correspond
	a l'ordre même de sa filiation. Tel est
	l'ouvrage dont nous nous proposons de
	presenter un echantillon dans la partie
	que nous avons appellée Glos Lexicologie.
	AVANTAGES DE LA DIVERSITE DES
	LANGUES
	Mais n'eut il pas été a souhaiter peut etre
	que l'unité de Langage se fut conservée
	parmi tous les peuples, pour cimenter leur
	union, et faciliter la communication de
	leurs connoissances?
	Cette uniformité fut peut etre avantageuse
	aux hommes pendant qu'ils demeurerent tous
	rassembles dans un certain district; mais une
	fois forcés, par la grande multiplication a
	se separer en peuplades, cette uniformité n'au=
	roit pu leur procurer les mêmes avantages et
	n'eut abouti qu'a rappeller les peuples a
	l'uniformité de pensées, de vües, d'usages,
	d'opinions, qui auroit resserré considera=
	blement le cercle de leurs connoissances
	et de leur activité, opposé un grand obstacle
	<99v> au devellopement de leurs divers genres de
	talent, et d'industrie et par consequent aux
	progrès de la masse des lumieres de l'espece
	humaine.
	C'est la diversité des Langues qui a invité les hom=
	mes a se repandre de plus en plus sur la surface
	du globe, et a former de nouveaux etablissemens
	a des distances eloignées; c'est elle dès la qui a
	multiplié autour d'eux les objets d'observation
	et d'experience, et les a excités a former de
	nouvelles combinaisons d'idées, parla facili=
	te qu'elle leur a offert de multiplier en même
	proportion les combinaisons de signes.
	D'ailleurs chaque Langue s'etant trouvée
	par sa constitution et par son genie, assor=
	tie au naturel du peuple qui la formée
	d'après ses besoins, ses gouts, ses opinions,
	ses usages et ses circonstances locales, elle
	a du dès la même devenir beaucoup plus
	propre que ne l'eut été une Langue primi=
	tive et commune, pour faciliter toutes ses
	operations et ses progrès dans les connois=
	sances et dans les arts.
	Ajoutons de plus que depuis la separation
	des peuples, il n'auroit même plus été possible
	que la langue primitive seconservat dans
	sa forme originaire. Les peuplades unefois
	separées furent conduites naturellement,
	a raison des diverses circonstances de leur
	position, a apporter divers changemens a
	la prononciation des mêmes mots, en sorte
	que ceux ci furent prononcés, chès les uns
	avec des articulations fortes, ches les autres
	avec des foibles; ici sans addition, ni substi=
	tution de voielles ou de consonnes, la avec
	l'une ou l'autre, souvent avec toutes les deux
	ala fois. Le plus souvent avec des additions de
	finales, ou pour en affermir, ou pour en
	addoucir la prononciation ou pour en
	nuancer les formes. Toutes furent encor necessitées
	a augmenter le nombre de leurs mots, et em=
	ploiés un même mot en plusieurs sens; enfin
	<100> Joignès a cela la diversité des figures, des
	tropes, des tournures, des formules abregées,
	laconiques, proverbiales &c les changemens
	dans la marche Grammaticale des mots,
	et dans l'Ecriture, qui a toujours eu une
	si grande influence surle Langage, toutes
	les revolutions qu'ont pu amener le
	genie particulier a chaque peuple, sa position
	ses besoins, son genre d'occupation, ses
	progrès en connoissances, le cours meme
	des evenemens politiques, et vous compren=
	dre quelle diversité tout cela a du
	necessairement produire dans le Langage
	chès les divers peuples.
	Mais cette diversité entre les Langues n'em=
	pechent point qu'on n'y voit des filles
	ou des soeurs d'une mêre commune, dune
	Langue primitive qui a fourni a toutes
	les premiers materiaux, et que leur diversi=
	te ne procede que de la maniere dont cha=
	cune a su les mettre a profit pour epuiser
	les besoins de la parole, chès les divers
	peuples qui en ont fait usage.
	Les faits generaux sur la formation du
	Langage appartenant a l'Anthropologie
	3 lignes biffure recevront un nouveau jour
	2 mots biffure
	dans l'Ethnologie ou l'espece humaine
	sera regardée comme divisée en peupla=
	des, ou on expliquera ce que furent les
	Societés dans leur origine, cequ'elles devin=
	rent successivement a mesure que leurs
	besoins se multiplient avec leurs gouts,
	reveillerent leur industrie, amenerent
	leurs decouvertes, etendirent leurs ressour=
	ces, et leurs connoissances, avec les richesses
	du Langage.
	<101>  TABLE
	Seconde Section
Chapitre 1.
	Des deux Substances distinc=
	tes dans l'homme, et de leur
	union en general. p. 1
	Distinction des deux substan=
	ces, le corps et l'ame-opposi=
	tion del'etendue et de la divisibi=
	lité avec le sentiment et la pensée
	-opposition du mouvement
	avec la pensee-opposition de
	l'inertie avec l'activite p. 1-9.
	L'homme Etre mixte, sa nature
	specifique-le naturel de
	l'individu. p. 9. 10
Union des deux substances p. 10
Objections, hypotheses. p. 11-19.
Chapitre II.
	Des faits generaux relatifs a
	l'union des deux Substances
	dans l'homme, ou des Lois gene=
	rales de cette union. p. 20
	Loix generales de l'union des
	deux Substances-premiere
	Loi, influence du corps sur
	l'ame, prouvée par les Pheno=
	menes de la sensation, l'atten=
	tion, la memoire, l'imagination
	-le physique des facultés de
	l'ame, hypotheses du mechanis=
	me ideal p. 20-27
	Seconde Loi, influence de l'ame
	sur le corps p. 28.
	Troisieme Loi, Influence reci=
	proque et continuelle des deux
	substances-communaute
	de situations ou de destinees
	et de progres-diversite des
	talens; p. 29-31
	Etas successifs par ou lhom=
	me passe dans la vie, veille
	-delire, folie, coup de mar=
	teau-sommeil-reveil
	songe-somnambulisme p. 31-38.
Chapitre III
	Du Naturel Physique exte=
	rieur et interieur, ou ce qu'on
	appelle le Temperamment: son
	influence sur le naturel Intel=
	lectuel et moral: indices exte=
	rieurs qui annoncent les uns
	et les autres. p. 39.
	Caracteres distinctifs-carac=
	teres tirés de la figure ou le
	naturel exterieur- p. 39. 40
	Caracteres tirés du naturel
	Physique interieur ou du Tem=
	peramment-Temperamment
	bon-sanguin-bilieux-me=
	lancholique-phlegmatique-
	temperamment predominant
	et primitif-causes dela diver=
	site des Temperammens p. 40-48
	Influence du Temperamment
	sur la figure p. 48. 49.
	Influence du Temperamment sur
	le naturel Intellectuel et moral
	-caracteres distinctifs pris de ce
	naturel-diversité des penchans
	selon les divers temperammens p. 49-52
	Traits exterieurs, signes indi=
	catifs de l'interieur p. 52. 53
<101v> Chapitre IV.
	De la correspondance de l'ex=
	terieur de l'homme avec l'inte=
	rieur, et ce qu'on peut attendre
	des indications de la Phy=
	sionomie. p. 54
	Correspondance de l'exterieur
	a linterieur-caracteres ex=
	terieurs indicatifs des modifi=
	cations interieures-mouve=
	mens, gestes, demarches, main=
	tien-le visage-les yeux
	le regard et le coup doeuil p. 54-59.
	Alterations survenues ala
	correspondance p. 59. 60
Physionomique p. 60-64.
Chapitre V.
	Correspondance de l'interieur
	de l'homme a son exterieur;
	des divers signes exterieurs
	du sentiment et de la pensée;
	des premiers principes du Lan=
	gage et du Langage d'action p. 65
	Correspondance de linterieur
	a lexterieur-signes-Langa=
	ge-Langage dinstinct
	Langage naturel chès les hom=
	mes-le rire et les pleurs- p. 65-70
	Langage d'action-naturel
	dans son origine-devenu
	Langage dinstitution-
	non arbitraire mais artifi=
	ciel-Avantages et inconve=
	niens du Langage naturel
	-necessité du Langage arti=
	ficiel-perfection du Langage
	d'action-Pantomime-Imita=
	tion de la nature, principe
	de tout langage p. 70-78.
Chapitre VI
	De l'instrument vocal et de
	la voix de parole p. 79.
	Son, cri, voix-Instrument
	vocal-voix de parole-
	sons simples, voielles-sons
	articules, consonnes-causes
	de lemission dela voix-corres=
	pondance de l'organe-corres=
	pondance de l'organe de l'ouie
	avec l'instrument vocal p. 79-84
	Trachée-artere-Langage glot=
	te, epiglotte-levres de la
	glotte-canal interieur
	et exterieur-oral et nazal- p. 84-87
	causes combinées du son vocal-
	-causes combinées des divers
	tons graves et aigus-cau=
	ses de l'intensité et dela vitesse
	des sons vocaux-mechanis=
	me merveilleux dela voix hu=
	maine-Deffaut dela voix p. 87-94.
Chapitre VII
	De la formation des voielles
	et des consonnes p. 95.
	Formation des diverses voi=
	elles-formation des conson=
	nes p. 95. 96.
	organes d'articulation-
	la Langue-causes des diffe=
	rences et des vices darticula=
	tion-distinction des conson=
	nes p. 96-102
Chapitre VIII
	De la voix de chant et de
	l'accent p. 103
	Voix de chant-differences
	essentielles entre le chant et
	la parole p. 103. 104.
<102> Accent-accentuation p 105-107
modifications dela voix p. 107. 108
Declamation p. 108. 109
Prosodie p. 109
Chapitre IX.
	De l'origine et de la formation
	du langage parlé, et premie=
	rement des mots primitifs
	radicaux p. 110
	Langage parlé-tire de
	la nature-qui a decidé
	toutes les formes elementaires
	vocales et les mots primitifs,
	-qui a aussi determiné les
	rapports des sons avec les objets. p. 110-113.
	Langage parlé artificiel-
	Imitation, principe p. 113. 114.
	Primitifs radicaux classifies
	-1° Interjections et accens-
	2° primitifs resultans de l'opera=
	tion necessaire dela nature
	ches les enfans-3° primitifs
	determinés par les inflexions
	propres a chacun des organes
	-Primitifs imitatifs. 4°
	Primitifs determinés par l'imi=
	tation des objets sonores ou
	onomatopees.-5° primitifs de=
	terminés par analogie, appro=
	ximation ou comparaison. p. 114-121
Chapitre X.
Des mots derivés et composés p. 122
	Mots formés des primitifs
	selon les directions de la nature p. 122. 123
	Derivation Grammaticale et Phi=
	losophique 124 125
Composition 125-126.
Clef de letude des Langues p. 126 127
	Langage d'action toujours com=
	biné avec le langage parlé. p. 127-130
Observations p. 130-132
Consequences p. 132.
Chapitre XI
	Du Langage ecrit, et des
	divers genres d'Ecriture p. 133.
	Origine primitive et elemens
	naturels du Langage ecrit p. 133-135
	Ecriture representative par
	figures isolees-par pein=
	tures suivies-figurative
	a la Peruvienne p. 135-138
	Ecriture Symbolique-plus
	ancienne que l'Alphabetique-
	divers Symboles anciens-
	-arrangement des Symboles
	-inconveniens de cette Ecri=
	ture-Ecriture Hieroglyphique p. 138. 148
	Ecriture expeditive-
	Ecriture chinoise-con=
	clusion p. 149-154.
Chapitre XII
	De l'Ecriture litterale ou
	Alphabetique p. 155
	Insuffisance des Ecritures
	anciennes figurees p. 155.
	Ecriture Litterale-nee pro=
	gressivement-caracteres
	distinctifs de cette Ecriture
	-Ecriture Syllabique-
	consonique-organique
	ou Alphabetique-obser=
	vations p. 155-161
Origine de lEcriture Alphabetique p. 161-163
	<102v> Usages, materiaux, instru=
	mens de lEcriture p. 163-167
utilité de cet art p. 168.
Inconveniens p. 168. 169
Imprimerie p. 169. 170.
Chapitre XIII
	Resultats generaux de ce
	qui a été dit. p. 171
Signes arbitraires p. 171
	Langage pris en diverses ac=
	ceptions p. 171. 172.
	Le Materiel, le Mechanisme
	le Genie, l'accentuation p. 172. 173
	Refutation des prejugés sur
	l'origine du langage p. 174-182
	Consequences de tout ce
	qui a ete dit p. 182-185
Differences des Langues p. 185-186
Chapitre XVI
Du Langage primitif p. 187
	Langues meres, filles-
	dialectes, idiomes-jar=
	gons, patois-p. 187-189
	Langage primitif unique
	-origine primitive des
	diverses Langues-necessi=
	te de remonter au Langage
	primitif p. 189-195
	avantages resultans de
	la diversité des Langues p. 195-197.






