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Lettre à Pierre Desmaizeaux, Groningue, 27 avril 1718
A Groningue ce 27 Avril 1718.
Il est bien tems, Monsieur, que je réponde à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de
m’écrire, depuis que je suis dans ce païs. Je n’ose en regarder la datte, tant j’ai de
confusion de ne vous avoir pas plûtôt remercié de la part que vous prenez à mon nouvel
établissement, & de la peine que vous vous étes donnée pour me déterrer la vieille traduction
de Grotius. Je voudrois, Monsieur, pouvoir répondre, comme je le souhaitterois & comme je
le devrois, à vôtre empressement, & aux nouvelles offres de services que vous me faites. Je m’esti=
merois fort heureux, si demeurant à l’heure qu’il est plus près de vous, cela me fournissoit
plus d’occasions de vous être utile en quelque chose; & je compterois cela pour un des plus
grands avantages de mon changement d’état & de lieu. Mr de la Motte doit vous avoir
fait rembourser depuis long tems de ce que vous aviez paié pour la vieille traduction de
Grotius. J’accepte l’offre que vous me faisiez de me faire envoyer par Mr Du Noyer à un
prix raisonnable la nouvelle Traduction; comme aussi l’Abrégé Anglais de Pufendorf, publié
par un Mr Spavan, si je ne m’en souviens bien, & où l’on a inséré mes Notes, en 2. voll. in
8. Je ferai compter ce que ces Livres coûteront, au Corespondant de Mr Noyer à Amsterdam.
Vous aurez reçû mon Oraison Inaugurale; & la nouvelle Edition du petit Pufendorf,
augmentée de ma réponse au Jugement d’un Anonyme, ou de Mr Leibnitz. Au moins
Mr de la Motte s’est chargé de vous faire tenir cela au plûtôt, & je ne doute pas qu’il
ne l’aît fait, selon son exactitude ordinaire. Vous jugez bien, que mon changement de
païs & de situation doit retarder la fin de mon Ouvrage sur Grotius. Si je fusse resté à
Lausanne encore cinq ou six mois, tout aurait été fini, ou peu s’en seroit fallu. Mais
j’en suis demeuré au Chap. XI. du dernier Livre, & je n’y ai pas touché depuis que
je suis ici. Je continuerai, dès que je trouverai pour cela un peu de tems de suite; car les
interruptions sont 1 mot biffure un grand obstacle à ce travail. En attendant j’ai promis à
Wetstein de lui fournir de quoi fair donner une nouvelle Edition de l’Original, beaucoup
meilleure que toutes celles qu’on a vuës jusqu’ici; & vous en jugerez par la maniére 1 mot dommage
j’ai resolu de 2 mots biffure former le titre: Editionem, omnium quae hactenus prodiere emenda=
tissimam, ad fidem antiquissimarum et optimarum Editionum recensuit loca pluraque Auctorum
laudatorum distinctius designavit; innumeros in illis errores, non raro circa res ipsas, sustulit aut
indicavit; Notulas denique addidit J Barbeyracus. Personne n’avoit jamais fait ex pro=
fesso cette revision du Texte, & cette confrontation des passages citez avec les Originaux, qui m’a
donné beaucoup de peine, & m’a fourni occasion de découvrir une infinité de fautes. Les
petites Notes, que j’ajoûterai, seront seulement critiques; & j’y renvoierai, pour le fond des choses,
à mon Pufendorf, ou aux Notes futures de mon Grotius François. Je croiois que nous
verrions, dans la nouvelle Edition de Boileau, vôtre vie de ce Poëte, fort augmentée; mais
Mr de la Motte m’apprend que vous avez changé de dessein. De quelque maniére
que cette nouvelle Edition paroisse, elle sera très-bien reçuë, puis que vous avez eu de si
bons mémoires depuis la prémiére imprimée. Quand vous verrez Mr Coste, je vous
prie de lui faire bien des amitiez de ma part; Mr de la Motte m’a fait esperer
de ses nouvelles en droiture, & je les attens avec impatience. Aiez la bonté aussi, Monsieur,
de me donner des nouvelles de Mr de Villette, dont je vous ai parlé autre fois. Je serai
bien aise d’apprendre, qu’il aît quelque poste digne de lui. Je suis avec tout
l’attachement & toute la sincérité possible
Monsieur
Vôtre très-humble & très-=
obèïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur DesMaizeaux
A Londres