,
Notice historique sur les peintures de la boiserie transportée en 1808 du château d'Hermenches au château de Mézery, Lausanne, 1873
NOTICE HISTORIQUE
SUR LES PEINTURES DE LA BOISERIE
transportée en 1808
DU CHATEAU D’HERMENCHES
AU
CHATEAU DE MÉZERY
LAUSANNE.
1873
<p. [1]> Avant-propos
Cette boiserie qui figurait au château d’Hermenches
près de Moudon, avait été imaginée et exécutée par le maréchal de
camp Baron de Constant-Rebecque, seigneur d’Hermenches et Villars
Mendraz . Les paneaux représentent des amis et commenceaux du
château d’Hermenches où il y avait toujours nombreuse société au milieu
de laquelle figurait des militaires de haut grades et de grands noms,
avec qui, la superbe position que Mr d’Hermenches occupait dans l’armée
française, créait, de bonnes et intimes relations.
Les scènes gracieuses et les groupes charmants que forment
ces tableaux sont dûs au talent de Mme d’Aubonne qui en avait fait
les croquis en véritable artiste. Un peintre nommé Dalberg fut ap=
pelé pour exécuter ces tableaux sur bois et s’en tira avec bonheur, car
achevés en 1757 et ayant subi dès lors un transport périlleux, on est
étonné de la bonne conservation et de la vivacité des couleurs de ces peintures.
On aurait désiré retrouver dans nos papiers de famille, une
note descriptive de cette boiserie, mais malheureusement ce travail qui
assurément existe, ne nous est jamais parvenu et chose étonnante on ne
voit pas même dans les lettres de cette époque des conversations ou des
renseignements sur ces peintures qui cependant avaient fait
sensation. En sorte que nous en sommes réduits pour les expliquer et
pour désigner les personnages qui y figurent, à des traditions verbales
qui se sont transmises depuis deux générations, et que nous donnons
telles qu’elles nous sont connues.
Il est intéressant de mentionner ici qu’il existe à notre
connaissance, deux salons peints dans le même genre et représen=
tant des groupes faisant portraits, le 1er est à Yverdon, à l’ancienne
maison Treytorrents, maintenant Miéville et l’autre à Berne, au
<p. 2> château de Rumeligue appartenant aux héritiers de feu Mme Frusching
grande amie de Mr de Constant d’Hermenches qui lui avait legué ses
portefeuilles d’estampes et gravures.
<p. 3>
<p. 4> 1er Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de son frère Victor ]
<p. 5> Ce tableau qui par sa grace et sa facture, rappelle le genre de
Greuze, est destiné à conserver le souvenir d’une plaisanterie dont le
chatelain d’Hermenches se rendait quelquefois coupable envers les grands
seigneurs ses hôtes et amis, très friands des carnations fraîches et natu=
relles qu’ils ne rencontraient pas souvent sur leur chemin. Or donc, dans
le village dont le Baron de Constant d’Hermenches était le sei=
gneur, il y avait une famille nommée Jayet possédant 4 filles
d’une remarquable beauté. Pour utiliser cette rare abondance de charmes,
le chatelain eut l’idée maligne de costumer les quatre campagnardes en
grandes Dames et d’embellir ainsi ses réunions, en leur recommandant
des mouvements doux, un silence complet, et surtout, de ne jamais
ôter leurs gants! Les beaux yeux et les joues roses opéraient donc sans
aucuns secours, mais n’en faisaient que plus d’effet: Aussi on prétend
que l’agitation était grande parmi les officiers amis de la maison. Mais
comme cette situation difficile ne pouvait se prolonger, on avait soin d’abré=
ger la cérémonie en supprimant subitement les belles inconnues. –
C’est pour donner une idée du genre de beauté de ces paysannes, à surprises,
qu’on en a représenté une, dans la gracieuse attitude que vous voyez, por=
tant aux bras un petit frère Jayet, que nous avons encore vu vivant
et parlant de ses 80 ans avec un entrain qui justifiait le beau
sang attribué à cette famille.
<p. 6> 2ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 7> Ce tableau représente l’atelier de d’Alberg peintre de la
boiserie. Pour le moment, il est occupé à achever un portrait de la géné=
rale de Constant née Rose de Berchier , mère de M. de Constant d’Hermenches.
Auprès de l’artiste, debout, Mme d’Aubonne le re=
garde peindre, et lui donne sûrement de bons conseils, en tenant à
la main un petit portrait de la générale qui, étant morte , ne pouvait
se retrouver que dans des souvenirs. Aussi, pour les détails de la toilette,
M. d’Alberg fait poser sa femme, qui était jolie, et que l’artiste, fort
jaloux, n’était pas fâché de garder près de lui, dans un château où de sé=
duisants militaires se donnaient rendez-vous.
Dans le fond, on voit une dame de la maison et un
rapin qui broye des couleurs.
<p. 8> 3ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 9> Ici l’on voit deux chasseurs de caractères bien différents:
L’un M. de Saussure de Boussens , célibataire, sournois, qui aimait
à chasser seul et qui n’en chassait pas plus mal; sans luxe ni
bruit. Deux chiens de petite race, qu’au besoin il logeait dans un
grand carnier, composaient tout son équipage.
En revanche, on voit plus loin, le baron de Saussure de Ber=
chier ; aussi passionné et bruyant que l’autre était calme et modeste.
Il crie et gesticule, entouré d’une meute respectable; on voit qu’il est très
échauffé et on entend qu’il jure. "Criminidi! que le diable t’emporte"
était en effet son refrain favori. Il est évident que ses compagnons
en retard ont lassé sa patience.
<p. 10> 4ème Tableau
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
Après la chasse à pied vient la chasse à cheval
et même la chasse au faucon, ne vous en déplaise, très grand genre im=
porté de France et rarement pratiqué chez nous. Le trait le plus or=
iginal de ce tableau, c’est les dames chevauchant, jambe de ci, jambe
de là, et faisant déjà pressentir qu’un jour, la femme réclamerait le rôle
d’homme. Mais revenons-en, aux personnages qui figurent dans ce
tableau.
A l’avant-garde, galoppe le marquis de Gentil beau-
frère du seigneur d’Hermenches; Mme d’Aubonne, plus tard Mme
de Corcelles est arrêtée et tourne le dos, avec un habit d’une coupe et
d’une couleur rose qui mérite une mention spéciale; en face, M. de
Siner de Ballaigues donne ses instructions sur la direction à suivre,
puis vient Mme de Saussure de Berchier (grand’mère de nos de
Saussure) qui as perdu son chapeau ou préfère le grand air; puis
la marquise de Gentil née de Constant ; enfin le porteur du faucon,
Mr Hubert de Genève, célèbre par son talent à faire des découpures:
C’est lui, dit-on, qui, une tranche de fromage à la main savait y
faire mordre son chien si adroitement, qu’il en résultait une silhou=
ette de Voltaire très ressemblante. Piqueurs et valets de chiens com=
plètent ce tableau.
<p. 12> 5ème Tableau.
Sur la glace.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 13> Ce demi-panneau, est un charmant groupe dans le
genre de Watteau, qui représente les servantes du château, prenant un
bain dans un ruisseau qui coule au bas du vallon. L’eau est peu
profonde, mais grâce aux vêtements conservés, le peintre a sauvé les appa=
rences. Les poses sont gracieuses. Une des femmes de chambre
joue avec un petit chien épagneul qui sous le nom de Kyss occupait une
grande place dans les faveurs de M. d’Hermenches et le suivait partout;
même à la guerre!
<p. 14> 6ème Tableau
Devant de Cheminée.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 15> Cette figure brunette et mutine, à l’œil brillant, appar=
tient à Melle Buchez gouvernante de la maison du Général. Elle tient
un violon, ce qui, il faut en convenir est un singulier bâton de com=
mandement pour une ménagère! Mais en y regardant de plus près, la
grosseur et la forme de cet instrument, indique ce qu’on nommait une
viole, espèce d’alto, fort en vogue à cette époque, plus facile a jouer et don=
nant des sons graves et doux. Il est évident qu’on a voulu dire: Elle
est musicienne. Et pourquoi pas, s’il vous plaît, une gouvernante n’est pas
toujours à la cuisine ou à la lingerie, et si elle sait mêler l’agréable
à l’utile (utile dulci) qu’y trouvez-vous à redire? Mais alors j’avoue que
son costume m’intrigue; car il n’y a pas de doute, nous sommes au concert
ou au bal. Eh bien! mettons que Melle Buchez était une gouver=
nante de bon ton, admise au salon. Et convenons même qu’elle devait y
faire très jolie figure.
<p. 16> 7ème Tableau
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 17> Il paraît décidément, qu’on cultivait la musique
au château d’Hermenches, car du solo de viole, nous passons au qua=
tuor.
La reine et directrice de ce concert, est la gracieuse
dame d’Aubonne, qui avait tous les talents. Ici elle chante et en=
chante, car le sournois qui rôde derrière elle en la regardant en l’écoutant
avec émotion, est Mr de Corcelles , à la veille d’épouser l’aimable veuve,
à la droite de Mme d’Aubonne est un artiste italien, flutiste célèbre nom=
mé Gualtieri; plus loin le syndic Turetini de Genève, violon amateur
puis Mr de Crousaz connu sous le nom de Crousaz la basse .
Enfin le 1er violon au long nez et à la physionomie intelli=
gente, ayant nom Pougnani , est un artiste de grand mérite. Ecoutons
donc? Car ce doit être de la bonne musique.
<p. 18> 8ème Tableau
(Petit paneau)
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 19> Il s’agit ici d’une promenade sentimentale, ou figure
Melle de Saussure de Bavois , écoutant avec complaisance les ten=
dres propos de Mr d’Orges ; Il paraît néanmoins que ces entretiens, au
bocage, n’eurent pas de conclusion serieuse, car Melle de Saussure, de=
vint la générale de Charrière, bien connue à Lausanne où elle était
la tante ou la cousine de tout le monde. Elle habita jusqu’à sa mort,
avec Melle Rosalie de Constant la campagne du Petit-Rosemont
qu’elle avait nommée petit Bien. Qui ne se souvient, de la bienveil=
lance de cette femme excellente, amie de la jeunesse, et des petits
concerts où elle faisait débuter en public les jeunes pianistes de
sa nombreuse parenté: Le cœur, me bat encore, quand j’y pense! Je
me souviens aussi de la cariole classique de cette bonne tante, traî=
née par un cheval de grand âge, nommé Henry et si peu en état de se
servir de ses jambes qu’un jour la générale écrivait à l’un de ses neveux
"Viens à mon secours, les rats mangent les pieds d’Henry!"
<p. 20> 9ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 21> Cette Idylle champêtre ou la vache, le berger et les
moutons n’ont pas été oubliés, n’est qu’un décor pour servir de cadre
gracieux à une épisode sentimentale dont le château d’Hermenches
avait été témoin. On dit que l’héroïne de ce tableau, qui a l’air très
grande dame est la marquise de Ronquerolle pour qui soupirait
Mr de Chapelle.
Cet entourage symbolique semble indiquer qu’il s’agis=
sait d’un roman tout bucolique.
Il est donc inutile de chercher les noms des figurants qui
occupent le fond du tableau.
<p. 22> 10ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 23> Il y a fête au village. Les habitants du château
ont daigné paraître a ce bal champêtre. On leur a cédé la place
pour les admirer, et Mr Doxat de Démoret éxécute avec
Melle de Roll, une véritable allemande Bernoise, danse vive
et entraînante, maintenant bien oubliée mais dont on est heu=
reux de retrouver le souvenir. D’autres hôtes du château, assis
sur des bancs, admirent l’entrain de cette danse nationale,
mais leurs noms ne sont point mentionnés dans nos souvenirs.
<p. 24> 11ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 25> Il faut se rappeler qu’autrefois la danse n’était pas
une simple promenade en traînant la semelle, mais un art qui
demandait une longue étude; aussi voyait-on souvent un bal sus=
pendu, pour admirer une ou deux Dames célèbres par leurs ta=
lents chorégraphiques, qui dansaient des pas de Caractère, la Gavote,
la danse au châle, etc…
On ne s’étonnera donc pas de voir ici une Delle de Stei=
ger en costume espagnol, le tambourin à la main exécuter un pas
de fantaisie.
Les de Steiger étaient des amis du château d’Hermen=
ches; leur fille avait une taille fine, un joli pied; soyez donc sûr
que malgré sa solitude apparente, elle ne danse pas pour son compte
particulier, mais qu’elle se sent entourée de spectateurs bienveillants.
Ajoutons que le paysage qui fait partie du tableau est évidemment
un décor imaginé pour l’arangement général.
<p. 26> 12ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 27> Nous voici à Monrepos qui appartenait alors à
Mr de Gentil, beau-frère de Mr d’Hermenches. Il y avait
fait construire un charmant théâtre où des acteurs de la société
jouaient sous les yeux de Voltaire, les tragédies de cet auteur célèbre.
On a souvent raconté à ce sujet qu’un des acteurs, s’écriant dans
son rôle: Ou sommes-nous, Seigneur? un spectateur s’empressa
de répondre: Dans le grenier du maître de ces lieux. C’est donc le
dit grenier, fort embelli, comme on le voit, que représente notre ta=
bleau, et la tragédie de Zaïre a été choisie pour occuper le thé=
âtre. On se souvient de la scène finale du 5e acte. L’obscurité
règne sur le théâtre et Zaïre entraîne son amie Fatime à la rencontre
de Nérestan qu’elle croit entendre:
"Je marche en frémissant, mon cœur est éperdu.
Est-ce vous Nérestan? j’ai tant attendu!
Mais non, c’est Orosman qui s’avance ivre de colère et de jalousie, le
poignard à la main, croyant Nérestan son rival: Et dans sa fureur
il se précipite sur Zaïre qui allait sortir de la scène s’écriant: C’est
moi que tu as trahi: tombe à mes pieds! Mais au lieu de tomber à ses
pieds, l’infortunée Zaïre en disant: Je me meurs Oh mon Dieu!
se trouve sur les genoux de Voltaire qui assistait à la représentation
assis dans les coulisses et que son enthousiasme d’auteur avait entraîné
trop loin. C’est cet incident tragi-comique, fort à la louange des acteurs
dont on a voulu conserver le souvenir. On sait donc maintenant, si
on ne l’a déjà reconnu (car il est fort ressemblant) que le vieillard assis
est Voltaire.
Il nous reste a dire qu’Orosman est représenté par
Mr de Constant d’Hermenches, Zaïre par sa femme (née de
Seigneux) et Fatime par une Delle de Crousaz de Corsier, amie
et parente de la famille. Ajoutons enfin que l’histoire porte que ces
acteurs jouaient avec un vrai talent.
<p. 28> 13ème Tableau
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 29> Il fallait pour la disposition de la salle, un pen=
dant à la danse espagnole, et l’on a choisi la danse des fleurs.
Une Baronne de Niewenheim, d’une noble famille hol=
landaise, séduite par la riche position que lui offrait un Mr Pater
de la catégorie des fournisseurs, l’épousa; mais bientôt veuve, sa remar=
quable beauté donna l’idée de lui faire jouer un rôle à la cour de France.
Mais Mme Dubarry, encore puissante comprit le danger, en fit
épouser à la belle veuve le Marquis de Champcenetz. Elle avait
beaucoup d’admirateurs et de vrais amis, au nombre desquels
figurait le seigneur du château d’Hermenches où elle fit quelque
séjour. On ne doit donc point s’étonner de sa présence sur la boi=
serie des amis. Il paraît, du reste, que cette taille fine et gracieuse
était une réalité, car le comte de St Priest, dinant un jour
à Mézery et apercevant ce tableau, s’écria!
Pauline c’est bien toi! Ce cri du cœur qui justifie le
talent du peintre, trahissait aussi les succès de l’ambassadeur.
<p. 30> 14ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 31> Nous sommes à Amsterdam. Un canot s’a=
vance et vient chercher deux personnages dont le costume in=
dique le mystère. La femme pleure et son compagnon a l’air plus
inquiet que triste. En voici l’explication.
Mr d’Orges , amoureux, d’une belle et riche Hollan=
daise, en désespérant d’être agréé par les parents, se décida à em=
barquer sa belle au sortir d’un bal costumé. Cela nous dit suf=
fisamment qu’il était aimé. Mais le remord arrosé d’abondantes
larmes nous montre que la piété filliale lutte encore, contre l’amour!
Mais Mr d’Orges était éloquent, il leva tous les scrupules et
l’on partit pour Lausanne but du voyage. Mr d’Orges avait
des amis, on négocia et tout finit légitimement et à la satisfac=
tion générale.
En choisissant cette scène d’enlèvement comme tableau,
on doit penser que Mr d’Hermenches a voulu rappeler à son ami qu’un
début aussi violent, exigeait pour la suite des procédés charmants.
<p. 32> 15ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 33> Une des plus belles pages de la vie militaire du
maréchal de camp Bon de Constant d’Hermenches, c’est la campagne de
Corse entreprise contre le célèbre Paoli. Nous possédons encore des
rapports officiels témoignant de la conduite habile et courageuse
de notre aïeul pendant cette guerre difficile et fatigante qui lui a
valut la Légion d’honneur et une pension de 6000 francs.
Il était naturel que la boiserie rappela ce souve=
nir honorable. C’est donc une halte militaire en Corse que nous
avons sous les yeux. Mr d’Hermenches est entouré de ses officiers.
Dans le fond, on voit des mulets qui, dans ce pays accidenté, sont les
seuls moyens de transports. De nombreuses bouteilles qui rafraî=
chissent dans un clair ruisseau et un menu respectable, prouvent
que les officiers de S. M. le Roi de France ne se laissaient pas
mourir de faim. Mais faisons connaissance avec ces braves guer=
riers. Assis à droite décoré du grand cordon bleu, est Mr d’Aubonne
qui tend un verre à Mr de Mérode; debout à côté de Mr d’Aubonne
sont les deux frères de Chapelle, plus loin, un second frère de
Mérode, regarde Mr d’Hermenches debout qui boit un verre de
vin, enfin le Brigadier de Mides (de Loys) qui possédait Vidy, mé=
thodiquement assis la serviette sur les genoux, nous montre un pro=
fil très accentué et à l’air sérieusement occupé à son travail gastronomi=
que. Le chien Kyss que nous connaissons déjà attend sa part. Enfin
dans le fond du tableau, on voit des tentes et des soldats.
<p. 34> 16ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 35> C’est dans un roman très en faveur à cette époque la
Belle Maguelonne que l’on a pris la scène un peu libre que nous
avons sous les yeux. La bergère qui y garde si mal ses moutons n’est
point nommée et ne figure ici que pour l’arrangement du tableau
dont le but évident était de rappeler malicieusement au prince
de Ligne avec qui Mr d’Hermenches était fort lié, quelque aven=
ture où il avait montré plus de curiosité que de discrétion. Le costu=
me de Pierre de Provence que l’on a donné au prince et l’ensemble du
tableau qui pouvait passer pour une bergerie quelconque, sauvait les
apparences, pour ceux qui ne connaissaient pas les personnages et n’é=
taient pas dans le secret.
<p. 36> 17ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 37> Nous avons ici un vrai tableau de famille qui réunit
des portraits qu’on tenait à conserver. Au bout de la prairie, on
voit le château d’Hermenches, et dans une belle allée plantée d’arbres
le seigneur de l’endroit se promène en petit uniforme. Aimant l’instruction
et écrivant avec esprit, obligeant et généreux, on l’a représenté un livre
à la main et faisant une aumône; à droite, jouant auprès d’une pe=
tite table et surveillée par une bonne assise à ses côtés on voit une petite
fille de 5 à 6 ans; c’est la cadette des 2 enfants que Mr d’Hermenches
avait eu de sa première femme (née de Seigneux). Cette petite fille se
nommait Constance, et chacun l’a connue plus tard, mariée à Mr
Darlens, femme aimable et bonne qui avait légué ces qualités à
Mme Laure de Cottens sa fille. Une parente du Général, Mme
de Saussure tourne le dos pour prendre sa part des observations
auxquelles se livre, une lunette à la main Mr de Constant de
Genève, frère de Mr d’Hermenches, homme instruit et sérieux
père de Rosalie et Lisette de Constant qui plus tard ont vécu à
Lausanne. Un officier en uniforme qui fait partie de ce groupe
est Mr d’Affry.
Plus loin, arrivent des promeneurs qu’on croit être Mr
Siner escortant Mme de Bettens et Mr de Seigneux de Correvon;
au devant d’eux, se tenant très droite marche Melle Sophie Du=
fay qui vivait au château d’Hermenches comme fille adoptive du
Général et qui plus tard a épousé le Docteur Verdeil.
<p. 38> 18ème Tableau.
[photographie d’Adrien C. d’après le croquis de Victor]
<p. 39> Lorsque le Général de Constant venait en
congé s’établir à son château d’Hermenches, il y était toujours entouré
de nombreux parents et amis, et les plus grands seigneurs, ses compa=
gnons d’armes, ne dédaignait point l’hospitalité qu’il leur offrait.
Il est vrai qu’au château d’Hermenches, on menait joyeuse vie
et qu’avec les cavalcades, la chasse et la pêche, le temps passait
vite dans cette réunion de gens aimables et spirituels, ou chacun était
libre de suivre à ses goûts. Aussi, voyons-nous, pêchant solitai=
rement a la ligne, un frère de Mr d’Hermenches, Juste de Cons=
tant, colonel d’un régiment au service des Pays-Bas, homme
de beaucoup de moyens, mais d’un caractère entier et bizarre qui lui
causa beaucoup d’ennuis avec ses officiers dont il ne sut pas gagner
l’affection. Il était le père du célèble [sic] publiciste Benjamin de Cons=
tant. En voyant ici ce colonel pêcheur, courir la campagne en
robe de chambre, on devine un homme très original.
<p. 40> Conclusion.
Ici se termine le récit des souvenirs qui nous a trans=
mis la boiserie d’Hermenches si bien conservée à Mézery. Et si
nous avons pu illustrer ce compte-rendu par des petits croquis
servant de guides aux visiteurs de ces tableaux n’oublions pas de
dire que les dessins originaux de ces fac-similés photographiques
sont dus à l’habile crayon de Mr Victor de Constant, mon
frère cadet.