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« Assemblée XXI. Lecture de la dissertation de Stephens sur la religion des Dames », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 13 avril 1743, vol. 1, p. 227-235
XXI. Assemblée
Du 13. Avril 1743. Présens Messieurs Polier Rec=
teur, Seigneux Boursier, Seigneux Assesseur, DeCheseaux Con=
seiller, D’Apples Professeur, Baron DeCaussade, DuLignon, De
St Germain Conseiller, De Cheseaux fils.
Discours de Monsieur le Comte.Messieurs. Je fais avec bien du plaisir la recapitu=
lation de ce que vous m'avez appris dans votre derniere As=
semblée, parceque la matière en est des plus interessantes.
Rien pourroit-il attirer davantage notre attention que la
connoissance des moïens qui peuvent nous rendre heureux
dans cette vie, et nous conduire surement à la possession de
la félicité eternelle? C’est là ce que Mr De St Pierre se pro=
pose de nous apprendre dans le Discours que vous lutes Same=
di dernier, et que vous avez éclairci par vos Reflexions.
Pour cela vous avez établi qu’il faut faire les observati=
ons suivantes. 1° Que tous les plaisirs que nous goutons en
grand nombre dans cette vie viennent de Dieu, qu’ils ne dé=
pendent /p. 228/ point de nous; que c’est à la Bonté et à la Toutepuis=
sance de Dieu que nous en sommes redevables.
2° Que puisque Dieu nous accorde tant de douceurs dans cette
vie courte et passagère, ou nous sommes, pour ainsi dire, éloignés
de lui, et ou nous l’offensons si souvent, il nous en accordera, et en
bien plus grand nombre et de bien plus considérables, lorsque nous
serons réunis à Lui dans la vie à venir.
3° Quand nous ressentons quelque douleur, nous devons pen=
ser que nous ne gouterons en Paradis que des plaisirs purs et sans
aucun mélange de crainte, ni de douleur.
Ces réflexions augmenteront notre amour pour Dieu, et
nous engageront à la plus vive reconnoissance. Eh quelle plus
délicieuse vie que de n’être occupé qu’à réfléchir sur les bienfaits
continuels dont nous sommes comblés, sur les biens infinis qui
nous attendent, sur l’amour immense du Dieu qui nous les ac=
corde, et que de se livrer aux sentimens de reconnoissance que
ces pensées font naitre dans nos cœurs?
Quelle consolation n’aurons nous pas dans les diverses af=
flictions auxquelles la vie humaine est exposée, de penser que
Dieu voit nos peines, qu’il est prêt à les soulager, lorsqu’il sera
nécessaire pour notre avantage, et que nous en serons ample=
ment dédommagés et recompensés dans la vie à venir, par les
bienfaits immenses que Dieu répandra sur nous!
Enfin la considération que les biens de cette vie sont pas=
sagers, qu’ils sont mélés d’amertumes, mais que ceux de la vie à
venir sont infinis en grandeur et en durée, et qu’ils sont par=
faitement purs; cette considération, dis-je, nous animera à la
recherche de ces biens glorieux, elle elèvera nos cœurs au Ciel, elle
nous détachera de cette vie, et nous portera à faire tous les efforts
dont nous serons capables pour nous assurer la possession de ces
biens immenses.
C’est ainsi que nous gouterons agréablement les plaisirs de
cette vie, que nous adoucirons les douleurs et les afflictions aux
quelles nous sommes exposés; c’est ainsi enfin que préférant les
biens du Ciel à ceux de cette Terre, et faisant des efforts sincères
pour les obtenir, que la Bonté de Dieu couronnera nos tra=
vaux, en nous introduisant dans son Paradis et en nous
y mettant en possession des biens infinis que nous aurons
si ardemment desirés.
/p. 229/ Monsieur le Recteur Polier a fait lecture d’une DissertationExtrait de la Religion des Dames du Docteur Stephens.
du Docteur Stephens qui a pour titre La Religion des Dames
&c. traduit de l’Anglois, 3e edition. Cette pièce se trouve à la fin
du Livre intitulé Le Christianisme raisonnable &c. par Mr
Locke, mais seulement dans la 2e et la 3e edition. A la tête
de ce petit ouvrage il y a un Discours du Traducteur qui s’étend
depuis la page 303 jusqu’à la 317. Il nous apprend que l’Auteur
aïant été consulté par Madame Howard sur la manière dont
il faut se préparer à la Sainte Cène, a pris occasion de là de
faire cet excellent portrait de la Religion Chrétienne, afin de
montrer quels sont les devoirs auxquels sa profession nous en=
gage en tout tems, soit avant que de se préparer à la Communi=
on, soit en se préparant à cette Sainte Cérémonie, soit après y
avoir participé. La Religion des Dames commence à la page
318 du 2d Tome du Christianisme raisonnable &c. 3e edit. Amst.
1731. et s’étend jusqu’à la fin savoir à la page 350. Voici ce
qu’elle contient.
L’Auteur établit que la Religion est toute pleine de sagesse
d’une courte discussion, claire, pure, dégagée de toute superstition
et éloignée de ce qu’on appelle intérêt particulier, et amour de par=
ti: Telle, en un mot, que le véritable Christianisme, dont chaque
précepte tend directement à nous rendre contens et satisfaits
en nous mêmes, doux et charitables les uns envers les autres, et
enfin heureux auprès de Dieu.
I. La Religion est pleine de Sagesse. 1. On en conviendra, si on
examine tout le plan de la Religion, dont les parties ont un
merveilleux rapport entr’elles, et concourent à un but excellent,
ce qui fera conclurre qu’elle tire son origine d’un Dieu tout sage.
2 Toutes les parties de la Religion tendent au bien commun du Gen=
re humain. Ses menaces nous détournent des dérèglemens du vice,
qui est notre plus grande folie, et ses Promesses nous engagent
à la pratique de la Vertu, qui est notre plus grande Sagesse. On
voit par là que l’Evangile est destiné à sauver les ames, en les déli=
vrant de leurs funestes habitudes et des épouvantables chatimens
qui en sont les suites, et ce but qui regne dans tout l’Evangile
en montre la sagesse. On peut juger par ces considérations qu’elle
est la plus pure des différentes Communions des Chrétiens. Celle qui
ne se propose que de délivrer les ames de ceux qui la composent de
la puissance du péché est la plus pure. Desorteque sans exposer
/p. 230/ son salut à aucun péril on peut négliger toutes ces spéculations subtiles
qui ne contribuent pas directement à nous rendre gens de bien.
II. La Religion est claire. Cela se prouve d’un coté, parcequ’on
ne peut concevoir que Dieu qui est tout sage, ait eu dessein en se
communiquant à nous, que de nous instruire de la nature du bien et
du mal, afin de nous diriger vers le bien. Or toute instruction doit né=
cessairement être claire et facile à entendre. D’un autre côté Dieu
nous a donné un entendement pour nous en servir à comprendre les
différens articles de notre Religion qui tendent à nous rendre plus
parfaits & plus vertueux. Ces Articles sont 1. un narré des faits qui
sont contenus dans les IV Evangiles et dans les Actes des Apotres: or
ces faits sont racontés d’une manière si claire qu’il ne faut que
les lire pour les comprendre. 2. Des Loix morales, qui doivent
être claires, parcequ’elles sont destinées pour nous servir de règle
dans la conduite de notre vie. 3. Des motifs, propres à nous faire
recevoir ces Loix avec plus de respect, et à nous les faire observer
avec plus d’exactitude; or il est nécessaire que ces motifs soient
évidens pour agir fortement sur notre volonté. 4. Des exhortati=
ons, pour nous recommander la pratique de nos Devoirs, qui doi=
vent aussi être claires pour produire leur effet.
De plus la Religion étant pour le simple Peuple autant que
pour les Savans, doit par là même être sans embarras et sans
obscurité. On voit par là qu’on peut s’épargner la peine d’exa=
miner toutes les Questions abstraites et mystérieuses dont la Théo=
logie est embarrassée.
III. La Religion est d’une courte discussion. Cela paroit déja par
ce que nous avons dit de sa clarté. Mais c’est ce que nous appren=
ent encor très clairement les déclarations de l’Ecriture. Michée
VI. ψ. 8. Qu’est-ce que l’Eternel ton Dieu exige de toi, sinon que
tu exerces la Justice, que tu aimes la Miséricorde, et que tu te
conduises avec humilité en la présence de ton Dieu. Et Jesus Christ
dit que la Loi et les Prophètes se reduisent à nous apprendre
à faire aux autres tout ce que nous voudrions qui nous fut
fait à nous mêmes. Matth. VII. ψ. 12. Si cette règle étoit suivie, tou=
tes les Persécutions cesseroient; on ne verroit plus de factions dans les
Etats, ni de guerre, ni de procès, ni de quérelles, ni d’inimitiés.
IV. On voit aisément pourquoi la Religion doit être claire et d’une
courte discussion; c’est parceque la Religion étant pour le Peuple,
qui n’a point l’esprit cultivé, et qui est obligé de vivre de son travail il
/p. 231/ n’auroit pas le tems, ni les talens pour s’embarasser de toutes les ques=
tions épineuses et subtiles dont on a chargé la Théologie, ainsi on
peut s’épargner la peine de les parcourir
V. La Dévotion est une partie essentielle de la Religion. La prié=
re et les actions de graces en sont l’ame. En rendant à Dieu les re=
mercimens que nous lui devons, nous conservons dans notre esprit
l’idée du plus Grand et du plus Bienfansant de tous les Etres, et
par là nous entretenons dans notre cœur la vénération & la re=
connoissance qui lui sont dues. Et les priéres que nous lui adressons
pour lui demander le pardon de nos péchés ou la conservation
de nos corps, nous rappellent sans cesse sa Bonté & sa Miséricorde
envers nous.
Mais sans déconseiller la pratique de faire ses dévotions à
certaines heures et en suivant des formulaires, l’Auteur voudroit
que l’on eut une Dévotion occasionnelle: c. à d. qu’à l’occasion de
quelques mauvaises dispositions que je découvre en moi, ou de
quelque mauvaise action que je viens de commettre j’en deman=
de tout aussitot pardon à Dieu, parceque cela arrête les progrès
du mal. On peut se servir de la même méthode à l’egard des
péchés d’omission. Cette sorte de Devotion casuelle est produite
par l’examen que nous faisons de nous mêmes, par rapport aux
circonstances ordinaires de la vie, et est très propre à produire, con=
server et augmenter en nous de vrais sentimens de Religion.
La pratique de cette Dévotion deviendra tous les jours plus aisée
et ces courtes et fréquentes réflexions sur soi même sont comme
un frein qui nous détourne sans cesse du mal, et un exercice
actuel de vertu.
VI. Pour l’ordinaire on remet à faire cet examen de soi même
tout à la fois en se préparant au sacrement de la Sainte Cene.
Mais il vaudroit mieux se faire une constante habitude de veiller
sur soi même, que de différer cet examen à un tems eloigné, ou l’on
a perdu en partie le souvenir de ses fautes. C’est pour cela que
l’Auteur a écrit une Lettre sur la Religion en general, pour ré=
pondre à ce qu’on lui avoit demandé seulement sur la Sainte
Cène. Il en a usé ainsi, parcequ’une sincère disposition à la ver=
tu est la meilleure préparation à ce Saint Sacrement.
Dailleurs il faut y participer avec joïe puisqu’il destiné pour
notre bien; il faut aussi éviter avec soin d’y participer avec in=
différence ou avec profanation, comme faisoient les Corinthiens,
/p. 232/ parceque des dispositions si contraires à la véritable piété endurcis=
sent le cœur, et rendent inutiles tous ces exercices de Dévotion.
VII. Vous voiez donc, dit l’Auteur, que la Religion est pleine de sagesse
qu’elle tend à délivrer nos ames de la puissance du péché, et de ses suites
funestes: que pour cet effet vous êtes obligée de veiller constamment sur
vous mêmes, de vous repentir aussi souvent que vous péchez, et de dispo=
ser votre cœur par des prieres mentales, et cela dans la vue de vous fai=
re une constante habitude de la vertu. Enfin que la mort de notre di=
vin Sauveur tend à la même fin. Que si vous vous faites un devoir d’ê=
tre équitable, vertueuse, et soigneuse de faire tout le bien que vous
pourrez, vous jouïrez d’une agréable tranquillité d’esprit, et de ce doux
repos de la conscience qui est sur la Terre un avantgout des délices du
Ciel, et en ce cas, Madame, vous pourrez sans crainte participer en
tout tems à la Sainte Cène.
Sentiment de Mr le Boursier Seigneux.Rien n’est plus inutile que les objections qu’on fait contre la Re=
ligion, a dit Monsieur le Boursier Seigneux; car il y a peu de per=
sonnes capables de les lever; elles sont une source de doutes, que
la charité doit ménager: si on veut en faire, ce doit être entre
personnes éclairées, et les accompagner de la solution: si on n’a
point de solution à donner, il faut les garder pour soi. Les Dispu=
tes sont bonnes dans les Académies, pour exercer l’esprit de ceux
qui étudient, mais elles ne sont pas bonnes pour le Peuple.
Mr Stephens parlant à une Dame fait bien de supposer les
principes de la Religion. Dans l’idée qu’il nous en donne, il rappor=
te tout à la pratique; les Ministres aussi devroient s’attacher à
la Morale Chrétienne.
Monsieur le Boursier a fait des réflexions sur ce passage
de St Matthieu; Applanissez le chemin du Seigneur et dressez ses
sentiers, Quoique cet ordre soit donné à tous les Hommes, il est ad=
dressé principalement aux Ministres de l’Evangile, qui ne doivent
rien négliger de tout ce qui peut faciliter aux hommes les moïens
d’embrasser l’Evangile, qu’ils doivent pour cela lever les obstacles
qu’y mettent les difficultés et les questions épineuses et inutiles dont
on l’avoit embarassé ci devant, & par lesquelles on rendoit cette
voïe bien rabotteuse, et on éloignoit bien des personnes, qui par
foiblesse de génie ne pouvoient ni les comprendre, ni les résoudre. Ne
donnez point de scandale à l’un de ces petits, dit encor Jésus Christ.
Ceux qui le font, sont très criminels, soit par les difficultés qu’ils
répandent sur cette Doctrine, soit par les doutes, par lesquelles ils embarassent
/p. 233/ l’esprit des Chrétiens, et les tourmentent. Peut-on croire que tant de
millions de Chrétiens qu’il y avoit au commencement connussent
toutes ces difficultés dont la Religion est embarrassée aujourdhui.
L’Auteur bannissant donc ces difficultés, rappelle la prémière simpli=
cité que Jesus Christ a suivie. Sa méthode est donc excellente.
Sentiment de Mr DeCheseaux le filsOn croit, a dit Monsieur DeCheseaux le fils, qu’il faut tout exami=
ner, d’autres croient qu’il ne faut rien examiner. Ces deux partis sont
outrés tous les deux. Il faut examiner chacun selon ses forces; étudier
la vérité de la Religion dans des Livres en langue vulgaire; il faut
s’appliquer à sentir la beauté de la Morale de l’Evangile, et son ex=
cellence, il faut accoutumer sa volonté à s’y soumettre; en un mot
il faut perfectionner sa volonté plutôt que sont entendement.
La comparaison des Loix de l’Evangile; avec tous les Systhè=
mes de Loix que les Philosophes ou les Législateurs ont donné
est une des plus fortes preuves de sa Divinité. Elles tendent tou=
tes au bien de l’Homme. Les Systhèmes des Philosophes ont man=
qué à cet égard, ils ont cherché leur bonheur ou il n’étoit pas.
Monsieur le Professeur D’Apples a dit qu’il falloit bannir lesSentiment de Mr le Profes. D'Apples
disputes de l’étude de la Religion. Si l’on s’en étoit tenu à la sim=
plicité, il n’y en auroit point eu. En effet on n’a pas disputé sur
les fondemens de la Religion, s’il y a un Dieu, s’il faut l’aimer,
s’il faut être juste &c. mais on a disputé sur des matières obscu=
res et qui ne contribuent point à nous porter à la piété. Les
Disputes d’ailleurs n’éclaircissent rien. L’Auteur rapporte tout
à la pratique. C’est en effet l’essentiel de la Religion. Il la présente
sous l’idée de sagesse, il la rend par là estimable, et de plus il
fait voir qu’elle est utile au Genre humain, et à chaque Parti=
culier. C’est la présenter par un côté bien intéressant.
Ce que l’Auteur a dit de la facilité à entendre les Loix de
l’Evangile est très bien fondé. On parle pour être entendu, et Dieu
sans doute a parlé aux hommes dans ce dessein.
Les faits sont une excellente preuve de la vérité de la Religi=
on, et elle est à la portée de tout le monde.
L’Auteur n’a pas parlé des Mystères en particulier, parcequ’ils
sont contenus dans les faits; mais ils n’ont rien qui choque la
Raison; et on peut et on doit les recevoir tels que l’Ecriture les
donne, sans chercher à les trop approfondir.
Au commencement les Chrétiens n’étoient qu’un cœur & qu’une
ame; cela prouve bien l’efficace et la bonté de la Morale Chré=
tienne. /p. 234/ L’Auteur a donné une excellente comparaison pour faire sen=
tir l’injustice des persécutions. C’est que quelque délicieux régal qu’on
voulût faire à un homme, ce seroit une hospitalité bien féroce
que d’emploïer le fer et le feu pour l’obliger à y prendre part. Ainsi
quelque bonne que soit la Doctrine qu’on veut nous faire recevoir
il y a bien de la férocité à emploïer les mauvais traittemens et
les persécutions pour nous la faire embrasser. Nous devons là dessus
comme sur toute autre chose suivre l’exemple de Jesus Christ; il
en blâme toute apparence. Vous ne savez de quel esprit vous êtes
animés, dit-il à ses Disciples, qui vouloient l’engager à faire des=
cendre le feu du Ciel pour détruire les Samaritains qui n’avoient
pas voulu le recevoir.
Monsieur l’Assesseur Seigneux croit que la Religion est simpleSentiment de Mr l'Assesseur Seigneux
comme l’Auteur le dit, sans cela elle ne seroit que pour les Savans
il faut cependant aquerir autant de connoissances qu’il est en no=
tre pouvoir; mais chacun en a assez pour bien vivre. Les Savans
ont plus de raisons pour croire; mais aussi ils ont souvent des dou=
tes. Les objections sont inutiles, parcequ’on en peut faire sur tout,
et qu’elles n’éclaircissent rien. Nous ne devons point nous embaras=
ser quand on les propose, mais nous en tenir à la pratique.
On seroit surpris que l’Auteur n’ait pas parlé des Mystères,
si on ne faisoit pas attention qu’ils sont compris dans les faits.
Nous devons là dessus croire ce qui nous est enseigné dans l’Ecriture
sans y fouiller trop scrupuleusement. Nos lumières sont trop bor=
nées. nous ne voïons ici bas qu’en partie. La Morale de l’Evangile
a rassemblé et perfectionné tout ce qu’il y avoit de bon dans les
Philosophes.
Quoique depuis la Réformation on ait simplifié la Religion
on préfére, c à d. quelques personnes seulement les Sermons de
Théologie à ceux de Morale; mais c’est un faux gout, qui peut ve=
nir de ce que la Morale gène plus leurs passions et les attaque plus di=
rectement.
Sentiment de Mr DuLignon.Depuis qu’on dispute, à dit Monsieur DuLignon, on n’est con=
venu de rien, les disputes n’ont produit que de l’éloignement et au=
cun bien.
Philippe ne fit point un Systhème de Théologie à l’Eunuque
de la Reine Candace, lorsqu’il le convertit. Cette simplicité doit donc
être suivie.
Monsieur le Baron DeCaussade croit que les Prédicateurs neSentiment de Mr le Baron DeCaussade.
/p. 235/ doivent point porter les objections en Chaire, à moins qu’ils n’aient des
réponses victorieuses à leur opposer. Il faut dans la Religion rappor=
ter tout à la pratique comme l’a fait Jésus Christ. Si vous m’aimez
gardez mes commandemens, dit-il à ses Disciples. et St Paul exhorte
les Chrétiens à être ses imitateurs.
Sentiment de Mr le Conseiller De St Germain.Monsieur DeSt Germain a dit que dans l’énumération des ar=
ticles de la Religion l’Auteur n’a point parlé des Mystères, peut-être
parce qu’il veut que le Peuple les croïe simplement sans les trop ap=
profondir, seulement par déférence pour Dieu.
Il approuve fort la douceur avec laquelle l’Auteur veut qu’on
enseigne la Religion. S’il faut sortir de cette modération, ce ne de=
vroit être que contre les Libertins. Mais peut être la modération
envers eux conviendroit-elle mieux, puisqu’ils se plaignent de la
conduite des Théologiens à leur égard; et que la sévérité ne fait
que leur donner plus d’éloignement.
Sentiment de Mr le Recteur Polier.Monsieur le Recteur Polier a dit a l’occasion de ce que l’Au=
teur veut qu’on ne se mette point en peine des questions obscures,
que des choses qui ne nous intéressent pas à présent, nous intéres=
seront dans la suite, dans la vie à venir.