Transcription

Société du comte de la Lippe, « Assemblée IV. Des avantages de la religion pour un prince », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 08 décembre 1742, vol. 1, p. 23-45

IV Assemblée.

Le 8e Décembre l’Assemblée a été composée de Messieurs
DeBochat Lieutenant Ballival, Polier Recteur, Seigneux Bour=
sier, D’Apples Professeur, Baron DeCaussade, Seigneux Asses=
seur, De St Germain Conseiller.

Monsieur le Comte a commencé la Conférence en fai=
sant la recapitulation de la Societé précédente.

Messieurs, Pour suivre le conseil de Monsieur le BaronDiscours de Monsieur le Comte.
DeCaussade, perge quo pede coepisti, je vais vous faire la re=
capitulation de votre entretien de Samedi dernier.

Je commencerai par le Discours de Mr De St Pierre; il éta=
blit pour principe de nos devoirs cette maxime, de ne pas faire à
autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fit, & de faire
aux autres ce que nous voudrions qu’ils fissent pour nous, si
nous étions à leur place & qu’ils fussent à la nôtre. Il dit que c’est
une Loi connue de tous les hommes, que Dieu l’a mis dans leur
cœur, qu’il veut punir ceux qui la violeront & recompenser
ceux qui la mettront en pratique. Il dit que cette Loi regar=
de les particuliers, & les Souverains, soit par raport à leurs Su=
jets, soit les uns à l’égard des autres.

De là L’Auteur tire 4 conséquences. La 1ere Un Souverain
qui refuse la reparation d’une offense qu’il a fait à un autre
est injuste. 2e Un Souverain qui n’exécute pas sa promesse
est injuste. 3e Un Souverain plus puissant qui ne veut déci=
der les contestations que par la force est injuste. 4e Le Sou=
verain qui contrevient aux Droits de liberté et de sureté
qui sont en usage à l’égard des Ambassadeurs d’un autre
Souverain est injuste. Dans tous ces cas ils violent cette
prémière Loi que Dieu leur a donnée de ne pas faire
aux autres, ce qu’ils ne voudroient pas qu’on leur fit.

Monsieur le Recteur vous m’avez dit que vous admettieza Mr le Recteur Polier.
la prémière partie de cette maxime sans aucune restriction;
& sur la seconde vous m’avez dit qu’il faloit considérer tou=
tes les circonstances, & toutes les relations ou nous pouvons
être, avant que de faire ce que quelcun voudroit que nous
fissions pour lui; parce que si nous ne faisions attention qu’à
quelques unes, nous pourions faire quelque chose d’injuste,
ce que vous m’avez prouvé par l’exemple d’un Magistrat &
d’un criminel.

/p. 24/ Vous m’avez encor dit que cette Loi a été établie par Jesus Christ,
qu’elle est simple & facile à pratiquer.

a Mr le Boursier Seigneux. Monsieur le Boursier vous m’avez dit que cette règle étoit excel=
lente, mais qu’il falloit établir pour principe de nos devoirs le juste
l’honnête & l’utile. Le juste, consiste à rendre à chacun ce qui lui
est du; l’honnête, c’est ce qui est convenable, ce qui est beau; et l’utile,
c’est l’avantage qui nous revient de la pratique de nos devoirs.

Vous, Monsieur, vous m’avez dit que nos devoirs découlent desa Mr le Professeur D’Apples.
différentes rélations que nous soutenons dans la Societé, comme celle
de Pére et d’enfant; de Magistrat & de peuple.

a Mr DeSt Germain. Pour vous, Monsieur, vous m’avez montré qu’il est utile de con=
noitre l’origine de ses devoirs, sur tout pour les Souverains, qui
n’ont personne au dessus d’eux qui les oblige à les pratiquer.
Vous m’avez fait voir que les Philosophes Payens ont recomman=
dé cette maxime de Mr DeSt Pierre, & que l’Evangile nous en a
aussi ordonné la pratique.

Vous, Monsieur, vous m’avez fait voir l’origine des Societésa Mr l’Assesseur Seigneux.
& du Droit; vous m’avez dit que dabord la prudence a conseillé
aux hommes à ne point faire de mal aux autres, depeur qu’ils
ne leur en fissent à eux mêmes; qu’ensuite lorsqu’ils se sont unis,
ils sont convenus de ne s’en point faire, & qu’enfin lorsque leur
nombre s’est multiplié, ils en ont fait une Loi.

Vous Monsieur, vous m’avez bien montré l’excellence de cettea Mr le Baron DeCaussade.
règle, sur tout par rapport aux Souverains. J’aurai soin lors=
que la Providence m’appellera a gouverner, de me considerer
souvent comme à la place de ceux qui me seront soumis; cela
m’engagera à leur rendre la justice, à la leur rendre promte=
ment, & à ne point leur imposer de charge qui ne soit juste;
je travaillerai a procurer leur avantage & a les rendre heu=
reux. Vous m’avez bien fait comprendre que cette conduite
m’attirera l’affection des peuples, & que je suis obligé de m’y
conformer, puisque Jesus Christ m’en a prescrit la Loi dans
l’Evangile. Sic semper pergam quo pede coepi, ut ad
id me hortatus es
.

Monsieur le Comte après avoir fini son Discours a prié Mon=
sieur le Recteur Polier d’ouvrir la conférence, & voici le Discours
qu’il a lu.

Messieurs, La matière qui fut mise sur le tapis il yDiscours de Monsieur le Recteur Polier, sur les avantages que la Religion procure des cette vie à un homme considéré comme particulier & comme Souverain.
/p. 25/ a quinze jours, pour faire le sujet de nos conférences, touchant
les avantages que procure la Religion à un homme qui en
pratique les préceptes, fut trouvée si abondante, qu’il fut ju=
gé à propos de la détailler davantage; & de l’examiner de
nouveau dans les conférences suivantes, sous les différentes
faces qu’elle présente. Et comme il m’échet d’ouvrir aujour=
dui la conversation, je me bornerai uniquement à traitter
des avantages que la Religion procure, dès cette vie à
l’homme considéré comme un Etre raisonnable et
comme Souverain
. Je joins ces deux idées ensemble, non
seulement, parce que tout Souverain de la Terre est hom=
me comme les autres, & que les devoirs de l’humanité
doivent être nécessairement joints à ceux de la Souverai=
neté, ou plutot, que ceux-ci supposent nécessairement
ceux là: mais de plus il m’a paru que ces conférences
étant établies en faveur de Monsieur le Comte, notre
principal point de vue doit être d’examiner avec lui la
meilleure route qu’il puisse suivre, pour se procurer à
lui même & à ses sujets le bonheur le plus solide & le plus
durable.

Cette route se trouve dans la Religion preferable=
ment à toute autre. Pour le prouver je me propose
deux choses. 1° De donner une juste idée de ce qu’on
appelle Religion, & de ce qu’elle exige de tout homme
raisonnable, & de tout Souverain. 2° De faire voir
les avantages qui reviennent à l’homme et au Souve=
rain, s’il a véritablement la Religion à cœur.

Pour donner en aussi peu de mots qu’il me sera
possible une juste idée de la Religion, & de ce qu’elle
exige de tout homme doué de Raison, j’emprunterai
celle que nous en fournit l’Auteur de l’Epitre aux Hé=
breux, quand à l’occasion de la foi et de la piété d’Enoch
qui l’avoit rendu si agréable à Dieu, qu’il avoit été
enlevé de la Terre au Ciel, dans un âge peu avancé pour
/p. 26/ ce tems là, sans passer par la mort; il remarque, qu’il faut que celuiHeb. XI.5.
qui vient à Dieu croïe que Dieu est, & qu’il est remunera=
teur de ceux qui le cherchent
.

Voilà en peu de mots l’abrégé de la Religion, croire que Dieu
est, le chercher, & s’attendre à de grandes recompenses de sa part. Je
ne fais pas même difficulté de dire que c’est l’abrégé de la Religion
révélée, ou de la Religion Chrétienne, aussi bien que de la Religion
naturelle, telle qu’étoit celle d’Enoch: et c’est ce qui est confirmé
par les Théologiens & par les Catéchistes, quand ils disent que
la Religion consiste à connoitre Dieu et à le servir; à
quoi ils auroient pu ajouter, dans l’espérance d’en être re=
compensés
.

Mais quoique la Religion soit exprimée de cette manière
en très peu de mots, elle comprend cependant bien des choses,
qu’il est nécessaire de déveloper, et que l’on peut rapporter à
ces trois chefs généraux, la connoissance de Dieu; la pratique
de ses commandemens, et l’attente de la vie éternelle: ou, pour
m’exprimer avec l’Apotre Saint Paul, 1e Corinthiens XIII.14. l’on
peut rapporter toute la Religion à ces trois Vertus, la Foi,1. Cor. XIII.14.
l’Espérance, et la Charité.

Tachons de faire encor mieux comprendre en quoi chacune de
ces parties de la Religion consiste.

I. La prémière, c’est la Foi, la connoissance de Dieu, la per=
suasion que Dieu est. Par là vous sentez bien, qu’il ne faut pas
entendre une Foi aveugle, une pure crédulité, une connoissance
destituée de fondement, une simple confession de bouche: mais
qu’il faut entendre une Foi eclairée, une persuasion bien fondée
de l’existence de Dieu, une connoissance aussi étendue que notre
esprit en est capable, et que nous pouvons l’aquerir tant par les lu=
mières naturelles que par la révélation, de la nature de cet Etre su=
prème, de ses perfections infinies, des rélations qu’il soutient avec nous,
comme notre Créateur, notre Maitre, notre Conservateur, notre Bien=
faiteur, notre Père, & notre Juge; de ses vues; de ses desseins chari=
tables; de ses ouvrages; de ses bienfaits temporels & spirituels; de
sa volonté à notre égard; de ses commandemens; de son culte;
de ses promesses & de ses menaces.

Cette connoissance de Dieu comprend aussi la connoissance de
/p. 27/ Jesus Christ son fils, pour ceux à qui l’Evangile a été annoncé: car
comme il le dit lui même, C’est ici la vie éternelle de te connoitre
pour le seul vrai Dieu, et Jesus Christ que tu as envoié.

Cette seconde connoissance consiste à être bien persuadé que
Dieu a envoié son Fils au monde pour notre salut; que dans ce
dessein il est né de la Vierge Marie, après avoir été conçu en
elle par la vertu du Saint Esprit; qu’il a vécu parmi les hommes
pour les instruire de la volonté de Dieu, et leur donner dans tou=
te sa conduite le modèle le plus parfait de toutes les vertus que
les hommes doivent pratiquer pour plaire à Dieu; qu’il a fait
une infinité de miracles pour prouver sa mission divine, et
faire recevoir ses instructions; qu’il est mort pour nos péchés,
et pour scéller sa divine Doctrine de son sang; qu’il est res=
suscité; qu’il est monté au Ciel, ou il jouït de la gloire qui
lui étoit réservée; et d’ou il reviendra au dernier jour, pour
juger tous les hommes. C’est là le précis de ce que demande
de nous la Foi en Dieu, qui est le fondement de toute Religi=
on, et la Foi en Jésus Christ notre Seigneur, qui est en parti=
culier le fondement de la Religion Chrétienne.

II. Le second point dans lequel nous faisons consister la
Religion, c’est de servir Dieu, ou comme s’exprime Saint
Paul dans le passage de l’Epitre aux Hébreux, dou nous avons
tiré l’idée de la Religion; c’est le chercher. Par ou j’en=
tens ces trois ou quatre devoirs principaux, que je ne ferai
presque qu’indiquer, pour éviter la longueur.

1° C’est premierement remplir son cœur de sentimens con=
formes et répondans à la connoissance que nous avons de
cet Etre suprème, et de son Fils Jésus Christ, tels que sont un
respect, et une humiliation profonde à la veue de ses adora=
bles perfections, une dépendance absolue de sa Volonté, une
confiance entière en sa Sagesse et en sa Bonté, une soumissi=
on sincère aux ordres de sa Providence, une reconnoissance
vive de tous les bienfaits reçeus de sa main libérale, un de=
sir souverain de lui plaire, une crainte continuelle de l’of=
fenser, et une attention soutenue à suivre tous ses com=
mandemens.

/p. 28/ 2° Le chercher & le servir comme la Religion le demande, c’est
être exacts à emploïer tous les moïens que les lumières de la Raison
ou la Révélation nous indiquera être propres à nous avancer dans
cette connoissance de Dieu & de Jésus Christ, à produire en nous
les sentimens dont je viens de faire mention, et à obtenir de Dieu les
graces dont nous avons besoin. Ces moïens sont en général la priè=
re, la méditation, l’ouïe et la lecture de la parole de Dieu, la fré=
quentation des exercices publics de piété, la participation aux Sa=
cremens que Dieu a établi dans son Eglise pour rappeller dans
notre mémoire les grands bienfaits que nous avons reçeu de lui.

Mais il faut prendre garde qu’en emploïant et en recomman=
dant ces moïens, l’on n’en fasse pas le Capital de la Religion et de
la piété, puisque ce ne sont dans le fonds que des moïens ou des ins=
trumens pour parvenir au but que la Religion nous propose, et non
la Religion même; & qu’ils ne peuvent être agréables à Dieu, qu’au=
tant qu’ils produisent l’efet auquel ils sont destinés.

Chercher et servir Dieu comme la Religion le demande,
c’est prendre une ferme et invariable résolution de bien vivre, ou
de régler sa vie d’une manière conforme à la volonté de Dieu. Je
dis une résolution ferme et invariable, parceque si elle n’est pas
telle, nous serons à tout moment ébranlés par l’impression des
objets extérieurs, par les passions & les convoitises du dedans, &
par mille tentations qui nous feront tôt ou tard succomber, et
perdre ainsi tous les avantages que nous aurions pu tirer d’une
résolution à toute épreuve.

4° Enfin ce qui est le principal de la Religion, et en quoi
consiste sur tout le devoir de chercher Dieu et de le servir, c’est
de mener actuellement une vie sainte & vertueuse dans toutes
ses parties; c'est à dire, comme la Grace de Dieu qui veut le salut
de tous les hommes nous l’enseigne, C’est de renoncer à l’impiété etTite 1
aux passions mondaines, et vivre en ce siècle, dans la temperan=
ce, dans la justice & dans la piété: C’est, en un mot, aimer Dieu
de tout son cœur & son prochain comme soi même. Ce sont là les
deux grands pivots sur lesquels roule toute la pratique de la Religion,
c’est ce que nous recommandent également la Loi naturelle, la
Loi Mosaïque, les Prophètes, mais sur tout la Religion Chrétienne
/p. 29/ quand elle nous dit que l’accomplissement de la Loi c’est la
Charité.

III. Le troisième point capital de toute Religion, & sans
lequel elle paroitroit tout à fait vaine, c’est l’espérance d’u=
ne autre vie
après celle-ci, la croïance ou la persuasion que
Dieu sera le remunerateur de ceux qui l’auront cherché dans
celle-ci; ou comme le dit Saint Paul dans le passage que nous
venons de citer, l’attente de la béatitude que nous espérons, et
de la glorieuse apparition, et de notre grand Dieu et de Jesus
Christ notre Sauveur.

C’est cette attente et cette ferme persuasion qui a toujours
distingué les véritables Fidèles d’avec les Infidèles, les hommes crai=
gnans Dieu, d’avec les Impies & les Profanes, & de nos jours, les
Chrétiens véritables et sincères, d’avec les Libertins et les Athées
ou les Esprits forts.

C’est par la profession de ce dogme capital que les Législateurs
de toutes les Nations ont entretenu les principes, les sentimens & la
pratique de la Religion, dans le cœur ou dans la conduite des peu=
ples soumis à leurs soins. C’est sur tout de ce Dogme, mis en lumière
& dans une parfaite évidence par l’Evangile, que le grand Légis=
lateur de la Loi Chrétienne, aussi bien que ses Apôtres a tiré les
plus puissans motifs pour nous porter à la pratique de la vertu
et de la piété, et pour affermir la Religion dans nos cœurs; et il
est tellement essentiel à cette (toute) Religion que sans cela, elle
crouleroit de fonds en comble, & ceux qui la professent seroient
souvent les plus misérables de tous les hommes, comme le di=
soit Saint Paul de lui & des autres Chrétiens de son tems.

Cela suffira, je pense, pour justifier l’idée que j’ai dabord donné
de la Religion, et pour faire voir qu’elle consiste 1° à croire en Dieu
et en Jésus Christ, 2° à vivre conséquemment à cette persuasion,
et 3° à attendre de lui de grandes recompenses après cette vie.
C’est de ces 3 devoirs, ou de ces 3 vertus, que l’on peut appeler
avec Saint Paul, la Foi, l’Espérance, et la Charité, et dans les-
quels je fais consister toute l’essence de la Religion, que je vais pré=
sentement tirer toutes mes preuves, pour établir les avantages qui
reviennent à l’homme et au Souverain, s’il a véritablement la
Religion à cœur.

1° La persuasion qu’il y a un Dieu, c. à d. un Etre tout
/p. 30/ Parfait; qui a créé le Monde et tous ses Habitans, qui a fait tous les
Hommes d’un seul sang; qui les conserve et les conduit par sa Providence;
qui leur a donné des Loix suivant lesquelles il les jugera un jour: Cette
persuasion, dis-je, doit naturellement inspirer à ceux en qui elle se
trouve, et aux Souverains en particulier, dont la Puissance dérive de
celle de Dieu, le desir de connoitre de plus en plus cet Etre suprème l’Au=
theur de leur existence et de tout ce qu’ils possèdent; et s’attachans à
cette étude comme ils le doivent, ce sera pour eux une source féconde
de plaisirs & de délices.

L’Esprit est fait pour connoitre la vérité, il sent un secret plaisir
quand il la découvre, il est satisfait quand il la connoit, plus il fait de
progrès dans cette connoissance, plus il sent de joie et de satisfaction: la
facilité qu’il aquiert par cet exercice à étendre de plus en plus ses con=
noissances augmente encor cette satisfaction. Or de tous les objets que
l’Entendement est capable de connoitre, il n’y en a point certaine=
ment qui fournisse plus de matière à sa méditation & à sa pénétra=
tion, que la Nature, les Perfections & les Ouvrages de Dieu. C’est
la source de toute vérité & de tout bien; il est lui même la plus
grande de toutes les vérités & le plus grand de tous les biens; et par
conséquent il ne doit point y avoir de satisfaction plus grande pour
l’Entendement que celle de contempler toutes les beautés & les perfec=
tions que présente cet Objet en lui même, et tous les traits qu’il en a
imprimé dans ses Ouvrages. Mais il n’y a que la Religion qui puisse
nous procurer cet avantage.

J’en dis de même de la satisfaction que procure à celui qui croit en
Jésus Christ, la connoissance de la Personne & des Qualités de ce Divin
Sauveur, du Salut qu’il nous a aquis, et des moïens qu’il a emploié
pour en venir à bout, dans lesquels St Pierre nous dit que les An=
ges même desirent & prennent plaisir de pénétrer jusques au fond;
sans doute à cause des divines Merveilles qui y sont renfermées,
mais dont la découverte n’est due qu’à ceux qui les méditent, et qui
ont véritablement la Religion à cœur.

Il me seroit aisé de faire voir, si je ne craignois d’allonger
trop ce Discours, que cette connoissance de Dieu & de Jésus Christ,
telle que la Religion nous la fournit est infiniment préférable
par son excellence & son utilité à toutes les autres connoissances
dont on fait le plus de cas dans le Monde.

Mais ce que je ne dois pas omettre dans le but que je me
/p. 31/ suis proposé, c’est de remarquer que cette connoissance doit être
sur tout des plus satisfaisantes et des plus utiles pour un Souverain,
et des plus dignes de son étude & de tous ses soins, et cela par plu-
sieurs raisons.

1° Parce qu’étant établi de Dieu selon St. Paul Romains XIII. 1.
il lui importe tout a fait de connoitre celui de qui il tient son
autorité, et les Droits de la Divinité sur lesquels elle est fondée;
ce qui ne peut se faire que par l’étude des grands principes de la
Religion, des Perfections de Dieu, des rélations qu’il soutient avec
nous, des voïes de sa Providence, et des principaux Devoirs que
toutes ces considerations nous imposent.

2° Parce qu’étant l’image de Dieu en Terre, s’il veut soute=
nir comme il faut un si beau titre, il lui convient de former
cette image sur le modelle qu’il doit représenter, & pour cet ef=
fet il doit travailler autant qu’il le pourra à en connoitre
tous les traits pour se les approprier; sans quoi il court risque
d’avilir sa Dignité, et de se rendre moins respectable à ceux
qui l’envisageront sous cette face: au lieu qu’en soutenant
son titre par une conformité, aussi grande qu’il lui sera pos=
sible, avec celui dont il est l’image, il peut s’assurer d’être ai=
mé, honoré, respecté, obéï, avec presque autant de plaisir qu’on
le feroit à l’égard de Dieu même.

3° Enfin j’ajouterai sur cet article soit par rapport aux Sou=
verains, soit par rapport à tous les hommes, que la persuasion fer=
me de l’existence d’un Dieu souverain Maitre de tout l’Univers,
Créateur des hommes, Temoin de toutes leurs actions, Scrutateur
des cœurs, qui aime la Justice, qui hait l’iniquité, Vengeur des
crimes, Protecteur de la Vertu, et devant qui nous devons tous
comparoitre un jour, pour être jugés selon que nous aurons fait
ou bien ou mal, que cette persuasion, dis-je, accompagnée de
tout ce que nous pouvons connoitre de ses Perfections, de ses Ou=
vrages, de ses Bienfaits, et en particulier de tout ce qui regarde
l’envoi de son Fils au Monde, doit avoir l’influence la plus
forte sur ceux qui en sont animés, et pénétrés, pour domter leurs
passions, mortifier leurs convoitises, les éloigner du péché, les por=
ter à la Vertu, et leur faire aquerir toutes les dispositions les
plus propres à se procurer, dès cette vie, toute la tranquillité,
le contentement, & le bonheur possibles.

/p. 32/ Mais c’est ce qui se fera encor mieux sentir, si nous faisons attention
aux avantages que procure le Second Article, que la Religion renfer=
me, que nous avons fait consister à chercher Dieu et le servir, ou à
pratiquer ses commandemens, dont l’abrégé est d’aimer Dieu de tout
son cœur, & son Prochain comme soi même.

1° Dabord il n’y a pas de doute que celui qui cherche Dieu sincere=
ment, & constamment, ne le trouve & ne trouve en lui tout ce
qui peut le rendre heureux. Les promesses de Dieu y sont expresses
dans un grand nombre d’endroits de sa Parole. Or il n’est pas comme
les hommes qui mentent, ni comme les fils des hommes qui se re=
pentent; il a le vouloir & le pouvoir d’exécuter ce qu’il a promis: &
la nature même de ses Perfections nous assure, indépendamment
des saintes Ecritures, que la chose doit être ainsi. Dès là quelles
douceurs, quels avantages, quelles bénédictions ne doit pas se promet=
tre, celui qui s’attache au service d’un Dieu de qui procèdent tous
les biens tant spirituels que temporels, et qui les dispense selon son
bon Plaisir ?

2° Celui qui cherche Dieu, qui le desire, qui l’aime, qui s’appli=
que à lui plaire, travaille à lui ressembler d’aussi près qu’il est
possible à la foible Créature de ressembler à son Créateur: il s’éloi=
gne pour cet éfet de toute souillure de chair et d’esprit, il s’étudie
à devenir saint dans toute sa conduite, comme Dieu est saint.
Par là son Esprit se remplit des pensées les plus dignes d’occuper un
Etre raisonnable; son cœur est pénétré des sentimens les plus pures
& les plus satisfaisans: il perfectionne de plus en plus sa nature, et
devient en quelque manière participant de la Nature divine, selon
l’expression de St Pierre, et quel avantage est comparable à celui
là du côté de l’honneur.

3° Un homme qui cherche Dieu, qui le sert, qui pratique ses
commandemens, qui l’aime de tout son cœur & son Prochain comme
soi même, s’assure par là, non seulement l’approbation de Dieu,
mais encor le témoignage de sa propre Conscience, qui fait certai=
nement une des plus grandes douceurs de la vie: Si un seul acte
de Vertu que nous pratiquons, nous remplit de contentement; si nous
ressentons une joïe pure et réelle, lorsqu’il nous est arrivé de tri=
ompher une seule fois de quelque passion, de résister à quelque ten=
tation violente, d’avoir marqué de la fermeté dans quelque occa=
sion ou notre devoir le demandoit; quelle ne devra pas être notre
/p. 33/ satisfaction ? ou plutot, de quelles émotions de joïe notre cœur ne
sera-t-il pas saisi, lorsque notre Conscience pourra nous rendre le
doux témoignage, que nous avons toujours préféré la Vertu au Vi=
ce, notre devoir à nos passions, l’amour de Dieu, à l’amour du Mon=
de, la Charité, à nos intérêts temporels, et que nous nous som=
mes toujours conduits dans le Monde en toute simplicité et since=
rité de Dieu ?

4° Ce que nous venons de dire regarde principalement les
biens de l’ame, ou les avantages intérieurs et spirituels que la
Religion a sur tout en vue; mais elle ne laisse pas de procurer
aussi à ceux qui s’y attachent des avantages temporels très consi=
dérables. Ainsi il faut convenir qu’une réputation bien établie
dans le Monde est d’un très grand avantage pour faire sa for=
tune et réussir dans ses desseins: mais pour établir cette réputa=
tion, et se faire aimer et estimer des autres, quel moïen, je vous
prie, plus propre peut-on emploïer que la douceur & la modestie
dans ses manières, la droiture dans ses intentions, l’équité dans
ses jugemens, la vérité dans ses discours, la fidélité dans ses pro=
messes, l’inclination & l’empressement à faire du bien aux au=
tres, l’exactitude, le zèle & la diligence à remplir tous les de=
voirs de sa vocation, l’intégrité en un mot dans toutes ses voïes.
Mais ou trouvera-t-on toutes ces vertus rassemblées, ailleurs que
dans l’homme de bien qui a véritablement à cœur de plaire à
Dieu & de le servir.

De plus il est sur qu’une vie mondaine nous expose à
mille nécessités, à mille soins, à une infinité de passions & de
vices qui troublent notre repos, qui sont cause de la perte de
nos biens, qui ruïnent notre santé & abrégent notre vie. On
sait en particulier combien l’amour du luxe, l’intemperance,
l’impureté, l’ivrognerie, la fureur des procès, l’excès du jeu
attirent de maux sur ceux qui en sont possédés, et de désor=
dres dans les familles ou ces vices regnent. Mais celui qui
cherche Dieu & qui le sert, n’étant entrainé par aucune de
ces passions criminelles, & ne donnant dans aucun de ces de=
sirs fous et nuisibles, est par là même  exemt des chagrins,
des agitations, des revers de fortune, des dérangemens de
santé, et de tous les maux qui en sont une suite.

Ajoutez à cela que par le bon usage qu’il fait de tous
/p. 34/ les différens états par lesquels la Providence peut le faire passer, tout
tourne en bien à celui qui aime Dieu. Est-il dans la prosperité si
funeste aux Mondains, il jouït des biens de ce monde sans souci, sans
inquiétude, avec tranquillité; il en profite pour faire plus de
bien aux autres hommes, ou pour donner à sa famille une bonne
éducation; il en bénit Dieu & lui en marque sa reconnoissance
par sa charité envers les pauvres ? Est-il dans l’adversité si acca=
blante pour le pecheur ? Il en tire cet avantage qu’il en connoit
mieux la vanité des biens de ce monde, qu’il s’en humilie davanta=
ge aux yeux de Dieu, que son espérance en est plus ferme, sa pa=
tience plus exercée, sa foi plus pure, sa fidélité au service de Dieu
moins suspecte. Jouït-il de la santé dont les autres abusent en tant
de manières ? Il en sent le prix mieux que personne, il l’emploïe à
éclairer son esprit, a sanctifier son cœur, à se rendre utile aux au=
tres, à travailler avec plus de vigueur aux devoirs de sa vocation
et de son salut. Se trouve-t-il dans la maladie ou dans l’afflic=
tion, dont si peu de gens profitent ? Elle lui tourne encor en bien,
parce qu’il a occasion d’y donner des marques d’une plus grande re=
signation aux ordres de Dieu, parce qu’il se détache de plus en
plus du monde, et qu’elle l’éloigne d’une infinité de tentations
et d’occasions de pécher; dont le commerce avec les vivans est environné.

Tous ces avantages, dont je viens de faire mention regardent
également tous les hommes, de quelque ordre qu’ils soient, les Souve=
rains comme les Sujets; mais il y en a qui sont particuliers aux
Souverains qui cherchent Dieu, qui l’aiment & qui le servent.

Sur quoi je remarquerai 1°. Que le Souverain considéré
comme tel doit être probablement l’objet des soins et des faveurs
de la Providence dans cette vie, plutot que de simples particuliers,
non seulement parce que cette qualité n’a lieu que dans cette vie,
mais aussi parce que son état influe nécessairement sur celui des
Peuples qui dépendent de lui, et qui sont soumis à ses ordres.
Qu’un simple particulier cherche Dieu, qu’il s’attache à son ser=
vice, qu’il l’aime de tout son cœur, & qu’il observe ses Loix, il n’en
est pas toujours recompensé dès cette vie par des faveurs temporelles:
Dieu juge quelque fois à propos par des raisons prises de sa Sagesse
infinie et des circonstances dans lesquelles se trouve ce particulier de
le faire passer ici bas par diverses épreuves qui rendent son sort mal=
heureux aux yeux des hommes, quoiqu’il ne le soit pas dans le fond:
/p. 35/ & il l’en dédommage amplement après cette vie par un degré de
félicité supérieur à celui dont il auroit jouï, s’il n’avoit pas été ici
bas dans l’humiliation et dans la soufrance. Mais par raport à un
Souverain considéré comme tel; comme son état de bonheur & de
malheur se borne à cette vie, & qu’il influe sur l’état de bonheur
& de malheur de tout un Peuple auquel il est lié, de toute la
Société dont il est le Chef; s’il a véritablement à cœur de plaire
a Dieu, & qu’il s’attache de régler sa conduite, tant particulière
que publique, suivant ses Loix, il semble qu’alors la Bonté, l’E=
quité, et la Fidélité de Dieu demandent qu’il en soit recom=
pensé dès cette vie; et qu’il soit avec son Peuple l’objet de ses
faveurs particulières: L’Histoire du Peuple Juif nous en fournit
tout autant d’exemples qu’il y a eu de Rois pieux & religieux
observateurs des Loix de Dieu; & je ne doute pas que la chose ne
se verifiât de même de tous les Souverains du Monde, si l’on fai=
soit bien attention à leur conduite, et aux voïes de la Providen=
ce à leur égard.

Mais ce qui me confirme dans cette pensée, c’est que la chose
parle, pour ainsi dire, d’elle-même. Supposez en éfet un Souverain
qui aime sincérement le grand Etre qui lui a donné la vie
et qui lui a assigné la place qu’il occupe, sans aucun mérite de
sa part, qui cherche à lui plaire, qui le respecte, qui marche
dans l’intégrité en sa présence, qui ne perd jamais de vue l’ob=
servation de ses Loix, qui les fait observer à ceux qu’il gouverne,
plus encor par son exemple que par son autorité: Un tel Sou=
verain uniquement attentif à bien remplir le poste dans lequel
il est placé par la Providence, ne cherchera point à s’agrandir par
des voïes injustes; il observera religieusement ses Traittés, il sera
fidèle dans ses Alliances, il entretiendra, autant qu’il lui sera
possible, la Paix dans ses Etats, et avec ses Voïsins, et en éloignera
ce qui pourroit la troubler: Or qui ne voït que de tels sentimens,
qu’une telle Conduite, sont des plus propres à procurer à ce Sou=
verain l’estime, l’amitié & la faveur des autres Souverains, à
faire fleurir ses Etats par tous les endroits dont ils seront suscep=
tibles de bonheur & de prospérité, et à attirer la bénédiction & la
protection du Roi des Rois & du Seigneur des Seigneurs.

De plus si la Religion regne véritablement dans le cœur
du Souverain, elle l’engagera à s’intéresser sincérement pour ses
/p. 36/ Sujets, à prendre toutes les mesures imaginables pour les rendre heureux,
à les regarder en quelque manière comme ses Enfans, et à les traitter
comme s’il étoit leur Pére: ce qui ne pourra qu’engager les Peuples
non seulement à se mouler sur son exemple, à répondre à ses vues par
l’observation de ses Loix, à l’aimer, à le respecter, et à lui obéïr: Mais
qui peut douter qu’une telle correspondance entre le Souverain et ses
Sujets, à laquelle la Religion sert de fondement, ne soit des plus effi=
caces pour produire les plus heureux éfets, et procurer les plus solides
avantages, dont un Souverain puisse jouïr dans ce Monde ?
Enfin il me reste encor à dire deux mots sur les avantages que
procure, dès cette vie, l’attente d’une vie à venir, dans laquelle j’ai
fait consister le 3e Point capital de la Religion: Comme ils sont des
plus sensibles, je ne ferai presque que les indiquer, pour ne pas
abuser plus longtems de votre patience, et je joindrai ici l’homme
avec le Souverain, parce qu’ils y sont également interessés.

1° Il ne se peut que le sentiment de l’immortalité de notre Ame,
et la persuasion que Dieu nous a créés pour la possession d’un bon=
heur infini et éternel, ne nous donne de nous-mêmes l’idée la plus
haute, la plus nobles, & la plus avantageuse qu’il soit possible d’en con=
cevoir; Et qui ne sait combien cette idée dans les Ames bien nées,
dans des Esprits raisonnables est capable de produire d’heureux éfets,
en nous élevant au dessus des choses de la Terre, et des convoitises
de ce Monde, et en fixant notre vue sur des biens incomparable=
ment plus dignes de l’excellence de notre condition ?

2° Comme les Hommes sont exposés par la Providence de Dieu,
tant qu’ils sont dans ce Monde, à divers accidens facheux, de mala=
dies, d’afflictions, de disette, d’oppression, de traverses, de pertes de leurs
biens, et de leur liberté, de persécutions & de tourmens dans leur corps
& dans leur Ame, qui sont comme incompatibles avec l’état de bon=
heur ici bas; le moïen le plus efficace pour soutenir & supporter
tous ces maux avec soumission, avec tranquillité, et pour en adou=
cir même tout ce qu’ils peuvent avoir d’amer & de dur à la chair,
c’est la pensée qu’ils finiront bientôt, & qu’ils seront suivis d’un état
à venir de bonheur & de gloire, d’autant plus ravissant pour ceux
qui y seront parvenus, par leurs soufrances & par leur soumission
aux Ordres de leur Créateur et de leur Juge. C’est cette espérance
qui a fait triompher les Saints, les Martyrs des Supplices les plus
cruels, dans la vue des biens infinis qui leur étoient reservés.

/p. 37/ 3° Comme l’état à venir a deux faces, l’une de recompense et de
gloire, l’autre de peines & d’infamie, il n’y a pas de doute que la
considération de cette dernière, ne soit pour bien des gens un frein
des plus puissans pour les empécher de s’abandonner à leurs passi=
ons dérèglées, pour les éloigner des sentiers du vice qui mènent
à la perdition, pour leur faire embrasser le parti de la Vertu, et
les faire entrer dans les sentiers qui mènent à la felicité éternelle.

Enfin la vue et l’heure même de la mort si redoutable
pour les pécheurs est pour le Fidèle qui espère une vie à venir
une Source de joïes & de ravissemens inexprimables: Comme il
touche alors au dernier moment de jouissance des biens de cette
vie, perdus à jamais pour lui, avec quelle satisfaction ne doit
il pas penser, qu’aïant moins travaillé à l’aquisition de ces
biens fragiles, qu’à rechercher le Roïaume de Dieu et sa justice,
il va être mis en possession d’une félicité qui ne sera plus in-
terrompue, & qui ne fera qu’augmenter à l’infini pendant
toute l’éternité.

Concluons donc que celui qui croit en Dieu, qui le cher=
che et qui s’attend à en être recompensé, jouit même dès cette
vie de divers avantages des plus précieux; Comme je m’étois
proposé de le prouver.

Quelque long que j’aie été, je sens bien qu’il s’en faut
beaucoup que j’aïe épuisé la matière; vous y suppléerez, Mes=
sieurs, par vos solides réflexions, qui serviront aussi à refor=
mer les miennes.

Monsieur le Boursier Seigneux a dit qu’avant que laSentiment de Mr le Boursier Seigneux.
Religion Chrétienne fut connue dans le Monde, les hommes
s’attachoient à l’étude de la Philosophie; ils cherchoient dans
cette Science des conseils pour se bien conduire, des consolations
contre les malheurs & des secours pour parvenir au bonheur; mais
la Philosophie ne leur fournissoit sur tous ces articles que peu de lu=
mieres & de foibles secours. Dès que la Religion Chrétienne parut,
dabord qu’elle fut annoncée dans le Monde on trouva qu’elle ras=
sembloit tout ce qu’il y avoit de plus solide dans les Sectes des
Philosophes même les plus épurées, qu’elle y ajoutoit de nouvelles
lumières & qu’elle soutenoit tout cela de plus solides motifs. On dé=
couvrit que la Raison, la Sagesse, & la Religion étaient parfai=
tement d’accord, c’est pour cette raison que la Religion fit de si
grands progrès au commencement, et que les Philosophes eux
/p. 38/ mêmes des plus éclairés, et en grand nombre la reçurent avec tant
d’empressement & tant d’avidité. Ils trouvoient en éfet dans la
Religion toutes les connoissances dont ils avoient senti le besoin jus=
ques là, sans pouvoir cependant y parvenir; elle éclairoit leur
Raison, elle l’étendoit, lui donnoit des forces et l’épuroit.

La Religion faisoit mieux connoitre à l’homme la nature de
son Ame, & la nature de Dieu; elle montroit dequoi l’homme étoit
capable, elle lui découvroit sa foiblesse, la force de ses passions, et
le frein qu’il pouvoit y mettre, par là elle lui procuroit le calme
& la sérénité.

Elle lui faisoit connoitre la valeur des objets, l’estime qu’il en
devoit faire; elle lui apprenoit la manière de gouter les plaisirs
de la vie sans regret & sans remord; elle lui enseignoit à faire
un bon usage de ses Facultés, & à les raporter à leur veritable
destination.

Elle gagnoit encor le cœur des hommes parce que non seulement
elle attachoit des recompenses aux bonnes œuvres, et à la vertu,
mais de plus aux efforts qu’ils feroient pour vaincre leurs passions
& pour regler leurs mœurs.

La Religion tend encor à la perfection de l’Homme, outre les
lumières qu’elle répand dans son Esprit, elle fait aussi impression
sur son cœur; elle le remplit d’aversion pour le mal, elle lui don=
ne des forces pour vaincre ses passions, elle l’anime aux grandes
actions; elle lui découvre de nouvelles vertus qu’il n’auroit jamais
connues par sa méditation.

Cette comparaison de la Philosophie & de la Religion fait
voir d’une manière bien évidente les avantages de la Religion;
elle prouve démonstrativement que la Religion est l’ouvrage
de la Divinité, fait pour le bonheur de l’homme. Mais si elle
fait le bonheur de l’homme en général, elle fait aussi en parti=
culier le bonheur du Souverain. Rien ne seroit plus misérable
que le Prince & la Société, s’ils ne suivoient pas les maximes de
la Religion.

Sentiment de Mr le Professeur D’Apples.Monsieur le Professeur D’Apples a dit que la Religion perfecti=
onnée par la Révélation, avoit ouvert aux hommes deux sources de
bonheur, elle avoit éclairé leur Esprit, et purifié leur cœur. La pré=
mière source de bonheur qui consiste dans les lumieres de l’Esprit
se rapporte à Dieu, à soi même & aux autres hommes. La Religion
nous a mieux dévelopé la nature de Dieu, ses Perfections, et ses
/p. 39/ rélations avec les hommes. Avant la Revélation on connoissoit
peu son origine & sa destination, on n’avoit pas de plus grandes
lumières sur ce qui regarde les autres hommes: ils connoissoient
qu’ils devoient vivre en Société & sans se faire du tort, il est
vrai; mais outre que leurs lumières étoient bien bornées sur ce
sujet, ils n’avoient pas de grands motifs pour les animer. La
Religion a perfectionné ces devoirs, elle leur en a montré la
juste étendue, elle y en a joint de nouveaux; elle a aussi perfec=
tionné le lien qui les unissoit.

Les avantages de la Religion par rapport au cœur se peu=
vent considerer paussi relativement à Dieu, a nous-mêmes
& aux autres hommes. Elle a appris a joindre à l’extérieur
les sentimens du cœur, et que ce n’est que lorsqu’ils sont
ainsi réunis qu’ils sont agréables à Dieu. L’homme jouïssoit
auparavant d’une tranquillité fausse & seulement extérieu=
re, la Religion lui a procuré l’intérieure, en lui aprenant
à ne pas se livrer à ses passions. Enfin elle a appris a aimer
les hommes sincerement & de bon cœur, & à se rendre par
amour tous les services dont ils ont reciproquement besoin.
A ceci tous connoitront que vous êtes mes Disciples, si vous
vous aimez les uns les autres.

Monsieur DeSaint Germain ne s’est attaché qu’à faireSentiment de Mr le Conseiller DeSt Germain.
voir les avantages de la Religion par rapport aux Souverains
et il en a dévelopé deux.

Le Souverain est le plus à portée de jouïr sur cette Terre
des plaisirs, il est né dans le sein des délices, les plaisirs s’offrent
de toutes parts à lui, rien ne lui manque pour se les procurer,
& rien ne le gêne, rien ne l’arrête dans l’usage qu’il en fait.
Cependant ces plaisirs sont empoisonnés, ils ruïnent la santé,
ils détruisent la réputation, ils dissipent les biens. Voila de grands
inconvéniens auxquels un Prince est exposé. Mais la Religion
lui apprend à s’en garantir & à s’en délivrer: elle lui ensei=
gne la maniere de jouïr des plaisirs sans remords; de les gou=
ter sans craindre les douleurs qu’ils causent le plus souvent.
C’est d’éviter les faux plaisirs, les plaisirs criminels, c’est d’user de
ceux qui sont permis avec moderation & sans excès. De plus la
Religion lui offre de plus grands & de plus solides plaisirs, qui le de=
goutent des faux plaisirs du Siècle. Un Souverain donc s’il n’a
point de Mentor, s’il est abandonné à lui même, aux
/p. 40/ séductions des flatteurs a plus besoin du secours de la Religion qu’un
homme qui sera dans une condition moins élevée.

Une autre considération qui mérite bien d’être passée, c’est
que sans la Religion un Souverain est privé d’un plaisir que
tous les autres hommes ont, c’est l’espérance. Un Souverain dans
ce Monde n’en a point, il a tout à souhait, la Religion seule
la lui fournit; Considérons encor le Souverain dans un lit de
mort; quel sort affreux que le sien, s’il n’a point d’espérance;
aujourdhui tout satisfait ses desirs; nombre de personnes sont oc=
cupées a éxécuter ses ordres & mettent leur gloire à le servir
mets delicats, somptueux ameublemens, trésors accumulés, rien
ne lui manque de tout ce qui peut flatter la vanité, et l’ambi=
tion; Ses plaisirs renaissent, se varient & se succèdent sans in=
terruption. Tout cela est bien brillant; mais la mort met fin
pour jamais à toutes ces délices, & n’y substitue rien qui puisse
en reparer la perte. Concluons donc que la Religion qui donne des espé=
rances solides d’un bonheur constant dans cette vie, & d’une
félicité sans fin après la mort est d’un avantage infini pour
un Souverain.

Sentiment de Mr l’Assesseur Seigneux.Monsieur l’Assesseur Seigneux s’est borné à parler de l’uti=
lité de la Religion par rapport au Souverin rélativement à
son autorité. Sans Religion le Souverain seroit tenté de faire
toujours sentir son autorité, et de ne l’emploïer que pour s’ele=
ver au dessus de tous ceux qui l’environnent, il seroit porté à
traitter ses sujets, comme étant d’une nature au dessous de la
sienne, & cela parce qu’il ne voit rien au dessus de lui, ni rien
qui l’égale; il a la force en maïn, & rien ne lui résiste. Mais
la Religion lui aprend que s’il est le Maitre de ses Sujets, il a
lui même aussi un Supérieur, infiniment élevé au dessus
de lui, en lumière & en autorité; elle lui dictera de se con=
duire à l’égard de ce Maitre, comme il veut que ses Sujets
se conduisent envers lui. Ce Supérieur lui servira donc de
modelle; il s’appliquera à connoitre ce modelle, à s’instruire de
ses Perfections pour les imiter. Il trouvera que Dieu est juste,
il s’attachera aussi à rendre la justice. Dieu répand ses faveurs
sur ses créatures, il se propose leur bonheur, & il les rend heureuses,
de même en fera un Souverain qui prend Dieu pour modelle.
Un Souverain sent qu’il offense son Maitre, qu’il lui désobéit, par
conséquent qu’il a besoin de miséricorde: Dieu en use envers
/p. 41/ tous les hommes: de même en fera un Souverain à l’égard
de ses Sujets, il ne punira pas chacune de leurs fautes, et il re=
lachera quelquefois la sévérité de la peine qu’ils méritent.
L’avantage qui reviendra au Prince d’une telle conduite
c’est que ses Sujets l’imiteront comme il imite Dieu, il est jus=
te, bienfaisant, miséricordieux, ses Sujets le seront aussi: on les
verra rendre exactement au Prince ce qu’ils lui doivent, obéir
fidélement à ses ordres, ils auront à cœur ses intérets, ils sup=
porteront ses défauts; ils seront aussi exacts à pratiquer ces
mêmes vertus à l’égard de leurs semblables; la paix donc, l’or=
dre, la justice, l’abondance et la joie regneront au milieu d’un
Peuple si sage & si juste ce qui procurera une satisfaction
inexprimable au Prince qui dominera sur eux, & qui s’est
proposé de les rendre heureux, ses desirs seront accomplis,
leur félicité fera la sienne. Heureux donc le Prince qui
en prenant Dieu pour son modelle a fait le bonheur de son
Peuple & le sien. Cet avantage est l’efet de la Religion.

La Supériorité de la Religion révélée par dessus la
Religion naturelle, par raport à l’homme, se manifeste à
tous les égards, mais particulièrement dans les afflictions. Les
hommes soufroient par tempérament, par vanité, ou par
héroïsme, mais sous la Religion ils sont animés à soutenir
les plus rudes épreuves, & les plus grandes afflictions par
l’espoir des recompenses, & la vue des recompenses est bien
propre à diminuer le sentiment des maux, ou au moins
à surmonter la douleur par l’espérance, qu’on se procure
en les soufrant, des avantages, qui en dédommageront am=
plement.

Sentiment de Mr le Lieut. Ballival De Bochat.Pour bien connoitre les avantages de la Religion par ra=
port à l’homme, a dit Monsieur le Lieutenant Ballival DeBo=
chat, il faut distinguer les secours qu’il peut avoir avant que
de connoitre la Religion, d’avec ce qu’il ne peut point avoir d’ail=
leurs. Ce qu’il tire de la Religion seule, c’est ce motif, ce zèle à
agir, plus grand que s’il n’avoit en vue que l’utile, qui sans
la Religion seroit le seul motif de ses actions. C’est à cet égard
que la Religion déploie sa force, elle ne borne point son influen=
ce à des avantages grossiers, et extérieurs, elle agit encor sur notre
ame, ou elle fait naitre les sentimens les plus agréables dans
le présent, et enfin elle promet des biens infinis après cette vie.
/p. 42/ Voions quel de ces deux motifs a le plus de force pour pro=
curer le bonheur d’un Particulier: ce bonheur dépend de la su=
reté que la Société lui donne d’être à l’abri des maux & des
insultes qu’il avoit à craindre de la malice des autres hommes;
mais il y a bien d’autres maux auxquels la nature humaine
est exposée, & contre lesquels la société ne peut donner aucune
assurance, ni aucun secours. Qu’est ce donc qui lui procurera
la tranquillité dont il a besoin. C’est une croïance éclairée,
l’espérance qui suit le soin que nous avons de conformer notre
conduite à nos lumières, la crainte d’offenser celui qui est
le Maitre absolu de l’Univers & qui dispense les événemens
comme il le trouve à propos; tout cela donne une grande
tranquillité, mais tout cela est le fruit de la Religion. Ce
qui fait encor le bonheur d’un homme, c’est l’assurance qu’il a
d’être secouru dans ses besoins, qu’on préviendra ses infortunes.
Mais l’utile, motif seul d’un homme qui n’a point de Religion
ne porte à agir qu’en vue d’être dédommagé, jamais il ne
portera à prévenir les autres, et à les secourir sans espoir
d’aucune recompense. Personne ne pourra compter en toute
occasion sur les secours des autres que celui qui leur fera con=
noitre le fond de son cœur plein de charité; disposition que
la Religion seule fait naitre & qu’elle soutient puissamment
L’utile donc comparé à la Religion, est sans force et ineficace
ce qui prouve combien d’avantages la Religion procure à
chaque homme en particulier.

Ces avantages paroitront encor mieux par rapport à un
Souverain, si on le considère comme environné de ce prodi=
gieux nombre de devoirs, dont il est chargé, qu’il ne rem=
plira jamais sans Religion. Le Souverain doit donner une
grande attention à ses Sujets, pour leur administrer la justice,
pour faire regner l’ordre parmi eux, pour faire fleurir les
arts & le commerce, pour entretenir l’abondance, pour main=
tenir la paix; pour remplir tous ces devoirs il ne faut point
perdre de tems, mais être dans une continuelle vigilance.
Le Souverain, dira-t-on, n’est pas appellé a tous ces soins
il a des subalternes qui sont chargés de tous ces détails, et sur qui
/p. 43/ il peut se reposer entièrement. Mais n’est-ce pas au nom
du Prince qu’ils agissent ? ne remplissent-ils pas les fonctions
qu’il devroit remplir lui même ? & n’est-ce pas à lui à ré=
pondre de l’usage qu’ils font de l’autorité & du pouvoir
qu’il leur confie ? Il faut donc que le Prince choisisse ses
Ministres avec soin, il faut qu’il examine leurs talens;
leur capacité, leur expérience, leur caractère; et quelles
connoissances cela n’exige-t-il pas de lui? étude des Loix,
des intérets de son Païs, de ses Droits, de ses rélations avec
ses voisins, étude du cœur de l’homme: il doit être attentif
à la conduite de ses Ministres pour savoir s’ils remplissent
leur devoir, il faut qu’il démèle habilement les principes
d’ambition, d’amour & de haine qui les font agir. Enfin
plusieurs choses sont portées à lui & dépendent de sa deci=
sion, affaires de justice, affaires de police, affaires interieures,
affaires étrangères. Qu’est-ce qui l’engagera à prendre tous
ces soins, dou dépendent cependant le bonheur de son Etat
& par conséquent le sien propre? Le motif de l’utile ne
le portera qu’à envisager sa satisfaction présente, & l’inte=
ret de ses passions l’emportera sur celui de ses Peuples &
sur le sien même qui poura être aperçu que dans l’éloi=
gnement. Au lieu que la Religion lui aprendra qu’il
doit vaquer à tous ces devoirs, parceque Dieu lui en a
imposé l’obligation: la persuasion ferme de ce qu’il a à es=
pérer, ou à craindre le déterminera à y travailler avec zèle.
Il est vrai que s’il compare cette multitude de devoirs avec ses
forces, il s’apercevra que par lui même il est incapable de les
remplir; La Religion dissipera encor les inquiétudes que la con=
noissance de son incapacité devroit lui causer, elle l’assurera
du secours de Dieu, elle lui apprendra les moïens de l’obtenir;
l’idée de la Bonté et de la Complaisance de Dieu le soula-
gera. Enfin l’idée qu’il donnera à ses Sujets de la régularité
de sa conduite, dispensera le Prince d’une partie de ces Soins.
Rex justa velit, omnes justa volent. Chacun retiendra ses
passions, et s’attachera à la vertu à l’exemple du Prince.

On voit par l’histoire de quelle efficace est sur l’esprit
/p. 44/ des Peuples cet attachement d’un Prince pour la Religion, & com=
bien il est propre à faire son bonheur. Numa Pompilius eut a
commander à un Peuple féroce, accoutumé au brigandage, au
pillage & à la guerre; les Peuples voisins irrités contre les Ro=
mains leur faisoient une guerre continuelle. Mais si tot que
Numa fut élevé sur le trône il imprima à ses Sujets un grand
respect pour les Dieux, il leur en donna lui même l’exemple,
de même que de la douceur, de la bonté, de la justice, de l’amour
du travail, de gout pour la paix. Cet exemple fit une si grande
impression sur l’esprit de ces Peuples qu’on aperçut en eux un
admirable changement de mœurs, comme si la sagesse de Nu=
ma eut été une riche source, dou la vertu et la justice eut
coulé dans l’esprit de tous les Peuples, et répandu dans leur
cœur la même tranquillité qui regnoit dans le sien. Pendant
tout le cours de son regne qui fut de 43 ans, on ne vit ni
guerre, ni esprit de revolte, ni conspiration contre lui, soit
que le respect pour sa vertu, ou la crainte des Dieux eut
désarmé le crime; soit que la Divinité par une faveur par=
ticuliere prit plaisir à le préserver de tout attentat qui auroit
pu troubler sa joie.

On pourroit, en parcourant l’histoire, remarquer que
plus les Princes ont été religieux, exacts à observer la justice
plus aussi leur règne a été doux, heureux et tranquille,
Henri IV en France, Edouard VI en Angleterre en sont de
bonnes preuves. Je ne fais qu’indiquer ces exemples.

Monsieur le Baron DeCaussade a fait une réflexionSentiment de Mr le Baron DeCaussade.
sur ce que Monsieur le Professeur D’Apples avoit dit que la
Religion n’avoit pas eu au commencement autant d’efficace,
comme elle auroit pu en avoir, à cause des préjugés dont les
hommes étoient imbus, préjugés dont il est si difficile de se
defaire; Il a trouvé qu’encore aujourdhui la Religion ne pro=
duit pas d’aussi grands éfets qu’on devroit en attendre; mais
a-t-il dit, cela vient de l’éducation. On fait apprendre a de
jeunes gens des principes de Religion par cœur, & sans qu’ils en
comprennent bien le sens, ils sont environnés de Domestiques
pleins de défauts: Les Peres et les Meres, les Maitres sont vicieux, et
/p. 45/ ne cachent pas leurs vices, les jeunes gens suivent les modèles
qu’ils ont devant les yeux, ils se fortifient dans ces habitudes,
cela fait que la Religion n’a pas la force de les vaincre. On
leur inspire aussi l’amour du Monde, on les presse, on les Solli=
cite à s’y avancer. Il faudroit au contraire leur dire, qu’ils
sont environnés de tentations, qu’ils doivent apporter un grand
soin dans le choix des Compagnies qu’ils veulent fréquenter,
qu’ils ne doivent prendre pour modèle que Jesus Christ.

Il faudroit sur tout prendre plus de soin de l’éducation
des Souverains que l’on ne le fait ordinairement; il faudroit
leur faire bien comprendre qu’ils ont besoin d’un plus grand
nombre de connoissances pour bien remplir le poste auquel
ils sont élevés, il faudroit leur dire que leurs vertus et leurs
vices seront plus exposés aux yeux des hommes, qui les aprou=
veront ou les blameront aussi avec plus de séverité. Dites leur
que si un Prince est vertueux, il sera plus estimable par sa
vertu que par son rang: s’il est religieux, cela lui servira
plus que de s’agrandir, sa gloire & son bonheur en seront
bien plus grands & plus solides. Il faut lui montrer que son
exemple influera sur ceux qui l’environnent, que par consé=
quent il sera responsable de leurs fautes, tout comme il meri=
tera de grandes louanges s’il les porte à la vertu par son
exemple. Aprenez lui qu’ils ont une tache plus forte à rem=
plir que le reste des hommes, qu’il est très dangereux pour
eux de se livrer aux plaisirs, parceque ils auront beaucoup
de peine à se refuser à ses attraits dans la suite, qu’ils y
perdront un tems précieux qu’ils sont appellés à emploïer
plus utilement, & qu’enfin il faudra rendre compte à Dieu
de sa conduite, & recevoir de lui un sort éternel de felicité
ou de desespoir suivant qu’elle aura été bonne ou mauvaise.
Il n’y a donc rien de plus avantageux à l’homme en gene=
ral et au Souverain en particulier que de s’attacher à la Re=
ligion, puisqu’elle procure la satisfaction la plus pure & la
plus solide dans ce Monde, et un bonheur infini dans la vie
à venir.

Note

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Etendue
intégrale
Citer comme
Société du comte de la Lippe, « Assemblée IV. Des avantages de la religion pour un prince », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 08 décembre 1742, vol. 1, p. 23-45, cote BCUL 2S 1386/1. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/393/, version du 22.06.2013.
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